vendredi 18 novembre 2011

Omar Ibn Faridh


Poète ṣūfi. Si l'on excepte deux pèlerinages qu'il a faits à La Mecque, ‘Umar b. Alī (Sharaf al-dīn) Abū l-Qāsim al-Miṣrī al-Sa‘di Ibn al-Fāriḍ (1181-1234) mène une vie de retraite sur les collines voisines du Caire, ville où il est né et dans laquelle il revient à la fin de sa vie. « D'une magnifique indépendance de caractère, assez riche, matériellement, pour ne quémander la protection d'aucun mécène, il s'enferma dans une mise à part distante et hautaine, n'ayant d'autre souci que la recherche amoureuse de l'Essence divine » (G.-C. Anawati et L. Gardet, Mystique musulmane. Aspects et tendances, expériences et techniques, 1961). Al-Fāriḍ est l'auteur de deux grands poèmes mystiques : L'Éloge du vin (Khamriyya) et le Nazm al-Sulūq ou Poème du progrès.

Nous avons bu à la mémoire du Bien Aimé un vin qui nous a enivrés avant la création de la vigne / Notre verre était la pleine lune, lui, il est un soleil ; un croissant le fait circuler. Que d'étoiles resplendissent quand il est mélangé. / Sans son parfum, je n'aurais pas trouvé le chemin de ses tavernes. Sans son éclat, l'imagination ne le pourrait concevoir.


Ces trois vers donnent une idée de la puissante symbolique du premier poème. D'interprétation plus difficile est son œuvre majeure, le Nazm al-Sulūq, un poème de 760 vers sur une rime unique en t : « Il y décrit les étapes de son expérience mystique personnelle sous une forme allégorique. » Quant au rôle d'Ibn al-Fāriḍ dans le développement du sufisme, on peut le résumer ainsi : « Avec lui prenait son départ la grande école des ittihādīya, des partisans de l'union avec Dieu, qui allait être appelée à connaître une importance grandissante sous les Mamlūks et les Ottomans » (H. Laoust, Les Schismes dans l'Islam, 1965).
Source du texte : universalis 
Autre bio : wikipedia


Bibliographie :
- L'Eloge du Vin, Poème mystique, avec un commentaire de Nabolosi, (et un essai sur la mystique musulmane), trad. Emile Dermenghem, Ed. Véga, 1980, réed. 2002.


Nous avons bu à la mémoire du Bien Aimé un vin qui nous a enivrés avant la création de la vigne. / Notre verre était la pleine lune, lui, il est un soleil ; un croissant le fait circuler. Que d'étoiles resplendissent quand il est mélangé !
Sans son parfum, je n'aurais pas trouvé le chemin de ses tavernes. Sans son éclat, l'imagination ne le pourrait concevoir. / Le temps en a si peu conservé qu'il est comme un secret caché au fond des poitrines. / Si son nom est cité dans la tribu, ce peuple devient ivre sans déshonneur et sans péché. / Il est monté peu à peu du fond des vases et il n'en reste en vérité que le nom. / Qu'il vienne un jour à l'esprit d'un homme, la joie s'empare de celui-ci et le chagrin s'en va. / La seule vue du cachet posé sur les vases suffit à faire tomber les convives dans l'ivresse. / S'ils arrosaient d'un tel vin la terre d'un tombeau, le mort retrouverait son âme et son corps serait revivifié.

(...)
Il polit le caractère des convives et par lui se conduisent dans la voie de la raison ceux qui n'ont pas de raison. / Celui dont la main n'a jamais connu la largesse devient généreux, et celui qui n'avais pas de grandeur d’âme apprend à se modérer, même dans la colère. / Si le plus stupide des hommes pouvait baiser le couvercle de son aiguière, il arriverait à comprendre le sens de ses perfections. / On me dit :"Décris-le, toi qui  es si bien informé de ses qualités". - Oui, en vérité, je sais comment le décrire. / C'est une limpidité et ce n'est pas de l'eau, c'est une fluidité et ce n'est pas de l'air, c'est une lumière sans feu et un esprit sans corps. / Son verbe a préexisté éternellement à toutes les choses existantes, alors qu'il n'y avais ni formes ni images. / C'est pas lui qu'ici subsistent toutes les choses, mais elles le voilent avec sagesse à qui ne comprends pas. / En lui mon esprit s'est éperdu de telle sorte qu'ils se sont mêlés tous deux intimement; mais ce n'est pas un corps qui est entré dans un corps. / Vin et non vigne : j'ai Adam pour père. Vigne et non vin : sa mère est ma mère. / La pureté des vases en vérité vient de la pureté des idées; et les idées, c'est lui qui les fait croître. / On a fait une distinction; mais tout est un; nos esprits sont le vin et nos corps la vigne. / Avant lui, il n'y a pas d'"avant" et après lui, il n'y a pas d'"après"; le commencement des siècles a été le sceau de son existence. / Avant que le temps fut, il a été sous le pressoir.
(...)
Ils ont dit : "Tu as péché en le buvant". - Non, certes, je n'ai bu que ce dont j'eusse été coupable de me priver. / Heureux les gens du monastère ! Combien ils se sont enivrés de ce vin ! et pourtant ils ne l'ont pas bu, mais ils ont eu l'intention de le boire. / Avant ma puberté j'ai connu l'ivresse; elle sera encore en moi quand mes os seront poussière. / Prends-le pur, ce vin; ou ne le même qu'à la salive du bien-aimé; tout autre mélange serait coupable. / Il est à ta disposition dans les tavernes; va le prendre dans toutes sa splendeur. Qu'il est bon de le boire au son des musiques ! / Car jamais nulle part il n'habite avec la tristesse, comme n'habitent jamais ensemble les chagrins et les concerts. / Si tu t'enivres de ce vin, fut-ce la durée d'une seule heure, le temps sera ton esclave docile et tu auras la puissance. / Il n'a pas vécu ici-bas celui qui a vécu sans ivresse, et celui-là n'a pas de raison qui n'est pas mort de son ivresse. / Qu'il pleure sur lui-même, celui qui a perdu sa vie sans en prendre part.
Extrait de : L'Eloge du Vin.
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Commentaires de Nabolosi (et de l'auteur du bloque) sur la première partie : littérature et culture arabe
Autre traduction des premiers vers : au bon clos

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Et si vous êtes plutôt yogi que soufi, essayez donc une "salutation à la vigne" :



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