samedi 27 juin 2015

"Mais une Europe sans démocratie est une Europe qui a perdu sa boussole"

Par Alexis Tsipras, le 26 juin 2015

“Nous avons livré un combat dans des conditions d’asphyxie financière inouïes pour aboutir à un accord viable qui mènerait à terme le mandat que nous avons reçu du peuple.
Or on nous a demandé d’appliquer les politiques issues des mémorandums [de la Troïka] comme l’avaient fait nos prédécesseurs.

Après cinq mois de négociations, nos partenaires en sont venus à nous poser un ultimatum, [Lire ici], ce qui contrevient aux principes de l’UE et sape la relance de la société et de l’économie grecque. Ces propositions violent absolument les acquis européens.
Leur but est l’humiliation de tout un peuple, et elles manifestent avant tout l’obsession du FMI pour une politique d’extrême austérité. L’objectif aujourd’hui est de mettre fin à la crise grecque de la dette publique.

Notre responsabilité dans l’affirmation de la démocratie et de la souveraineté nationale est historique en ce jour, et cette responsabilité nous oblige à répondre à l’ultimatum en nous fondant sur la volonté du peuple grec.
J’ai proposé au conseil des ministres l’organisation d’un référendum, et cette proposition a été adoptée à l’unanimité.

La question qui sera posée au référendum ce dimanche prochain sera de savoir si nous acceptons ou rejetons la proposition des institutions européennes. Je demanderai une prolongation du programme de quelques jours afin que le peuple grec prenne sa décision.
Je vous invite à prendre cette décision souverainement et avec la fierté que nous enseigne l’histoire de la Grèce. La Grèce, qui a vu naître la démocratie, doit envoyer un message de démocratie retentissant. Je m’engage à en respecter le résultat quel qu’il soit.

La Grèce est et restera une partie indissoluble de l’Europe. Mais une Europe sans démocratie est une Europe qui a perdu sa boussole. L’Europe est la maison commune de nos peuple, une maison qui n’a ni propriétaires ni locataires. La Grèce est une partie indissoluble de l’Europe, et je vous invite toutes et tous à prendre, dans un même élan national, les décisions qui concernent notre peuple.” 

(Traduction:Vassiliki Papadaki)
Source : Les Crises



Alexis Tsipras annonce un référendum sur le plan d'aide à la Grèce (Euronews, 27 juin 2015)

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Grèce : Alexis Tsipras convoque un référendum le 5 juillet
Par Romaric Godin, à Athènes, le 27 juin 2015 - La Tribune

Alexis Tsipras a appelé à un référendum sur les propositions des créanciers 

Le premier ministre hellénique a décidé de demander aux Grecs leur opinion sur les dernières propositions des créanciers. Et il s'est engagé pour le "non".

Alexis Tsipras a donc finalement tranché dans le vif. A une heure du matin ce samedi 27 juin, dans une déclaration télévisée, le premier ministre grec a annoncé qu'il convoquait les électeurs helléniques à se prononcer par référendum le 5 juillet prochain sur les dernières propositions des créanciers. Ce samedi, le parlement grec, la Vouli, sera convoquée pour donner son feu vert à la procédure.

Alexis Tsipras et Syriza pour le non

Alexis Tsipras n'a pas caché qu'il considérait que les propositions des créanciers étaient pour lui inacceptables. Il avait refusé vendredi soir ce qu'Angela Merkel appelait "une offre généreuse." « Les créanciers ont semblé vouloir chercher à humilier l'ensemble du peuple grec », a-t-il affirmé. Il a fustigé le « chantage » de ce qu'il a considéré comme un ultimatum des créanciers. Il n'a pas réellement dissimulé que ces propositions n'avaient pas son soutien puisqu'elle « violent les droits fondamentaux de l'Europe. » Un peu plus tard, sept ministres du gouvernement ont annoncé qu'ils appelaient à voter « non. » Syriza va donc sans doute faire campagne pour le rejet des propositions.

Des négociations interminables et une humiliation de trop

Pourquoi un référendum maintenant ? Certes, les négociations n'étaient pas terminées. L'Eurogroupe de ce samedi était considéré comme une énième « réunion de la dernière chance » et les positions semblaient encore pouvoir se rapprocher. Mais en réalité, Alexis Tsipras ne reconnaissait plus son programme dans ces propositions et les discussions interminables sur les détails ne devaient pas dissimuler que les créanciers avaient réussi à imposer une logique que les électeurs grecs avaient, en janvier, rejetée. Le refus de la proposition grecque du 22 juin, pourtant très avancée déjà, par le FMI, a sans doute été perçue par le premier ministre grec comme l'humiliation de trop. La réception par la Commission européenne de l'opposition grecque mercredi 24 juin lui a confirmé le caractère politique des buts des créanciers. Ces derniers ont cherché à imposer à Alexis Tsipras l'inacceptable, soit pour le faire tomber, soit pour le discréditer aux yeux du peuple grec.

Non ?

Le référendum est une réponse à cette tentative des créanciers. Alexis Tsipras a fait la preuve que la lutte contre l'austérité était une tâche impossible dans la zone euro pour un pays comme la Grèce. Son programme de janvier est donc désormais caduc. C'est maintenant au peuple de décider s'il veut accepter les conditions de maintien dans la zone euro posées par les créanciers. Le ministre de l'Energie, Panagiotis Lafazanis, leader de la gauche de Syriza, a indiqué qu'il appellerait à voter non et que ce « non » n'était pas un « non à l'euro. » Certes, mais si les créanciers continuent à ignorer son mandat populaire, un non donnera à Alexis Tsipras la capacité d'en tirer les conséquences. S'il n'obtient pas de meilleures conditions après ce non, alors il disposera du mandat populaire pour préparer un Grexit. Ce que cherche donc le gouvernement grec, c'est une nouvelle force dans les négociations. Officiellement toujours pour imposer son programme.

Oui ?

Mais si les Grecs acceptent les conditions des créanciers ? Alexis Tsipras a annoncé qu'il « respectera ce choix et le fera respecter. » Restera-t-il alors chef du gouvernement ? Sans doute. Quand bien même il démissionnerait, il y a fort à parier que les urnes le renvoient à Maximou, le Matignon grec. Il engagera alors une politique contraire à son programme, mais que le peuple grec lui aura demandé d'exécuter. Ceci lui permettra de rompre avec son aile gauche, mais aussi d'insister sur ce que son gouvernement a arraché aux créanciers au cours de ces cinq mois, notamment le rétablissement des discussions collectives et la préservation des retraites (à l'exception des cotisations santé). Sera-ce tenable ? Seul l'avenir le dira et peut-être devra-t-il alors changer de coalition comme le souhaitent Bruxelles et les créanciers. Mais du moins, ce sera un choix du peuple grec, non le fruit d'une pression des créanciers. En cas de oui, Alexis Tsipras peut aussi refuser de continuer à gouverner et se retirer en se gardant "en réserve." Dans ce cas, le jeu politique grec sera rebattu. Il sera intéressant de voir ce qu'en dit le premier ministre cette semaine.

Problèmes avec les créanciers et la BCE

Cette campagne ne va pas aller sans poser de problèmes majeurs. D'abord, il semble désormais inévitable que la Grèce fera mardi 30 juin défaut sur le FMI. Que fera alors la BCE ? Le conseil des gouverneurs décidera dimanche de la poursuite ou non du programme d'accès à la liquidité d'urgence. Si elle durcit les conditions de ce programme ou si elle le coupe, la campagne référendaire risque de se produire dans une atmosphère de panique. La Grèce va aussi demander, a précisé Alexis Tsipras, une courte prolongation du programme afin de permettre aux électeurs de choisir. En cas de oui, le programme sera prolongé de cinq mois comme le proposent les créanciers. Les Européens ont donc les moyens de perturber cette courte campagne, voire de la rendre caduque en refusant de prolonger l'aide. Dans ce cas, il faudra négocier à partir de rien un nouveau programme et la question du référendum du 5 juillet n'aura aucun sens. L'Eurogroupe de ce samedi devra prendre cette décision. Sa réunion n'est donc pas sans importance.

Reprendre la main

Reste qu'en décidant de laisser in fine choisir les Grecs eux-mêmes, Alexis Tsipras a introduit un élément démocratique nouveau dans l'histoire de la crise grecque. Les créanciers doivent faire face à un adversaire qui utilise la démocratie comme une arme. Dans son discours, il a précisé que la "Grèce, berceau de la démocratie, enverra une réponse démocratique tonitruante à l'Europe et au monde." Et d'ajouter : "à l'autoritarisme et à l'austérité sévère nous répondrons avec la démocratie, calmement et avec détermination."

C'est un changement de paradigme majeur, à condition que la volonté des Grecs soit en effet réellement respectée. Ne pas respecter ce choix serait inconscient pour les Européens et contraire à leurs principes. Indiscutablement, si ce référendum montre qu'il n'a pas pu arracher assez de concessions aux créanciers, il montre aussi qu'Alexis Tsipras a désormais repris la main dans son bras de fer avec eux. On comprend que ces derniers doivent désormais être furieux.
Source : La Tribune




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Stathis Kouvelakis, membre de Siriza : « La Grèce doit sortir de la zone euro pour rompre avec l'austérité » (Politis, juin 2015)

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Grèce. Une dette grecque illégale, illégitime et odieuse.
Intervention de Eric Toussaint devant la parlement grec (Athènes, le 17 juin 2015)

Voir aussi les pages : Grèce / Dette
 

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