jeudi 22 décembre 2016

Nouvelle théorie du complot made in CIA


Après les armes de destructions massives en Irak, ...  les hackers de Poutine faussent les élections américaines.


Wikileaks : la fuite orchestrée par un membre du parti démocrate
Le 15 décembre 2016 - Sputniknews

Alors que la Maison Blanche continue d’incriminer les pirates russes et Vladimir Poutine, un représentant de WikiLeaks et ancien ambassadeur britannique en Ouzbékistan, Craig Murray, confirme avoir reçu les documents compromettant Hillary Clinton de la part… d’un démocrate dégoûté par l’activité du parti ! 

Les tentatives de saboter la présidentielle aux États-Unis, le référendum sur le Brexit, ou encore le piratage de la correspondance du Parti démocrate (perpétré par Poutine lui-même!)… telle est la longue liste des « forfaits » perpétrés par les terribles Russes aux yeux de l'Occident.
N'en déplaise aux phobiques qui voient flotter partout la Main du Kremlin, un proche collaborateur de Julian Assange, Craig Murray, vient de vendre la mèche: les documents fuités du Parti démocrate provenaient de l'intérieur même de cette formation politique!

« Aucun des fuites ne provenaient de Russie. La source avait un accès légal à l'information. Les documents ont été obtenus par des fuites de l'intérieur, pas par des cyberattaques », a déclaré M. Murray dans une interview au Daily Mail

Selon lui, la source au sein du Parti démocrate lui a remis les documents en mains propres à Washington. M. Murray a récupéré le paquet lors d'une réunion clandestine dans une zone boisée près de l'Université américaine, dans le nord-ouest de la ville. La personne qu'il a rencontrée n'était pas celle qui a obtenu l'information, mais un intermédiaire, a précisé M. Murray. L'employé a ajouté que la source avait pris la décision de transférer ces informations à WikiLeaks à cause de la corruption régnant au sein de Fondation Clinton et de l'élimination de Bernie Sanders de la course présidentielle.
Plus tôt, le secrétaire américain à la Sécurité intérieure Jay Johnson a déclaré qu'aucune piste pointant une ingérence extérieure dans le processus de l'élection présidentielle américaine n'avait été décelée au cours de l'enquête. Rappelons que le gouvernement américain a, sans jamais fournir la moindre preuve, formellement accusé la Russie en octobre d'avoir conduit des attaques informatiques contre les organisations politiques américaines, notamment le Parti démocrate, avant l'élection du 8 novembre. Le président russe Vladimir Poutine a toutefois nié toute implication de la Russie, qualifiant toutes accusations de la part de Washington d'« hystérie électorale ».

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Piratages informatiques aux Etats-Unis : vers une « cyberguerre froide » ?
Interview de François-Bernard Huyghe, le 19 décembre 2016 - IRIS

Concrètement, de quoi la CIA accuse la Russie dans son rapport, publié par le Washington Post sur les piratages pendant la campagne présidentielle américaine ? Au vu des révélations, est-il possible d’affirmer que la Russie a fait gagner les élections à Donald Trump ? 

Il est tout d’abord important de préciser que les accusations contre la Russie proviennent d’une organisation elle-même à l’origine d’ingérences à l’étranger et de diffusion de fausses informations. Comme lorsqu’en 2003, la CIA affirmait la présence d’armes de destruction massive en Irak. La CIA est d’ailleurs la seule agence de sécurité qui met directement en cause la responsabilité de la Russie dans les cyberattaques. Les autres agences restent prudentes, notamment le FBI avec qui la CIA est en conflit quant à l’attribution de ces attaques. Pour le moment, le dossier est loin d’être clair.

Dans son rapport, la CIA accuse des pirates russes d’avoir mené deux opérations d’espionnage et de vol de données confidentielles. L’une visait les ordinateurs du Parti démocrate, l’autre, le directeur de campagne d’Hilary Clinton, John Podesta. Des emails confidentiels de ce dernier ont été volés. Les méthodes employées par les hackers ne semblent pas sophistiquées et du côté des Démocrates, les victimes ont fait preuve de naïveté. L’une d’entre elles aurait communiqué son mot de passe après une sollicitation. Au vu de ces éléments, rien ne prouvent l’implication d’un service d’Etat dont les méthodes sont beaucoup plus sophistiquées.

Dans un deuxième temps, les emails dérobés ont été transmis à Wikileaks, qui, dans un troisième temps, les a mis sur la place publique. La publication des échanges de mail de collaborateurs du Parti démocrate ont permis de démontrer les relations privilégiées d’Hillary Clinton avec les médias, les lobbyistes, le milieu financier, les rapports entre sa fondation et de grosses société, ainsi que les magouilles auxquelles son camp s’est adonné.

Donald Trump a bien évidemment exploité le scandale. Les révélations ont-elles pour autant changé les élections ? Je ne crois pas. Ce scandale s’est noyé dans une masse de boules puantes que se sont mutuellement envoyés les deux candidats à l’élection présidentielle américaine. Le candidat républicain à lui aussi été victime de fuites révélant sa conduite sexuelle par la publication d’anciennes vidéos et de documents confidentiels. Pour ma part, je pense qu’il est donc exagéré de parler d’un « vol du vote populaire ». Et quand bien même ces révélations auraient influencé les élections, on a tendance à oublier la question de fond : ces emails sont-ils authentiques ? Apparemment oui. Ce qui devrait susciter le débat sur les pratiques du camp démocrate.

La confrontation Russie / Etats-Unis se joue-t-elle désormais sur le terrain de la cyberattaque ? Existe-t-il des antécédents entre les deux pays ? 

Aussi bien les Etats-Unis que la Russie ont les moyens de perpétrer des cyberattaques. Les Américains accusent d’ailleurs régulièrement les Russes de faire de l’espionnage informatique comme ils en accusaient autrefois les Chinois. Derrière ces allégations se cachent aussi des objectifs politiques. Cependant, les cas de sabotages comme celui perpétré contre les Démocrates sont beaucoup plus rares et difficiles à prouver. Il y a quelques semaines, une attaque a privé l’accès à plusieurs sites importants comme celui du New York Times aux internautes d’une partie de la côte Ouest américaine. Les Américains ont accusé les Russes.

S’il est évident qu’Américains et Russes s’espionnent, il me parait beaucoup moins évident qu’ils s’adonnent à des actions de sabotage car ils franchiraient, l’un comme l’autre, une ligne rouge. Ces sabotages restent, dans tous les cas, difficiles à prouver. Revenons sur le cas des piratages des courriers du Parti démocrate. Quand bien même il a été effectué depuis la Russie, un groupe de hackers indépendant pourrait en être à l’origine. L’implication de Vladimir Poutine resterait donc à prouver. Une tâche difficile, voire quasi-impossible.

Dans le sens inverse, les Américains ont été accusés de cyberattaque dans le conflit ukrainien. Là encore, il est difficile d’établir des preuves formelles.

La cyber-attaque est-elle devenue une arme et un moyen d’ingérence ? Quelle est l’ampleur du phénomène ? 

On assiste à une forte augmentation des cyberattaques ces dernières années. Des sociétés de sécurité comme l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) en France montrent que les attaques et les pratiques d’espionnage sont quotidiennes. La Chine est notamment pointée du doigt. Jusqu’à aujourd’hui, les cyberattaques ont provoqué de petites pannes mais aucun incident majeur susceptible d’engendrer des décès ou la paralysie d’une économie. Une cyberattaque sur les ordinateurs de TV5 Monde avait, par exemple, contraint la rédaction à cesser de fonctionner pendant quelques jours. Ces piratages ont aussi des objectifs psychologiques, en dévoilant un scandale, en empêchant un site internet de fonctionner, etc.

La tendance, aujourd’hui, est à l’augmentation de ce type d’attaque. En ce sens, les doctrines informelles du droit des cyberguerres des Etats-Unis et de l’OTAN sont de nature à inquiéter. Ils pourraient en effet considérer qu’une cyberattaque produit des dommages matériels graves et qu’elle mérite, par conséquent, une réplique militaire. Il y a donc un risque d’escalade possible, dans un domaine où l’identification du coupable reste compliqué

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Les «hackeurs russes», une stratégie de diversion pour oublier le contenu des mails de Clinton
Interview de Jean-Robert Raviot, professeur à l'Université Paris-Ouest Naterre, le 20 déc. 2016 - RT

Vladimir Poutine, Barack Obama, Sergueï Lavrov et John Kerry lors de la réunion de 
l'Assemblée générale des Nations unies à New York 

Les Etats-Unis utilisent la Russie comme un «ennemi commode», dont l'existence est indispensable pour entretenir leur complexe militaro-industriel, explique Jean-Robert Raviot, professeur des études russes.

Jean-Robert Raviot est professeur des études russes et soviétiques à l’Université Paris-Ouest Nanterre depuis 2000, spécialiste en politique intérieure et extérieure de la Russie 

RT France : Barack Obama a donné vendredi passé sa dernière conférence de presse en tant que président, où il a évoqué la Russie et les hackers russes qui auraient piraté les comptes du Parti démocrate américain alors que, selon la déclaration du procureur général des Etats-Unis, il n'y a pas de preuve de l'origine de ces attaques. Pourquoi alors accuser la Russie ?   

Jean-Robert Raviot (J.-R. R.) : Il faut chercher la réponse dans une logique qui n’est pas proprement en Russie, mais plutôt à Washington. C’est à dire qu’on assiste aujourd’hui à un tir de barrage contre Donald Trump de la part du Parti démocrate et d’un certain nombre de gens qui soutenaient la candidature de Hillary Clinton. Dans cette affaire il y a trois points qui soulèvent question pour moi. Premièrement, sur un plan technique – pourquoi est-ce que ce hacking, s’il est avéré qu’il a été repéré par la CIA, n’est-il pas rendu public ? Et surtout, pourquoi la NSA, qui en principe devrait avoir une vision assez claire des opérations de hacking sur le territoire américain, ne s’est-elle pas prononcée ?

Le fait d’accuser le Kremlin et les hackers russes d’avoir monté cette opération, permet de détourner l’attention du fond des mails

Je crois qu’il faut remarquer que personne de la NSA n’a donné son avis sur la question. Pour moi, ça met déjà un gros doute sur la réalité de ce hacking, sur la preuve qu’on peut avoir que des hackers russes ont agi pour prendre possession de ces mails de Podesta et ceux de Clinton. C’est un point technique, mais qui me semble important quand-même. Parce que cette question n’est pas résolue, et personne ne la pose vraiment.

On a cherché à discréditer Bernie Sanders. C’est ça le problème

Le deuxième point, comme je l’analyse, c’est la volonté de brouiller un peu l’information. Le fond de l’affaire c’est ce qu’il y a dans ces mails, et la preuve, que du côté de Hillary Clinton, on a cherché à discréditer Bernie Sanders. C’est ça le problème. On voit très clairement dans ces mails une opération interne du Parti démocrate visant tout simplement à mettre de côté Bernie Sanders, à lui mettre des bâtons dans les roues dans cette campagne électorale et dans cette primaire. C’est très clairement avéré. Le fait d’accuser la Russie ou le Kremlin ou les hackers russes d’avoir monté cette opération, permet de détourner l’attention du fond des mails.


Du coup, plus personne ne parle de la réalité de ce qui est dit dans ces mails, et du fait qu'ils ne sont pas rédigés par les hackers, mais par les gens qui ont tenu ces correspondances. Je dirais, c’est un moyen de détourner l’attention du grand public sur un problème qui n’est pas le même. C’est comme le vieux proverbe chinois : «Le sage montre la lune, et l’idiot regarde le doigt qui montre la lune». C’est absolument une stratégie de diversion.

La volonté c’est de se servir d’un ennemi assez commode, parce que c’est l’ennemi historique de la guerre froide – ça permet de mobiliser des récits qui sont déjà écrits et qui résonnent dans les têtes des gens

Le troisième point c’est la véritable volonté de la part d’un groupe dirigeant actuellement aux Etats-Unis, qui est autour d’Obama, autour du Parti démocrate, de Hillary Clinton et leurs soutiens, d’essayer de ramasser un maximum d’arguments. Pour l’instant, je pense qu’il y a des gens qui préparent l’impeachment de Trump. Je pense que c’est un peu rapide de dire ça – pour le moment, il n’est pas encore investi, on ne peut pas faire la destitution de quelqu’un qui n’est pas encore investi. Mais je pense que l’objectif c’est de faire une campagne, de tenter d’orienter le vote des grands électeurs et de faire en sorte qu’ils ne votent pas pour Trump.               

RT France : Pourquoi ont-ils choisi Vladimir Poutine et la Russie, et non pas la Chine, par exemple, en guise de bouc émissaire ?

J.-R. R. : Parce que la Russie, je dirais, a été désignée comme l’ennemi principal non seulement des Etats-Unis, mais aussi de l’Alliance atlantique. Rappelez-vous, quand en juillet 2016, au sommet de Varsovie de l’OTAN, on a désigné la Russie comme menace principale, alors que le djihadisme apparaît à peine dans le texte. C’est quand-même incroyable. La volonté c’est de se servir d’un ennemi qui existe, un ennemi qui est assez commode, parce que c’est l’ennemi historique de la guerre froide – ça permet de mobiliser des récits qui sont déjà écrits et qui résonnent dans les têtes des gens. C’est un ennemi familier, en quelque sorte. En même temps, l’image de Poutine permet d’associer cette image à un homme fort, anti-Obama, par sa personnalité, on peut facilement l’opposer aux dirigeants occidentaux. Et puis, ça résonne aussi assez bien dans le contexte de la guerre en Syrie et surtout de la guerre qu’on veut mener. C’est la narration de cette guerre qu’on veut imposer, c’est-à-dire, un soutien certainement des forces anti-Assad et anti-régime, de continuer ces opérations de «regime change», qui ont commencé en 2003, tout en s’appuyant sur le pays qui s’y oppose pour l’instant militairement, d’une manière directe.

Un complexe militaire industriel est quand-même une grosse machine économico-politico-financière, qui a une très grosse influence et qui a beaucoup de relais dans les institutions

La Russie est un ennemi à la fois commode du point de vue de la guerre de l’information ; et en même temps, c’est un ennemi qui est extrêmement actuel, dans la mesure où on mène des opérations au Moyen-Orient, où maintenant la Russie est impliquée militairement directement.

Pourquoi la Chine n’est pas un ennemi ? On voit avec Trump effectivement, qu’il a apparemment changé d’ennemi, en tout cas la Chine est clairement désignée comme l’ennemi numéro 1. Dans l’administration d’Obama, il y a une grande peur de la Chine : il y a la crise de 2008. La Chine tient quand-même une grande part de la dette américaine. Et la Chine est un pays avec lequel on traite d’une manière beaucoup plus prudente. Apparemment, Trump a décidé de changer la stratégie. C’est intéressant et je pense qu’il est un peu trop tôt pour commenter ce genre de choses. Mais pour l’instant, la Russie est effectivement un ennemi commode est clairement identifiable. On peut mobiliser toute une série de représentations et de discours qui fonctionnent bien, mais qui fonctionnent de moins en moins, je trouve, y compris auprès de l’opinion publique américaine.           

Souvent en Occident on voit un complexe militaire-industriel soviétique, mais on ne voit pas le complexe militaire-industriel américain et occidental

RT France : A quoi ça profite et à qui sert cette menace russe ?

J.-R. R. : Cela profite d’abord d’une manière directe à des gens qui sont engagés dans un système politique ou dans une orientation politique qui est construite par opposition à cette menace. Il y a évidemment derrière – ce que je dis brièvement dans un article paru dans Causer et de façon un peu plus détaillée dans le livre Russie : vers une nouvelle guerre froide – le fait qu’aux Etats-Unis, s’est constitué à la faveur de la guerre froide, comme d’ailleurs s’était constitué en URSS, un complexe militaire industriel. Souvent en Occident on voit un complexe militaire-industriel soviétique, mais on ne voit pas le complexe militaire-industriel américain et occidental qui est pourtant considérable et qui est quand-même une grosse machine économico-politico-financière, qui a une très grosse influence et qui a beaucoup de relais dans les institutions et qui continue à peser lourdement sur les décisions politiques. D’abord, parce qu’il permet d’entretenir un secteur industriel extrêmement important, et ces gens-là pèsent lourdement.

Ensuite, il y a aussi un héritage idéologique et stratégique dans certains centres du pouvoir comme au département d'Etat, au Pentagone et à l'OTAN où la menace russe est considérée comme prioritaire et, en continu c'est quelque chose qui est bien enclenché, qui fonctionne. Ce qui est intéressant de voir sur ce point, c’est que ceux qui dénoncent ça les premiers ce n'est pas tant la Russie ou les partenaires européens, mais des Américains parmi lesquels certains qui ont été très impliqués dans la constitution de ce complexe militaire-industriel, de cette stratégie.

Il n’a pas eu de Perestroïka aux Etats-Unis, et ça se sent beaucoup

Le premier d’entre eux c’est George Kennan, à l'origine de la doctrine de l’endiguement ou containment, qui a dit dès 1947 qu’il fallait contenir la menace soviétique, et empêcher à l’Union soviétique d’éteindre son influence au-delà de son propre bloc, etc. C’est quelqu’un qui, en 1987, presque 40 ans après le début de l’endiguement et à la fin de sa vie, écrit ses mémoires et dit que si l’URSS, qui existait encore en ce temps-là, venait à s’écrouler, il faudrait trouver un nouvel ennemi, parce que le complexe militaire industriel américain ne permettrait pas que ses ennemis disparaissent, ou alors trouverait vite un ennemi de substitution pour pouvoir entretenir la machine. Et donc, c’est quand-même quelqu’un qui est au cœur du système, qui dénonce ça, je le rapporte dans le livre, c’est très intéressant de se rappeler, de montrer la réalité de cette machine, de ce poids d’un complexe militaire-industriel. Finalement, la Russie, l’URSS, elle n’a pas liquidé le complexe militaire-industriel, mais elle l’a fortement restructuré avec la chute de l’URSS dans les années 1980. Il n’a pas eu de Perestroïka aux Etats-Unis, et ça se sent beaucoup. 

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Borel: « Pourquoi la CIA fait campagne contre Donald Trump »
Par Guillaume Borel, le 19 décembre 2016 - Arret sur info


Michael Morell, ancien directeur adjoint de la CIA et soutien d’Hillary Clinton

La CIA a lancé il y a quelques jours une campagne de déstabilisation massivement relayée par les médias de l’establishment à l’encontre de Donald Trump. S’il est peu probable que l’agence et ses relais parviennent à compromettre l’investiture du candidat républicain, les allégations d’intelligence avec la Russie lancées à l’encontre du magnat de l’immobilier sont destinées à saboter le changement de politique étrangère voulu par le futur président américain, et plus particulièrement l’abandon de la politique de confrontation avec la Russie.

Avant de revenir sur la teneur de ces accusations et leur consistance, il est nécessaire de rappeler le contexte dans lequel se sont déroulées les élections présidentielles.
Hillary Clinton, comme l’ont montré les « Podesta leaks » était ainsi non seulement la candidate de Wall-Street, mais aussi celle de l’appareil médiatique mainstream avec lequel elle a noué des liens « privilégiés » et une véritable collusion d’intérêts, ainsi que je l’avais exposé dans un précédent article. Cette collusion s’était notamment traduite par un parti-pris systématique des médias dominants en faveur de la candidate dans la couverture de la campagne, allant jusqu’à fournir à  l’équipe de l’ancienne secrétaire d’état les questions qui lui seraient posées au cours des débats télévisés de la primaire démocrate.

Une fracture idéologique avec les néo-conservateurs

Au sein du « Deep State », dont le noyau dur comprend les grandes agences de renseignement ainsi que l’administration militaire, Hillary Clinton a bénéficié du soutien actif de la CIA, notamment par l’intermédiaire de son ancien directeur Leon Panetta qui a officiellement annoncé son soutien à la candidate durant l’été 2016. En août de la même année, c’est Michael Morell, ancien haut fonctionnaire de la CIA, qui avait annoncé son soutien à la candidate démocrate dans une tribune au New-York Times, affirmant déjà que Donald Trump était « manipulé » par Vladimir Poutine et se comportait comme un « agent involontaire de la Fédération de Russie ». On retrouvait également dans l’équipe de campagne de Mme Clinton Jeremy Bash, ancien chef de cabinet à la CIA sous la direction de Leon Panetta, qui occupait la fonction de « conseiller pour la politique étrangère ». Selon ce dernier, l’une des premières actions d’une présidence Clinton aurait été de redéfinir la politique suivie en Syrie en faisant de la lutte contre le régime de Bachar al-Assad la priorité…

On voit ainsi que ce qui se dessinait dès l’été 2016 dans le soutien de la CIA à Hillary Clinton, c’était la continuation de la politique d’affrontement avec la Russie dans une logique de nouvelle guerre froide, au nom de l’exceptionnalisme américain, doctrine promue dans l’histoire récente par les néo-conservateurs et l’équipe Bush. Ces derniers se sont ainsi engagés massivement derrière la candidate démocrate. Robert Kagan, l’auteur de la feuille de route idéologique des néo-conservateurs mise en œuvre sous G.W.Bush, le Plan pour un nouveau siècle américain (PNAC)  s’est ainsi engagé derrière Hillary Clinton, ainsi que Paul Wolfowitz ou encore Richard Armitage, respectivement conseiller spécial et secrétaire d’état dans l’ancienne administration Bush.

Pour ces tenants de l’exceptionnalisme américain qui voient dans l’Amérique une « deuxième Israël », c’est à dire une nation « élue de Dieu » et destinée à dominer et à gouverner le monde, le programme et la ligne idéologique de Donald Trump est une catastrophe car il se situe à l’exact opposé. Ce dernier est fortement inspiré par le courant libertarien qui procède d’une vision politique libérale néo-classique marquée par l’attachement aux libertés individuelles et le recul du champ d’intervention de l’état. La centralité du droit et de la liberté individuelle face à la puissance étatique considérée comme arbitraire et parasitique sur le plan économique, se traduit au niveau international par une politique dite « isolationniste » basée sur le respect du principe de souveraineté et la non-ingérence, soit l’exact opposé de l’exceptionnalisme.

Cette ligne idéologique est par exemple représentée par Ron Paul, candidat libertarien à l’élection de 2008, président du Ron Paul Institue for Peace and Prosperity, et qui intervient régulièrement sur le site Infowars qui a joué un rôle déterminant dans la victoire de Donald Trump. Il s’agit également de représentants des milieux économiques et financiers opposés au capitalisme de prédation et de connivence mis en place par le « Deep State », parmi lesquels on peut citer l’investisseur Bill Bonner, président des publications Agora, qui ne cesse de dénoncer la « parasitocratie » et le « marigot » de Washington.

Donald Trump a également bénéficié de soutiens au sein du FBI, notamment d’agents et de cadres ayant eu accès aux emails de la candidate démocrate stockés sur le serveur personnel de sa collaboratrice Huma Abedin et retrouvés par l’agence fédérale dans le cadre d’une enquête sur les agissements pédophiles de son mari.  Ces agents auraient été profondément choqués par leurs découvertes et la véritable nature de la candidate démocrate. Ils auraient ainsi fait pression sur leur directeur James Comey afin qu’il annonce la réouverture de l’enquête en pleine campagne présidentielle.

Une opposition frontale aux médias du système

Malgré les doutes légitimes sur la volonté de Donald Trump « d’assainir le marigot » inspiré par la constitution de son équipe gouvernementale, le candidat républicain a cependant faits certaines déclarations et annoncé de futurs décisions clairement hostiles à l’establishment et aux compères actuellement en place à Washington. Immédiatement après sa victoire il a ainsi dicté les nouvelles règles du jeu aux médias en convoquant les « top managers » d’ABC, MSNBC, CBS, CNN et Fox News à son domicile. L’entrevue, rapportée notamment par Zero hedge, a consisté en un recadrage violent. Selon un participant le milliardaire aurait commencé l’entrevue en déclarant :

« Nous nous trouvons dans une pièce remplie de mensonges, ceux des médias trompeurs, malhonnêtes et qui se sont tous plantés. »

Il se serait ensuite adressé à chacun des représentants des différentes chaînes pour leur faire part de ses reproches. Il aurait notamment déclaré au président de CNN Jeff Zucker :

« Je déteste votre chaîne, tous les journalistes à CNN sont des menteurs, vous devriez avoir honte. » Un des participants à la réunion concluait ainsi : « comment cela ne pourrait-il pas influencer notre couverture ? »

Consécutivement à cette mise au point musclée, Trump a mis en place une communication visant à court-circuiter les médias mainstream en remplaçant les traditionnelles conférences de presse par un mode d’expression direct passant par les réseaux sociaux comme twitter, ce qui a pour effet de briser leur monopole traditionnel d’accès à l’information en faveur des médias indépendants sur lesquels le milliardaire s’est appuyé au cours de sa campagne. Alors que les grandes rédactions disposent d’accès privilégiés ou de bureaux à la Maison Blanche, ils sont obligés de faire le pied de grue devant la « Trump Tower » ou de surveiller le compte twitter du milliardaire comme simple « followers »…

Ce premier point permet ainsi de comprendre la complaisance avec laquelle la presse et les médias dominants relaient actuellement la campagne de la CIA prétendant que la Russie a aidé matériellement Donald Trump à remporter l’élection présidentielle.

La remise en cause du capitalisme de connivence dans l’industrie de la défense

Au cours de sa campagne présidentielle, Donald Trump a mis en cause le capitalisme de connivence en place dans le secteur de la défense, dont le budget englouti à lui seul près de 577 milliards de dollars en 2015, soit 4% du PIB. Trump a également fustigé la pratique des « revolving doors » qui voit nombre d’anciens hauts gradés du Pentagone passer au service des multinationales de l’armement une fois leur carrière terminée. Il a ainsi déclaré sur Fox News :

« Les gens qui passent ces contrats pour le gouvernement ne devraient jamais être autorisés à aller travailler ensuite pour les entreprises avec lesquelles ils ont traité ».

Selon le site spécialisé opex360 :

« Le dernier exemple en date est celui du général Mark Welsh, l’ancien chef d’état-major de l’US Air Force. Ce dernier vient d’être nommé au conseil d’administration de Northrop Grumman, l’industriel auquel il a attribué, avant de quitter le service, un contrat de 80 milliards de dollars pour le développement et l’achat de 100 bombardiers stratégiques B-21 Raider. »

A cette pratique de « capitalisme de connivence » dénoncée par le courant libertarien, il faut ajouter les liens qui unissent les néo-conservateurs, soutiens d’Hillary Clinton, au complexe militaire. L’épouse de Dick Cheney a par exemple fait partie du directoire de Lockeed Martin, Paul Wolfowitz a travaillé pour Nothrop Grumman…
Dans un tweet daté du 12 décembre, Donald Trump a par ailleurs fustigé le coût exorbitant du programme F-35 de Lockeed Martin, estimé à 159 millions de dollars par appareil alors que ces derniers souffrent encore de nombreux dysfonctionnements les rendant largement inaptes au service actif, le qualifiant de « hors de contrôle » et affirmant que « des milliards de dollars seront économisés sur les achats militaires (et autres) après le 20 janvier. »

Les accusations de la CIA démenties par le FBI et Wikileaks

La campagne actuelle initiée par la CIA contre Donald Trump résulte donc de la conjonction d’intérêts entre les néo-conservateurs et leurs cercles d’influence au sein de l’agence et du Pentagone, décidés à rester accrochés à leur rente de situation, mais aussi des médias dominants humiliés par le candidat républicain. Elle vise avant tout à donner consistance aux affirmations de l’équipe de campagne d’Hillary Clinton qui avait lancé cette campagne pendant l’été afin de faire contre-feux et de discréditer les « Podesta leaks ».

Le rapport de la CIA dénonçant l’ingérence des services secrets russes dans l’élection américaine et les désignant comme source des « Podesta leaks » a ainsi « fuité » de manière organisée dans les médias par l’intermédiaire du Washington Post, qui fut peut-être le journal le plus hostile à Trump durant la campagne et à la pointe de la campagne contre les « Fake news » sur les réseaux sociaux accusées là encore d’être une production des services secrets russes et d’avoir fait basculer l’élection. Les médias dominants se sont ainsi largement emparés de l’obsession anti-russe traditionnelle des néo-conservateurs et de la CIA, héritée de la guerre froide, qu’ils ont abondamment relayé.

Cependant, les affirmations de l’agence américaine ne reposent pour l’instant sur aucune preuve concrète, et le FBI a refusé de co-signer la déclaration communiquée au sénat.

Wikileaks, par l’intermédiaire de son porte-parole Julian Assange, avait déjà démenti ces accusations le 4 octobre dernier en affirmant : « Toutes les déclarations sur les liens qui auraient existé entre WikiLeaks et la Russie sont absurdes ».

Alors que la campagne orchestrée par la CIA ressemble fort à un recyclage de la rhétorique du staff de campagne d’Hillary Clinton et que l’agence ne semble pas en mesure d’avancer de preuves solides démontrant un piratage russe de la boite email de John Podesta, l’ancien ambassadeur britannique Craig Murray, qui est un proche de Julian Assange, a affirmé au Gardian connaître l’identité de la personne ayant fourni les « Podesta leak » à Wikileaks. Il s’agit selon lui d’une fuite provenant d’un insider de Washington et non d’un hack perpétré par une puissance étrangère, en l’occurrence la Russie.

Il faut noter que tous les leaks jusqu’à présent ont été le fait d’insiders ayant un accès direct aux données, ce furent par exemple le cas de Bradley Manning condamné à trente-cinq années d’emprisonnement aux états-unis, d’Edward Snowden actuellement réfugié en Russie, de l’ingénieur réseau Hervé Falciani à l’origine des « Swiss leaks » condamné à cinq ans de prisons en Suisse, ou encore d’Antoine Deltour et Raphaël Halet collaborateurs d’un cabinet d’audit à l’origine des « Lux leaks » et condamnés en juin 2016 à neuf et douze mois de prison avec sursis par la justice luxembourgeoise…

Comme le dit justement Craig Murray :

« Si ce que disait la CIA était vrai, et le rapport de la CIA fait référence à des personnes dont les liens avec la Russie sont connus, ils auraient déjà arrêté quelqu’un […] L’Amérique n’a jamais hésité a arrêter des lanceurs d’alerte ni à extrader des hackers. Ils ne savent tout simplement pas qui est à l’origine des fuites.» 


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L’histoire du hacker hacké
Par Guy Mettan, journaliste, homme politique suisse, le 21 décembre 2016 - TdG

Si l’Europe a les yeux rivés sur le drame d’Alep et la difficile évacuation des populations civiles, largement dû au non-respect des accords par la mouvance Al-Qaida, les Etats-Unis, eux, vivent au rythme des accusations de la CIA contre le supposé hacking électoral russe. Les Américains semblent avoir déjà passé la Syrie par pertes et profits et sont désormais entièrement concentré sur la passation de pouvoir entre Obama et Trump. On aura noté qu’entretemps, on ne parle plus des bombardements contre la population de Mossoul et du million de civils qui sert de bouclier humain aux combattants de Daech. Et encore moins des innocents qui meurent sous les bombes saoudiennes au Yémen. Au contraire, à Mossoul, on vante chaque progrès des valeureux « libérateurs » de la ville. Après tout, chacun n’a-t-il pas le droit de choisir ses héros, ses compassions et ses indignations, bien que les combats qui ravagent la Syrie et le nord de l’Irak soient pourtant dus aux mêmes causes, aux mêmes ennemis, aux mêmes stratégies suicidaires ?

Mais revenons aux Etats-Unis. Au fur et à mesure qu’on se rapprochait de la date de l’élection de Trump par les grands électeurs, qui était la dernière chance pour le clan démocrate de renverser le cours des choses, on a vu croître l’hystérie contre le hacking des serveurs démocrates et le piratage de la boite mail du chef de la campagne d’Hillary Clinton, John Podesta. La CIA, le Washington Post, le New York Times, les ténors du parti démocrate ont mené une campagne de presse d’une violence sans précédent jusqu’ici dans une élection pour tenter de changer le destin et convaincre les grands électeurs de tourner leur veste. Même le président Obama, qui avait jusque-là montré une certaine hauteur, a cru bon devoir descendre dans le marécage pour suggérer que « Poutine avait lui-même donné l’ordre de hacker les serveurs » des grands partis américains pour influencer la campagne en faveur de Trump. 

Un premier assaut avait déjà été tenté juste après l’élection lorsque Jill Stein, la candidate écologiste, avait demandé un recomptage des voix dans trois Etats. Les médias qui avaient soutenu Hillary avaient alors abondamment commenté la manœuvre. Sans aucun succès puisque dans un Etat, le recomptage avait accentué l’avance de Trump d’une centaine de voix et que les juges avaient jugé le recomptage inutile et dispendieux dans les deux autres Etats litigieux.
Il fallait donc trouver une autre cible: les hackers russes, de connivence avec Julian Assange et Wikileaks, à qui ils auraient transmis le contenu des mails de John Podesta et d’Hillary Clinton, révélant aux Américains atterrés que les démocrates avaient insidieusement tronqué les primaires en faveur d’Hillary et que celle-ci trompait son monde suivant qu’elle s’adressait à ses électeurs ou à ses donateurs de Wall Street. Opération jugée gagnante à tous les coups puisqu’elle aurait permis de discréditer à la fois Trump, la Russie et les lanceurs d’alerte qui, de Wikileaks à Edward Snowden, ne cessent de dénoncer les dérives des services de renseignements américains.

Gageons que le soufflé retombera aussitôt que les grands électeurs auront confirmé l’élection de Donald Trump et que celui-ci sera entré en fonction. Mais entretemps, que de dégâts n’auront pas été infligés au fonctionnement du processus électoral, à la nécessité de rassembler le pays et ses alliés, et surtout à l’urgence de mettre fin à l’accélération criminelle des tensions internationales à laquelle on assiste depuis trois ans. Et quel crédit peut-on accorder aux Etats-Unis, qui se posent volontiers en modèle de la démocratie et des droits de l’Homme, si son président en charge conteste lui-même la victoire de son opposant : comment faire la leçon aux dirigeants d’Afrique et d’Asie qui contestent le résultat de leurs élections pour mieux s’accrocher au pouvoir ?

Personne ne sait si les Russes sont à l’origine de ce hacking électoral et il y a fort à parier qu’on ne le saura jamais. On ne tardera pas à oublier cette histoire, comme on s’est dépêché d’oublier les autres tentatives de manipulation électorales avortées. Mais si la responsabilité russe devait être avérée, on aurait alors assisté à la plus belle histoire de hacker hacké du siècle. Souvenez-vous en effet comment, en 1996, les équipes du président Bill Clinton avaient torpillé les élections russes pour favoriser l’élection de leur candidat, Boris Yeltsine, contre le favori, le communiste Ziouganov. Dans une excellente enquête publiée le 15 juillet 1996, le correspondant de Time Magazine à Moscou, Michael Kramer, avait abondamment documenté la manière dont les services du président démocrate avaient manipulé les sondages et les groupes cibles, suscité des candidatures de traverse, abusé des grandes chaines de télévision et des principaux médias, alors en main des oligarques proches d’eux, soudoyé les partis, et usé de toutes les techniques d’influence possibles pour imposer un candidat rejeté par une large majorité des électeurs russes… 
(Voir http://content.time.com/time/subscriber/article/0.3309.984833-1.00.html)... Nul doute que tant à Moscou que dans les cercles de Washington proches du clan Clinton, on se souvient encore de ce triste épisode.

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