dimanche 10 novembre 2019

Quatre philosophes russes






Les chemins de la connaissance par Adèle Van Reeth et Géraldine Mosna-Savoye
Quatre philosophes russes (4-7 nov. 2019)
(1/4) Lénine, le révolutionnaire
avec Dominique Colas, professeur émérite de science politique à Sciences po et chercheur au CERI (Centre de recherches internationales)
(2/4) Léon Chestov, l’existentialiste
avec Geneviève Piron, spécialiste du monde russe, essayiste et traductrice, directrice du programme de Smith College (Massachusetts) à Genève
(3/4) Tolstoï, maître de sagesse
avec Françoise Lesourd, professeure émérite à l’Université Jean Moulin (Lyon 3), spécialiste de l’histoire des idées en Russie
(4/4) Bakounine, l’anarchiste
avec Jean-Christophe Angaut, maître de conférences de philosophie à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon, spécialiste de Michel Bakounine et de la philosophie allemande du XIXe siècle et de l’anarchisme, membre du comité de rédaction de la revue Réfractions





Henri Guillemin, Lénine (RTS, 1980)
Source : RTS partie 1, partie 2

Lire aussi : De Carouge à la Place rouge, Unige / Les liens suisses des révolutionnaires de 1917, Le Temps, 2017Cache-cache avec Lénine à Genève, 24 Heures, 2018Dans les pas de Lénine à Plainpalais, Léman bleu, 2018



Lénine, la nostalgie d'une légende (Arte, 2017)




Les chemins de la connaissance, France Culture, avec Olivier Clément et Marie-Madeleine Davy, Chestov (1992)

Léon Chestov. Extrait d'une lettre à ses filles -  Genève, le 13.04.1921
« [...] Et maintenant au sujet de mon article, il s’agit ici de la révélation de la mort. Tolstoï a écrit d’abord « Guerre et paix », ensuite « Maître et serviteur », « La Mort d'Ivan Ilitch » et d’autres récits. Il ne faut pas l’oublier. C’est-à-dire qu’il ne faut pas penser que la révélation procède uniquement de la mort. La mort est le plus grand mystère et la plus grande énigme : ce n’est pas sans motif qu’elle a inspiré tant de philosophes, d’artistes et de saints. Mais non moindres sont le mystère et l’énigme de la vie. Et, au fond, seul celui qui est passé par la vie peut comprendre ou plus exactement approcher le mystère de la mort. Si Tolstoï n’avait pas écrit Guerre et Paix, il n’aurait pas écrit non plus ses dernières œuvres. Notre raison est dirigée par la nature vers « l’action », et il n’est nullement nécessaire de mépriser l’action. Seul peut se livrer à une inaction non oisive, celui qui auparavant a su agir. Aussi serait-ce une grande erreur de déduire des « révélations de la mort » des règles de vie. L’essentiel, précisément, consiste à ne pas déduire. C’est-à-dire à savoir prendre la vie dans sa totalité avec toutes ses inconciliables contradictions. Ivan Ilitch à l’heure de la mort juge sévèrement sa vie antérieure, mais cela ne signifie pas que cette vie ne valait absolument rien. Lorsque l’enfant grandit, il n’est plus attiré par le sein de sa mère, mais il ne serait pas naturel, si, dès le premier jour, il le repoussait. Lorsque nous montons un escalier nous tournons le dos à la marche inférieure en passant à la marche supérieure, mais auparavant la marche inférieure était devant nous.

Il ne faut pas oublier cela – autrement on obtiendra exactement le contraire de ce que l’on aurait voulu obtenir : c’est-à-dire au lieu d’un savoir complet, vivant, un savoir tronqué, abstrait. Ceci arrivait parfois à Tolstoï, lorsque dans ses ouvrages soi-disant « philosophiques », il s’efforçait de montrer la vie comme procédant d’un seul principe qu’il appelait « le bien ». Ceci n’est pas juste. C’est-à-dire que les hommes ne savent pas dans leur langage humain unifier tout ce qu’ils vivent et ressentent de façon que cela puisse s’exprimer par un seul mot ou une seule conception. C’est un grand art, un art difficile, que de savoir se garder de l’exclusivisme vers lequel nous sommes inconsciemment entraînés par notre langage et même par notre pensée éduquée par le langage. C’est pourquoi on ne peut se limiter à un seul écrivain. Il faut toujours se garder les yeux ouverts. Il y a la mort et ses horreurs. Il y a la vie et ses beautés. Souvenez-vous de ce que nous avons vus à Athènes, souvenez-vous de la Méditerranée, de ce que vous avez vu lors de nos excursions en montagne, ou encore au musée du Louvre. La beauté est aussi source de révélation. Et même la révélation de la mort n’est finalement que la recherche, au-delà des horreurs apparentes de la décomposition et de la fin, des principes d’une nouvelle beauté. Il est vrai que souvent l’écrivain est si profondément plongé dans l’inquiétude de l’être qu’il ne réussit pas, même dans ses meilleures œuvres, à épuiser tout ce qu’il y a à dire ou à voir. Mais chez Tolstoï, tout comme chez Platon et Plotin, la pensée de la mort s’accompagnait d’un sentiment particulier, d’une espèce de conscience de ce que, tandis que devant eux surgissait l’horreur, des ailes leur poussaient dans le dos. Probablement quelque chose de semblable se passe-t-il avec la chrysalide lorsqu’elle se met à ronger son cocon. Elle le ronge parce qu’il lui pousse des ailes. Aussi ni les œuvres de Tolstoï, ni celle de Platon ou de Plotin ne doivent être interprétées comme un appel à oublier la vie. Bien sûr quelqu’un se trouvant dans l’état d’Ivan Ilitch juge beaucoup de choses différemment des autres. Mais il ne se détourne pas de la vie. Je dirais plutôt qu’il apprend à apprécier bien des choses qui auparavant lui étaient indifférentes.

Auparavant les cartes et le confort lui semblaient être le summum de ce que l’on pouvait atteindre, l’avancement dans ses fonctions et la possession d’un appartement, semblable à ceux de « tous », l’idéal de sa situation dans le « monde ». Il n’apercevait ni le soleil, ni le ciel, il ne voyait rien dans la vie, bien qu’il eût tout devant les yeux. Et lorsque arriva la mort, il comprit subitement qu’il n’avait rien vu, comme si dans la vie rien n’existait en dehors des cartes, de l’avancement et du confort. Tout ce qu’il avait pu voir de vrai, il l’avait vu durant son enfance, sa jeunesse, puis l’avait oublié, employant toutes ses forces uniquement à ne pas être lui-même, mais à être comme « tout le monde ». Aussi la révélation de la mort n’est pas une négation de la vie, mais, au contraire, plutôt une affirmation – mais une affirmation d’autre chose que de cet habituel remue-ménage de souris par lequel se laissent prendre les hommes. »
Source : wikipedia



Le 9 septembre 1828, Léon Tolstoi naissait (9 sept. 2018)



Une vie, une oeuvre par Marie-Christine Navarro et Isabelle Yhuel : Léon Tolstoi, De l'amour de la vie à la quête de la perfection (10 janv. 2009)


  

Une vie, une oeuvre par Marie-Christine Navarro et Isabelle Yhuel : Mikhail Bakounine ou l'ouragan révolutionnaire (France culture, 20 janv. 1994)
Voir aussi : Tatiana Bakounine, arrière-petite nièce de Mikhail Bakounine, Une famille russe au XXe siècle, 2018
 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...