vendredi 25 octobre 2019

Les chemins de la foi, René Guénon

MAJ de la page : René Guénon / Soufisme



Les chemins de la foi : René Guénon (France 2,  juillet 2004)



René Guénon par Slimane Rezki (Maison Soufi, Paris, 7 janv. 2019)


(...) et c’est ainsi que, si l’on veut aller jusqu’à la réalité de l’ordre le plus profond, on peut dire en toute rigueur que la « fin d’un monde » n’est jamais et ne peut jamais être autre chose que la fin d’une illusion. René Guénon

Nous sommes ainsi ramenés à la considération du double aspect « bénéfique » et « maléfique » sous lequel se présente la marche même du monde, en tant que manifestation cyclique, et qui est vraiment la « clef » de toute explication traditionnelle des conditions dans lesquelles se développe cette manifestation, surtout quand on l’envisage, comme nous l’avons fait ici, dans la période qui mène directement à sa fin. D’un côté, si l’on prend simplement cette manifestation en elle-même, sans la rapporter à un ensemble plus vaste, sa marche tout entière, du commencement à la fin, est évidemment une « descente » ou une « dégradation » progressive, et c’est là ce qu’on peut appeler son sens « maléfique » ; mais d’un autre côté, cette même manifestation, replacée dans l’ensemble dont elle fait partie, produit des résultats qui ont une valeur réellement « positive » dans l’existence universelle, et il faut que son développement se poursuive jusqu’au bout, y compris celui des possibilités inférieures de l’« âge sombre », pour que l’« intégration » de ces résultats soit possible et devienne le principe immédiat d’un autre cycle de manifestation, et c’est là ce qui constitue son sens « bénéfique ». Il en est encore ainsi quand on considère la fin même du cycle : au point de vue particulier de ce qui doit alors être détruit, parce que sa manifestation est achevée et comme épuisée, cette fin est naturellement « catastrophique » au sens étymologique où ce mot évoque l’idée d’une « chute » soudaine et irrémédiable ; mais d’autre part, au point de vue où la manifestation, en disparaissant comme telle, se trouve ramenée à son principe dans tout ce qu’elle a d’existence positive, cette même fin apparaît au contraire comme le « redressement » par lequel, ainsi que nous l’avons dit, toutes choses sont non moins soudainement rétablies dans leur « état primordial ». Ceci peut d’ailleurs s’appliquer analogiquement à tous les degrés, qu’il s’agisse d’un être ou d’un monde : c’est toujours, en somme, le point de vue partiel qui est « maléfique », et le point de vue total, ou relativement tel par rapport au premier, qui est « bénéfique », parce que tous les désordres possibles ne sont tels qu’en tant qu’on les envisage en eux-mêmes et « séparativement », et que ces désordres partiels s’effacent entièrement devant l’ordre total dans lequel ils rentrent finalement et dont, dépouillés de leur aspect « négatif », ils sont des éléments constitutifs au même titre que toute autre chose ; en définitive, il n’y a de « maléfique » que la limitation qui conditionne nécessairement toute existence contingente, et 
cette limitation n’a elle-même en réalité qu’une existence purement négative. Nous avons parlé tout d’abord comme si les deux points de vue, « bénéfique » et « maléfique », étaient en quelque sorte symétriques ; mais il est facile de comprendre qu’il n’en est rien, et que le second n’exprime que quelque chose d’instable et de transitoire, tandis que ce que représente le premier a seul un caractère permanent et définitif, de sorte que l’aspect « bénéfique » ne peut pas ne pas l’emporter finalement, alors que l’aspect « maléfique » s’évanouit entièrement, parce que, au fond, il n’était qu’une illusion inhérente à la « séparativité ». Seulement, à vrai dire, on ne peut plus alors parler proprement de « bénéfique », non plus que de « maléfique », en tant que ces deux termes sont essentiellement corrélatifs et marquent une opposition qui n’existe plus car, comme toute opposition, elle appartient exclusivement à un certain domaine relatif et limité ; dès qu’elle est dépassée, il y a simplement ce qui est, et qui ne peut pas ne pas être, ni être autre que ce qu’il est ; et c’est ainsi que, si l’on veut aller jusqu’à la réalité de l’ordre le plus profond, on peut dire en toute rigueur que la « fin d’un monde » n’est jamais et ne peut jamais être autre chose que la fin d’une illusion.
René Guénon,  Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, René Guénon, éd. Gallimard, 1970 - Chapitre XL - LA FIN D’UN MONDE, p. 127/8
Source (et autres textes) : Index René Guénon

 
René Guénon au Caire
  

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...