vendredi 6 janvier 2012

Un Pèlerin Russe



Les Récits d’un pèlerin russe, un des fleurons de la littérature russe orthodoxe populaire, paraissent pour la première fois à Kazan en Russie vers 1870 sous la plume d’un auteur anonyme. Racontant l’histoire simple, les aventures et la vie spirituelle d’un paysan russe du XIXe siècle en quête de Dieu, le récit fait pénétrer le lecteur au coeur de la campagne russe peu après la guerre de Crimée (1854-1856) et avant l’abolition du servage en 1861.
   Jeune homme d’une trentaine d’années ayant perdu femme, maison et travail, le paysan entre un dimanche à l’église et y entend ces mots de saint Paul : "Priez sans cesse" qui résonnent en lui comme une révélation. Il part alors sur les routes pour chercher l’homme capable de lui en expliquer le sens et de lui en enseigner l’usage. Défilent alors sous les yeux du lecteur des paysages fascinants de la Russie, ainsi qu’une galerie de portraits souvent pittoresques : paysans, fonctionnaires, commerçants, artisans, nobles, membres de sectes, instituteurs, mais aussi ermites ou prêtres de campagne auprès desquels l’homme cherche sans cesse à comprendre le chemin vers le salut.
   Dans sa recherche de Dieu, le pèlerin rencontre un starets (un "ancien") qui l’introduit à la Prière de Jésus, sa seule véritable nourriture. Peu avant de mourir, le starets lui confie un exemplaire de la Philocalie (où la quête de Dieu est perçue comme "l’amour de la beauté"), un recueil d’écrits des grands maîtres de la spiritualité de l’Église d’Orient entre le IVe et le XIVe siècle et qui fut publiée en 1782 par Nicodème, un moine de l’Athos. Ainsi va le pèlerin, avec seulement deux livres au fond de sa besace : la Bible et la Philocalie, pour l’aider à trouver le chemin de la perfection spirituelle.
Source du texte : Villemagne


Ce mystérieux mouvement de la création, ce désir inné dans les âmes, c'est la prière intérieur. On ne peut l'apprendre, car elle est dans tous et en tout !...
Extrait du Deuxième Récit.

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Bibliographie :
- Récits d'un pèlerin russe, trad. Jeal Laloy, Ed. de la Bacconière, 1999, Ed. du Seuil, 2004

Philocalie :
Jacques Touraille, Philocalie des Pères Neptiques, Ed. Abbaye de Bellefontaine, 11 fascicules, (1979-1991), réédité en 7 volumes.
Olivier Clément, La Philocalie, Ed. Lattès, 1995.
Jean Gouillard, La Petite Philocalie de la Prière du Coeur, Ed. Points Sagesse, 1979.
Jacques Tourraille, Nouvelle Petite Philocalie, L'amour de la beauté spirituelle selon la tradition de l'Orient chrétien, Ed. Labors Fides, 1992.
Jacques Tourailles, Le Christ dans la philocalie, Ed. Desclée, 1995.
Javier Melloni, Les chemins du coeur, La connaissance spirituelle dans la Philocalie, Ed. Desclée de Brouwer, 1995.  
Pierre Desaille, Spiritualité orthodoxe et philocalie, Ed. Albin Michel, 2003.
Hésychasme :
Briantchaninov, Ignace, Approches de la prière de Jésus. Bellefontaine, 1983.
Coutu, Lucien, La méditation hésychaste : à la découverte d'une grande tradition de l'Orient. Fides, 1996.
Chariton, Higoumène, L'art de la prière : Anthologie de textes spirituels sur la prière du coeur. Bellefontaine, 1976.
Goettmann, Alphonse et Rachel, Prière de Jésus - Prière du coeur. Albin Michel (Spiritualités vivantes), 1994.
Hausherr, Irénée, La méthode d'oraison hésychaste. "Orientalia Christiana", IX-2. Rome, 1927.
Hausherr, Irénée, Hésychasme et prière. "Orientalia Christiana Analecta", 176. Rome, 1966.
Leloup, Jean-Yves, Écrits sur l'hésychasme : Une tradition contemplative oubliée. Albin Michel (Spiritualités Vivantes, 86), 1990.
Un Moine de l'Église d'Orient (P. Lev Gillet), La prière de Jésus, Chevetogne Seuil (Livre de Vie, 122), 1974.
Serr, Jacques, et Olivier Clément, La prière du coeur. Bellefontaine, 1977.
Vlachos, Archimandrite Hiérothée, Entretiens avec un ermite de la sainte Montagne sur la prière du coeur. Seuil, 1988.
En ligne :
Sur la prière du coeur : pages orthodoxes


Premier récit 
Par la grâce de Dieu, je suis homme chrétien, par actions grand pécheur, par état pèlerin sans abri, de la plus basse condition, toujours errant de lieu en lieu. Pour avoir, j’ai sur le dos un sac avec du pain sec, dans ma blouse la sainte Bible et c’est tout. Le vingt-quatrième dimanche après la Trinité, j’entrai à l’église pour y prier pendant l’office ? on lisait l’Epître de l’Apôtre aux Thessaloniciens, au passage dans lequel il est dit : Priez sans cesse. Cette parole pénétra profondément dans mon esprit et je me demandai comment il est possible de prier sans cesse alors que chacun doit s’occuper à de nombreux travaux pour subvenir à sa propre vie. Je cherchai dans la Bible et j’y lus de mes yeux exactement ce que j’avais entendu  il faut prier sans cesse, prier par l’esprit en toute occasion, élever en tout lieu des mains suppliantes. J’avais beau réfléchir, je ne savais que décider.
   Que faire  pensai-je  où trouver quelqu’un qui puisse m’expliquer ces paroles ? J’irai par les églises où prêchent des hommes en renom, et, là peut-être, je trouverai ce que je cherche. Et je me mis en route
(...)
Le starets se signa et prit la parole :
- Remercie Dieu, frère bien-aimé, de ce qu'il t'a révélé une attirance invincible en toi vers la prière intérieur perpétuelle. Reconnais là l'appel de Dieu et calme-toi en pensant qu'ainsi l'accord de ta volonté avec la parole divine a été dûment éprouvé, il t'a été donné de comprendre que ce n'est pas la sagesse de ce monde ni un vain désir de connaissances qui conduisent à la lumière céleste - la prière intérieure perpétuelle - mais au contraire la pauvreté d'esprit et l'expérience active dans la simplicité du coeur. (...)
Beaucoup commettent une grande erreur, lorsqu'ils pensent que les moyens préparatoires et les bonnes actions engendrent la prière, alors que qu'en réalité c'est la prière qui est la source des oeuvres et des vertus.  Ils prennent à tort les fruits ou les conséquences  de la prière pour les moyens d'y parvenir, et diminuent ainsi sa force. C'est un point de vue entièrement opposé à l'Ecriture : car l'apôtre Paul parle ainsi de la prière : Je vous conjure avant tout de prier. (...)
La prière de Jésus intérieure et constante est l'invocation continuelle et ininterrompue du nom de Jésus par les lèvres, le coeur et l'intelligence, dans le sentiment de sa présence, en tout lieu, en tout temps, même pendant le sommeil. Elle s'exprime par ces mots : Seigneur Jésus-Christ, ayez pitié de moi ! Celui qui s'habitue à cette invocation ressent une grande consolation et le besoin de dire toujours cette prière, au bout de quelque temps, il ne peut plus demeurer sans elle et c'est d'elle-même qu'elle coule en lui. Comprends-tu maintenant ce qu'est la prière perpétuelle ?
(...)
Voilà comment je vais maintenant, disant sans cette la prière de Jésus, qui m'est plus chère et plus douce que tout au monde. Parfois, je fais plus de soixante-dix verstes en un jour et je ne sens pas que je vais, je sens seulement que je dis la prière. Quand un froid violent me saisit, je récite la prière avec plus d'attention et bientôt je suis tout réchauffé. Si la faim devient trop forte, j'invoque plus souvent le nom de Jésus-Christ et je ne me rappelle plus avoir eu faim. (...)
Je suis devenu un peu bizarre. Je n'ai souci de rien, rien ne m'occupe, rien de ce qui est extérieur ne me retient, je voudrais être toujours dans la solitude, par habitude, je n'ai qu'un seul besoin : réciter la prière, et, quand je le fais, je deviens tout gai. Dieu sait ce qui se fait en moi.

Deuxième récit
(...) Au bout de quelque temps, je sentis que la prière passait d'elle-même dans mon coeur, c'est-à-dire que mon coeur, en battant régulièrement, se mettait en quelque sorte à réciter lui-même les paroles saintes sur chaque battement, par exemple 1 Seigneur, 2 Jésus, 3 Christ, et ainsi de suite. Je cessai de remuer les lèvres et j'écoutai attentivement ce que disait mon coeur, j'essayai aussi de regarder à l'intérieur du coeur, me rappelant combien c'était agréable, au dire de mon défunt starets. (...)
- Et qu'est-ce qui vaut le plus, demanda le capitaine, la prière de Jésus ou l’Évangile ?
- C'est tout un, répondis-je. L’Évangile est comme la prière de Jésus : car le non divin de Jésus-Christ enferme en lui toutes les vérités évangéliques. Les Pères disent que la prière de Jésus est le résumé de tout l’Évangile. (...)
Ayant fermé les yeux, je dirigeai mon regard vers le coeur en essayant de me le représenter tel qu'il est dans la partie gauche de la poitrine et écoutant soigneusement son battement. Je pratiquai cet exercice d'abord pendant une demi-heure plusieurs fois par jour, au début je ne voyais que ténèbres, bientôt mon coeur apparut et je sentis son mouvement profond, puis je parviens à introduire dans mon coeur la prière de Jésus et à l'en faire sortir, au rythme de la respiration selon l'enseignement de Grégoire et de Calliste et Ignace : pour cela, en regardant l'esprit dans mon coeur, j'inspirais l'air et le gardais dans ma poitrine en disant : Seigneur Jésus-Christ, et je l'expirais en disant : ayez pitié de moi. je m’exerçai d'abord pendant une heure ou deux, puis je m'appliquais de plus en plus fréquemment à cette occupation et, à la fin, j'y passais presque tout le jour. (...)
Après cinq mois solitaires dans ces travaux et dans ce bonheur, je m'habituai si bien à la prière du coeur que je la pratiquai sans cesse et qu'à la fin je sentis qu'elle se faisais d'elle-même sans aucune activité de ma part, elle jaillissait dans mon esprit et dans mon coeur non seulement en état de veille, mais même pendant le sommeil, et ne s'interrompait plus une seconde. Mon âme exultait d'une joie incessante. (...)
Voici ce que dit à ce sujet saint Grégoire de Thessalonique : "Il ne nous suffit pas de prier sans cesse au nom de Jésus-Christ selon le commandement divin, mais il nous faut exposer cet enseignement à tous, moins ou laïcs, intelligents ou simples, hommes, femmes ou enfants, afin d'éveiller en eux le zèle pour la prière intérieur". (...)

Quatrième récit 
(...) Mais surtout garde-toi de toutes représentations, de toutes images naissant dans ton esprit pendant que tu pries. Repousses toutes les imaginations, car les Pères nous ordonnent, afin de ne pas tomber dans l'illusion, de garder l'esprit vide de toutes formes pendant la prières. (...)
Extrait des Récits d'un Pèlerin Russe
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2 commentaires:

  1. C'est drôle mais c'est exactement ce que je pense aussi. Bzzz. J'aime votre façon de présenter les choses et votre style. Les infos sont vraiment pertinentes, intéressantes. Cela donne envie d'en savoir plus ! Clair que je vais en parler autour de moi. Super blog!

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