jeudi 19 novembre 2015

Incompétence des politiques ?


  
Eric Denécé : "Voulons-nous la paix chez nous, ou sommes-nous des gens vendus ?"
Les Visages de l'ennemi, C dans l'air, France 2, le 18 novembre 2015.

Avec Eric Denécé, Ancien officier des services de renseignement français et actuellement directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, Pierre Servent, Expert en stratégie militaire, Mohamed Sifaoui, Journaliste et Béatrice Brugère, ancienne juge antiterroriste

Extrait (à partir de 48') :
Eric Denécé : Bien sûr qu’il faut une unité nationale. Mais nos hommes politiques, de gauche comme de droite, portent une telle  responsabilité, à la fois dans les restrictions budgétaires dans le dédain de la sécurité, mais également dans une politique étrangère totalement irresponsable, en partenariat avec le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Turquie, des pays qui nourrissent l’idéologie que est à la base même…

Yves Calvi : alors, on coupe nos liens avec ces pays du jour au lendemain, on arrête de leur vendre des avions…

Eric Denécé : oh, oui, sincèrement ! Mais qu’est-ce que nous voulons . Voulons-nous la paix chez nous, ou sommes-nous des gens vendus ? Pour cinq avions, sommes-nous prêts à laisser des régimes wahhabites financer des attentats sur notre sol ? Il y a des tas de preuves qui sont aujourd’hui balayées d’un revers de la main par nos politiques. Et ça n’a pas commencé avec le gouvernement socialiste, son prédécesseur faisait de même. Il y a une responsabilité réelle de la classe politique par les alliances, par les accords passés avec ces gens-là. On observe même aujourd’hui qu’un certain nombre de frappes sur le islamistes en Irak ne portent pas leurs fruits. Et on s’interroge. Depuis des années, on se dit : il y a des dizaines de milliers de combattants sur le terrain, il y a des centaines voire des milliers d’opérations aériennes qui ont été lancées, et quel est le résultat ? Nul ! Aujourd’hui un certains nombre d’informations commencent à sortir selon lesquelles dès qu’il y a des opérations communes de la coalition avec la participation de certains pays du golfe, les informations sont données à l’État islamique, ce qui réduit l’efficacité des frappes.

Source : C dans l'air, Les visages de l'ennemi / Les Crises (transcription)

Eric Denécé : “Nos services n’ont pas reçu d’ordre contre les extrémistes français de retour de la Syrie”
Par Sofiane Abi, le 14 novembre 2015 - El Watan

Ancien officier des services de renseignement français et actuellement directeur du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), Eric Denécé parle dans cet entretien des aspects qui ont favorisé le renforcement de la capacité de nuisance des terroristes. L’un de ces aspects, explique-il, est la politique française envers la Syrie.

Des extrémistes français se trouvent parmi Daech et Al Qaîda en Syrie et en Irak. Quelle menace pour la France ?

Eric Denécé : C’est une menace importante contre laquelle nous agissons trop timidement. Nos services n’ont pas reçus d’ordre des autorités pour agir contre ces ressortissants français qui sont au sens propre des criminels et des traîtres, collaborant avec des ennemis de la France, responsables d’attentats.

Il s’agit bien d’une intelligence avec l’ennemi et nous ne pouvons objectivement accepter que de tels individus reviennent en France commettre des actions ou répandre le fiel de leur idéologie haineuse.

Ne croyez-vous pas que la politique prônée par le président François Hollande envers la Syrie favorise la menace terroriste contre la France ?

Elle y contribue indéniablement. Mais les attentats d’hier à Paris montrent que malgré notre soutien irresponsable à l’opposition djihadiste de Bachar El Assad et notre silence sur la guerre d’agression de l’Arabie saoudite au Yémen, les terroristes frappent quand même la France. C’est l’illustration horrible mais parfaite des errements complets de notre politique étrangère qui est sans vision, sans compréhension.

En soutenant, finançant et armant les «rebelles» en Syrie, certains États ne sont-ils pas en train de renforcer la capacité de nuisance des terroristes ?

Bien évidemment. En particulier l’assistance que continuent à prodiguer aux djihadistes syriens l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie ne vont faire que prolonger le conflit et renforcer ces groupes qui connaissent de sérieux problèmes depuis le début de l’intervention russe. C’est une fuite en avant irresponsable de la part de ces trois Etats qui voient leur stratégie contrée par l’entrée en jeu de Moscou.

Bachar ne tombera pas, et ça, ils ne le supportent pas. Le jeu des Américains est aussi particulièrement ambigu. Récemment encore, Zbigniew Brzezinski, l’ancien conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter disait, à propos de Jabhat Al-Nosrah « si les Russes continuent à bombarder nos gars, il faut qu’Obama riposte » !

Quelles conséquences sur la sécurité mondiale ?

Le risque principal est un durcissement de la position russe à l’encontre des acteurs régionaux, surtout si Moscou découvrait que des missiles antiaériens sont fournis délibérément aux Takfiris ou que le soutien aux islamistes radicaux du Caucase s’accroît.

Les États à l’origine de ce type d’action auraient alors du souci à se faire. Mais la vraie question est : comment réagirait ensuite les Américains. Pour le moment, les relations entre Moscou et Washington – malgré les discours destinés à l’opinion – sont moins antagonistes que les médias le disent. Le risque est donc pour l’instant mesuré.

L’ingérence militaire étrangère en Libye n’a-t-elle pas favorisé l’extension du terrorisme dans plusieurs pays, dont la France ?

Bien sûr, les erreurs n’ont pas commencé avec François Hollande, mais avec Nicolas Sarkozy et l’intervention en Libye, qui a crée le chaos en Afrique du Nord et au Sahel.

Rappelons également que l’Occident dans son ensemble, dont la France, a reconnu le régime illégitime si ce n’est illégal de Morsi et des Frères musulmans en Égypte et a initialement condamné l’intervention de l’armée pour les chasser du pouvoir.

Pour ce qui est de la guerre en Syrie, les projecteurs sont braqués sur les négociations de Vienne. Que peut-on attendre de cette rencontre ?

C’est difficile à dire, car plusieurs pays campent sur leurs positions. La France et le Royaume-Uni réclament toujours obstinément le départ de Bachar, et la Russie et l’Iran ne remettront jamais en cause leur soutien à Damas.

Les Américains eux-mêmes sont pessimistes à l’orée de ce nouveau round de discussions. Mais cela ne veut pas dire que des progrès vers une solution sont impossibles.
Sofiane Abi

* * *

- « Nous n’avons aucune vocation à nous mêler de ce qui ne nous regarde pas !» – Yves Bonnet, ancien patron de la DST
(...)
Et sur ce blog : 13 novembre (tag)

“La France n’est pas crédible dans ses relations avec l’Arabie saoudite . Nous savons très bien que ce pays du Golfe a versé le poison dans le verre par la diffusion du wahhabisme. Les attentats de Paris en sont l’un des résultats. Proclamer qu’on lutte contre l’islam radical tout en serrant la main au roi d’Arabie saoudite revient à dire que nous luttons contre le nazisme tout en invitant Hitler à notre table.” 
Marc Trévidic, ancien juge antiterroriste, Les Echos, 15/11/2015







Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...