mercredi 19 avril 2017

Métapolitique, nouveaux clivages et Présidentielle 2017



Michel Onfray, "Souverainiste" (Le Point, avril 2017)

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Métapolitique, nouveaux clivages et Présidentielle 2017
Le 13 avril 2017 - Pouvoir au peuple

Introduction

Le clivage gauche-droite a longtemps été un outil de classification des idées politiques. Aujourd’hui, il semble être en partie éprouvé, près d’un français sur trois ne sachant plus se positionner par rapport à lui.

Dans cet article je vous propose une nouvelle grille de lecture des clivages profonds qui surplombent les courants d’idées traditionnels, en postulant l’existence de quatre autres axes majeurs formant la matrice idéologique fondamentale de la politique française.

Un des problèmes essentiels que pose le clivage gauche-droite tel qu’il est généralement perçu aujourd’hui, c’est qu’il englobe la question des valeurs morales. Ainsi la personne de gauche se doit d’être progressiste sur le plan des valeurs, et la personne de droite conservatrice. L’inconvénient majeur résultant de cette vision se situe dans l’impossibilité de créer une union populaire entre les tenants d’une vision de gauche progressiste d’une part et d’une vision de droite conservatrice d’autre part. Ils se retrouvent alors piégés car à l’opposé sur le plan des valeurs, rendant leurs opinions et leurs choix politiques a priori irréconciliables pour l’intérêt général.

Quelle nouvelle grille de lecture faciliterait l’analyse contemporaine des courants d’idées politiques et une meilleure identification des intérêts de chacun ?

I – Un clivage traditionnel de plus en plus obsolète

Voici le clivage gauche-droite actuel tel qu’il est généralement perçu :


Autrement dit, voilà schématiquement ce que les médias de masse et un grand nombre de figures politiques, syndicales et journalistiques présentent habituellement :

 

Nous aimons que les choses soient bien rangées, qu’elles soient « à leur place ». Il n’y a rien de mal à cela, c’est utile pour nous aider à donner du sens aux évènements du monde dans le but de structurer notre conscience. Le problème, c’est que cette vision de la politique est au moins en partie archaïque, qu’elle perd de sa substance, même si de nombreux politiciens s’appliquent encore à la faire perdurer artificiellement pour servir leurs intérêts électoraux.

Il y a encore quelques temps, nous aimions à penser que la gauche fut systématiquement « socialiste » ou « communiste » et que la droite fut toujours « républicaine ». Mais cela a bien changé. La droite républicaine a probablement disparu avec Charles De Gaulle, tandis que le socialisme et le communisme ont si fortement évolué que les grands partis qui s’en revendiquent aujourd’hui n’ont plus grand chose à voir avec les idées d’origine.

Les partis politiques traditionnels et les médias dominants sont en interaction constante entre eux, immergés dans l’environnement politico-médiatique. Ils façonnent largement l’opinion publique à la politique. Les médias de masse fonctionnent comme des réceptacles bien clivants, en présentant ceux qui ont pour fonction de recueillir les mécontents avec des étiquettes repoussantes (« extrême-droite », « extrême-gauche »), en misant sur le fait qu’ils ne seront jamais assez fédérateurs et nombreux pour gouverner. Un pari risqué, dont la cote diminue chaque jour davantage.

Partant du constat que le clivage gauche/droite perd en pertinence, nous proposons deux grands clivages qui façonnent plus ou moins discrètement la vie politique française. Nous les appelons les clivages métapolitiques.


II – Les clivages métapolitiques

Souveraineté VS Européisme et Mondialisme
(l’État-nation contre la Supranation)

et

Démocratie VS Oligarchie
(le Peuple contre l’Élite dominante)

Plusieurs facteurs nous permettent d’accréditer l’existence de nouveaux axes centraux pour comprendre la politique française.



D’une part, nous avons ce qui touche à la souveraineté et à la défense de la France. On peut nommer les pertes de souveraineté nationale successives de ces dernières décennies au profit de l’Union Européenne, ou encore les guerres des coalitions occidentales en Afrique et au Moyen-Orient sous l’influence de l’OTAN.

D’autre part, nous constatons la montée de la contestation de la représentation électorale à cause des décalages entre les députés et le peuple, ainsi que le développement des outils numériques participatifs jusqu’aux revendications institutionnelles de démocratie directe.

Ces deux facteurs représentent des éléments essentiels pour penser la « méta » politique contemporaine. Nous avons tenté de les représenter sur des graphiques.


Graphique 1 : Les axes majeurs des clivages métapolitiques en France

Démocratie (à gauche du graphique)
Le pouvoir du peuple.

Il s’agit des forces populistes. Elles sont favorables à :

la reconnaissance du vote blanc dans les suffrages exprimés et permettant le cas échéant l’annulation d’une élection
des référendums déclenchés par les citoyens eux-mêmes (référendums d’initiative populaire)
la création d’une chambre législative populaire
une liberté d’expression maximale (hors atteintes à la personne)

Oligarchie (à droite du graphique)
Le pouvoir à un petit groupe de personnes.

Il s’agit des forces contraires à celles du paragraphe ci-dessus, s’appuyant sur une idéologie élitiste et caractérisées notamment par :

une volonté de ne pas prendre en compte le vote blanc dans les suffrages exprimés
leur opposition aux référendums et plus généralement aux outils participatifs
la volonté d’encadrer la liberté d’expression

Souveraineté de l’État (en haut du graphique)
La nation gère l’État en toute indépendance.

Il s’agit des forces qui prônent un renforcement de l’État-nation. Elles sont favorables à :

l’arrêt des guerres menées par la France (Irak, Libye, Syrie…)
au retrait de l’alliance militaire qu’est l’OTAN
la sortie de l’euro
la sortie de l’Union Européenne.

Européisme & Mondialisme (en bas du graphique)
La nation française s’inscrit dans de plus grands blocs.

Il s’agit au contraire des forces qui remettent en cause l’idée d’une souveraineté nationale pour la France. Elles promeuvent généralement :

 le maintien de la France dans la zone euro
 le maintien de la France dans l’Union Européenne
 l’appartenance à l’OTAN
 l’implication militaire française dans les conflits armés


III – Nouveaux clivages et Présidentielles 2017

Nous vous présentons différents graphiques illustrant ces nouveaux clivages :

[Graphique 2] Métapolitique et candidats à la présidentielle

[Graphique 3] Métapolitique et organisations politiques

[Graphique 4] Métapolitique et personnalités

[Graphique 5] Métapolitique et personnalités & organisations politiques

[Graphique 6] Métapolitique et personnalités, organisations politiques & candidats à la présidentielle

[Graphique 7] Identification de 3 groupes métapolitiques : Cœur du Système, Alternatives officielles et Dissidences


Graphique 2 : Positionnement métapolitique des candidats à la présidentielle

Légende des 11 candidats et des organisations politiques qui les soutiennent

Nathalie Arthaud –Candidate de Lutte Ouvrière (LO)
François Asselineau– Candidat de l’Union Populaire Républicaine (UPR)
Jacques Cheminade –Candidat de Solidarité & Progrès (S&P)
Nicolas Dupont-Aignan–Candidat de Debout la France (DLF)
François Fillon – Candidat de Les Républicains (LR)
Benoït Hamon – Candidat du Parti Socialiste (PS)
Jean Lassale – Candidat de Résistons ! (R !)
Marine Le Pen– Candidat du Front National (FN)
Emmanuel Macron– Candidat de En Marche ! (EM !)
Jean-Luc Mélenchon– Candidat de La France Insoumise (FI)
Philippe Poutou – Candidat du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA)


Graphique 3 : Positionnement métapolitique des organisations politiques

Légende des organisations politiques

DLF = Debout la France
eelv = europe écologie les verts
E&R = Égalité & Réconciliation
FN = Front National
LR = Les Républicains (ex UMP)
MA VOIX
MoDem = Mouvement Démocrate
N.Donne = Nouvelle Donne
NPA = Nouveau Parti Anticapitaliste
PCF = Parti Communiste Français
Parti Pirate
PS = Parti Socialiste
UDI = Union des Démocrates et Indépendants
UPR = Union Populaire Républicaine


Graphique 4 : Positionnement métapolitique de personnalités

Légende des personnalités politiques

Jacques Attali (écrivain, homme d’influence)
Olivier Berruyer (blogueur)
Jean Bricmont (essayiste)
Étienne Chouard (blogueur)
Daniel Cohn-Bendit (militant)
Franck Lepage (militant)
Bernard-Henri Lévy (écrivain, homme d’affaires)
Michel Onfray (philosophe)
Edwy Plenel (journaliste)
Natacha Polony (journaliste)
Frédéric Lordon (économiste)
François Ruffin (militant)
Jacques Sapir (économiste)
Alain Soral (militant, polémiste)
Éric Zemmour (journaliste, polémiste)


Graphique 5 : Positionnement métapolitique des personnalités et des organisations politiques


Graphique 6 : Métapolitique des personnalités, organisations politiques et candidats à la présidentielle

De ces amas de points du graphique comprenant des organisations politiques, des personnalités et des candidats à la présidentielle, on peut dégager trois grands blocs (ellipses, sur le graphique) de propositions métapolitiques :


Graphique 7 : Positionnement des 3 grands blocs métapolitiques

En bas à droite du graphique, le « cœur du Système », auxquels appartiennent notamment les deux grands partis de gouvernement, le Parti Socialiste (PS) et Les Républicains (LR), ou encore le Mouvement Démocrate (MoDem), l’Union des Démocrates Indépendants (UDI), et dans une moindre mesure le Parti Communiste Français (PCF) et Europe écologie les verts (eelv). Aux présidentielles, ce bloc est représenté par Benoît Hamon, Emmanuel Macron et François Fillon.

Favorables à l’approfondissement de la construction européenne, ils pensent qu’il est profitable de déléguer tout ou partie des souverainetés nationales. De plus, ils sont plus enclins à participer à des des opérations militaires extérieures. Enfin, ils sont généralement opposés à l’utilisation de référendums pour trancher des débats publics.
Plus au centre du graphique, les « alternatives officielles » comprennent des mouvements politiques comme le Parti de Gauche (PG), le Front National (FN) ou encore Debout la France (DLF) ou dans une moindre mesure le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). Aux présidentielles, ce bloc est représenté par Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan, Jean Lassalle, ou encore Philippe Poutou et Nathalie Arthaud.

Davantage sceptiques vis à vis de la construction européenne, ils critiquent l’euro et le fonctionnement de l’Union Européenne, veulent généralement tenter de renégocier les traités européens, et sont plus favorables à l’utilisation du référendum que le bloc précédent.
Plus haut et généralement plus à gauche sur le graphique, on retrouve les forces « dissidentes » à l’instar de l’Union Populaire Républicaine (UPR) et des candidats aux présidentielles François Asselineau et Jacques Cheminade.

Elles se caractérisent par une volonté affichée de sortir la France de l’euro, de l’Union Européenne et de l’alliance militaire de l’OTAN. Ils sont généralement enclins à laisser le soin aux citoyens de prendre part aux affaires politiques.

Conclusion

Le véritable enjeu du point de vue métapolitique n’est pas de savoir si vous êtes de droite ou de gauche, mais si vous êtes d’une part plutôt en faveur du fédéralisme européen (axe européiste-mondialiste) ou de la souveraineté nationale (axe souveraineté de l’État), et d’autre part si vous êtes plutôt en faveur de placer le pouvoir dans les mains de personnes jugées compétentes pour décider (axe oligarchie), ou si vous pensez que les citoyens peuvent avoir les solutions à leurs propres problèmes (axe démocratie).

Souvent relégués au rang de sujets secondaires du débat public, ces clivages sont pourtant fondamentaux pour comprendre quels intérêts vos idées servent réellement.

Anthony Rêveur pour Les Clivages,
Page d’information et d’éducation populaire à la métapolitique.
Contact : lesclivages@gmail.com

N.B.

En consultant ces graphiques, ayez à l’esprit que les positionnements de chaque candidat peuvent, en période électorale, ne pas correspondre à leurs positionnements s’ils étaient élus, tant la différence peut parfois être grande entre le discours avant ou après leur élection.

Les graphiques que vous consultez ici sont simplement le fruit d’une analyse basée sur les discours oraux (interviews, commentaires d’actualité…) et écrits (programmes, communiqués officiels, notes de blog…) de chacun des points du graphique (candidats, personnalités et organisations).

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