lundi 18 février 2013

Michel de Montaigne ou Michel Eyquem


Michel de Montaigne, (Michel Eyquem, seigneur de Montaigne 1, né le 28 février 1533 et mort le 13 septembre 1592 à Saint-Michel-de-Montaigne (Dordogne),est un moraliste de la Renaissance et un philosophe indépendant. Il a également pris une part active à la vie politique, comme maire de Bordeaux et comme négociateur entre les partis, alors en guerre dans le royaume. C'était un ami personnel d'Henri de Navarre, le futur Henri IV. Les Essais (1580-1595) ont nourri la réflexion des plus grands auteurs en France et en Europe de Pascal à Proust et à Heidegger.
Fondateur de l'introspection, il en vient peu à peu à l’unique projet de faire son propre portrait : « Je n’ai d’autre objet que de me peindre moi-même ». Mais il dépeint principalement ses pensées, il veut voir plus clair en lui-même, dans ce qu’il appelle son « arrière-boutique » : « Ce ne sont pas mes actes que je décris, c’est moi, c’est mon essence. » Un pareil dessein est alors très neuf et personne, même dans l'Antiquité, ne l’a expressément formé.
Mais s'il se peint, cela peut servir aux autres. « Chaque homme, écrit-il en 1588, porte la forme entière de l’humaine condition : quiconque me lit peut se reconnaître en moi et tirer profit de mon expérience. ».
Dans les deux derniers chapitres des Essais, Montaigne révèle, en guise de conclusion, sa conception du bonheur du sage, aimer la vie et la goûter pleinement : « C'est une perfection absolue et pour ainsi dire divine que de savoir jouir loyalement de son être. »
Source (et suite) du texte : wikipedia


Bibliographie :
- Essais, en 3 livres, 1595
trad. traduction en français moderne : C. Pinganaud, Ed. Arléa, 1995 /  G. de Pernon, 2008 / A. Lanly, Ed. Gallimard, 2009.
- Journal de voyage en Italie par la Suisse et l'Allemagne, 1580/1.
En ligne :
- Essai : wikisource
- Journal de voyage : wikisource

Voir aussi la page : ... et veillants dormons


C'est ici un livre de bonne foi, lecteur. Il t'avertit, dés l'entrée, que je ne m'y suis proposé aucune fin, que domestique et privée. Je n'y ai eu nulle considération de ton service, ni de ma gloire. Mes forces ne sont pas capables d'un tel dessein. Je l'ai voué à la commodité particulière de mes parents et amis : à ce que m'ayant perdu (ce qu'ils ont à faire bientôt) ils y puissent retrouver aucuns traits de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent, plus altière et plus vive, la connaissance qu'ils ont eue de moi. Si c'eût été pour rechercher la faveur du monde, je me fusse mieux paré et me présenterais en une marche étudiée. Je veux qu'on m'y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c'est moi que je peins. Mes défauts s'y liront au vif, et ma forme naïve, autant que la révérence publique me l'a permis. Que si j'eusse été entre ces nations qu'on dit vivre encore sous la douce liberté des premières lois de nature, je t'assure que je m'y fusse très volontiers peint tout entier, et tout nu. Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière de mon livre : ce n'est pas raison que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain. Adieu donc; de Montaigne, ce premier de mars mil cinq cent quatre vingts.
Extrait des Essais (Préface)
Commande sur Amazon : Essais (Tome 1-Livre premier)

En ligne : wikisource


Nous n'avons aucune communication à l'être, parce que toute humaine nature est toujours au milieu entre le naître et le mourir, ne baillant de soi qu'une obscure apparence et ombre, et une incertaine et débile opinion. Et si, de fortune, vous fichez votre pensée à vouloir prendre son être, ce sera ni plus ni moins que qui voudrait empoigner l'eau : car plus il serrera et pressera ce qui de sa nature coule partout, plus il perdra ce qu'il voulait tenir et empoigner. Ainsi, vu que toutes choses sont sujettes à passer d'un changement en autre, la raison qui y cherche une réelle subsistance se trouve déçue, ne pouvant rien appréhender de subsistant et permanent, parce que tout ou vient en être et n'est pas encore du tout, ou commence à mourir avant qu'il soit né. (...)

Et par conséquent se trompent et mentent les sens de nature, prenant ce qui apparaît pour ce qui est, à faute de bien savoir que c'est qui est. Mais qu'est-ce donc qui est véritablement ? Ce qui est éternel, c'est-à-dire qui n'a jamais eu de naissance, ni n'aura jamais fin, à qui le temps n'apporte jamais aucune mutation. Car c'est chose mobile que le temps, et qui apparaît comme en ombre, avec la matière coulante et fluante toujours, sans jamais demeurer stable ni permanente, à qui appartiennent ces mots : devant et après, et a été ou sera, lesquels tout de prime face montrent évidemment que ce n'est pas chose qui soit, car ce serait grande sottise et fausseté toute apparente de dire que cela soit qui n'est pas encore en être, ou qui déjà a cessé d'être. Et quant à ces mots : présent, instant, maintenant, par lesquels il semble que principalement nous soutenons et fondons l'intelligence du temps, la raison le découvrant le détruit sur-le-champs : car elle le fend incontinent et le sépare en futur et en passé, comme le voulant voir nécessairement départi en deux. Autant en advient-il à la nature qui est mesurée comme au temps qui la mesure. Car il n'y a non plus en elle rien qui demeure, ni qui soit subsistant, ainsi y sont toutes choses ou nées, ou naissantes, ou mourantes. Au moyen de quoi ce serait péché de dire de Dieu, qui est le seul qui est, qu'il fut ou il sera. Car ces termes-là sont déclinaisons, passages ou vicissitudes de ce qui ne peut durer, ni demeurer en être. Par quoi il faut conclure que Dieu seul est, non point selon aucune mesure du temps, mais selon une éternité immuable et immobile, non mesurée par temps, ni sujette à aucune déclinaison, devant lequel rien n'est, ni ne sera après, ni plus nouveau ou plus récent, ainsi un réellement étant, qui, par un seul maintenant emplit le toujours, et n'y a rien qui véritablement soit que lui seul, sans qu'on puisse dire : "Il a été", ou "Il sera, sans commencement et sans fin".
   A cette conclusion si religieuse d'un homme païen je veux joindre seulement ce mot d'un témoin de même condition pour la fin de ce long et ennuyeux discours qui me fournirait de matière sans fin : "O la vile chose, dit-il, et abjecte que l'homme, s'il ne s'élève au-dessus de l'humanité !" Voilà un bon mot et un utile désir, mais pareillement absurde. Car de faire la poignée plus grande que le poing, la brassée plus grande que le bras, et d'espérer enjamber plus que de l'étendue de nos jambes, cela est impossible et monstrueux. Ni que l'homme se monte au-dessus de soi et de l'humanité : car il ne peut voir que de ses yeux, ni saisir que de ses prises. Il s'élèvera si Dieu lui prête extraordinairement la main; il s'élèvera, abandonnant et renonçant à ses propres moyens, et se laissant hausser et soulever par les moyens purement célestes. C'est à notre foi chrétienne, non à sa vertu stoique de prétendre à cette divine et miraculeuse métamorphose.

Extrait de : Essais, Livre second, chap. XII (Apologie de Raimond Sebond)
Commande sur Amazon : Essais (Tome 2-Livre second)
En ligne : wikisource








Montaigne philosophe :
1/5 avec J-Y. Pouilloux, 2/5 F. Brahami, 3/5 et 4/5 Ali Benmakhlouf, 5/5 Bénédicte Boudou
Les Nouveaux chemins de la connaissance, de Raphael Enthoven, France culture (03.2011)


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...