dimanche 29 janvier 2017

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MAJ de la page : Roger Federer



Echange de légende entre Federer et Nadal (Melbourne, 29 janvier 2017)



La balle de match de Roger Federer, vainqueur (Melbourne, 29 janvier 2017)

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Roger Federer, le plus beau des combats
Par Laurent Favre, le 19 janvier 2017 - Le Temps

Vainqueur de Rafael Nadal et de l’Open d’Australie, Roger Federer a écrit un nouveau chapitre de sa légende à Melbourne. Il y est parvenu en revenant à l’essence du sport: la joie, le plaisir, l’envie.

Il l’a fait, et le plus beau c’est qu’il l’a fait pour les bonnes raisons. Roger Federer a remporté l’Open d’Australie par amour du jeu, du sport, du geste. Autour de lui pleuvent les superlatifs; il ne voit que la joie simple d’avoir pris du plaisir et d’en avoir donné à ses proches et à ses fans. Il gagne, enfin, cinq ans après son dernier grand succès, dix ans après sa dernière grande victoire sur Nadal, et lui dit: «J’aurais pu perdre ce match que j’aurais été tout aussi heureux. Le tennis est un sport cruel, sans match nul. Mais j’aurais aimé partager ce trophée avec Rafael Nadal.»

Il n’est que pour lui, qui en totalise désormais dix-huit. Rafael Nadal reste à quatorze. Si Nadal avait gagné, cela aurait fait 17-15, avec Roland-Garros (le tournoi préféré de l’Espagnol) en point de mire. Cette alternative avait fait dire avant le match à Andy Roddick (ancien numéro 1 mondial) que cette finale était probablement «la plus importante de l’histoire du tennis» puisque s’y jouerait le titre de «plus grand joueur de tous les temps».

Amoureux de son sport

«C’est ce qu’il y a de moins important, répond Federer. L’essentiel, c’est d’être revenu, d’avoir pu disputer ce grand match contre Nadal. Le fait que ça se passe en Australie, où tant de gens ont compté pour moi comme Peter Carter et Tony Roche [deux de ses anciens entraîneurs], que je puisse le faire à mon âge après cinq ans sans gagner un Grand Chelem, c’est ça qui compte.»

Amoureux de son sport, Roger Federer sait que les glorieux anciens se souciaient comme d’une guigne de «marquer leur époque» ou d'«écrire l’histoire», autant de chimères soufflées par des publicitaires. Ils aimaient le tennis, voilà tout. Rod Laver en tête (qui lui a remis la coupe), les grands noms du passé ont reconnu leur héritier. «J’avais une énorme envie de jouer ce match, en ayant en tête ce que cette finale représentait pour Nadal et moi mais aussi pour notre sport.»

«Je joue le tennis que j’aime»

Federer a peut-être gagné cette finale au moment où il a accepté l’idée qu’elle dépassait le simple cadre du tableau masculin de l’Open d’Australie. Suivie dans le monde entier, elle incarnait une certaine idée du sport. «Au moment décisif, dans le cinquième set, il était très relâché alors que Nadal s’est crispé», observe Heinz Günthardt, capitaine de Fed Cup et consultant de la DRS.

De sa victoire, il dit être surtout heureux d’avoir réussi à pratiquer un tennis plaisant. «C’est le jeu que j’aime.» Dans son panthéon personnel, il la place toute proche de la première (Wimbledon 2003) et de la plus importante (Roland-Garros 2009). «Je ne peux la comparer à aucune autre, sinon Roland-Garros 2009, que j’avais aussi attendue pendant des années.» La même année, à Melbourne, il pleurait à chaudes larmes, frustré une fois encore par Rafael Nadal qui venait de le battre pour la troisième fois de suite (après Roland-Garros et surtout Wimbledon).

Ces dernières années, il a parfois cédé au découragement mais n’a jamais cessé d’y croire. «Ce n’était pas facile tout ce temps de venir en conférence de presse et de dire: «Oui, je joue bien, je ne suis pas passé loin…», et de continuer à perdre. Au bout d’un moment, plus personne ne vous croit. Mais c’était la vérité. J’avais de bonnes sensations et surtout, j’avais du plaisir. J’ai assez gagné dans ma carrière pour ne plus faire de la victoire le seul objectif. Je jouais un jeu d’attaque qui me plaisait et j’étais content. Mais souvent, il manquait un peu de réussite.» Il cite Wimbledon et l’US Open en 2015.

Le petit coup de pouce du destin

Cette fois, tout s’est parfaitement enchaîné et le petit coup de pouce du destin a fait la différence. A Melbourne, Roger Federer a d’abord trouvé des conditions de jeu plus rapides qu’à l’accoutumée. Elles ont favorisé son tennis offensif et lui ont évité les trop longs échanges. Ensuite, sa moitié de tableau s’est dégagée en quart de finale avec l’élimination surprise d’Andy Murray. Le numéro 1 mondial aurait sans doute été un trop gros morceau à ce moment-là. Federer était ensuite en pleine confiance pour battre à la loyale Stan Wawrinka. En finale, il a bénéficié d’un jour de repos supplémentaire que son adversaire et ce Rafael Nadal-là, qui lui aussi revenait de blessure, n’était pas tout à fait celui qu’il était l’an dernier ni celui qu’il promet d’être dans quelques mois.

Roger Federer est un joueur magnifique à regarder. De près, le personnage est encore plus fascinant à observer. Il étonne par sa simplicité et sa curiosité. Il observe, écoute, questionne parfois, apprend souvent. Il a dû apprendre à gérer la célébrité, puis l’argent, puis les sollicitations de toutes sortes. Il s’est inspiré de ce que faisaient les autres, Andre Agassi, David Beckham, Tiger Woods, et en a tiré sa propre recette.

Je ne voulais pas continuer à jouer avec des douleurs, je n’avais aucun plaisir, ça n’était pas bon.

Il regarde toujours à très long terme, depuis ses débuts. Jeune, il savait déjà que son ambition serait de durer. «Lorsque je suis entré dans son équipe, se souvient son entraîneur Severin Lüthi, il m’a rappelé ce que son ancien entraîneur Tony Roche lui répétait: «Tu dois te préparer comme si tu allais jouer sept matchs en cinq sets.» Cette semaine, il en a disputé trois, à 35 ans, et il était prêt.

Deux mois de pause auraient suffi
Son entourage a souvent exprimé son étonnement devant la facilité avec laquelle il avait accepté de se faire opérer en février dernier (pour la première fois de sa carrière) puis de décider de stopper sa saison en juillet. «Une fois la décision prise, il était complètement tourné vers l’avenir, le programme, la récupération», raconte Severin Lüthi.

A propos de cette absence de six mois, quelques détails ont filtré durant la quinzaine. Tony Godsick, l’agent de Federer, a reconnu que «deux mois auraient suffi» mais qu’il fut décidé de ne pas reprendre avant 2017 «pour faire un vrai break, se reposer mentalement». «Je ne voulais pas continuer à jouer avec des douleurs, je n’avais aucun plaisir, ça n’était pas bon», a également expliqué Roger Federer.

Privé de matchs, et même de raquette pendant deux mois, le Bâlois a retrouvé le chemin de l’entraînement avec l’envie d’un junior. Le niveau de ses séances à Dubaï étaient paraît-il spectaculaires. «Par deux fois, en novembre puis en décembre, je lui ai dis que je pensais qu’il pouvait gagner l’Open d’Australie, raconte Severin Lüthi. Nous avons aussi eu un peu de chance: son corps a toujours bien réagi, il ne s’est pas blessé, ce qui nous a permis de travailler intensément toutes les semaines.»

L’enthousiasme d’un enfant

Roger Federer est arrivé à Melbourne avec des jambes de vingt ans et l’enthousiasme d’un enfant. Ceux qui sont habitués à le voir le visage fermé ne le reconnaissent pas. C’est un autre Federer, littéralement transfiguré. Revoyez la scène de la Hopman Cup où il mime de jouer des percussions. Il s’y adonne totalement, s’y abandonne entièrement, indifférent à l’image qu’il pourrait donner de lui. Il est de retour, entouré de «visages familiers [qu’il] croise depuis vingt ans» et il est heureux.

Cette fraîcheur retrouvée lui a apporté un supplément d’âme qui a profondément modifié son approche du jeu et de la compétition. On lui parle d’apothéose, certains imaginent que ce serait le moment idéal pour annoncer sa retraite. Il répond «prochains tournois», «premier bilan en avril», «améliorer quelques petites choses». Lorsqu’il arrêtera, ce sera encore pour les bonnes raisons.
 

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