Par Olivier Berruyer, le 11 janv. 2019 - Les Crises
Le Référendum d’Initiative Citoyenne, enjeu démocratique du XXIe siècle
Nous pouvons être fiers de nos Gilets Jaunes : ils ont redonné un immense bol d’air démocratique à notre pays.
Des années d’analyse de notre système politique sur ce site m’ont depuis longtemps conduit à soutenir le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC). Comme en 2012 dans le livre Les faits sont têtus où j’écrivais : « Nous lançons ainsi dans le débat public quelques propositions […] : Référendum d’Initiative Citoyenne » ; ou en rédigeant un billet après l’élection Présidentielle de 2017, et en lançant une pétition défendant le RIC, qui a recueilli plus de 50 000 signatures.
Source (et suite) du texte : Les Crises
Le RIC en débat, avec Étienne Chouard, enseignant et Bertrand Mathieu, professeur agrégé de droit (RT, 7 janv. 2019)
Le référendum d'initiative populaire : un trait méconnu du génie de Condorcet
Par Anne-Cécile Mercier
Dans Revue française de droit constitutionnel 2003/3 (n° 55), pages 483 à 512
Je n’ai eu depuis quatre ans ni une idée ni un sentiment qui n’ait eu pour objet la liberté de mon pays. Je périrai comme Socrate et Sidney pour l’avoir servi, sans jamais avoir été ni l’instrument ni la dupe, sans avoir jamais voulu partager les intrigues ou les fureurs des partis qui l’ont déchiré. J’ai soutenu le droit du peuple de ratifier expressément au moins les lois constitutionnelles et la possibilité qu’il l’exerçât, la nécessité du mode de révision régulier et paisible de réformer ces mêmes lois; enfin l’unité entière du corps législatif. Vérités qui, alors peu répandues, avaient encore besoin d’être développées ». [Condorcet, Fragments, 1794, Œuvres, t. 1, p. 608.]
L’Histoire façonne les renommées selon une alchimie bien mystérieuse. Celle de Condorcet ne rend pas justice au caractère visionnaire de son œuvre. Bien que faisant la liaison entre les Lumières et la Révolution, son nom n’évoque ni celui d’un éminent philosophe, ni celui d’un politique influent. Sa renommée n’est pas celle de Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Diderot ou d’Alembert, ni celle d’un Sieyès, Mirabeau, Robespierre, Danton, Marat ou Bonaparte. Condorcet est pourtant l’une de ces rares figures qui, passant de la théorie à l’action, s’illustra tant dans la construction abstraite de nouveaux principes de gouvernement que dans la bataille politique visant à les concrétiser [1] ; qui dès 1787 se prononçait vigoureusement pour un suffrage universel qui n’oubliait pas les femmes [2] ; qui proscrivait la peine de mort [3] et l’esclavage [4] ; qui défendait un système d’instruction publique généralisée et gratuite [5] ; qui inventait la sociologie politique en appliquant la matière des statistiques aux méthodes de suffrages [6] ; qui proposa à la France la Constitution la plus démocratique de son histoire [7][7]« Jamais il n’a existé de constitution où l’égalité ait été si….
2Il serait intéressant d’analyser les raisons de la relative méconnaissance du génie de Condorcet [8]. Sûrement avait-il moins de prestance et d’habileté que ses illustres contemporains cités plus haut [9]. Peut-être faut-il y voir la rançon de l’indépendance d’esprit, du refus d’appartenir à un groupe identifié : appelé Girondin par les Girondins, surnommé « des nôtres » par les Jacobins [10], Condorcet n’appartenait qu’à sa volonté de faire respecter l’égalité naturelle entre les hommes [11]. Après sa condamnation par la Convention [12], il fut oublié des uns et honni des autres [13]. Quoiqu’il en soit, une conclusion s’impose à la lecture de ses Œuvres : la plupart des idées de Condorcet devancent d’au moins un siècle l’état d’avancée de la société dans laquelle il vit. C’est ce qu’on peut dénommer sans trop d’exagération avoir du génie. Nous voudrions en donner un exemple particulier avec l’étude du droit d’initiative populaire, encore dénommé référendum d’initiative populaire.
3Le droit d’initiative populaire permet à tout citoyen d’élaborer une proposition de loi et de la soumettre aux suffrages, soit du Parlement, soit de la population, si elle réunit auparavant un nombre suffisant de souscriptions [14]. Ce droit se réfère à l’idée de démocratie directe, en ce qu’il permet à de simples citoyens de saisir directement la Nation pour proposer de nouvelles normes, sans l’interférence du Parlement [15]. Il se distingue néanmoins d’autres « outils » de démocratie directe, tels que le droit de veto, ou le référendum consultatif, en ce qu’il confère un pouvoir plus grand aux citoyens. A la différence en effet de ces techniques qui ne permettent que la ratification ou le rejet de projets déjà élaborés, l’initiative permet aux citoyens de provoquer la décision du législateur sur la matière de son choix(à la condition cependant que ce choix soit soutenu en amont par la signature d’un nombre déterminé d’électeurs). De plus, contrairement au simple droit de pétition, la saisine du corps législatif ou de la Nation tout entière est de droit une fois les conditions de recevabilité remplies : le législateur ne peut refuser, ni de se prononcer sur la proposition, ni de faire consulter l’ensemble de la population par référendum. Le droit d’initiative est donc une concession importante faite à la démocratie directe dans les régimes représentatifs. La Suisse, terre d’élection de la démocratie directe, n’eut pas de mal à adopter cette nouvelle variante des Landsgemeinden [16], et fut la première à l’instituer et à l’appliquer au milieu du XIXe siècle [17].
De la Suisse, le droit d’initiative passa aux États-Unis, où il connut une première vague de vif succès au tournant du siècle [18]. De nos jours, près de la moitié des États fédérés l’ont adopté, et il est plébiscité dans certains autres [19]. On le retrouve aussi dans de nombreux pays [20]. L’ironie de l’Histoire n’a pas permis à l’idée de Condorcet d’être appliquée en France, même si certains l’appellent actuellement de leurs vœux [21]. Les 15 et 16 février 1793, Condorcet présente son projet de constitution devant la Convention [22]. « Son » projet, car des neuf membres composant le comité de constitution institué par la Convention le 29 septembre 1792, il fut sans conteste la personnalité la plus influente [23]. La Constitution girondine consacre les 33 articles du titre VIII, intitulé De la censure du peuple sur les actes de la représentation nationale, et du droit de pétition [24], au fonctionnement du droit d’initiative. L’article premier le définit par une formule éloquente : « Lorsqu’un citoyen croira utile ou nécessaire d’exciter la surveillance des représentants du peuple sur des actes de constitution, de législation ou d’administration générale, de provoquer la réforme d’une loi existante ou la promulgation d’une loi nouvelle, il aura le droit de requérir le bureau de son assemblée primaire, de la convoquer au jour de dimanche le plus prochain pour délibérer sur sa proposition ».
Pour saisir le génie d’une telle proposition, il faut se replacer dans le contexte de l’époque. Si beaucoup s’accordent alors sur l’idée de souveraineté populaire, et sur sa conséquence constitutionnelle, la démocratie directe, nombreux sont ceux qui y renoncent devant l’apparente impossibilité matérielle de réaliser un tel programme : comment faire participer massivement un peuple illettré à la vie politique, et comment réunir l’opinion de millions de personnes réparties sur un vaste territoire [25] ? La France n’est pas un canton suisse… Là réside précisément l’optimisme et la créativité du mécanisme de Condorcet. Son courage politique aura été de ne pas se rendre sans condition au régime représentatif : avec le droit d’initiative populaire, qui, comme une tâche d’huile, se propage depuis un petit nombre de citoyens jusqu’au corps législatif, il adapte la démocratie directe aux contraintes géographiques des grands États. Il accompagne son système d’un programme d’éducation visant à instituer un citoyen capable de sens critique [26]. Tout commence par la proposition d’un groupe de 50 citoyens. Si elle reçoit le vote favorable de l’assemblée primaire, puis de la commune, puis du département, le Corps législatif s’en trouve saisi et doit délibérer. La délibération est alors susceptible d’être soumise à la censure d’un référendum national, qui peut mener, en cas de contrariété avec le vote des députés, à la dissolution du corps législatif.
4Le projet fut accueilli au mieux avec froideur, et devint vite l’enjeu de l’affrontement entre Girondins et Montagnards. La victoire de ces derniers condamna le projet de Condorcet : Hérault de Seychelles fut nommé à la tête d’un nouveau comité et le 24 juin 1793, la Constitution montagnarde était adoptée [27]. Resta cependant l’idée : permettre aux citoyens l’initiative législative même dans de grands territoires. Nous voudrions réhabiliter l’influence de Condorcet dans ce processus.
5Tout d’abord, il faut s’assurer que Condorcet est bien l’inventeur du droit d’initiative : le concept est-il le fruit de ses réflexions ou est-il la simple transposition d’une procédure déjà connue et appliquée ? L’étude de sa lente maturation montrera qu’il s’agit bien d’une création personnelle. Il semble ensuite important d’étudier suffisamment en détails la concrétisation de l’idée au sein de la Constitution girondine. Cela établira en effet un mètre étalon grâce auquel pourront être mesurés les développements subséquents du droit d’initiative. Enfin, il nous faudra établir le lien entre cette invention et sa propagation mondiale, en commençant par la Suisse. Nous étudierons donc successivement la formation (I), la concrétisation (II) et la propagation (III) du droit d’initiative populaire selon Condorcet.
I – LA FORMATION DE L’IDÉE
6Rien ne prédisait que ce jeune aristocrate, enfermé dans ses travaux mathématiques, deviendrait l’auteur de la première constitution républicaine et démocratique jamais soumise aux votes des députés français. Mais des rencontres, des événements, ont su révéler chez Condorcet des qualités trouvant à s’appliquer bien au-delà des murs de l’Académie des Sciences. Le droit d’initiative selon Condorcet prend donc sa source dans des influences extérieures (A), nourrissant un naturel propice à leur accueil (B).
A – INFLUENCES EXTÉRIEURES
7Condorcet est la synthèse des idées et des événements de son temps, qui est tumultueux. Plusieurs facteurs ont vraisemblablement contribué à convaincre Condorcet de la légitimité de la souveraineté populaire et de sa possible concrétisation : une formation intellectuelle à l’Ecole des Lumières (1), l’observation de la construction constitutionnelle des États-Unis d’Amérique (2), et une formation pratique à la fois au Ministère de Turgot et, plus tard, à la Commune de Paris (3).
1 – Une formation intellectuelle : les philosophes des Lumières
8On a pu dire que Condorcet était un « lecteur des Lumières » [28]. Ami de d’Alembert et de Voltaire [29], il fut en effet à bonne école et le scientifique devint vite philosophe, élargissant son champ d’investigation intellectuel à un système complet de pensée. Mais s’il a lu Rousseau et semble partager son idéal de démocratie directe [30], Condorcet doit plus à Turgot sa formation en droit constitutionnel [31]. Pour lui, le bonheur d’une société dépend de la liberté d’exercice des droits naturels qui y est permise. Ces droits sont naturels car antérieurs à l’organisation de la vie en société. Or, « parmi ces droits, il en voit un qui surpasse tous les autres et dont ils ne sont que la conséquence, nous voulons dire : « l’égalité naturelle et primitive de l’homme ». C’est d’ailleurs d’elle qu’il fera découler sa conception du droit de suffrage, dont « la participation à la confection des lois » [32]. Il approuve aussi Turgot sur l’idée de diviser le territoire en entités concentriques, qui rapprochent chaque citoyen de l’exercice effectif du pouvoir [33]. Turgot et Condorcet « ont imaginé un mécanisme de représentation de la société, destiné à en assurer l’administration conjointement avec le roi, sur la base de la propriété. Il s’agit d’une pyramide d’assemblées élues, de la “municipalité” paroissiale à la “municipalité générale” du royaume, en passant par deux degrés intermédiaires » [34].
Il est tentant de tracer un parallèle entre ce système et celui du « droit de censure » qui, comme nous le verrons, introduit la saisine du corps législatif à la suite d’une réaction en chaîne passant tour à tour de l’assemblée primaire, à la commune et au département [35]. Mais si Turgot n’envisageait que la participation des propriétaires fonciers à ces assemblées provinciales, l’élève dépassa le maître et, en 1793, Condorcet proposa le suffrage universel masculin [36]. En revanche, comme son mentor, Condorcet croit en la perfectibilité infinie de l’homme : son système d’instruction publique, préalable nécessaire à une réelle participation des citoyens aux affaires publiques, en sera inspiré [37]. Finalement, s’il a tiré de ses lectures philosophiques la conviction que la souveraineté du peuple est la seule légitime, son côté rationnel et scientifique, ainsi que la fréquentation de Turgot et de l’expérience concrète du gouvernement vont transformer le mythe en réalité : avec Condorcet et son système d’initiative populaire, la souveraineté populaire n’est plus seulement une formule, c’est un fait concret, qui peut être localisé géographiquement, c’est un « processus », pour reprendre l’expression et la précieuse analyse de M. Jaume [38].
2 – Un exemple concret : la formation des État Unis d’Amérique
9Les événements qui prirent place en Amérique à la fin du XVIIIe siècle ont indubitablement influencé Condorcet dans la formation de ses idées politiques [39]. Ils lui ont donné à contempler un exemple de concrétisation des idées qu’il défendait abstraitement. Il étudia avec passion l’ensemble des constitutions de chaque État, et publia un commentaire de la Constitution fédérale de 1787 ainsi que de nombreux articles sur le sujet [40]. Admiratif en particulier de la Constitution de Pennsylvanie [41], il se lia d’amitié avec son auteur, Thomas Paine. On sait que celui-ci devint député à la Convention et épaula son ami lors de l’élaboration de la Constitution girondine de 1793. Condorcet fréquenta aussi Jefferson et Franklin lors de leur passage à Paris.
10Plus précisément, est-il possible de voir un lien direct entre le développement constitutionnel américain et le mûrissement de l’idée de participation directe du peuple à la vie de la cité chez Condorcet ? Certainement a-t-il dû être frappé par les référendums constitutionnels ayant eu lieu dans les États de Virginie et de Nouvelle-Angleterre. Comme le souligne M. Borgeaud [42], « il est intéressant de comparer les systèmes contemporains de votations en matière constitutionnelle en vogue au Massachusetts et dans le New Hampshire avec les systèmes suisses et français, en particulier parce que Condorcet, l’auteur des Lettres d’un bourgeois de New Haven, était l’âme du comité de constitution de 1793 investi de la rédaction de la Constitution française ». La Constitution girondine a été décrite comme le résultat de l’union systémique des principes de Nouvelle Angleterre avec ceux de la philosophie française du XVIIIesiècle. Les assemblées primaires y remplacent seulement les « town meetings » [43]. En revanche, si les États-Unis ont été une source d’inspiration, Condorcet n’y pas trouvé les détails de son système. Nulle trace en effet d’initiative populaire dans les anciennes colonies britanniques, du moins à l’échelon de l’État [44]. Cependant, M. Desjardin reconnaît dans la participation du peuple à l’élaboration des normes au niveau de la commune l’exemple sur lequel Condorcet aurait simplement calqué son droit d’initiative : « Après analyse, nous reconnaissons dans ce projet quelques-unes des coutumes anglaises, plébéiennes ou quakeriennes dont j’ai déjà fait mention. La censure du peuple est organisée (…). Ce système d’ondes concentriques était, comme je l’ai dit, celui des rassemblements des Quakers. Je me demande où Condorcet en aurait trouvé ailleurs l’idée » [45]. Cependant, Condorcet n’en fait nulle part directement mention dans ses écrits. De plus, s’il a pu s’inspirer de tels procédés, encore fallait-il pouvoir les transposer à l’échelle de la Nation.
3 – Une formation pratique : la Commune de Paris
11La Commune de Paris allait donner à Condorcet l’occasion de mettre en pratique ses idéaux politiques et d’affûter ses talents de constitutionnaliste. Formée sur les ruines des anciennes institutions municipales, la Commune unissait l’ensemble des districts parisiens. Selon M. Genty [46], « leurs adversaires ne s’y trompèrent pas, qui leur reprochèrent de vouloir établir à Paris une « démocratie pure ». (…) Créés en avril 1789 pour servir de cadre électoral au Tiers-Etat en vue des États généraux, les districts devinrent en juillet un organisme permanent; ouverts désormais aux membres des ordres privilégiés, ils s’organisèrent alors pour prendre en main la vie de la capitale, dans leurs quartiers respectifs d’abord, au niveau municipal ensuite ». Les districts se réunissaient toutes les semaines : tout citoyen pouvait se joindre aux discussions. Les soixante districts disposaient d’un organe commun : la « municipalité ». Condorcet y fut élu comme représentant du quartier de l’abbaye Saint-Germain le 18 septembre 1789 [47]. Il participa au Comité des 24, chargé d’établir une constitution pour la Commune. « Ainsi Condorcet jouissait, dans les derniers mois de 1789, d’une grande autorité. Il s’en servit pour défendre ses idées : dans l’Assemblée générale, il recommanda une politique d’union et de paix; dans les comités, il soutint les principes et les solutions les plus démocratiques » [48]. Ce premier essai de constitution mettant en place les mécanismes démocratiques révèle l’aboutissement d’une longue réflexion personnelle aidée par un naturel propice à leur accueil.
B – UN NATUREL PROPICE
12Pour qui possède un esprit de système prompt à élaborer des constructions théoriques, concilier système représentatif et démocratie directe constitue une quadrature du cercle intellectuellement stimulante. Condorcet le mathématicien y vit sûrement une nouvelle équation à résoudre [49]. La démocratie semi-directe s’imposa comme la solution de compromis idéale : « Ouvrant la voie à ce qu’on a appelé depuis le référendum, Condorcet montrait une grande audace démocratique qui, à la fois, tentait de faire l’économie du dangereux droit d’insurrection, et de contrebalancer le pouvoir des représentants sans pour autant en nier le caractère indispensable » [50]. Mais le droit d’initiative n’est pas seulement le fruit de Condorcet le technicien, c’est aussi et avant tout celui de Condorcet l’humaniste, qui fait confiance à la perfectibilité croissante du genre humain (1). Son système s’élabore progressivement au fil de ses œuvres (2).
1 – Sa croyance en l’homme
13Condorcet croit profondément, à la suite de Turgot, en la capacité de l’homme à s’améliorer sans cesse, en sa perfectibilité [51]. Pour permettre à chacun de participer à la vie politique, il faut instaurer un système général d’éducation. « Que vaudrait une École Républicaine sans République : l’héritage des Lumières est traduit par Condorcet en propositions pédagogiques mais aussi politiques et constitutionnelles précises. L’institution du citoyen se fait constitution républicaine » [52]. Il n’est donc pas surprenant de constater que son système constitutionnel s’élabore en parallèle avec une réflexion profonde sur l’instruction publique. En 1791, il publie son Premier mémoire sur l’instruction publique [53]. Quatre autres suivront [54]. En 1792, alors qu’il participe au comité de constitution, il publie un Rapport et projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique [55]. Au lendemain de la dissolution du comité constitutionnel (février 1793), Condorcet rejoint le comité d’instruction publique. Benjamin Franklin dira de ce système « qu’il voulait établir entre les citoyens une communication plus étroite des lumières et des sentiments, leur faire prendre l’habitude de se concerter pour leurs intérêts communs, et non propager ses opinions ou se donner un parti » [56].
2 – Les premières traces de son système politique dans ses œuvres
14La conviction de la supériorité conceptuelle de la démocratie directe (a), et les moyens de sa mise en œuvre (b), mûrissent conjointement au fil du temps et des œuvres de Condorcet.
a) La conviction de la supériorité conceptuelle de la démocratie directe
15Dès 1787, Condorcet est sensible à l’expérience américaine du référendum constitutionnel [57]. Dans l’essai Sur la nécessité de faire ratifier la constitution par les citoyens [58], écrit en 1789, il va plus loin que le simple référendum constitutionnel et évoque deux innovations majeures. Tout d’abord, il souhaite donner au peuple le pouvoir d’initier une véritable navette constitutionnelle entre lui et l’Assemblée constituante sur certaines dispositions particulières [59]. Ensuite, Condorcet fait déjà allusion à un souhaitable élargissement du système du référendum à la matière législative : « L’ordre social n’aura vraiment atteint le degré de perfection auquel on doit tendre sans cesse, qu’à l’époque où aucun article des lois ne sera obligatoire qu’après avoir été soumis immédiatement à l’examen de tout individu (…). Je propose pour cette fois, de borner ce droit individuel aux seuls articles relatifs à la constitution; mais c’est dans l’espérance que les progrès de la raison et l’effet que des institutions plus légales et plus justes produiront nécessairement dans les esprits, permettront à une autre époque d’étendre ce même droit à d’autres classes de lois, et successivement de l’étendre à toutes » [60]. Par ailleurs, en 1792, alors qu’il est en train de bâtir le plan de Constitution que la Convention lui a commandé, il renouvelle expressément sa défiance envers le système représentatif : « Les hommes ont tellement pris l’habitude d’obéir à d’autres hommes, que la liberté est, pour la plupart d’entre eux, le droit de n’être soumis qu’à des maîtres choisis par eux-mêmes. Leurs idées ne vont pas plus loin, et c’est là que s’arrête le faible sentiment de leur indépendance. (…) Presque partout cette demi-liberté est accompagnée d’orages; alors on les attribue à l’abus de la liberté, et l’on ne voit pas qu’ils naissent précisément de ce que la liberté n’est pas entière; on cherche à lui donner de nouvelles chaînes, lorsqu’il faudrait songer, au contraire, à briser celles qui lui restent » [61]. Briser les chaînes, c’est inventer un moyen de participation directe du peuple aux lois qui le gouvernent…
b) Les moyens de mettre en œuvre la démocratie directe à l’échelle d’une grande nation
16Pour ce qui est de la structure de la consultation, c’est-à-dire la réaction en chaîne entre subdivisions territoriales, que l’on peut se figurer sous la forme de cercles concentriques, on a vu que l’idée en a germé aux côtés de Turgot [62]. On retrouve cette construction dans l’Essai sur la constitution et les fonctions des assemblées provinciales, écrit en 1788 [63]. Afin d’éviter les inconvénients des assemblées trop restreintes, qui « dépendent trop des intérêts personnels, des passions particulières de ceux qui la composent », et les inconvénients des assemblées trop importantes, « livrées en quelque sorte au hasard, lorsqu’elles ne sont pas dictées par quelques hommes doués du talent dangereux d’ébranler l’imagination », il propose une série de divisions territoriales s’emboîtant comme des tables gigognes. La première division correspondrait à la communauté, soit d’une ville, soit de plusieurs « paroisses de campagne réunies ». La seconde rassemblerait plusieurs communautés à l’échelon d’un district. Les districts enfin seraient rassemblés en provinces, la Nation représentant l’ensemble des provinces.
17Par association d’idée, Condorcet se souvient de ce mécanisme de découpage territorial au moment de trouver un système de participation directe de la population à l’élaboration des lois. Mais au lieu de cantonner ces subdivisions à un rôle administratif, comme le prévoyait le système de Turgot, ou à un rôle électoral, comme c’était le cas dans l’Essai sur la constitution et les fonctions des assemblées provinciales [64], l’idée germe dans l’esprit de Condorcet d’en faire le véhicule de la volonté d’un groupe de citoyens vers le Corps législatif et la Nation tout entière : « Pour que la masse entière de la nation émette un vœu, faudra-t-il attendre que l’universalité de ses portions s’assemble spontanément, ou que les représentants du peuple convoquent ses assemblées ? La tranquillité publique serait-elle assurée si, dans le cas où une inquiétude vive agiterait une portion notable de citoyens, il leur fallait, ou déterminer cette convocation, ou produire un mouvement général dans toutes les autres portions ? Ne serait-il pas plus simple d’établir que telle portion de citoyens, qui aurait déjà un moyen légal d’émettre son vœu, pourrait exiger la convocation nationale; qu’une portion plus petite pourrait également obtenir, sous une forme régulière, l’émission de ce vœu pour une convocation, en sorte qu’il ne pût exister une réunion un peu considérable de citoyens, qui n’eût l’espérance et le moyen légal de consulter le peuple entier, si elle le croyait nécessaire ? » [65]. Pour Lucien Jaume, « il s’agit véritablement de la première tentative pour penser, et surmonter l’aporie rencontrée depuis 1789. Deux termes qui ont paru jusqu’à présent incompatibles (système représentatif et démocratie directe) vont être rendus complémentaires dans leurs objets et interdépendants dans leur fonctionnement. Le caractère original de la démarche c’est donc qu’elle ne remet pas en cause l’indépendance des représentants (…). Ce que donc le législateur doit remettre en cause, c’est l’absence de canaux légaux par où monteraient les vœux de l’opinion publique, et par lesquels s’effectuerait une information en retour suivie de la sanction populaire. Bien que Condorcet n’aime pas le terme (qui appartient à une autre tradition), il s’agit d’un jeu de contrepoids entre gouvernés et gouvernants, tel que la souveraineté est présente effectivement chez les premiers (et elle le prouve), mais ne peut rien sans un jeu d’interactions avec le corps législatif; soit l’initiative vient de ce dernier, soit elle provient des citoyens » [66].
II – LA CONCRÉTISATION DE L’IDÉE
18Transportons-nous pour quelques instants à la fin de l’été 1792. Le Roi, dans sa fuite, a perdu toute légitimité. Le 10 août, l’assaut des Tuileries par la foule parisienne interdit tout retour en arrière : l’idée républicaine s’impose. Sur le modèle américain, une Convention de députés est chargée de voter une nouvelle constitution. Plus précisément, la Convention charge un comité de neuf membres le soin de la rédiger. Condorcet y est nommé et s’y consacre avec plus d’enthousiasme qu’aucun autre [67]. Le 15 février 1793, il présente son projet.
19Le droit d’initiative populaire y est traité au titre VIII sous l’appellation de « Censure du peuple sur les actes de la représentation nationale, et du droit de pétition ». L’article premier explique la signification et expose l’objectif de l’institution : « Lorsqu’un citoyen croira utile ou nécessaire d’exciter la surveillance des représentants du peuple sur des actes de constitution, de législation ou d’administration générale, de provoquer la réforme d’une loi existante ou la promulgation d’une loi nouvelle, il aura le droit de requérir le bureau de son assemblée primaire, de la convoquer au jour de dimanche le plus prochain pour délibérer sur sa proposition ». Le droit d’initiative existe donc tant en matière législative que constitutionnelle (cette question est réglée dans le titre suivant, intitulé Des conventions nationales), et autorise à la fois la révision d’une norme ancienne et la proposition d’une norme nouvelle. Le mécanisme de saisine du corps législatif est le même, que la norme proposée soit de nature législative ou constitutionnelle (A). En revanche, les procédures divergent une fois que l’initiative populaire a saisi le corps législatif (B).
A – LA SAISINE DU CORPS LÉGISLATIF SUR L’INITIATIVE D’UN GROUPE DE CITOYENS
20La saisine du corps législatif n’est pas immédiate : le projet doit gravir un à un les échelons le menant de l’assemblée primaire à la commune, de la commune au département. Puis, si la majorité des assemblées primaires d’un département s’est prononcée favorablement, le corps législatif est alors saisi de l’examen et du vote du projet. Comme une onde provoquée par un infime impact sur la surface de l’eau, le projet se propage et prend de l’ampleur. Étudions cette propagation plus en détail.
21La requête initiale doit être rédigée en termes simples (article II) et comporter la signature de 50 citoyens résidant dans l’arrondissement de la même assemblée primaire (article III). Elle est présentée au bureau de l’assemblée primaire (article I), qui vérifie si les signataires ont droit de suffrage. Si tel est le cas, le bureau est tenu de convoquer l’assemblée primaire le dimanche suivant (article IV). Lors de la réunion de l’assemblée, le projet est lu et discuté, mais il ne pourra être voté que le dimanche suivant (article V). Le vote doit avoir lieu en répondant par oui ou non à la question : « Y a-t-il, ou n’y a-t-il pas lieu à délibérer ? » (article VI). « Si la majorité des votants est d’avis qu’il y ait lieu à délibérer, le bureau sera tenu de requérir la convocation des assemblées primaires, dont les chefs-lieux sont situés dans l’arrondissement de la même commune, pour délibérer sur l’objet énoncé dans la réquisition » (article VII).
22Voici le schéma de base. Il va être reproduit à l’échelon de la commune, puis à celui du département. On y trouve les composantes essentielles du système de Condorcet : crédibilité de la proposition de départ (soutien de cinquante signatures), saisine de plein droit de la collectivité (assemblée primaire, commune, département), sans examen au fond, si les conditions en sont remplies (afin que le droit soit effectif et non soumis à une appréciation subjective qui pourrait faire obstacle au processus); une proposition simple pour baliser la discussion; un vote ajourné pour plus de réflexion.
23Le bureau de l’assemblée primaire initiale saisit alors les assemblées primaires de la même commune en adressant à chacune d’entre elles le procès verbal de la délibération ainsi qu’une copie de la proposition elle-même (article VIII). Ces assemblées se réunissent, votent selon les mêmes directives, et envoient le résultat des délibérations au bureau de l’assemblée primaire initiale (article IX). S’il ressort de ces résultats que la majorité des citoyens ayant voté dans les assemblées primaires de la commune a estimé qu’il y avait lieu à délibérer sur la proposition, le bureau de l’assemblée primaire initiale saisit l’administration du département d’une copie de la proposition et du procès verbal des délibérations (article X). La convocation sous quinzaine des assemblées primaires du département est alors obligatoire; elles se réunissent, votent, et adressent le résultat de leur délibération à l’administration du département dans des formes identiques à celles précédemment décrites (article XI). « Si la majorité des citoyens décide qu’il y a lieu à délibérer, l’administration du département adressera au corps législatif le résultat de leurs délibérations, avec l’énonciation de la proposition qu’ils ont adoptée, et le requerra de prendre cet objet en considération » (article XII).
24Le corps législatif est enfin saisi. « La procédure entre ici dans une nouvelle phase et elle va se terminer ou par le vote d’une nouvelle loi ou par une véritable révocation du Corps Législatif, suivie de sa réélection, car tels sont les deux résultats considérables que peut indifféremment provoquer l’initiative du plus humble des citoyens, du plus ignorant des paysans » [68]. Si la procédure paraît longue et compliquée, c’est qu’elle confère un pouvoir unique à tout citoyen : capter l’attention de la Nation entière sur son projet. Il convient donc de dresser des remparts puissants contre les abus.
B – LE TRAITEMENT DE LA PROPOSITION PAR LE CORPS LÉGISLATIF
25La procédure de discussion et de vote devant le corps législatif sera différente selon la nature législative (1) ou constitutionnelle (2) : il convient donc de les distinguer.
1 – Hypothèse d’une proposition législative
26La réquisition du département dans lequel ont eu lieu les délibérations est imprimée sans délai, distribuée à tous les membres du corps législatif, et affichée dans la salle des débats. Des commissaires sont nommés, et sont chargés d’établir un rapport sur la proposition sous huitaine (article XIV). Une discussion d’une semaine commencera alors sur ce rapport, et un vote, sur la seule question de savoir s’il convient de délibérer sur la proposition, interviendra dans la quinzaine suivante (article XV). Chaque vote doit être signé, et le résultat nominal des suffrages est envoyé dans tous les départements (article XVI). Pour l’instant, le vote ne porte que sur la question de savoir s’il convient de délibérer sur la proposition.
27Si la majorité des députés estime que la question mérite débat, la proposition au fond est renvoyée à des commissaires, qui devront élaborer un projet de décret sous quinzaine (article XVII). Enfin les députés votent sur la substance de la proposition. Si le décret est admis, il est « renvoyé » au bureau suivant les règles générales prescrites pour la formation de la loi (article XVIII). « Le citoyen qui, du fond de sa chaumière ou de son Assemblée primaire, a mis en branle toute la vaste machine électorale, a, sinon légiféré directement, du moins provoqué, par son initiative, le vote d’un nouveau décret. Ce n’est pas le gouvernement direct comme à Athènes ou comme dans les cantons suisses; c’est du gouvernement direct perfectionné, raffiné, et même, on peut le dire, assez compliqué » [69].
28Mais le système ne serait pas vraiment démocratique si le peuple n’avait pas un moyen de censurer la décision du corps législatif. Le « droit de censure et de pétition » n’est pas un simple droit de suggestion laissé in fine à l’appréciation des députés. Au contraire, la véritable audace du droit d’initiative élaboré par Condorcet repose précisément dans la possibilité de censurer a posteriori la décision des députés. Ainsi, si les assemblées primaires d’un autre département demandent la révocation du décret qui a rejeté la proposition (en décidant qu’il n’y avait pas lieu de délibérer) ou la loi qui aura été faite suite à l’approbation de la proposition au fond, le corps législatif sera tenu de convoquer surlechamp toutes les assemblées primaires de l’ensemble du territoire (article XX). En effet, la rebuffade d’un département révèle une distorsion entre les citoyens et leurs représentants, et seule une consultation directe générale peut lever ce doute. Si le résultat du référendum contredit la décision prise par le corps législatif, la sanction proposée par Condorcet est radicale : dissolution, nouvelles élections, et inéligibilité pendant une législature des députés qui se seraient prononcés dans le sens condamné par le vote du peuple [70].(article XXII). Après élections, la nouvelle assemblée délibérera à nouveau sur la proposition, et sa décision pourra elle-même être à nouveau soumise à la censure du peuple (article XXVI).
29Une constatation s’impose : le processus est long, surtout s’il s’accompagne d’un référendum national et de la dissolution du Corps législatif, suivie de nouvelles élections, d’un nouveau vote, susceptible d’être l’objet d’une nouvelle censure… Mais ces complications ne font que révéler un dysfonctionnement en amont du système représentatif, et tentent d’y remédier. Si le corps législatif est le fidèle représentant de la volonté du peuple, sa décision n’a pas lieu d’être contestée. Le processus s’arrête là et il n’aura fallu finalement que 3 à 4 mois pour qu’une initiative populaire devienne une loi de la République.
30De plus, deux autres mesures sont prévues pour empêcher l’immobilisation de l’État pendant la procédure d’initiative ou de censure : l’article XXVII précise que les décrets et les actes de simple administration, les délibérations sur les intérêts locaux et partiels, l’exercice de la surveillance et de la police sur les fonctionnaires publics, et les mesures de sûreté générale ne pourront pas être l’objet de la censure populaire. Par ailleurs, l’article XXIX décide l’exécution provisoire de plein droit de la loi contestée pendant le temps nécessaire à l’organisation du référendum, voire des élections subséquentes.
2 – Hypothèse d’une initiative touchant à la Constitution
31Les modifications d’ordre constitutionnel font l’objet du titre IX de la Constitution girondine, intitulé Des conventions nationales. L’article premier précise qu’ « une convention nationale sera convoquée toutes les fois qu’il s’agira de réformer l’acte constitutionnel, de changer ou modifier quelqu’une de ses parties, ou d’y ajouter quelque disposition nouvelle ». Parmi les hypothèses de convocation, l’article V énonce que « chaque citoyen a le droit de provoquer l’appel d’une convention pour la réforme de la constitution; mais ce droit est soumis aux formes et aux règles établies pour l’exercice de droit de censure ». A une différence près cependant : une fois le Corps Législatif saisi, il doit convoquer surlechamp les assemblées primaires de la République (une telle éventualité n’existe qu’après la « rebuffade » d’un département dans l’hypothèse d’une proposition législative). Si la majorité des votants réunis en assemblées primaires adopte l’affirmative, la convention a lieu sans délai (article VI). Le nouveau projet de constitution est présenté aux suffrages du peuple; s’il est rejeté, la Convention présente « aux suffrages des citoyens les questions sur lesquelles elle croira devoir connaître leur vœu » (article XI). Un nouveau plan, corrigé d’après les vœux exprimés par les citoyens, est à nouveau soumis à l’acceptation du peuple (article XII). S’il est à nouveau rejeté, la convention est dissoute de plein droit, et le corps législatif doit consulter sans délai l’ensemble des assemblées primaires pour savoir s’il a lieu à la convocation d’une convention nouvelle (article XIV). On retrouve donc l’idée de navette entre l’assemblée constitutionnelle et le peuple [71]. Cette procédure illustre bien le mot de M. Archambault de Monfort, décrivant la Constitution girondine : « En toutes circonstances, donner le dernier mot au peuple » [72]. Pour Lucien Jeaume, « la souveraineté du peuple chez Condorcet n’est pas dans l’élection, mais dans les divers actes par lesquels les citoyens répondent à l’initiative du corps législatif, ou développent une initiative propre. C’est d’ailleurs pourquoi la volonté générale ne saurait résider dans le peuple seul, mais émane du mécanisme général des interactions. (…) La volonté générale devient un processus et non une entité (…) » [73].
III – LA PROPAGATION DE L’IDÉE
32Nul n’est prophète en son pays. Condorcet apprit la justesse de l’adage à ses dépens : alors qu’il allait connaître une popularité croissante au cours du XIXe siècle en Suisse et aux États-Unis (B), l’idée et le mécanisme d’initiative populaire connut un échec presque total en France (A).
A – SON ÉCHEC EN FRANCE
33Malgré les justifications de Condorcet (2), la condamnation de son projet constitutionnel en général, et du droit d’initiative en particulier, est presque unanime (1).
1 – Une condamnation presque unanime
34Au lendemain de la lecture du projet devant la Convention les 15 et 16 février 1793, les critiques sont surtout de nature politique. Pour les Montagnards, le projet est mauvais parce que girondin. Comme l’exprime Jeanbon Saint-André, « ce malheureux rejeton de huit ou neuf pères brissotins a contre lui, comme beaucoup considèrent, un vice très essentiel : celui de sa naissance » [74]. Mais « en réalité, le projet de Condorcet était si démocratique que les Jacobins ne trouvaient pas d’objection à y faire : ils n’y étaient hostiles que parce qu’il émanait de leurs adversaires, les Girondins » [75]. La meilleure preuve en est que le projet de Constitution proposé par les Montagnards, rédigé à la hâte et adopté quelques semaines plus tard le 24 juin 1793, ne peut que reprendre certaines des idées que Condorcet avait mûri si lentement [76]. On retrouve ainsi à l’article 115 la mise en place d’un référendum d’initiative populaire en matière constitutionnelle [77].
35Certains font cependant des critiques plus substantielles. Par exemple, la trop grande technicité du projet est mise en avant par Marat : « Qui croirait que pour proposer une nouvelle loi ou en faire révoquer une ancienne, on tient 5 millions d’hommes sur pied pendant six semaines ? C’est un trait de folie qui mérite aux législateurs constitutifs une place aux Petites Maisons » [78].
36D’autres virent dans le projet la volonté masquée de Condorcet de brider l’élan révolutionnaire de certains groupes minoritaires actifs, aux premiers rangs desquels les sections de la Commune de Paris et les sans-culottes parisiens. Le droit d’initiative populaire selon Condorcet suppose en effet l’approbation à la majorité de plusieurs échelons successifs de la population (assemblée primaire, commune, département), avec pour conséquence de « noyer » tout soulèvement spontané d’un groupe minoritaire. Les Sans-culottes ont de la démocratie directe une conception diamétralement opposée à celle de Condorcet : spontanée, et non corsetée par le formalisme étouffant, unanime et non majoritaire [79]. Ainsi, pour M. Pertué, « si Condorcet voulait sans aucun doute par ce moyen traduire dans la réalité son idéal de politique rationnelle, il est non moins évident qu’il cherchait aussi à remédier par la ruse au grand mal que constituait à ses yeux le rôle excessif de Paris dans le processus révolutionnaire. (…) En effet, le système imaginé par Condorcet consistait en fait à substituer une majorité inerte, paralysée par les formes et découragée par les délais, aux minorités agissantes pourtant si nécessaires à la défaite de l’aristocratie et à l’échec de la coalition. (…) En réalité, plutôt qu’un veto populaire, la censure du peuple était un veto provincial : toute son économie consistait à ruiner le droit d’ingérence nationale que Paris s’était indûment attribué pour le restituer à tous les départements » [80].
37Il est certain qu’en élaborant le droit d’initiative, la volonté de contenir les coups de sang de la population parisienne, et les bains de sang dont ils se sont accompagnés [81], est présente à l’esprit de Condorcet. Il ne s’en cache d’ailleurs pas : « Nous entendons, sans cesse, les portions de citoyens, un peu nombreuses, parler au nom du peuple souverain. Igno-rent-elles que la souveraineté n’appartient qu’au peuple entier; qu’il n’exerce immédiatement sa souveraineté qu’au moment où toutes ses portions peuvent émettre un vœu commun; qu’alors seulement sa volonté est souveraine; que dans toute autre circonstance il ne peut prononcer qu’une opinion, manifester un désir; que les réunions même les plus puissantes sont, comme un seul individu, soumises à la loi, et n’exercent que le pouvoir ou les fonctions qui leur sont délégués par elle ? » [82][. Aussi précise-t-il dans son Exposition des principes et des motifs du plan de constitution, que « si le peuple veut, dans ses assemblées séparées, exercer son droit de souveraineté, ou même la fonction d’élire, la raison exige qu’il se soumette rigoureusement à des formes antécédemment établies. En effet, chaque assemblée n’est pas souveraine; la souveraineté ne peut appartenir qu’à l’universalité d’un peuple, et ce droit serait violé, si une fraction quelconque de ce même peuple n’agissait pas, dans l’exercice d’une fonction commune, suivant une forme absolument semblable à celle que les autres ont suivie » [83]. Robespierre, qui n’entend dans ce discours qu’une justification bourgeoise et girondine, lui répond qu’ « assujettir à des formes légales la résistance à l’oppression est le dernier raffinement de la tyrannie… . Cependant, Condorcet n’interdit pas l’insurrection comme ultime défense contre la tyrannie [85]. Ses priorités sont simplement inversées. Au lieu de présumer l’urgence et de reléguer le processus démocratique à des jours meilleurs, comme la Convention le fera en enfermant la Constitution du 24 juin 1793 à peine adoptée dans une arche de cèdre, dont elle ne sortira jamais, Condorcet préfère mettre en œuvre le principe démocratique avant tout, et n’envisager les piques et les cris qu’en dernier recours.
38Invoquant un autre argument, le député Robert s’oppose violemment devant la Convention à l’adoption du projet comme instituant la ploutocratie de manière indirecte : « Si vous décrétiez ces fréquentes assemblées, la partie la moins aisée du peuple serait dans l’impossibilité absolue de s’y rendre; et si elle ne s’y rendait pas, son droit à l’exercice de la souveraineté ne serait plus qu’illusoire : la classe aisée, la classe opulente deviendrait la maîtresse suprême des assemblées, et par un excès de démocratie mal entendu, vous verriez nécessairement s’élever un genre d’aristocratie bien plus terrible, l’aristocratie presque absolue des riches » [86].
39Le XIXe siècle et le début du XXe siècle ne furent pas plus encourageants. Michelet voit dans la Constitution de Condorcet la « paralysie constituée » [87]. Mathiez acquiesce : selon lui, l’insertion d’un droit de censure dans le projet des Girondins ne servait qu’à « masquer sa politique de classe d’un vernis de libéralisme démocratique en même temps que pour donner à ses partisans le moyen de paralyser l’Assemblée législative où domineraient ses adversaires » [88]. Jaurès parle de la complexité du projet comme autant de « bouffissures » [89]. Coste évoque un « chefd’œuvre de puérilité », « ridicule, voire monstrueux » [90]. Quant à Archambault de Montfort [91], il se demande un peu légèrement s’il ne faut pas voir dans le droit d’initiative populaire, sur lequel on sait pourtant que Condorcet a réfléchi durant toute sa vie de philosophe et d’homme politique [92], qu’une simple manœuvre démagogique : « Ne serait-ce pas plutôt que dans le match de surenchère démocratique qui s’était ouvert entre les partis, l’idée d’organiser le contrôle du peuple lui a paru capable de rallier la faveur populaire ? ».
2 – Justifications de Condorcet
40Alors que son article Aux citoyens français sur la nouvelle constitution [93], qui critique vivement la Constitution montagnarde du 24 juin 1793, lui a attiré les foudres de la Convention [94], Condorcet rédige un éclairant et touchant Fragments de justification [95]. On peut y lire ce passage : « Au moment de la Révolution, l’égalité absolue entre les citoyens, l’unité du corps législatif, la nécessité de soumettre une constitution à l’acceptation immédiate du peuple, la nécessité d’établir des assemblées périodiques qui pussent changer cette constitution, et de donner aussi au peuple un moyen de faire convoquer ces assemblées lorsqu’il croirait sa liberté menacée ou ses droits violés par les pouvoirs existants, me parurent devoir être la base de la nouvelle organisation sociale. L’idée surtout d’organiser un moyen pour le peuple d’exprimer son vœu sur la nécessité d’une réforme quelconque, tel que jamais une insurrection ne fût nécessaire, me paraissait aussi utile qu’elle était en quelque sorte nouvelle, du moins pour le très grand nombre » [96]. On retrouve [97] le souci de Condorcet de faire prévaloir la discussion et le vote sur les armes et la violence. Il est intéressant de remarquer que ce leitmotiv est bien différent des raisons qui précipiteront l’adhésion du droit d’initiative dans d’autres pays, en particulier aux États-Unis d’Amérique, au milieu et à la fin du XIXe siècle. Ce ne sera plus la crainte de l’insurrection mais plutôt le dysfonctionnement du système parlementaire représentatif qui sera au centre des préoccupations [98]. Pour l’heure, Condorcet a raison de craindre la tyrannie d’une minorité active : la Convention, aux mains du Comité de Salut public, allait bientôt décréter son arrestation et l’acculer au suicide.
41Par ailleurs, Condorcet n’a pas que des détracteurs. Le projet reçoit l’admiration de certains contemporains. Ainsi, le rédacteur en chef de la Feuille Villageoise, dans son édition du 14 mars 1793, emploie une comparaison pleine de louanges : « Semblable à ces horloges artistement combinées pour pouvoir d’elles-mêmes remonter leur ressort, la nouvelle constitution présente les moyens qui peuvent à chaque instant la réformer et la perfectionner ». Récemment, les idées de Condorcet ont retrouvé du crédit. Pour Elisabeth et Robert Badinter, « le projet rayonne de la confiance que Condorcet avait en la démocratie directe, dans le peuple éclairé par l’instruction publique, et auquel il confère l’entier contrôle de sa destinée. Par ce lien indissoluble entre instruction et démocratie, entre raison et République, le projet de Condorcet est plus qu’un instrument juridique : un acte de foi dans l’avenir et les progrès indéfinis de l’esprit humain. Ce message là ne sera pas perdu » [99]. Charles Coutel souligne l’inventivité du système proposé par Condorcet : « Les citoyens sont en liaison avec l’Assemblée et les autres élus dans un débat continu et libre. A la place d’une opposition entre gouvernés et gouvernants (présente chez Robespierre comme chez Sieyès), Condorcet propose une circulation des avis, débats et décisions politiques. C’est la République permanente. A la place de l’unanimisme, le débat et l’argumentation; à la place d’une citoyenneté de « spécialistes », une citoyenneté partagée » [100]. Léon Cahen [101] évoque la « noblesse des principes » du projet de Condorcet, et Francis Hamon [102] en souligne le modernisme.
42Et effectivement, si on peut critiquer l’invraisemblance du procédé pratique, si on peut discuter les véritables intentions de Condorcet (bien que sa vie et ses écrits confirment la thèse de l’homme de bonne volonté plutôt que celle du tacticien évoquée par M. Pertué [103] ), on ne peut douter de l’utilité de l’idée en elle-même, qui permet l’expression directe du peuple dans les grands États, et qui offre donc une alternative au système représentatif pur. Il convient en effet de dépasser les limites étriquées d’un contexte franco-français de la fin du XVIIIe siècle, et de considérer les avatars historiques et mondiaux du droit d’initiative. Force est alors de constater que l’idée de Condorcet s’est propagée et concrétisée avec succès.
B – LE SUCCÈS DE L’IDÉE À L’ÉTRANGER
43On a vu que le concept et le mécanisme imaginés par Condorcet pour donner voix au peuple dans le processus législatif reçurent un accueil des plus froids en France. C’est donc ailleurs qu’ils vont se propager, à commencer par la Suisse, où la présence historique de la démocratie directe offre un humus propice à la prolifération de l’idée nouvelle [104]. Or, si la démocratie directe sous forme d’assemblées votantes est une institution traditionnelle dans certains cantons suisses, le nouveau mécanisme offert par le droit d’initiative n’y est apparu qu’au milieu du XIXe siècle. On connaît l’influence globale de la Révolution française sur le processus démocratique suisse [105]. Mais quel est le rôle personnel de Condorcet dans ce processus ? Ses travaux ont-ils eu quelque impact ? A cet égard nous ne trouvons aucune référence expresse [106]. Mais quelques indices nous mettent sur la piste.
44En 1831, le canton de Saint-Gall adopta une Constitution qui organisait un droit de veto présentant quelques similarités frappantes avec le droit d’initiative de Condorcet. A l’article 137, on peut lire que « dès que 50 citoyens d’une même commune le demandent, une assemblée communale doit être tenue pour décider s’il convient de s’opposer à la loi qui lui a été soumise ». L’article 138 continue en précisant que « si la majorité de l’assemblée communale décide de ne soulever aucune objection, la loi est considérée comme approuvée par la commune. Dans le cas contraire, l’Amman de la communauté communique sans délai le résultat à l’Amman du district, qui lui-même en avise le Petit Conseil en lui envoyant une copie de la minute de la réunion » [107]. Bien que cette procédure ne concerne que le droit de veto et non le droit d’initiative, nous reconnaissons certaines caractéristiques du système proposé par Condorcet : le choix des 50 citoyens nécessaires à la mise en branle de tout le processus est une coïncidence frappante; on retrouve aussi la progression par paliers chère à Condorcet.
45Il est par ailleurs troublant de constater que le droit d’initiative apparut dans la ville de Genève peu après que Condorcet eut exposé son système. En 1794, l’assemblée des citoyens déclara qu’elle seule avait le droit d’approuver, de rejeter, de modifier, d’interpréter ou d’abroger les lois et édits. Par un amendement de 1796, la Constitution de Genève donnait le droit d’initiative à une assemblée de 700 citoyens dans le cas d’un projet de loi ordinaire, à une assemblée de 1000 dans le cas d’un amendement constitutionnel [108].
46On trouve aussi quelques allusions directes à l’influence de Condorcet. Ainsi, pour Ulrich Coste [109], « le droit d’initiative populaire est, en Suisse, le droit que possède le peuple de demander : 1° la modification des lois en vigueur; 2° la confection de lois nouvelles; 3° la révision de la constitution. C’est absolument le même droit d’initiative que celui qui est établi par la constitution girondine du 16 février 1793 » [110]. Pour M. Schefold [111], l’adoption du droit d’initiative populaire en matière législative dans le canton de Waadt en 1845 est directement influencée par Condorcet [112]. Dans une analyse très riche, Alfred Kolz [113] mentionne le lien de parenté direct qui unit Condorcet à l’apparition du droit d’initiative en Suisse. Le projet de Condorcet non seulement en tant que tel, mais aussi tel que repris dans le projet montagnard, aurait servi d’exemple à la première vague d’adoption de l’initiative dans les cantons. Par ailleurs, il voit une filiation entre Condorcet et les auteurs prônant la démocratie directe lors de la deuxième vague de démocratisation en Suisse après 1848. Des auteurs comme Burkli ou Rittenhausen se référeraient directement aux idées de Condorcet, ce qui aurait fait dire à Louis Blanc « Plus de Girondins ! » en tête d’un de ses pamphlets. Rittinghausen propose en effet un mécanisme de consultation par échelon (section, commune, district, département) qui rappelle avec force le système de Condorcet : « Le peuple se divise en sections de mille citoyens chacune. (…) Chaque section s’assemble dans un local propre à cet usage, école, hôtel de ville ou salle publique. Elle nomme son président, qui dirige les débats de la manière dont il sera parlé ci-après. Chaque citoyen peut prendre la parole dans les discussions, par conséquent toutes les intelligences sont au service de la patrie. La discussion close, chaque citoyen émettra son vote. Après le dépouillement du scrutin; le président de la section fait transmettre au maire de la commune le chiffre des votes pour et contre. Le maire fait le relevé des votes de toutes les sections de la commune et en communique le résultat à l’administration supérieure, qui, opérant de la même manière pour son district, fait parvenir le chiffre des votes pour et contre au préposé du département. Ce dernier transmet le résultat du dépouillement au ministère, qui fait l’addition pour le pays entier » [114]. Cette description rappelle étrangement le titre VIII de la Constitution girondine…
47Mais les détracteurs de l’initiative populaire eurent vite fait de lier son succès pratique en Suisse à sa tradition séculaire, ainsi qu’aux dimensions restreintes des cantons dans lesquels elle s’appliquait. Le XXe siècle les fera mentir, avec, tout d’abord, la propagation de l’initiative populaire aux États-Unis [115]. Il y apparut à la fin du XIXe siècle, sous la pression conjuguée de la Révolution industrielle et de la Conquête de l’Ouest [116]. En 1888, James W. Sullivan, un théoricien de droit social, se rendit en Suisse pour étudier sur place le mécanisme de l’initiative et du référendum. De retour aux États-Unis, Sullivan publia une série d’articles sur le sujet ainsi qu’un livre qui fit sensation : « Direct Legislation by The Citizenship Through the Initiative and Referendum » [117]. Il convainc le « Populist party » et le « Socialist Labor Party » de le soutenir. En 1898, le Dakota du Sud fut le premier État à adopter le droit d’initiative. Actuellement, 24 États des États-Unis d’Amérique ont inscrit le droit d’initiative populaire dans leur Constitution [118].
48Par ailleurs, le référendum d’initiative populaire est en pratique dans de nombreux pays du monde [119] : l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie [120], l’Espagne [121], le Canada, le Libéria, le Guatemala, et, récemment, les Iles Philippines [122] et la Hongrie en connaissent sous des formes variées, attestant de la vitalité du mécanisme inventé près de deux siècles auparavant par Condorcet.
CONCLUSION : DU RESTE DU MONDE À LA FRANCE : LA CORRECTION D’UNE IDÉE ?
49Un cliché représente les Français volontiers cocardiers, claironnant fort leurs conquêtes et inventions. Le droit d’initiative serait alors l’exception confirmant la règle. L’aversion française envers cette institution est clairement exprimée par Ulrich Coste, au tournant du XXe siècle : « Les institutions sont comme les hommes et les plantes; un changement de pays, de zone et de climat est presque toujours pour elles une cause de dépérissement et de mort. Donc il serait dangereux d’introduire dans un nouveau pays des institutions qui se sont développées et ont prospéré dans un autre, appropriées à sa nature, sur un sol apte à les nourrir et à les fortifier. La Suisse n’est pas un État comparable à la France : son territoire est tout à fait minuscule, il est étranger au grand concert des nations européennes, il se prête facilement aux votations populaires, n’est pas obligé de faire un grand nombre de lois, et partant le peuple n’est que rarement appelé à se prononcer. Les institutions de la Suisse sont le résultat des mœurs du passé, des conditions sociales de ce peuple, et il est plus que probable, qu’en dehors de ces conditions éminemment favorables, le référendum serait chez nous une institution parasite, d’un fonctionnement extrêmement difficile, peut-être même impossible » [123]. C’était oublier que la France avait précédé la Suisse dans cette voie…
Dès 1850, Victor Considérant se fait l’avocat du droit d’initiative [124] : parce que « la démocratie ne peut vouloir de la délégation sous aucune forme » [125] toute proposition émanant d’une « section » et recueillant plus de 500 000 suffrages « sera réputée prise en considération par la nation et mise à son ordre du jour » [126]. Les grands constitutionnalistes du XXesiècle se sont affrontés eux aussi sur l’idée de référendum d’initiative populaire. Pour Esmein, c’est un « élément de trouble et de désorganisation législative » [127]. Il se demande, « alors qu’il est difficile d’obtenir une législation cohérente et pondérée avec l’initiative parlementaire, comment l’espérer avec l’initiative populaire ? » [128]. Carré de estime en revanche que l’introduction du référendum (dans lequel il inclut l’initiative populaire des lois [130] est nécessaire au perfectionnement du régime représentatif [131]. Duguit y est, lui aussi, favorable [132]. Plus récemment, Jacques Mestre [133], Alain Werner [134], Pierre Nuss [135] et Francis Hamon [136] ont fait des propositions en ce sens [137]. Par ailleurs, le référendum d’initiative populaire est depuis plus d’une décennie l’arlésienne de nombreux partis politiques [138]. Pourtant, à l’exception du projet Vedel qui n’a pas été suivi sur ce point [139] et d’une proposition de loi faite par le député André Guérin en 1999, qui n’a pas abouti [140], aucune mesure concrète n’a jamais été prise pour instaurer le droit d’initiative en France. Sous la pression de quelques groupes [141] de nombreux candidats à l’élection présidentielle d’avril-mai 2002 l’ont inscrit à leur programme [142]
50L’idée de Condorcet retrouvera-t-elle un jour son berceau, bouclant ainsi deux siècles « d’errance »? Si cela devait être, le législateur serait inspiré de tenir compte de l’expérience des autres pays, et d’apporter les correctifs adaptés à certaines dérives observées principalement aux États-Unis. Le mécanisme proposé par Condorcet offre à cet égard certaines garanties. Ce serait là l’occasion de lui en reconnaître la paternité, et d’honorer la mémoire d’un homme de génie.
Notes
[1]
« Condorcet résume dans sa propre vie presque tous les aspects de l’évolution de la vie intellectuelle du XVIIIe siècle et son passage de la théorie à l’action » (Alexandre Koyré, Condorcet, conférence du 28 mars 1944, Études de la pensée philosophique, Paris, Gallimard, 1971); « L’exigence de cohérence vis-à-vis des principes se prolonge dans un effort de réalisation, d’application et de diffusion (…). Dernier encyclopédiste, Condorcet est le premier penseur politique de la Révolution; ses connaissances se font lumières et ses principes valeurs en se mettant au service du bien public et de l’humanité » (Politique de Condorcet, textes choisis et présentés par Charles Coutel, Petite bibliothèque Payot, Payot et Rivages, 1996, p. 12); « Condorcet est le seul philosophe couronné sous l’Ancien Régime (…) à prendre part à la Révolution. Lui seul appartient tout entier aux deux mondes successifs de la philosophie des Lumières et de la politique révolutionnaire, que tant d’historiens ont emboîtés dans une seule série causale. Sa vie est ainsi la meilleure illustration de la nature mystérieusement philosophique de la Révolution française » (François Furet, présentation de Baker, Condorcet, raison et politique, Paris, Hermann, 1988, p. VII ).
[2]
Lettres d’un bourgeois de New Haven à un citoyen de Virginie, Lettre deuxième, Œuvres, t. 9, p. 15 et s. : « N’est-ce pas en qualité d’êtres sensibles, capables de raison, ayant des idées morales, que les hommes ont des droits ? Les femmes doivent donc avoir absolument les mêmes, et cependant jamais, dans aucune constitution appelée libre, les femmes n’ont exercé le droit de citoyens »; voir aussi, Sur l’admission des femmes au droit de cité, Journal de la Société de 1789, n° 5,3 juillet 1790, in Œuvres, t. 10, p. 119 et s.
[3]
Lettre de Condorcet à Frédéric II, 2 mai 1785, in Œuvres, t. 1, p. 305.
[4]
Dès 1774 dans Remarques sur les Pensées de Pascal (Œuvres, t. 3, p. 635 à 662), puis à nouveau en 1789 dans Au corps électoral contre l’esclavage des Noirs (Œuvres, t. 11, p. 471).
[5]
Condorcet, Cinq mémoires sur l’instruction publique, 2e éd., Garnier-Flammarion, 1994; Francisque Vial, Condorcet et l’Éducation démocratique, Librairie Paul Delaplane, Paris; Charles Coutel, Condorcet, instituer le citoyen, Michalon, 1999.
[6]
Condorcet, Tableau général de la science qui a pour objet l’application du calcul aux sciences politiques et morales, Œuvres, t. 1, p. 539 et s.; Arithmétique politique, textes rares ou inédits, 1767-1789, Paris, INED, 1994; Essai sur l’application de l’analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix, 1785.
[7]
« Jamais il n’a existé de constitution où l’égalité ait été si entière, où le peuple ait conservé ses droits dans une si grande étendue; ( …) elle fait exercer par le peuple même des droits qu’on avait crus jusqu’ici devoir être délégués, elle fait de tous les républicains de France autant de législateurs actifs votant individuellement la loi ou la révocation de la loi. C’est la Constitution la plus démocratique qui puisse être donnée à une grande nation » (commentaire paru dans la Feuille Villageoise le 14 mars 1793, cité Frank Alengry, Condorcet, guide de la Révolution française, théoricien du droit constitutionnel et précurseur de la science sociale, Slatkine Reprints, Genève, 1971, p. 244); « L’audace démocratique du projet de Condorcet est très grande (inégalée jusqu’à aujourd’hui), et l’originalité de pensée certaine » (L. Jaume, Le discours jacobin et la démocratie, Fayard, 1989, p. 313).
[8]
« Il y a donc une certaine justice posthume à ce que ce soit le bicentenaire de la Révolution française qui ramène à l’attention de l’opinion française un de ses grands auteurs, injustement oublié, ou du moins peu lu, moins encore analysé » (François Furet, présentation préc., p. VIII ); détail révélateur : ses œuvres complètes n’ont fait l’objet que d’une unique édition : celle de O’Connor et Arago en 1847 (éd. Firmin Didot Frères, Paris).
[9]
Voici comment Mlle de Lespinasse le décrit : « Il mangeait ses lèvres et ses ongles, avait les oreilles pleines de poudre, les cheveux mal coupés, l’extérieur fort négligé. Quant à son éloquence, elle était fort mauvaise » (Lettres inédites à Condorcet, d’Alembert, etc., publiées par M. Ch. Henry, 1887, cité par F. Allengry, op. cit., p. 8); quant à Aulard : « Sa parole n’a ni souffle ni chaleur, jamais il n’émeut, ni ne s’émeut extérieurement. Tout est gris dans ce style, tout est froid et abstrait et à dessein » (Histoire politique de la Révolution française, Paris, 1901, t. 2, p. 266).
[10]
Le 12 octobre 1792, Chabot prononçait ce discours au Club des Jacobins : « Je dois relever une erreur d’Anthoine : il a cru Condorcet du parti Brissot; Condorcet n’en est plus; il paraît avoir connu les intrigants de la petite faction, il a cru qu’il ne pourrait pas jouer un rôle parmi ces intrigaillons »; et deux jours plus tard, le 14 octobre 1792 : « Je sais que dans le Comité de Constitution se trouvent Danton, Barrère et Condorcet; mais l’adresse dont il s’agit sera aussi bien dans les mains de nos trois amis que si on la mettait à la disposition du Comité tout entier : car, enfin, les nôtres ne sont encore que trois contre six » (cité par Aulard, La société des Jacobins, IV, p. 382,383,386).
[11]
« Je ne serai d’aucun parti, comme je n’ai été d’aucun jusqu’ici » (Condorcet, Manuscrits inédits, Bibliothèque de l’Institut, R 69/G liasse II, cité par Frank Alengry, op. cit., p.191).
[12]
V. les extraits du Moniteur transcrivant l’intervention du député Chabot en faveur de l’arrestation de Condorcet, Œuvres, t. 12, p. 677 et s. et le décret d’arrestation du 3 octobre 1793, ibidem, p. 684, Moniteur, collection officielle in-4°, t. XVI, p. 104.
[13]
La formule de Robespierre est terrible : « L’académicien Condorcet, jadis grand géomètre, dit-on, au jugement des littérateurs, et grand littérateur, au dire des géomètres, depuis conspirateur timide, méprisé de tous les partis » (discours prononcé à la Convention le 7 mai 1794). V. aussi L. Jaume, Individu et souveraineté chez Condorcet, dans Condorcet, mathématicien, économiste, philosophe, homme politique, Paris, 1989, p. 297 et s. : « On ne peut que constater la grandeur et l’isolement de la pensée de Condorcet, dans une conjecture fermée au gradualisme et au pluralisme ».
[14]
Léon Duguit, Traité de droit constitutionnel, 2e éd., t. II, Paris, 1923, p. 477; Georges Burdeau, Droit constitutionnel et institutions politiques, 17e éd., LGDJ, 1976, p. 139 : « (L’initiative) offre au peuple la possibilité d’obtenir des lois qui lui paraissent opportunes, alors même que le Parlement y serait opposé. Elle contraint le Parlement à légiférer car si un certain nombre de citoyens le demandent, un projet de loi déterminé sera soumis à l’assemblée qui devra l’examiner et émettre un vote à son sujet ».
[15]
Il convient cependant de distinguer les initiatives directes des initiatives indirectes : les initiatives directes provoquent la consultation référendaire sans l’intervention préalable du Parlement, alors qu’avec l’initiative indirecte, la proposition doit d’abord lui être soumise; ce n’est qu’en cas de rejet que le référendum prend place (voir Ph.-L. Dubois et F.Feeney, Lawmaking by initiative, Issues, Options and Comparisons, Agathon Press, New York, 1998, p. 27).
[16]
Depuis le Moyen Age, l’administration et la législation de certains cantons suisses sont assurées par l’ensemble de la population (masculine) rassemblée sur la place publique, proposant de nouvelles règles, et votant directement sur les mesures proposées.
[17]
Simon Desploige, The referendum in Switzerland, C.P. Trevelyan, Longmans, Green and Co., 1898; voir aussi infra, n° 43.
[18]
Phillip L. Dubois & Floyd Feeney, op. cit.
[19]
V. par exemple David E. Watson, « Be it Enacted by the People of the State of Kansas » – Is it Time for Kansas to Adopt Ballot Initiatives ?, 37 Washburn L. J. 383 (1998).
[20]
V. infra, n° 48.
[21]
V. infra, n° 49 et s.
[22]
Œuvres, t. 12, p. 333 et s.
[23]
« Condorcet et Paine étaient les doyens du comité, l’un avait 50 ans, l’autre 56. Il est permis de supposer qu’ils furent les travailleurs et les assidus. Et même comme Paine ignorait le français et que, d’autre part, Condorcet fut chargé de “rapporter” la Constitution, on peut dire que Condorcet supporta presque seul le poids du travail. Les autres ne jouèrent, selon toute vraisemblance, qu’un rôle secondaire » (Frank Alengry, Condorcet, guide de la Révolution française, théoricien du droit constitutionnel et précurseur de la science sociale, Slatkine Reprints, Genève, 1971, p. 192-193); « Au sein du comité, nul ennemi, et un seul rival : Sieyès, dont le crédit politique a souffert de son éloignement des affaires. Condorcet va se trouver ainsi désigné comme rapporteur et dominer les travaux du comité » (E. et R. Badinter, Condorcet, un intellectuel en politique, Fayard, 1988, p. 514); « Paine écarté de la première place, celle-ci revient nécessairement à Condorcet, et c’est Condorcet en effet qui fut le véritable auteur du projet du comité » (L. Cahen, Condorcet et la Révolution française, Paris, 1904, p. 470); « (…) il est visible, non seulement au style, mais aux idées que Condorcet fut le principal auteur du premier projet de constitution » (Aulard, Histoire politique de la Révolution française. Origines et développement de la démocratie et de la République, 5e éd., 1913, p. 282).
[24]
Œuvres, t. 12, p. 469 et s.
[25]
« La plupart de nos concitoyens n’ont ni assez d’instruction ni assez de loisir pour s’occuper directement des lois qui gouverneront la France » (Sieyès, Archives parlementaires, 1re série, VIII, p. 594, cité par Frank Alengry, Condorcet, guide de la Révolution française, théoricien du droit constitutionnel et précurseur de la science sociale, Slatkine Reprints, Genève, 1971, p. 193); « Comme dans un État libre tout homme qui est censé avoir une âme libre doit être gouverné par lui-même, il faudrait que le peuple en corps eut la puissance législative; mais comme cela est impossible dans les grands États et est sujet a beaucoup d’inconvénients dans les petits, il faut que le peuple fasse par ses représentants tout ce qu’il ne peut pas faire par lui-même » (Montesquieu, L’esprit des lois, Livre XI, chap. VI); « Sans doute le gouvernement direct du peuple est-il la vérité officielle après le dix août et la formule rem-plit-elle les discours des conventionnels, mais beaucoup n’y croient pas » (Michel Pertué, Les projets constitutionnels de 1793, in Révolution et République, L’exception française, sous la direction de M. Voyelle, Actes du colloque de Paris I, Sorbonne 21-26 septembre 1992, éd. Kimé, Paris 1994, p. 180).
[26]
Cf. infra, n° 13.
[27]
Notons d’ailleurs que la Constitution montagnarde fait encore une place au droit d’initiative, mais seulement en matière constitutionnelle (art. 115); voir. L. Duguit, Traité de droit constitutionnel, 2e éd., t. 2, Paris, de Boccard, 1923, p. 484.
[28]
M. Crampe-Basnabet, Condorcet, lecteur des Lumières, Paris, PUF, 1985.
[29]
Correspondance entre Voltaire et Condorcet, Œuvres, t. 1, p. 1 à 165.
[30]
Du contrat social, Livre II, chap. I : « Je dis donc que la souveraineté n’étant que l’exercice de la volonté générale ne peut jamais s’aliéner, et que le souverain, qui n’est jamais qu’un être collectif, ne peut être représenté que par lui-même (…) ».
[31]
Correspondance entre Turgot et Condorcet, Œuvres, t. 1, p. 165 à 279.
[32]
Archambault de Monfort H., Les idées de Condorcet sur le suffrage, Paris, 1915, Slatkine Reprints, Genève, 1970, p. 31.
[33]
Turgot, Mémoire au Roi sur les municipalités, sur la hiérarchie qu’on pourrait établir entre elles et sur les services que le gouvernement en pourrait tirer, Œuvres, t. 2, p. 502 et s.; Condorcet, Sur les Assemblées provinciales, Œuvres, t. 8, p. 146 et Sentiments d’un Républicain sur les Assemblées provinciales et les États généraux, Œuvres, t. 9, p. 125 et s.
[34]
François Furet, présentation préc., p. XII.
[35]
Cf. infra, n° 20 et s.
[36]
Bien que n’hésitant pas à braver bien des préjugés, un certain réalisme lui souffla que les députés n’étaient pas prêts à approuver le suffrage féminin. L’Histoire a montré qu’un siècle et demi de « mûrissement » était encore nécessaire…
[37]
Cf. infra, n° 13; Turgot a consacré un de ses discours prononcés à la Sorbonne à un « Discours sur l’histoire universelle » (Œuvres, t. 2, p. 632; voir Condorcet, Vie de M. Turgot, Œuvres, t. 5, p. 13 et s.), auquel Condorcet fera écho à la toute fin de sa vie dans son Esquisse d’un tableau des progrès de l’esprit humain (Œuvres, t. 6, p. 289 à 597).
[38]
Le discours jacobin et la démocratie, Fayard, 1989, p. 318.
[39]
Voir Lucy M. Gidney, L’influence des États Unis d’Amérique sur Brissot, Condorcet et Mme Roland, Paris, Rieder, 1930.
[40]
Sur l’influence de la révolution d’Amérique sur l’Europe et ailleurs, Œuvres, t. 8, p. 3-113 et v. 10, p. 438; Lettres d’un bourgeois de New Haven à un citoyen de Virginie, Lettres d’un citoyen des États-Unis à un Français sur les affaires présentes, Œuvres, v. 9, p. 1 et s.
[41]
E. et R. Badinter, Condorcet, un intellectuel en politique, Fayard, 1988, p. 158; Frank Alengry, Condorcet, guide de la Révolution française, théoricien du droit constitutionnel et précurseur de la science sociale, Slatkine Reprints, Genève, 1971, p. 22.
[42]
Adoption and Amendment of Constitutions, p. 206-207, cité par Simon Desploiges, The Referendum in Switzerland, Longmans, Green and Co., 1898, p. 58.
[43]
Simon Desploiges, préc., p. 57-58, note 2, § 2.
[44]
Tocqueville décrit un procédé ressemblant fort au droit d’initiative, en vigueur dans les communes de Nouvelle Angleterre : si 10 propriétaires conçoivent un nouveau projet et veulent le soumettre aux suffrages de la municipalité, ils appellent à une convocation générale des habitants; les « électeurs » sont obligés d’y complaire, et ils ne conservent que le droit de présider l’assemblée (De la Démocratie en Amérique, partie I, chap. V, « Pouvoirs communaux dans la Nouvelle Angleterre », Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 1990, p.52).
[45]
Revue Bleue, 20 juillet 1901, p. 82.
[46]
1789-1790 : L’apprentissage de la démocratie à Paris, in L’An I et l’apprentissage de la démocratie, sous la direction de R. Bourdon, éd. PSD, Saint-Denis, 1995, p. 47.
[47]
L. Cahen, préc., p. 138.
[48]
Idem, p. 140.
[49]
« … Condorcet s’attèle à la rédaction d’un essai sur le calcul intégral qui traite d’un problème nouveau et pointu : l’intégration des équations différentielles, ordinaires et partielles et des équations aux différences finies. Conformément à son goût des systèmes, il cherche avec obstination une méthode générale de résolution et réussit à convaincre ses lecteurs. Du calcul intégral est publié en mai 1765 avec un rapport enthousiaste de d’Alembert et de Bézout qui évoque “l’élégance et la profondeur des vues contenues dans la méthode originale de l’auteur. (…) C’est un triomphe pour le jeune Condorcet qui n’a pas encore vingt-deux ans” » (E. et R. Badinter, op. cit., p. 27-28).
[50]
L. Jaume, Condorcet : des progrès de la raison aux progrès de la société, in Le modèle républicain, Paris, PUF, 1992, p. 233.
[51]
« Enfin, il prouve que leurs progrès, auxquels on ne peut assigner aucun terme, sont une suite de la perfectibilité de l’esprit humain, perfectibilité qu’il croyait indéfinie. Cette opinion, qu’il n’a jamais abandonnée depuis, a été un des principaux principes de sa philosophie » (Condorcet, Vie de M. Turgot, Œuvres, t. 5, p. 14).
[52]
Ch. Coutel, Condorcet, instituer le citoyen, op. cit., p. 9.
[53]
Œuvres, t. 3.
[54]
Cinq mémoires sur l’instruction publique, 2e éd., Garnier-Flammarion, 1994.
[55]
Paris, Edilig, 1989.
[56]
Œuvres, t. 3, p. 378.
[57]
Dans Lettres d’un bourgeois de New Haven à un citoyen de Virginie (Œuvres, t. 3, p. 58), il écrit : « On a voulu que le Corps législatif ne fût proprement chargé que de la discussion, de la composition, de la rédaction des lois; que la totalité du peuple décidât toujours sur ce qui est conforme ou contraire à ses droits; parce que, ou la solution des questions est évidente par elle-même et généralement reçue, ou elle ne peut être légitimement donnée que par le peuple entier ».
[58]
Œuvres, t. 9, p. 411 et s.
[59]
« Que la Constitution soit présentée aux citoyens, non pour dire qu’elle est bien ou mal combinée, mais pour dire, ou qu’elle ne renferme rien de contradictoire à la déclaration de nos droits, ou que tel article y est contraire; et tous les citoyens peuvent encore répondre à ces questions. Alors ceux qui ont formé la déclaration des droits, ceux qui ont rédigé la constitution, réformeraient l’une et l’autre, d’après les diverses réclamations qui pourraient s’élever, et les proposeraient de nouveau », ibid., p. 427.
[60]
Ibid.
[61]
De la nature des pouvoirs politiques dans une nation libre, Œuvres, t. 10, p. 589.
[62]
Cf. supra, n° 8; Turgot, Mémoire au Roi sur les municipalités, sur la hiérarchie qu’on pourrait établir entre elles et sur les services que le gouvernement en pourrait tirer, Œuvres, t. 2, p. 502 et s.; Condorcet, Sentiments d’un Républicain sur les Assemblées provinciales et les États généraux, Œuvres, t. 9, p. 125 et s.
[63]
Œuvres, t. 8, p. 144 et 145.
[64]
Op. cit. Voir aussi K. M. Baker, Condorcet, From Natural Philosophy to Social Mathematics, op. cit., p. 258-259.
[65]
De la nature des pouvoirs politiques dans une nation libre, Œuvres, t. 10, p. 610.
[66]
Le discours jacobin et la démocratie, Paris, Fayard, 1989, p. 315; voir aussi du même auteur : Individu et souveraineté chez Condorcet, in Condorcet, mathématicien, économiste, philosophe, homme politique, Paris, 1989, p. 297 et s.
[67]
Cf. supra, note 23.
[68]
Frank Alengry, Condorcet, guide de la Révolution française, théoricien du droit constitutionnel et précurseur de la science sociale, Slatkine Reprints, Genève, 1971, p. 580.
[69]
Frank Alengry, op. cit., p. 582.
[70]
D’où l’utilité des votes nominatifs.
[71]
Cf. supra, n° 15.
[72]
Les idées de Condorcet sur le suffrage, Paris, 1915, Slatkine Reprints, Genève, 1970, p. 179.
[73]
Le discours jacobin et la démocratie, Paris, Fayard, 1989, p. 318,321.
[74]
Cité par L. Levy, Le conventionnel Jeanbon Saint-André, Paris, 1901, p. 233, note 4.
[75]
Aulard, Histoire politique de la Révolution française. Origines et développement de la démocratie et de la République, 5e éd., 1913, p. 286.
[76]
V. Condorcet, Aux citoyens français sur la nouvelle constitution, Œuvres, t. 12, p. 653 et s.
[77]
« Si, dans plus de la moitié des départements plus un, le dixième des Assemblées Primaires de chacun d’eux, régulièrement formées, demande la révision de l’acte constitutionnel, ou le changement de l’un de ses articles, le Corps législatif est tenu de convoquer toutes les Assemblées Primaires de la République, pour savoir s’il y a lieu à Convention Nationale ».
[78]
Journal de la République, n° 126. C’est pourtant le même Marat, qui, une année auparavant écrivait que « ce n’est pas la volonté de cinq ou six cents individus sur 24 millions, qui peuvent former la volonté générale. Quel est le droit de nos mandataires ? Je veux dire leur devoir ? C’est de proposer la Loi aux 24 millions d’individus, d’en recevoir les suffrages, dont la majorité doit former la Loi » (L’ami du peuple, 29 juillet 1792, t. 6, n° 525 bis, cité par M. Genty, 1789 1790 : l’apprentissage de la démocratie à Paris, in L’an I et l’apprentissage de la démocratie, éd. PDS, Saint-Denis, 1995, p. 47).
[79]
Francis Hamon, L’idée de la démocratie directe de la Révolution à nos jours, in L’héritage politique de la Révolution française, Presses Universitaires de Lille, 1993, p. 73 et s.
[80]
Les projets constitutionnels de 1793, in Révolution et République, L’exception française, sous la direction de M. Vovelle, Actes du colloque de Paris I, Sorbonne 21-26 septembre 1992, éd. Kimé, Paris 1994, p. 185. M. Baker renchérit : « Par ces dispositions, Condorcet pensait pouvoir éliminer la menace la plus sérieuse pour un gouvernement stable et représentatif à savoir l’intervention directe d’une fraction de la population, tout particulièrement du peuple de Paris, agissant au nom du peuple entier en institutionnalisant le droit de protestation » (Condorcet, Raison et politique, trad. fr., Paris, 1988, p. 419).
[81]
Condorcet en fit lui-même l’expérience puisqu’il faillit perdre sa fille unique lors des massacres du Champ de Mars en septembre 1792 : « Je n’ai su la pétition du Champ de Mars qu’au moment du rassemblement, et j’en prévis les suites. L’opinion qu’il fallait un exemple de la loi martiale pour ramener l’ordre, n’était pas un secret, et tout annonçait qu’on en cherchait une occasion. Ma fille unique, âgée d’un an, manqua d’être victime de cette atrocité, et cette circonstance augmentant encore mon indignation, je la montrais assez hautement pour m’attirer la haine de tout ce qui avait alors quelque pouvoir » (Fragments, 1794, Œuvres, t. 1, p. 610).
[82]
De la nature des pouvoirs politiques dans une nation libre, Œuvres, t. 10, p. 610.
[83]
Œuvres, t. 12, p. 347 (souligné par nous).
[84]
Projet de Déclaration des droits de l’homme du 24 avril 1793, art. 31.
[85]
« Si la majorité désire une convention, l’assemblée des représentants sera obligée de l’indiquer. Le refus qu’elle ferait de convoquer les assemblées primaires est donc le seul cas où le droit d’insurrection puisse être légitimement employé; et alors le motif en serait si clair, si universellement senti, le mouvement qui en résulterait serait si général, si irrésistible, que ce refus contraire à une loi positive, dictée par la nation même, est hors de toute vraisemblance. Ces formes, qu’un intérêt pressant peut rendre très promptes, assurent cependant une maturité nécessaire, et forcent à des délibérations régulières » (Exposition des principes et des motifs du plan de constitution, Œuvres, t. 12, p. 353).
[86]
A.P., LXIII, 386, cité par L. Jaume, Le discours jacobin et la démocratie, Fayard, 1989, p. 325.
[87]
« C’est uniquement une machine de résistance contre l’autorité qui n’est pas encore et qui, avec elle, ne pourrait pas commencer; elle n’est que liens, barrières, entraves de toute sorte, si bien qu’une telle machine resterait immobile et ne bougerait pas. C’est la paralysie constituée ».
[88]
Mathiez, La Constitution de 1793, in Annales historiques de la Révolution française, Reims, Paris, Firmin Didot et Cie, 1928, n° 6, p. 510.
[89]
Histoire socialiste de la Révolution française, édition revue et annotée par Albert Soboul, t. VI, Le gouvernement révolutionnaire, Éditions sociales, 1972.
[90]
« Avec Hérault de Seychelles, nous estimons que ce projet était non seulement impraticable, mais encore ridicule, voire monstrueux. (…) Ces combinaisons aussi subtiles que compliquées, ce chef-d’œuvre de puérilité, dérivaient de cette idée qui préoccupa Condorcet pendant toute sa vie : l’application de l’algèbre à la politique et à la science sociale, afin d’élaborer un code de lois applicables non seulement à la France, mais encore à tout le genre humain » (Le pouvoir législatif dans la Constitution de 1793, thèse, Paris, LGDJ, 1909, p. 115).
[91]
Les idées de Condorcet sur le suffrage, Paris, 1915, Slatkine Reprints, Genève, 1970, p. 183.
[92]
Cf. supra, n° 6 et s.
[93]
Œuvres, t. 12, p. 653 et s.
[94]
Voir les extraits du Moniteur transcrivant l’intervention du député Chabot en faveur de l’arrestation de Condorcet, Œuvres, t. 12, p. 677 et s.
[95]
Œuvres, t. 1, p. 574 et s.
[96]
Souligné par nous.
[97]
Cf. supra, n° 37.
[98]
Cf. infra, n° 47.
[99]
E. et R. Badinter, Condorcet, un intellectuel en politique, Fayard, 1988, p. 540.
[100]
Coutel Charles, Condorcet, instituer le citoyen, Michalon, 1999, p. 97.
[101]
Condorcet et la Révolution française, Paris, 1904, réimp. Slatkine Reprints, Genève, 1970, p. 515.
[102]
Op. cit., p. 81.
[103]
« Et quelle était dans ce mécanisme la part du théoricien et du tacticien ? Comme une arme à double tranchant, la censure du peuple servait à développer le rôle du peuple et à finir le règne de la populace. (…) La complexité de cette mécanique constitutionnelle dans laquelle on n’a vu, là comme ailleurs, que les défauts d’un esprit scientifique, était aussi le calcul d’un partisan », in La censure du peuple dans le projet de constitution de Condorcet, dans Condorcet, mathématicien, économiste, philosophe, homme politique, Paris, 1989, p. 322 et s.
[104]
« Les landsgemeinde remontent au pacte historique qui unit, au XIIIe siècle, les trois célèbres Waldstätten, Schwyz, Uri, Unterwald; c’est peu après, en 1387, que Glaris tint sa première assemblée de ce type. (…) La source, est, non pas athénienne, mais germanique; les Alamans, ancêtres des Suisses alémaniques actuels, n’allouaient à chaque famille qu’une propriété limitée, le reste demeurant collectif; les pâturages étaient gérés en commun et c’est en commun également qu’on exploitait les forêts, qu’on fixait les dates de montée à l’alpage. Une gestion démocratique naissait naturellement de cette association d’hommes libres, l’homme libre, notons le bien, étant celui qui portait l’épée. La communauté rendait la justice, fixait la limite entre l’intérêt particulier et l’utilité publique. (…) Ces assemblées étaient ainsi amenées à établir des lois et des constitutions, la politique se confondant avec une simple administration » (André Siegfried, La Suisse, démocratie témoin, 4e éd., A La Baconnière, Neuchatel, 1969, p. 144).
[105]
Simon Desploige, The Referendum in Switzerland, Longmans, Green and Co., 1898, p. 18 : « L’envahisseur trouva des alliés motivés au sein du peuple lui-même. Les idées de la Révolution avaient précédé ses armées et avaient soulevé dans certains cercles une ardente sympathie à l’égard de la France. (…) Comment des hommes ainsi dépouillés de leur héritage démocratique (par l’aristocratie) auraient-ils pu résister aux nouvelles idées de liberté, d’égalité et de souveraineté du peuple ? (…) La Constitution de 1798 est en ce sens à l’origine de l’élan enthousiaste pour la démocratie, qui, quelques années plus tard, après la Révolution de Juillet de 1830, fit convulser toute la Suisse. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la législation directe par le peuple avait été un fait, bien que la forme qu’il employait était accidentelle. A partir de cette période, la législation par le peuple était demandée comme un droit, et soutenue publiquement comme la seule forme légitime de gouvernement ».
[106]
A.-E. Cherbuliez, dans De la démocratie en Suisse (Paris, Cherbuliez, 1843), n’y fait aucune référence expresse, alors que l’ouvrage est écrit au moment même où la Suisse se dote massivement « d’outils » de démocratie directe.
[107]
Cité par Simon Desploige, op. cit., p. 72; voir aussi A.-E. Cherbuliez, op. cit., v. 1, p. 94.
[108]
Simon Desploige, op. cit., p. 50-55; voir aussi Henri Fazy, Les constitutions de la République de Genève, Genève et Bâle, Ed. Georg, 1890, p. 177-178.
[109]
Le pouvoir législatif dans la Constitution de 1793, thèse, Paris, LGDJ, 1909, p. 109-110.
[110]
Souligné par nous.
[111]
Volkssouveränität and repräsentative Demokratie in der schweizerischen Regeneration, Helbing & Lichtenhahn, 1966, p. 257.
[112]
« Um Vorkommnisse dieser Art künftig zu vermeiden, ist nach der Revolution der konstituierende Grosse Rat bestrebt, die Herrschaft der jeweiligen “volonté réelle du peuple” zu sichern and zu diesem Zweck die Feststellung der Kräfte zu ermöglichen, die hinter einer Petition stehen. Dabei ist er ideell wohl direkt von Condorcet und Baboeuf beeinflusst ».
[113]
Die bedeutung der franzosischen Revolution, in Les origines de la démocratie directe en Suisse, publié par A. Auer, Centre d’études et de documentation sur la démocratie directe, Helbing & Lichtenhahn, Bâle et Francfort sur le Main, 1996, p. 105 et s.
[114]
La législation directe par le peuple et ses adversaires, Bruxelles, 1852, p. 39 et 40.
[115]
Pour une étude d’ensemble en langue française, voir. D. Nedjar, Initiative et référendum aux États-Unis, contribution à l’étude des normes d’origine populaire et du droit référendaire, RDP, 1993, p. 1585-1642.
[116]
Nathaniel A. Persily, The Peculiar Geography of Direct Democracy : Why the Initiative, Referendum And Recall Developed in the American West, 2 Mich. L. & Pol’y Rev. 11.
[117]
New York, True Nationalist Publishing Co., 1893.
[118]
Pour les principaux ouvrages parus sur la question, voir David Magleby, Direct Legislation : Voting on Ballot Propositions in the United States, Baltimore, John Hopkins University Press, 1984; Betty Zisk, Money, Media, and the Grass Roots : State Ballot Issues and the Electoral Process (Newburry Park, Ca : Sage Publications, 1987); Thomas Cronin, Direct Democracy : The Politics of Initiative, Referendum and Recall, Cambridge (Mass. : Harvard University Press, 1989); David Schmidt, Citizen Lawmakers : The Ballot Initiative Revolution (Philadelphia, Temple University Press, 1989); Eugene Lee, Representative Government and the Initiative Process, in John Kirlin and Donald Windler, eds., California Policy Choices 6 (Los Angeles : University of Southern California School of Public Administration, 1990); John Allswang, California Initiatives and Referendums : 1912-1990 (Los Angeles : California State University, Los Angeles, 1991); Philip Dubois and Floyd Feeney, Improving the California Initiative Process : Options for Change (Berkeley : California Policy Seminar, University of California, 1992); Philip L. Dubois & Floyd Feeney, Lawmaking by Initiative : Issues, Options and Comparisons, Agathon Press, New York, 1998. Pour quelques-uns des nombreux articles paraissant chaque année sur le sujet, voir Hans A. Linde, Voices of The People : Essays on Constitutional Democracy in Memory of Professor Julian N. Eule : Practicing Theory : The Forgotten Law of Initiative Lawmaking, 45 U.C.L.A. L. Rev. 1735 (1998); Jennifer Friesen, The Ghost of Initiatives Yet to Come, 34 Willamette L. Rev. 639 (1998); Hans A. Linde, Taking Oregon’s Initiative Toward a New Century, 34 Willamette L. Rev. 391 (1998); Sherman J. Clark, A Populist Critique of Direct Democracy, 112 Harv. L. Rev. 434 (1998); Mihui Pak, The Counter-Majoritarian Difficulty in Focus : Judicial Review of Initiatives, 32 Colum. J. L. & Soc. Probs. 237 (1999); Elisabeth Garrett, Money, Agenda Setting and Direct Democracy, 77 Tex. L. Rev. 1845 (1999); Thomas B. Cotton, The Arkansas Ballot Initiative : An Overview and Some Thoughts on Reform, 53 Ark. L. Rev. 759 (2000); John G. Matsusaka, Fiscal Effects of The Voter Initiative in The First Half of The Twentieth Century, 43 J. Law & Econ. 619 (2000); Dick Morris, Direct Democracy and The Internet, 34 Loy. L.A. L. Rev. 1033 (2001); Kenneth P. Miller, Constraining Populism : The Real Challenge of Initiative Reform, 41 Santa Clara L. Rev. 1037 (2001).
[119]
V. Philip L. Dubois & Floyd Feeney, op. cit., p. 62 et s.
[120]
A ce propos, voir Pier Uleri, The 1987 Referenda, in Robert Leonardi et Piergiorgio Vorbetta, Italian Politics : a Review, éd. Pinter, Londres, 1989; A. Manzella, Le référendum italien, Pouvoirs, n° 77; Roland Ricci, Le référendum abrogatif d’initiative populaire en Italie, L’apport de la Cour constitutionnelle à la théorie du droit, RDP, 2000, p. 437-444.
[121]
Voir Laurent Ladisa, Le référendum consultatif en Espagne, RIDC, 2000, p. 607 et s.
[122]
V. Anna Abad et Evalyn Ursua, Initiative and Referendum : An Experimentation at People Empowerment, Philippine Law Journal, 1988, p. 375 et s.
[123]
Ulrich Coste, Le pouvoir législatif dans la Constitution de 1793, thèse, Paris, LGDJ, 1909, p. 119.
[124]
La solution ou le gouvernement direct du peuple, Paris, Librairie phalanstérienne, 1850.
[125]
Idem, p. 14.
[126]
Idem, p. 19.
[127]
Deux formes de gouvernement, RDP, 1894, p. 41.
[128]
Ibid.
[129]
Considérations théoriques sur la question de la combinaison du référendum avec le parlementarisme, RDP, 1931, p. 225-244.
[130]
Idem, p. 228.
[131]
« Ainsi, seul, le référendum apparaît comme un complément suffisant de l’idée de représentation, parce que seul il donne satisfaction au concept sur lequel repose le régime représentatif, à savoir que, par les élus, c’est le sentiment du corps populaire qui se manifeste », idem, p. 233.
[132]
Traité de droit constitutionnel, 2e éd., t. 2, Paris, de Boccard, 1923, p. 473-494, en particulier p. 477 : « Que faut-il penser de ces différents systèmes faisant une part au gouvernement direct du peuple ? A mon estime, ils présentent de sérieux avantages ».
[133]
Le référendum national d’initiative populaire, Revue des Deux Mondes, 1984, p 566-571.
[134]
Plaidoyer pour le référendum d’initiative populaire, Petites Affiches, 5 juillet 1995, n° 80, p. 30-33.
[135]
Référendum et initiative populaire en France : de l’illusion en général et de l’hypocrisie en particulier, RDP, 2000, p. 1441 et s.
[136]
L’idée de la démocratie directe de la Révolution à nos jours, op. cit.
[137]
Au niveau local, V. Philippe Zavoli, La démocratie administrative existe-t-elle ? Plaidoyer pour une refonte de l’enquête publique et du référendum local, RDP, 2000, p. 1495-1527.
[138]
V. pour le Parti Communiste Français : programme du 28e Congrès (p. 26 : « L’initiative de la loi doit être élargie aux citoyens »); pour le Parti Socialiste : Projet de Loi Bérégovoy du 10 mars 1993, reprenant la promesse électorale faite par F. Mitterrand dans sa « Lettre à tous les Français »; pour le Rassemblement Pour la République : fascicule délivré à l’occasion des élections législatives de 1993 : « Création d’un droit d’initiative populaire permettant à un groupe important de citoyens de provoquer l’organisation d’un référendum sur un sujet donné ». Dans un communiqué de presse daté du 24 juin 2000, les Jeunes Radicaux ont déclaré que « alors que les référendums d’initiative présidentielle n’aboutissent qu’à la victoire de l’abstention et de l’indifférence, et laissent souvent un goût amer d’impuissance, nous nous sommes positionnés, à l’occasion de notre Université d’été aux Adrets (Isère, 38), en faveur du référendum d’initiative populaire ».
[139]
Le Comité Vedel avait proposé en 1993 l’instauration du référendum d’origine minoritaire par une combinaison de l’initiative du référendum par les élus et par le peuple.
[140]
« Proposition de loi relative au référendum d’initiative populaire », enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 22 juin 1999 (n° 1726,11e législature). André Gerin a ensuite présenté une nouvelle proposition de loi constitutionnelle, enregistrée le 5 juillet 2002 (proposition n° 24), complétée par une proposition de loi enregistrée le 24 juillet 2002 (proposition n° 134). En 1989, Charles Pasqua avait aussi déposé une proposition de loi en ce sens devant le Sénat (Le Monde, 14 décembre 1989, p. 10).
[141]
On doit mentionner l’active association Démocratie Directe France, dont les statuts peuvent être consultés sur Internet à l’adresse wwww. ddfrance. com/ statuts. html(l’article 2-5 précise que le développement du référendum d’initiative populaire est l’un de ses buts). Par ailleurs, le Mouvement pour l’initiative populaire, dont l’objectif est de « redonner aux citoyens le plein exercice de la souveraineté notamment par le biais de l’instauration du référendum d’initiative populaire », compte présenter une cinquantaine de listes aux législatives de mai 2002. Voir le site http :// www. lapolitique. com/ politiqueaz/ partis/ mip. cfm
[142]
Présentant son projet, Noël Mamère met l’accent sur les thèmes traditionnels des écologistes, Le Monde, 5 mars 2002, p. 10; Christine Garin, Jean-Pierre Chevènement ne s’imagine pas en rabatteur de voix pour le second tour, Le Monde, 7 mars 2002, p. 9; Jean-Marie Le Pen dénonce un combat truqué mais réserve à M. Chirac ses attaques les plus dures, Le Monde, 13 mars 2002, p. 10; en ce qui concerne J. Chirac, Sécurité, emploi, retraites, famille : les propositions de président-candidat, Le Monde, 16 mars 2002.
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