mercredi 1 février 2017

A la recherche du sommeil perdu



La Méthode scientifique par Nicolas Martin
A la recherche du sommeil perdu
Avec :
Claude Gronfier : Chercheur au sein du Département de Chronobiologie de l'Unité Inserm 846 à Bron (Lyon)
Isabelle Arnulf : Neurologue, directrice de l'unité des pathologies du sommeil de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière
Auteure de : Une fenêtre sur les rêves : neurologie et pathologies du sommeil, Ed. Odile Jacob, 2014
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Comment marche le sommeil ? Les troubles du sommeil sont-ils un enjeu de santé publique ?
  

Manque de sommeil 
Un tiers des Français se dit en déficit de sommeil. Le nombre d’heures que nous passons à dormir, et particulièrement les adolescents, a réduit de près d’une heure en 25 ans. Un tiers des actifs dit dormir moins de 6h par nuit en semaine. Et ce n’est pas tout, 16% des adultes de plus de 15 ans souffrent d’insomnies chroniques. Pour couronner le tout, nous sommes sur le podium des plus grands consommateurs de benzodiazépines en Europe, le tout dans une société qui nous enjoint d’être performants, attentifs, de jour comme de nuit. La preuve est faite qu’avoir des problèmes de sommeil n’est pas un trouble individuel, c’est une question de santé publique.
Source (et suite) du texte : FC
* * *

Retrouver le sommeil, une affaire publique
Par Damien Léger, Jean-Pierre Giordanella, Dalibor Frioux, Thibaut de Saint Pol, Antoine Hardy, Pascale Hebel, le 25 avril 2016 - TerraNova

Nous avons tous besoin d’une quantité incompressible de sommeil de bonne qualité, en deçà de laquelle la santé et les capacités de travail ou d’apprentissage sont mises en cause. Or les conditions d’un bon sommeil sont largement conditionnées par l’environnement physique, culturel et social. Ce rapport explore le sommeil sous tous ses aspects : la santé publique et la sécurité (consommations de médicaments, sécurité routière), le travail de nuit, le sommeil des enfants et des adolescents, mais aussi les effets du bruit et de la pollution lumineuse, ou encore les inégalités sociales produites ou révélées par le sommeil. Sept axes de propositions, assorties de recommandations concrètes, répondent au diagnostic formulé dans ce rapport.

SYNTHÈSE - Télécharger le rapport (PDF)

Comme tant d’autres sujets de société, le sommeil est ordinairement tenu pour anecdotique, relevant de l’intime, des petits plaisirs ou désagréments de la sphère privée. Dans nos sociétés performantes, chacun est, explicitement ou tacitement, invité à faire de son sommeil une variable d’ajustement, quand bien même un « droit au repos » est légalement reconnu aux travailleurs. C’est que l’injonction à la performance a largement débordé la sphère professionnelle pour gagner l’ensemble des activités personnelles (formation, santé, vie familiale, loisirs, développement personnel, engagements associatifs ou politiques). Notre capacité de concentration est sollicitée comme jamais, à tout instant de la journée, par ce qu’on a appelé une « économie de l’attention » qui tire son profit de la réactivité et de l’audience mesurées et tarifées. Les loisirs numériques, la compétition internationale des mégapoles, les réseaux sociaux, la privatisation de l’espace public concourent à faire du sommeil l’ultime frontière à repousser pour parvenir, au nom de la modernité et de la liberté individuelle, à une société fonctionnant à pleine puissance 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

La politique et la médecine semblent pour l’instant ne faire qu’accompagner ou même favoriser le processus : de nombreux élus locaux ou nationaux se donnent comme programme inéluctable l’effacement de la différence jour/nuit dans les principaux services publics, tandis que les laboratoires comme les médecins offrent aux patients souffrant de troubles un sommeil et une veille artificiels, à force de somnifères ou de stimulants coûteux et délétères.

Pour les auteurs de ce rapport, il importe de rappeler que le sommeil n’est pas un besoin à mettre sur le même plan que d’autres désirs façonnés par les circonstances. L’enfant, l’adolescent, le travailleur en horaires décalés, mais aussi toute personne sur le long terme, a besoin d’une quantité incompressible de sommeil de bonne qualité, en deçà de laquelle la santé et les capacités de travail ou d’apprentissage sont mises en cause. Dans de nombreux pays ou grandes villes, le coût associé aux troubles du sommeil peut se chiffrer en milliards d’euros, car qui dit troubles du sommeil dit également troubles de la vigilance et de l’éveil, impliquant risques industriels, accidents du travail ou de la route, inégalités sociales accrues, risques sanitaires.

Si la décision de dormir est éminemment personnelle, les conditions d’un bon sommeil sont largement conditionnées par l’environnement physique, culturel et social. Promouvoir des mesures afin de protéger le sommeil, ce n’est pas opposer la passivité à l’activité, la pureté de la nuit à l’impureté du jour, c’est surtout protéger la qualité de présence de chacun dans la société, le respect que chacun porte à autrui, la capacité à se réaliser soi-même, une forme d’égalité devant un besoin physiologique essentiel, et, au-delà d’une écologie du bien-être, le respect des équilibres écologiques fondamentaux sur notre planète.

Terra Nova propose de mieux tenir compte des rythmes biologiques des enfants et écoliers en accordant plus de place au repos ; d’offrir aux personnels de santé une véritable formation aux troubles du sommeil ; de communiquer largement auprès du grand public sur l’enjeu de santé public que représente le sommeil ; de limiter l’impact du bruit et de la lumière sur le sommeil de millions de Français, notamment les plus défavorisés ; de faire du respect du sommeil et de l’anticipation des risques de fatigue un élément clé du bien-être et de l’efficacité au travail ; d’accroître l’information et la prévention concernant la somnolence au volant.

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