LA MÉTHODE SCIENTIFIQUE par Nicolas Martin
Insomnie, voyage au bout de la nuit 18/03/2019
avec Joëlle Adrien, Neurobiologiste à l’INSERM et présidente de l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance. Directrice de recherche à l’INSERM.
Claude Gronfier, Neurobiologiste à l'INSERM, spécialiste des rythmes biologiques.
* * *
Je me demandais combien de nuits je n'avais pas dormi. La première fois, c'était la nuit de mardi, deux semaines en arrière. Voilà donc dix-sept jours aujourd'hui. C’est très long. Je ne me rappelle même plus ce que c’est que dormir.
Je fermais les yeux pour voir. Essayai de me rappeler la sensation du sommeil. Mais il n'y avait rien d'autres que les ténèbres éveillées. Les ténèbres éveillées. Cela m'évoquait la mort.
Et si je mourrais ?
S'il m'arrivait de mourir à présent, qu'aurait été ma vie ?
Evidemment, je n'avais pas la moindre idée de ce qu'était ma vie.
Et la mort alors, qu'était-ce ?
Jusque-là, je voyais le sommeil comme une sorte de préfiguration de la mort. J'imaginais la mort comme un phénomène dans la ligne de prolongation du sommeil. Autrement dit, la mort était un sommeil, encore plus profond et dénué de conscience que l'endormissement ordinaire - le repos éternel, le black out. C'est ainsi que je voyais les choses.
Mais si ce n'était pas ainsi ?
La mort était peut-être un état complètement différent du sommeil ? C'était peut-être des ténèbres éveillées et sans fin comme celle que je contemplais en ce moment derrière mes paupières closes. La mort, cela revenait peut-être à rester éternellement éveillé dans les ténèbres ?
Non, ce serait trop affreux. Si la mort n'était pas un état de repos, quel salut espérer dans cette vie imparfaite et éreintante ? Mais finalement personne ne savait ce qu'était la mort. Qui donc la vraiment vue ? Personne. Seuls les morts connaissent la mort. Les vivant ignorent tout. Ils ne font qu'imaginer. Simples supputations. Ce n'est même pas logique de penser que la mort soit un repos. On ne sait pas tant qu'on n'est pas mort. (...)
Extrait de Harruki Murakami, Sommeil, Ed. 10/18, 2009 (pp. 83-4)
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