mardi 10 décembre 2019

Haruki Murakami

MAJ de la page : Sommeil


Le Japon onirique de Murakami - Invitation au voyage (Arte, 2019)
Des ruelles de Tokyo peuplées de chats errants aux vallées arborées du Japon rural, les personnages d’Haruki Murakami évoluent dans un monde empreint de poésie. Dans Kafka sur le rivage, l’un de ses plus grands succès, l’auteur développe son récit sur la petite île japonaise de Shikoku. Il y trouve dans les bois mystérieux et les criques embrumées de quoi nourrir une œuvre onirique à la lisière du fantastique.
Source : Arte




John Coltrane, My Favorite Things (1961)
cité dans : Murakami, Kafka sur le rivage (2002)



Janaceck, Sinfonietta (1926), Seiji Ozawa, Chicago Symphony Orchestra (1980)
cité dans : Murakami, 1Q84 (2009/10)



Liszt, le mal du pays (1854), Lazar Berman (1977)
cité dans : Murakami, L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage (2013)



Thelenius Monk, Round Midnight (1957)
cité dans : Murakami, L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage (2013)
et beaucoup d'autres :  Références musicales de Murakami




Seji Ozawa, Un portrait (Arte, 2004)
Site officiel : Seiji Ozawa, International Academy Switzerland
Lire aussi : « DE LA MUSIQUE Conversations ». Conversations entre l’écrivain Haruki Murakami et le chef d’orchestre Seiji Ozawa (2011) 


Haruki Murakami (村上 春樹, né à Kyoto le 12 janvier 1949) est un écrivain japonais contemporain. Auteur de romans à succès, mais aussi de nouvelles et d'essais, Murakami a reçu une douzaine de prix et autres distinctions. Traduit en cinquante langues et édité à des millions d'exemplaires, il est un des auteurs japonais contemporains les plus lus au monde.
Murakami est également reconnu au Japon comme traducteur de l'anglais en japonais (des romans d'une vingtaine d'auteurs de genres divers, dont tout Raymond Carver, mais aussi de F. Scott Fitzgerald, John Irving, Ursula K. Le Guin, et J. D. Salinger), et comme journaliste-essayiste (sur les voyages en Europe, le jazz, la course de fond, mais aussi deux désastres japonais : le séisme de Kobe et l'attentat chimique de Tokyo de 1995).
Revendiquant des influences allant de Raymond Chandler à Kurt Vonnegut en passant par Richard Brautigan et Franz Kafka, Murakami est rapproché de la littérature postmoderniste. Ses récits sont appréciés pour leur forme de réalisme magique qui voit la quête picaresque se teinter de romantisme ou de surréalisme, et l'enquête policière flirter avec le fantastique ou la science-fiction ; y affleurent la poésie et l'humour, malgré la dimension mélancolique de leurs narrateurs qui évoquent obliquement des thèmes existentiels tels que la solitude, l'incommunicabilité et l'aliénation au sein de la postmodernité des sociétés capitalistes.
Source (et suite) du texte : wikipedia
Site officiel : Haruki Murakami /
Bibliographie
Livres :
Écoute le chant du vent (1979)
Flipper, 1973 (1980)
La Course au mouton sauvage (1982)
La Fin des temps (1985)
La Ballade de l'impossible (1987)
Danse, danse, danse (1988)
Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil (1992)
Les Amants du Spoutnik (1999)
Chroniques de l'oiseau à ressort (2001)
Kafka sur le rivage (2002)
Le Passage de la nuit (2004)
1Q84 (3 tomes, 2009-2010)
L'Incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage (2013)
Le Meurtre du Commandeur (2 tomes, 2017)
Recueils de nouvelles (en trad. française) :
L'éléphant s'évapore, 17 nouvelles (1980-1991)
Après le tremblement de terre, 6 nouvelles (1999-2000)
Saules aveugles femme endormie, 10 nouvelles (1980-2005)
Les Attaques de la boulangerie, 2 nouvelles (une inédite 2012)
Des hommes sans femmes, 7 nouvelles (2014)
L'Étrange bibliothèque, 1 nouvelle (2015)
Essais (en trad. française) :
Rien ne sert de courir (1981)
Ciels de pluie, ciels de feu (1990)
Portrait en jazz (1997)
Underground (2 tomes, 1997/8)
Une marche jusqu'à Kobé (1998)
Portrait en jazz (2001)
Autoportrait de l'auteur en coureur de fond (2007)
Sans sens, pas de swing (2008)
De la musique, Entretien avec Seiji Ozawa (2011)
Profession romancier (2015)

Quand tu es dans la forêt, tu deviens une partie de la forêt, tu ne fais qu'un avec elle. Quand tu es sous la pluie, tu deviens cette pluie qui tombe. Quand c'est le matin, tu es le matin. Quand tu es devant moi, tu es une partie de moi. 
Murakami, Kafka sur le rivage

Parfois, le destin ressemble à une tempête de sable qui se déplace sans cesse. Tu modifies ton allure pour lui échapper. Mais la tempête modifie aussi la sienne. Tu changes à nouveau le rythme de ta marche, et la tempête change son rythme elle aussi. 
Murakami, Kafka sur le rivage

Il y a des jours où certaines choses s'emparent de nous. Des petits riens, des choses sans importance (...) Nous creusons toujours des puits dans notre esprit. Et au-dessus de ces puits vont et viennent des oiseaux. 
Murakami, Ecoute le chant du vent

Je n'étais conscient de rien, n'avoir conscience de rien, c'est le paradis. Le véritable néant. 
Murakami, Underground

Pour ne penser à rien, il faut un peu penser à des tas de choses. Et, en même temps, sans chercher à approfondir, jeter le tout en l’air.
Murakami, Chronique de l'oiseau à ressort

Pour penser librement, il faut s'éloigner du moi gorgé de chair. Sortir de la cage étroite de son propre corps, se libérer de ses chaines et s'envoler vers le domaine de la logique pure. C'est dans la logique qu'on trouve une vie naturelle et libre. Cette liberté est le cœur même de la pensée. 
Murakami, L'incolore Tsukuru et ses années de pèlerinage

Dès que l'espérance se lève, le cœur se met en mouvement. Et quand les espoirs ont été trahis, vient le découragement. Le découragement appelle l'impuissance. On baisse sa garde par impuissance. 
Murakami, 1Q984

Mais sans amour, c'est comme si le monde n'existait pas, non ? dit-elle. Sans amour, le monde n'est qu'un souffle de vent qui passe devant tes fenêtres. Ne pas pouvoir toucher la main de quelqu'un, c'est comme être privé d'odorat. 
Murakami, La fin des temps

Il y a une réplique de Groucho Marx que j'aime bien, répondis-je. "Elle était tellement amoureuse de moi qu'elle ne voyait plus rien. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle était amoureuse de moi". 
Murakami, Les amants du Spoutnik

Ecrire un roman, c'est comme aller au fond d'un deuxième sous-sol très sombre, dont vous ne connaissez pas l'issue (...). Pour créer quelque chose, les romanciers où les musiciens ont besoin de descendre l'escalier et de trouver un passage descendant au deuxième sous-sol. 
Murakami, Université de Kyoto, 6 mai 2013

A quoi bon écrire, alors, si les romans ne parlent que de ce que tout le monde connait.
Murakami, Flipper, "1973"

Le romancier n'est pas quelqu'un qui résout les problèmes. C'est quelqu'un qui pose les questions. 
Murakami, 1Q84
Source et autres citations : Ouest-France / Pinterest


Haruki Murakami, ce «léger décalage à la jointure des mondes»
Par Eleonor Sulser, 14 oct. 2018 - Le Temps

Entre Occident et Japon, entre amour et abandon, entre rêve et réalité, «Le meurtre du commandeur», roman fleuve en deux tomes, est à la fois une fable captivante et une réflexion sur la création

Quel lien y a-t-il entre un portraitiste et un tueur de la mafia à la retraite? On trouvera la réponse dans Le meurtre du commandeur, nouveau roman fleuve en deux tomes, publié ces jours, et signé par l’auteur de La ballade de l’impossible, Kafka sur le rivage ou 1Q84, Haruki Murakami.
L’écrivain japonais y met en scène un peintre. Un artiste qui sera amené à manier le pinceau mais aussi le couteau. Il est le narrateur du livre et celui qui, à la suite de bien d’autres personnages de Murakami, va faire l’expérience de «ce léger décalage à la jointure des mondes», que le romancier explore dans ses livres.

Révélation, surprise, oubli
Un décalage parfois imperceptible et qui trouble de façon subtile le quotidien du récit; mais qui, parfois aussi, s’élargit en faille, en soupirail, en grotte où l’on peut s’aventurer et passer ainsi, à ses risques et périls, d’un monde à l’autre. Le meurtre du commandeur emprunte à la fois à l’inquiétante étrangeté du quotidien et à l’exploration des univers souterrains, lieux de révélation, de surprise et d’oubli.

Le héros du roman gagne sa vie comme portraitiste. Il vient de se séparer de sa femme. Sans savoir pourquoi, il est gentiment congédié après six ans de mariage. Le livre s’ouvre sur son errance. Au volant de sa vieille voiture, l’homme parcourt le nord du Japon, de bourgs côtiers en routes de montagne, de petit logis en restoroutes. Il finit cependant par s’établir dans la maison retirée d’un peintre célèbre, Tomohiko Amada, dont le fils, un ami d’études, lui offre la jouissance.

Vinyles
Le vieil homme est hospitalisé, à l’article de la mort. Le jeune peintre s’installe chez lui et va découvrir sa musique – une impressionnante collection de vinyles de musique classique – ainsi que son austère atelier. L’univers de Tomohiko Amada est celui d’un artiste farouche, solitaire, admiré pour ses tableaux nihonga, un style d’inspiration traditionnelle japonaise, développé à l’ère Meiji en réaction notamment à l’art occidental. Un jour, le peintre découvre une toile de Tomohiko Amada, soigneusement emballée et cachée, intitulée Le meurtre du commandeur. Une scène saisissante, peinte à la japonaise, mais dont le sujet est inspiré d’un épisode du Don Giovanni de Mozart: don Juan poignarde un vieil homme dont il a déshonoré la fille, et dont la statue, plus tard, l’entraînera en enfer après qu’il l’a, par défi, invitée à dîner.

La maison du peintre est retirée dans une vallée au creux de montagnes, non loin d’Odawara, à quelque 80 kilomètres de Tokyo. En face, en hauteur, une maison somptueuse intrigue le nouvel arrivant. Il finira par rencontrer son propriétaire, Wataru Menshiki, un riche solitaire, qui lui propose de faire son portrait en échange d’une somme exorbitante. «J’ai un peu l’impression d’être un tueur de la mafia à la retraite. […] Du genre à qui l’on confie la toute dernière cible à abattre», dira le peintre à son agent qui lui met en main ce curieux marché.

Bruit de clochette
Peu à peu, Haruki Murakami pose les pièces d’un étrange puzzle sur fond de symphonies, de quatuors et d’opéras. Bientôt, un bruit de clochette réveillera le peintre au milieu de la nuit; une fosse sera exhumée dans le jardin et Marié (prononcer Malié, précise la traductrice Hélène Morita), une attachante petite fille, deviendra à son tour le sujet d’un portrait. Les souvenirs d’un homme à la Subaru Forester blanche, mais aussi ceux de la femme et de la jeunesse du peintre viendront hanter le récit. Des personnages improbables surgiront du néant. Peu à peu, l’étrangeté gagnera en intensité et le narrateur devra s’avancer avec courage dans un univers de plus en plus opaque en espérant trouver, au terme d’un long parcours, une nouvelle quiétude.

Le lecteur familier des romans de Murakami reconnaîtra un cheminement qu’il connaît bien. Il y retrouvera les obsessions de l’écrivain, ces motifs qui reviennent de livre en livre ou qu’il décline inlassablement au sein d’un même ouvrage. Les rapports amoureux et sexuels sont centraux ici, et abordés sans détour, au point que la censure chinoise a pu s’émouvoir de certaines scènes. Les motifs récurrents sont là. Comme cette obsession du narrateur pour la poitrine à peine développée de sa petite sœur disparue, qui ressurgit dans ses conversations avec Marié. Rien de sexuel ni de malsain dans ce motif: «Je suis seulement en quête de certaines images intérieures, des scènes particulières, qui ont été perdues et qui ne reviendront plus jamais», dit le narrateur. Murakami, comme à son habitude, tisse, dans Le meurtre du commandeur, un réseau de correspondances et d’échos qui lui sont propres.

Une image ensevelie
Mais la grande affaire de ce roman-là, c’est la création et l’incarnation des histoires, des personnages et des êtres. Le personnage du peintre donne la possibilité à Haruki Murakami d’évoquer le processus créatif. Que se passe-t-il lorsque l’on crée? D’où viennent les idées? Où vont-elles? «Oui, naturellement, c’est vous qui avez peint cette toile. C’est vous qui l’avez créée, par votre propre talent. Mais en même temps, en un sens, vous avez découvert cette peinture. Cette image ensevelie au fond de vous, vous l’avez dégagée, vous l’avez extraite de force, vous l’avez exhumée, pourrait-on dire peut-être. Ne le pensez-vous pas?» l’interroge M. Menshiki en découvrant le portrait qu’a fait de lui le narrateur. Avant d’ajouter: «Dans de nombreux cas, les idées excellentes tirent leur origine de pensées qui surgissent des ténèbres sans même avoir de fondement», c’est «comme un tremblement de terre qui se produit dans les profondeurs de la mer».

Un papillon rare
Haruki Murakami veut aussi capter ce qui se passe dans les moments de pure création: «Sans plan ni objectif, je suivis l’idée, telle qu’elle avait surgi naturellement en moi. Comme un enfant qui court après un papillon rare dans les champs, sans même regarder où il met les pieds.» Et aussi: «Le plus important était de ne pas penser. Je coupais autant que je le pus le circuit de mes pensées, ajoutais sans compter cette couleur dans la composition.»

Il y a dans la création un mystère qui nourrit l’étrangeté d’un livre où les idées surgissent et s’incarnent et finissent par s’installer sur votre canapé – «Une idée apparaît», voilà le titre du premier tome; un livre où des enfants naissent, engendrés par un rêve, à distance, à moins que ce ne soit par la matérialisation d’une métaphore: «La métaphore se déplace», c’est le titre du second tome.

Haruki Murakami explore aussi dans ce roman les liens entre l’art occidental – la musique classique, le mythe de don Juan, Alice au pays des merveilles, Les démons de Dostoïevski – et une perception japonaise du monde. Il s’empare de ces références pour les transformer, les malaxer à sa manière propre, mêlant ces thèmes d’Occident aux contes traditionnels japonais, les repeuplant de ses propres fantômes nippons, les détournant jusqu’à les rendre méconnaissables. Transversalité des arts, musique, incarnation, rythme et création, art occidental et vision japonaise, autant de sujets que le romancier explore dans ce livre-là. Mais aussi dans De la musique, recueil de conversations avec le chef d’orchestre japonais Seiji Ozawa que Belfond publie en parallèle, où l’écrivain questionne le musicien en amateur; où, hélas à de trop rares moments, il esquisse des liens entre musique et écriture.

Singulière texture
De quelle part du monde réel s’empare un romancier lorsqu’il écrit? Que reste-t-il des personnages de fiction une fois que le livre est refermé? Ce qu’on a lu ou écrit dans un roman peut-il avoir un effet sur nos vies? Autant de questions que soulève, en suivant le rythme captivant de la fable, Le meurtre du commandeur.

De quelle singulière étoffe sont faits les romans? On pourrait répondre avec le peintre de Murakami, lorsqu’il se retrouve aux prises avec des phénomènes inexpliqués: «Ce n’était peut-être pas de la réalité, mais ce n’était pas un rêve non plus. […] C’était quelque chose d’une texture tout autre que celle du rêve.»
 

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