Sylvie Meyer, Enfance volée, Chronique d'un déni (LCP, 2019)
avec Guillaume Gouffier-Cha, membre du groupe sur les droits de l´enfant et protection de la jeunesse, Sophie Auconie, membre de la délégation de l´Assemblée nationale aux droits des femmes et à l´égalité des chances entre les hommes et les femmes, Muriel Salmona, psychiatre et présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie, Patrick Loiseleur, membre de l´Association Internationale des Victimes de l´Inceste
Matzneff, moi, et les autres (B programme, 6 janv. 2020)
avec Christian Lehmann, médecin et écrivain
Lire aussi : Michel Foucault et les débats sur la pédophilie dans les années 1970, 3 janv. 2020, Esthétique et philosophie de l'art
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Affaire Matzneff
Pour mieux lutter contre la pédocriminalité et son impunité : il est impératif d’instaurer un seuil d’âge du non-consentement et de créer un crime et un délit spécifiques
Par Muriel Salmona - Pour un seuil de non-consentement (PDF)
Site Internet : Mémoire Traumatique et victimologie
Pour un seuil d'âge du non-consentement.
En ce début d’année 2020, 16 mois après le vote le 3 aout 2018 de la loi Schiappa sur les violences sexuelles et sexistes, le scandale autour de l’écrivain Gabriel Matzneff, en éclairant de façon cru le déni, la loi du silence, la complaisance et l’impunité inconcevable dont cet écrivain qui revendiquait des actes sexuels avec des enfants de moins de 15 ans a pu bénéficier pendant des décennies, fait resurgir dans les médias et sur les réseaux sociaux la question de la nécessité d’instaurer pour les mineurs un seuil d’âge du non-consentement à des actes sexuels avec des adulte.
Pour nous, afin de mieux protéger les enfants des pédocriminels, il est impératif et urgent d’instaurer un seuil d’âge du non-consentement de 15 ans, et de 18 ans en cas d’inceste par adulte ayant autorité ou sur un mineur en situation de handicap, et de définir pour les mineurs de 15 ans un crime de viol et un délit d’agression sexuelle spécifique et autonome ne nécessitant pas de qualifier la violence, la menace, la contrainte ou la surprise.
Il n’est plus possible de faire l’économie de ce seuil d’âge du non-consentement et de lois spécifiques concernant la pédocriminalité qui reconnaissent le statut particulier de l’enfant, sa vulnérabilité et la protection qu’il est impératif de lui apporter, pour édicter un interdit clair, incontournable et une reconnaissance de la gravité de ces actes. Nous attendons donc du gouvernement et des parlementaires qu’ils votent enfin une loi qui instaure un seuil d’âge du non-consentement, ainsi qu’un crime de viol et un délit d’agression sexuelle spécifiques et autonomes pour les mineurs de 15 ans.
Pour rappel, au niveau du droit international et européen les viols et les agressions sexuelles, que ce soit en temps de conflits ou de paix, sont considérés comme des crimes de premier ordre en terme de gravité, comme des traitements cruels, dégradants et des tortures, voire de plus en plus comme une forme de torture, que les États ont la responsabilité et l’obligation de prévenir et de punir, quel qu’en soit l’auteur.
La possibilité que donne notre loi actuelle (la loi Schiappa du 3 août 2018 n’ayant pas instauré de seuil d’âge du non-consentement pour les mineurs) de qualifier des actes sexuels commis contre des enfants non comme des violences sexuelles mais comme des atteintes sexuelles commises sans violence, contrainte, menace ou surprise, contrevient à la reconnaissance de la gravité et de l’extrême violence de ces actes, niant qu’il puisse s’agir de traitements cruels, dégradants et inhumains, et induit que l’enfant puisse être consentant à ces actes, ce qui porte une atteinte majeure à la dignité des enfants en les réduisant à des objets sexuels et en niant leur spécificité.
Avant 15 ans non seulement tout consentement libre et éclairé est impossible en raison de l’immaturité de l’enfant, de sa vulnérabilité et de sa situation de dépendance, mais un enfant ne peut pas consentir à des actes sexuels avec un adulte qui vont le détruire en portant gravement atteinte à sa dignité, à ses droits, à son intégrité mentale et physique, à son développement et donc à son intérêt supérieur.
Il est cruel et absurde que la loi sur les viols et les agressions sexuelles utilise la même définition pour les majeurs et pour les mineurs quel que soit leur âge, en étant centrée sur les moyens utilisés par l’agresseur pour imposer ses actes de nature sexuelle à la victime par la violence, la contrainte, la menace ou la surprise. On peut concevoir qu’une telle définition soit adaptée à une personne suffisamment mature, ayant le discernement nécessaire et la capacité d’avoir un consentement libre et éclairé pour des actes sexuel dans un contexte approprié pour qualifier une agression sexuelle ou un viol lorsqu’il y a pénétration sexuelle. En revanche pour un jeune enfant cette définition qui repose sur la recherche du défaut de consentement de la victime et des moyens que l’agresseur a dû mettre en œuvre pour imposer ses actes, est inappropriée. L’enfant, en dessous d’un certain âge (seuil d’âge du consentement), pour son intérêt supérieur et la préservation de son intégrité mentale et physique, n’a pas à être sexualisé par les adultes ni à être un partenaire sexuel, son consentement n’a pas à être recherché, il est par définition invalide.
Ce déni de la spécificité des crimes sexuels sur les enfants avec l’absence d’un seuil d’âge du consentement fait que pour les enfants, le viol ou les agressions sexuelles sur mineurs ne sauraient se déduire du seul âge de la victime aussi jeune soit-elle (comme l’a confirmé en 2015 le Conseil constitutionnel, l’âge n’est qu’une circonstance aggravante) ni d’une situation d’inceste ou de handicap, et aboutit à nier la spécificité des crimes sexuels sur les enfants et la violence intrinsèque, la torture, la cruauté et le caractère inhumain et dégradant en soi que représentent une pénétration sexuelle ou d’autres actes sexuels commis sur des enfants.
L’absence de seuil d’âge rend la loi complice du système agresseur pédocriminel qui se défausse sur l’enfant en le sexualisant et en lui renvoyant qu’il pourrait avoir voulu être un objet sexuel et un esclave sexuel, qu’il pourrait souhaiter être dégradé, en lui attribuant une responsabilité dans les interactions sexuelles avec l’adulte, voire même en le culpabilisant et en le considérant comme ayant provoqué et manipulé l’adulte dans une inversion totale de la réalité comme dans le mythe des « Lolitas ».
Et de façon particulièrement cruelle les traumas de l’enfant, son état de choc et les mécanismes de survie que son cerveau va être obligé de mettre en place vont être interprétés comme autant de preuves du pseudo consentement de l’enfant, de sa perversion sexuelle, et de l’absence de conséquences négatives « qui montre bien que ce n’est pas si grave » : sidération qui le paralyse l’enfant et dissociation traumatique qui l’anesthésie émotionnellement et physiquement de telle sorte qu’il semble supporter la situation et ne pas en être affecté alors qu’il est extrêmement traumatisé, et qui le rend incapable de s’opposer et de réagir, totalement sous emprise, et le transforme en automate, mémoire traumatique avec des comportements des propos sexuels inappropriés qui sont des réminiscences envahissantes des violences subies, l’enfant est alors envahi par des images, des phrases, des scènes qu’il peut rejouer malgré lui dans un état dissocié, conduites dissociantes avec des mises en danger qu’il est facile ensuite de lui reprocher.
Source (et suite) du texte : Pour un seuil de non-consentement (PDF)
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