mercredi 21 décembre 2016

Où est donc passée l'anti-matière ?

MAj de la page : Grande première au CERN



La Méthode scientifique par Nicolas Martin
Où est donc passée l'anti-matière ? (20 décembre 2016)
Avec Marc Lachièze-Rey : Directeur de recherche au CNRS en Astroparticule et Cosmologie, et
Marco Zito : Physicien des particules au CEA

Qu’est-ce l’antimatière ? Quelle histoire pour sa découverte ? Où est-ce qu’on en trouve (ou pas) ? Qu’est-ce que cela implique pour la physique d’aujourd’hui ? Quels usages ?

Matière et antimatière se rencontrent. 

Il est rare que la physique des particules fasse la Une et pourtant la Tribune de Genève l'annonçait hier soir : une expérience du CERN a réussi à mesurer le spectre optique de l’antihydrogène.

L’anti-hydrogène, ce sont ces étranges atomes à durée de vie très courte et qui font partie du vaste champ de recherche sur l’antimatière… Le problème occupe la physique des particules et la cosmologie depuis au moins 1928 : la date d'une équation mathématique qui a changé la face du monde, ou du moins, en a révélé ce qui semble être la double face.

Comme la matière, l'antimatière est de la matière, elle en a les mêmes propriétés, à une chose près, qui change tout : sa charge est négative, l'opposée de la charge de la matière correspondante, de la « – matière ». Quand elles entrent en contact, toutes deux s'annihilent. Difficile d’en produire, de la conserver, de l’étudier et de l’utiliser. Et pourtant ! Selon la cosmologie la plus admise, il y en aurait eu autant qu'il y avait de matière au début du Big Bang…

Est-ce que les quelques milliers d’atomes que l’on peut produire vont nous éclairer sur l’origine de la matière ? Peut-on aller jusqu’à produire des anti objets, des anti humains ? Et surtout : où est passé l'antimatière originelle ? C'est le problème que nous allons tenter de résoudre dans l'heure qui vient.
Source : FC

* * *

L’antimatière est bien le parfait reflet de la matière
Par Gurumed, le 21 décembre 2016 - Gurumed

particule vs antiparticule (2)

Après deux décennies d’essais, les physiciens du CERN ont réalisé la première mesure de la lumière émise par un atome d’antimatière, révélant que l’antihydrogène est l’image miroir exacte de l’hydrogène régulier/ ordinaire.

Le résultat, qui confirme enfin ce qui était prévu depuis longtemps par les lois de la physique, ouvre une nouvelle façon de tester la théorie de la relativité restreinte d’Einstein et pourrait nous aider à répondre à l’un des plus grands mystères de la physique moderne : pourquoi y a-t-il tellement plus de matière que d’antimatière dans l’Univers ?



Mais avant, un petit rappel !

Les lois de la physique prédisent que pour chaque particule de matière ordinaire, il y a une antiparticule. Donc pour chaque électron négativement chargé, il y a un positron positivement chargé. Cela signifie que pour chaque atome d’hydrogène régulier, il y a un atome d’antihydrogène, et tout comme un atome d’hydrogène est composé d’un électron lié à un proton, un atome d’antihydrogène est composé d’un antiélectron (ou positron) lié à un antiproton.

Si une antiparticule arrive à trouver une particule ordinaire, elles s’annulent mutuellement, libérant de l’énergie sous forme de lumière. Ce fait engendre deux problèmes assez lourds à régler. Le premier est que, comme il y a énormément de matière dans l’Univers, il est pratiquement impossible pour les physiciens de trouver de l’antimatière dans la nature, parce qu’elle sera anéantie avant même d’avoir la chance de commencer à la chercher. Le deuxième problème est : pourquoi y a-t-il autant de matière régulière que d’antimatière ? Si nos modèles de physique actuels suggèrent qu’une quantité égale de particules régulières et d’antiparticules ont été produites par le Big Bang, l’Univers ne devrait-il pas s’être annulé ?

Selon Jeffrey Hangst, de la Collaboration ALPHA au CERN en Suisse :

Quelque chose est arrivé, une petite asymétrie qui a laissé survivre de la matière et nous n’avons tout simplement aucune bonne idée qui explique cela actuellement.

Cela pourrait être sur le point de changer car, pour la première fois, des scientifiques ont été en mesure de mesurer le type de lumière (spectre électromagnétique) émis par un atome d’antihydrogène lorsqu’il est frappé par un laser et de la comparer avec celle émise par un atome d’hydrogène régulier dans les mêmes conditions. C’est la première fois que nous sommes capables de contrôler assez longtemps un atome d’antihydrogène pour mesurer directement son comportement et de le comparer à son homologue l’hydrogène ordinaire.

Jeffrey Hangst et l’expérience ALPHA-2. (CERN)Coll ALPHA

Selon Hangst :

L’utilisation d’un laser pour observer une transition dans l’antihydrogène et de la comparer à l’hydrogène pour voir s’ils obéissent aux mêmes lois de la physique a toujours été un objectif clé de la recherche d’antimatière.

Parce qu’il est impossible de trouver une particule d’antihydrogène dans la nature, vu que l’hydrogène (qui annule l’antihydrogène) est l’élément le plus abondant dans l’Univers, les scientifiques doivent produire leurs propres atomes d’antihydrogène.

Au cours des 20 dernières années, l’équipe ALPHA a trouvé comment produire suffisamment d’atomes d’antihydrogène pour avoir réellement la chance de pouvoir travailler avec et ils ont finalement trouvé une technique qui leur permet de créer environ 25 000 atomes d’antihydrogène toutes les 15 minutes et d’en piéger environ 14. Les précédentes méthodes ne peuvent en piéger que 1,2 atome d’antihydrogène toutes les 15 minutes.

Ces particules piégées ont été ensuite touchées par une lumière d’un laser pour forcer leurs positrons à “sauter” d’un niveau d’énergie inférieure à un niveau plus élevé. Lorsque les positrons retournent au niveau d’énergie inférieur, la quantité de lumière qui est libérée peut être mesurée.

L’équipe a découvert que l’atome d’antihydrogène émettait exactement le même spectre lumineux que les atomes d’hydrogène ordinaires. Ce résultat est cohérent avec le modèle standard de la physique des particules, qui prédit que l’hydrogène et l’antihydrogène auront des caractéristiques d’émission de lumière identiques et les physiciens ont maintenant la chance de tester d’autre spectre d’émission en utilisant différents types de lasers.

S’ils finissent par être identiques, la relativité restreinte d’Einstein à encore de beaux jours devant elle, comme Adrian Cho explique pour Nature :

Expliquer pourquoi la relativité restreinte exige que l’antimatière reflète la matière implique beaucoup de mathématiques. Mais en un mot, si cette relation de miroir n’était pas exacte, alors l’idée de base derrière la relativité restreinte ne pourrait pas être exactement juste.

Elle suppose qu’une seule chose unifiée appelée espace-temps se divise différemment en espace et en temps pour des observateurs se déplaçant l’un par rapport à l’autre. Il pose que ni l’un ni l’autre ne peut dire qui est vraiment en mouvement et qui est stationnaire. Mais, cela ne peut pas être juste si la matière et l’antimatière ne se reflètent pas. Si l’antimatière n’obéit pas aux mêmes lois de la physique que la matière ordinaire, nos modèles du Big Bang seront faussés.

Cette expérience ouvre la possibilité de comprendre pourquoi la matière a échappé à l’anéantissement total dans l’Univers et nous a permis, ainsi qu’à tout ce qui nous entoure, d’exister.

L’étude publiée dans Nature : Observation of the 1S–2S transition in trapped antihydrogen et décrite également sur Nature : Deep probe of antimatter puts Einstein’s special relativity to the test.

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