jeudi 29 octobre 2015

La « potion magique des djihadistes syriens » saisie chez le prince saoudien



La « potion magique des djihadistes syriens » saisie chez le prince saoudien
Le 28 octobre 2015 - Sputnik

La quantité quasi industrielle de captagon, drogue surnommée par les médias internationaux "potion magique des djihadistes syriens", découverte dans le jet privé du prince saoudien, soulève la polémique sur la position de l’Arabie Saoudite dans le conflit syrien.



Un prince saoudien arrêté avec 2 tonnes de drogue
Lundi dernier, le prince saoudien Abdel Mohsen Ibn Walid Ibn Abdelaziz a été arrêté par les douanes de l'aéroport de Beyrouth avec en sa possession une quantité de drogue record. Le prince et ses 4 compagnons n'ont pas même pris la peine de bien cacher les 40 valises remplies de captagon et de cocaïne.
Le captagon, une drogue à base d'amphétamine, fait oublier la douleur et surmonter la fatigue. En 2013 déjà, le quotidien libanais The Daily Star et le Time avaient publié des informations selon lesquelles le trafic de cette drogue serait directement lié au conflit en Syrie, et que cette question s'était posée à plusieurs reprises.

Selon Samir Saul, historien et chercheur au centre d'études et de recherches internationales de Montréal, ce lien entre le trafic de captagon et le conflit en Syrie existe.
"On parle de cette drogue depuis un certain temps, les djihadistes l'utilisent car ils mènent une guerre très cruelle, pour calmer leur sentiment, s'ils en ont. Cette drogue a été employée comme une monnaie d'échange pour acheter des armes, même si la source principale des armes, ce sont les dons que font les pays parrains", a déclaré Samir Saul dans une interview accordée à Sputnik.

En outre, l'historien précise que cette démarche du prince visant à commercialiser le captagon dans son pays reflète les problèmes économiques et politiques de l'Arabie Saoudite.
"Les recettes pétrolières ont baissé et les saoudiens sont en déficit budgétaire (…). Et également, c'est un déficit politique, car l'Arabie Saoudite est engagée dans des conflits en impasse, en Syrie et au Yémen. Et la prise à Beyrouth est un symptôme de la situation actuelle en Arabie Saoudite", explique M.Saul.

Malgré l'évidence scandaleuse du crime, la réaction de l'Occident, qui préfère éviter le sujet, est étrangement timide mais en même temps explicable par le fait que l'Arabie saoudite est son allié.
"L'Arabie saoudite joue le rôle de financier des éléments extrémistes. Et c'est un grand pourvoyeur de contrats militaires", indique l'historien.

Ainsi Glenn Greenwald, le fameux journaliste américain qui court après les révélations, a dernièrement publié un article dans The Intercept, où il dévoile le moyen de la Grande-Bretagne pour masquer les crimes de l'Arabie Saoudite, son grand allié, en utilisant la BBC. Selon Greenwald, le monstre médiatique britannique a modifié plusieurs fois ses propres articles, où figuraient des affirmations selon lesquelles les Saoudiens livraient des armes aux groupes terroristes.

Source : Sputniknews

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La drogue de Daech et des princes saoudiens
Par Yannick Van der Schueren, le 29 octobre 2015 - TdG

Le Captagon, psychotrope consommé et produit par les djihadistes du groupe Etat islamique, s’arrache en Arabie saoudite.

Deux tonnes de pilules de Captagon et des poussières de cocaïne, le tout dans 40 valises. Au Liban, les Stups ont fait mouche avec cette saisie record. Au Royaume wahhabite en revanche, l’arrestation lundi à Beyrouth du prince saoudien Abdel Mohsen ben Walid ben Abdelaziz pour trafic de drogue fait tache. L’émir a été pris la main dans ses (gros) sacs, en partance pour Riyad à bord d’un jet privé.

Les frasques du jeune souverain de 29 ans lui vaudront-elles la décapitation dans son pays? Probablement pas, Sa Majesté a des relations. Et au pays de toutes les interdictions, le Captagon est légion. Cinquante-cinq millions de ces comprimés supprimant la douleur et la fatigue tout en boostant les performances sexuelles sont saisis chaque année en Arabie saoudite, selon un rapport des Nations Unies.

Très prisée dans les pays du Golfe, cette drogue stimulante produite à partir d’une molécule amphétaminique nommée Fénéthylline est aussi très appréciée des djihadistes du groupe Etat islamique (Daech). Plus de coups de barre, plus de sentiments (des fois qu’ils en aient encore), plus faim, plus mal et même plus peur. Idéal pour commettre l’indicible tout en restant de bonne humeur. Daech, qui prohibe pourtant officiellement le recours aux paradis artificiels, en a fait l’une de ses spécialités.

Production «délocalisée» en Syrie

Créé dans les années 60, le Captagon était prescrit pour traiter notamment l’hyperactivité et la narcolepsie, avant d’être considéré comme substance fortement addictive et interdit dans plusieurs pays dès les années 80. Depuis, elle est devenue très populaire au Moyen-Orient où, selon l’OMS, les deux tiers des saisies mondiales ont été effectuées.

Jusqu’en 2011, le Pays du Cèdre était le principal producteur de ce psychostimulant. Aujourd’hui, le Liban n’est plus que la plaque tournante du trafic de Captagon. Sa fabrication a été «délocalisée» en Syrie, expliquait cet été un responsable de l’unité de contrôle des drogues libanais interrogé par l’agence Reuters.

Juteux trafic

En plus de doper les combattants de tous bords, en Syrie et en Irak, cette drogue a créé une véritable économie de guerre dans la région, affirme pour sa part Radwan Mortada, journaliste libanais et spécialiste des groupes djihadistes, devant les caméras d’Arte. Il ajoute que l’argent généré par le trafic de Captagon sert aussi à financer le conflit syrien. Si une partie de la production est consommée sur place par les milices, l’autre part à l’exportation, notamment vers les pays du Golfe, (Arabie saoudite, Koweït, Emirats arabes unis) où la pilule miracle se revend plus de 20 francs suisses à l’unité, selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC).

Un sac de 200 000 pilules rapporterait un demi-million de dollars et il ne suffirait que de quelques milliers de dollars pour le produire. De plus, l’élaboration de la «potion magique des djihadistes», comme on la surnomme, ne nécessite qu’une maîtrise des bases de la chimie et peu de matériel, précise encore Radwan Mortada.


Le Captagon offre donc une source de revenu considérable au groupe État islamique. Qui plus est quand on a les princes du pays de l’or noir comme principaux clients. De là à parler de sponsoring, il n’y a qu’un pas que l’on serait tenté de franchir. (TDG)

Source : TdG

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Le captagon, cette drogue qui inonde le Moyen-Orient
Le  11 juillet 2015 - Radio Canada

De la Syrie à l'Arabie saoudite, en passant par la Jordanie, le captagon suscite crainte et convoitise. Ce dérivé d'amphétamines permet autant aux réfugiés syriens de fuir leur pénible quotidien qu'aux djihadistes de commettre les pires atrocités, le sourire aux lèvres. Et ce serait la principale source de financement du groupe armé État islamique.

À la barre cette semaine de l'émission Désautels le dimanche sur ICI Radio-Canada Première, Frank Desoer en a discuté avec le journaliste indépendant Julien Fouchet, qui a enquêté sur le trafic de ces comprimés. Entretien en 6 questions pour comprendre.

1. Qu'est-ce qui vous a poussé à enquêter sur le sujet?
Ce qui m'a d'abord frappé, c'est de voir tous les jours dans la presse d'Amman des rapports sur des coups de filet de la brigade des stupéfiants, qui en trouve dans des voitures, des extincteurs, voire des olives.
Les chiffres sont impressionnants : on parle de dizaines de milliers de pilules saisies chaque jour en Jordanie. En Syrie, que ce soit les groupes armés rebelles, l'armée syrienne libre, l'armée du régime, Jabhat al-Nosra, l'État islamique, tous les combattants semblent en prendre.

2. Quelle sensation procure cette drogue?
C'est un dérivé d'amphétamine, la molécule fénétylline, qui permet de rester éveillé, qui donne des hallucinations, mais surtout qui désinhibe, permettant, pourrait-on dire, de décapiter, d'égorger... sourire aux lèvres.
Dans un autre ordre d'idées, en Arabie saoudite, l'alcool est interdit, mais les autorités saoudiennes ne savent pas très bien quel statut donner à cette substance, drogue ou médicament (d'ailleurs interdite dans les années 80 dans la plupart des pays du monde).
L'explication qu'on nous donne généralement, c'est que les Saoudiens sont des gens qui prient très tôt et se couchent très tard, et donc prennent ce qui - à leurs yeux - est moins considéré comme une drogue.

3. Est-ce une source importante de revenus pour le groupe armé État islamique?
Oui, pour prendre la mesure de ce trafic, ce qui est intéressant, c'est de voir la progression des saisies depuis le début de la guerre. Elles ont été multipliées par six, passant de 5 millions de comprimés en 2010 à 30 millions l'an dernier.
Les pilules proviendraient, selon la brigade des stupéfiants jordanienne, de Syrie, transiteraient par la Jordanie pour atteindre le marché des Émirats et surtout celui de l'Arabie saoudite. En Jordanie, chaque pilule est vendue un peu moins de 2 $ canadiens (un dinar), alors qu'en Arabie Saoudite, il en coûte entre 21 et 28 $. On parle d'un chiffre d'affaires de 1 milliard de dollars cette année. C'est certainement une de leurs sources de financement.
On parle beaucoup du pétrole, des antiquités, des rançons [...] Il est compliqué de dire exactement ce qui rapporte et combien. Les groupes armés ont des frais, mais une chose est certaine : faire la guerre au captagon, c'est faire la guerre au terrorisme.



4. Où est produit le captagon?
C'est très difficile à savoir. À l'origine, c'était en Europe de l'Est, en Bulgarie, qu'on en produisait clandestinement. Une partie de la production s'est ensuite déplacée au Liban, dans la vallée de la Bekaa, une zone contrôlée par le Hezbollah, frontalière avec la Syrie.
Aujourd'hui, l'usine s'est agrandie, mais difficile de dire si c'est l'État islamique dans le nord du pays, l'armée syrienne libre dans le sud ou l'armée du régime à l'ouest. C'est compliqué. En tout cas, chaque groupe accuse l'autre d'en faire le commerce à grands coups de vidéos de propagande.

5. À qui sont destinés les comprimés?
Les réfugiés syriens que j'ai rencontrés, qui prennent du captagon, sont un peu comme un dommage collatéral de ce trafic. Ces millions de pilules qui transitent du nord au sud par la Jordanie profitent aux petits dealers et permettent à certains jeunes consommateurs, qui ne peuvent travailler et ne voient pas la fin de la guerre, de s'évader, d'oublier leur vie misérable pour peu cher.

6. Vous avez accompagné des policiers jordaniens dans une opération assez spectaculaire. Qu'avez-vous vu? 
J'avais déjà vu les astuces des trafiquants à la frontière saoudienne, les olives dont on remplace le noyau par des pilules m'avaient particulièrement impressionné. Donc, quand ils m'ont appelé, ils venaient de saisir un 4X4 dont la carcasse était entièrement garnie de sacs de comprimés. Le démontage de la camionnette a duré plus de deux heures. On en a trouvé dans la benne, les sièges, même dans le moteur; en tout, 3 millions de pilules!
Eh bien, malgré cette victoire, le chef de la brigade des stupéfiants estime que la lutte est vaine, à cause du manque de moyens dédiés à la lutte, et du manque de communications entre Saoudiens, Européens et Américains. Selon lui, 80 % du captagon voyage sans encombre.

Source . Radio Canada

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La Fabrique de l'Histoire par Emmanuel Laurentin
Histoire des drogues 4/4 : L'usage des drogues pendant les guerres 29.10.2015
Avec :
- Stefan Martens, directeur adjoint de l’institut historique allemand et directeur du département Histoire contemporaine, rédacteur de la revue Francia (XIXe et XXe siècles)
- Xavier Paulès, maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et membre du Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine
- Laurent Henninger, historien, chargé d'études à l'Institut de recherche stratégique de l'école militaire (IRSEM). Membre du comité de rédaction du magazine "Guerres & Histoire".

Voir aussi la page : La pillule de goering, la pervitine (documentaire Arte)

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