Toute conscience est conscience de quelque chose. Parler de "conscience sans objet" est-ce alors parler pour ne rien dire ?
jeudi 22 janvier 2015
Une solution simple au conflit israëlo-palestinien ?
Michel Collon, journaliste belge, Conflit israélo-palestinien : la solution d'un seul état ? (2012)
Avec l'extension incessante des colonies israéliennes, et la modification des frontières, la création d'un état palestinien ne semble plus possible, la solution restante est un état démocratique bi-national, israëlo-palestinien, dont chaque citoyen aurait les mêmes droits et les mêmes devoirs. Cette option avait été envisagée en 1947, et défendue notamment par Martin Buber, théologien juif, Hannah Arendt, Albert Einstein et Stéphane Hessel.
Plus d'infos : wikipedia
Palestine : Yasser Arafat et la solution à un seul état (1969)
"Nous voulons établir notre état palestinien dans lequel musulmans, juifs et chrétiens pourront vivre en paix, dans l'amitié et la justice : un état démocratique".
(A partir de 1974 l'OLP changera de position pour celle de deux états).
Rony Brauman: «"Deux peuples, deux Etats"? Une utopie!»
Interview de Rony Brauman, 30 novembre 2014
La reconnaissance d’un Etat palestinien par la France serait-elle un geste utile ?
Même si c’est symbolique, je pense qu’il est salutaire de voir des Etats se référer enfin au droit international, car ce n’est pas à Israël seul de décider si un Etat palestinien existe, mais aussi à la communauté internationale. La reconnaissance par la Suède apparaît comme une avancée alors que juridiquement il devrait déjà y avoir un Etat. Le processus de paix, qui ne consistait plus ces derniers temps qu’en quelques rencontres généralement sous patronage américain, transforme cette réalité juridique en un projet encore à négocier. 135 Etats de l’ONU ont déjà reconnu l’Etat palestinien, il ne reste plus que l’Europe. Cette reconnaissance est positive, elle met la pression sur Israël : une fois l’Etat palestinien reconnu, il sera en effet impossible de parler de la Cisjordanie comme d’un «territoire disputé», ce que fait Israël, mais d’un «territoire occupé» !
Paradoxalement, c’est du côté de la droite religieuse que vous voyez une piste de sortie du conflit…
Il me semble que l’espoir n’est plus du côté de la gauche laïque, qui depuis Ehud Barak a lâché les Palestiniens, mais paradoxalement du côté d’une certaine droite religieuse. Et ce n’est pas une provocation ! On en a un exemple remarquable à la tête de l’Etat, Reuven Rivlin, successeur de Shimon Peres. Il est opposé aux accords d’Oslo, favorable à l’annexion de la Cisjordanie, ce qui le classe à droite, mais il défend la reconnaissance des mêmes droits pour tous partout où la loi israélienne s’applique, ce qui brouille le classement politique habituel. Ainsi, pour la première fois, un président israélien a assisté aux commémorations du massacre de Kafr Qassem, perpétré le 29 octobre 1956. 47 villageois arabes israéliens avaient alors été tués par la police israélienne. A leurs descendants et aux 20% de la population arabe israélienne, Reuven Rivlin a su dire : «Je sais que certains Arabes israéliens s’identifient à la souffrance des Palestiniens et qu’ils subissent ici en Israël le racisme.» Et encore : «Vous êtes la chair et le sang de cette terre, et personne ne peut vous exclure.» Une parole non pas de repentance mais de responsabilité et d’ouverture politiques. Il est vrai qu’il n’est que président, fonction symbolique privée de leviers d’action, mais le symbolique compte. Avraham Burg, un religieux de gauche, ex-président du Parlement, allait dans le même sens. Tous deux se sont prononcés contre la définition d’Israël comme «Etat juif» récemment votée par le gouvernement Nétanyahou.
Côté palestinien, vous misez sur Marwan Barghouti …
C’est en effet un homme politique qui a la stature d’un Mandela, par sa hauteur de vue politique et son courage physique, par sa légitimité auprès des Palestiniens de toutes tendances. Comme Mandela, il est en prison à vie pour «terrorisme» (il y a appris l’hébreu) mais il est juridiquement éligible et pourrait être le prochain président de l’Autorité palestinienne. Il est, avec d’autres prisonniers, à l’origine du «Document des prisonniers», plateforme politique reconnue par tous les mouvements palestiniens prônant un Etat palestinien en Cisjordanie et à Gaza. Si Barghouti est le Mandela palestinien, Rivlin pourrait être le De Klerk… Israël est dans la situation de l’Afrique du Sud des années 80. La bonne nouvelle est que ce pays est sorti sans violence de l’apartheid. Un espoir dans un contexte où l’idée de deux peuples et deux Etats semble chimérique.
Pourquoi ce rejet d’une telle solution ?
Le processus de paix d’Oslo, commencé en 1993, avec l’idée d’un deuxième Etat, n’a finalement servi qu’à réduire la liberté de circulation des Palestiniens, et plus encore avec le mur, les grands check-points… La séparation entre les deux peuples, qui devait mener les Palestiniens à l’émancipation, les a finalement conduits à une situation d’apartheid, du fait de la colonisation ininterrompue et de l’extension de l’occupation militaire de la Cisjordanie. Il n’y a plus aujourd’hui d’espace territorial viable pour un Etat palestinien, il n’y a plus de gauche pour le défendre. La colonisation est le projet central d’Israël, entériné par les élections successives et qui pourrit la vie quotidienne des Palestiniens. Ce n’est pas seulement leur espace qu’on accapare mais aussi leur temps, leur vie, tout déplacement étant une épreuve. L’impasse n’est pas seulement géographique, elle est aussi temporelle, leurs perspectives d’avenir sont aussi bouchées que leurs routes. On ne peut avoir de débat politique décent dans la désespérance.
Comment faire vivre Israéliens et Palestiniens dans un seul Etat ?
Je ne sais pas sous quelle forme, certainement pas celle d’un Etat jacobin. Il faudra de l’imagination pour créer une fédération ou une confédération, pourquoi pas inspirée du modèle suisse. Une certaine droite religieuse, post-sioniste en quelque sorte, se définissait comme cananéenne en référence au pays de Canaan, la terre des prophètes antérieure à la conquête romaine. Rappelons que des juifs y vivent depuis toujours - sur les montagnes de Judée d’ailleurs, et non sur la plaine côtière - et cohabitent avec les autres autochtones. Gardons-nous de projeter notre vision laïque très française, c’est-à-dire teintée d’une méfiance de principe envers toute religion, sur un monde où la politique et la religion sont liées. Les religieux qui veulent renouer avec l’histoire biblique ne s’installent pas sur les mêmes territoires que les Palestiniens, leurs habitations ne représentent qu’un pourcentage infime de la terre. Ce sont les «zones de sécurité» et autres périmètres interdits qui forment l’essentiel des superficies occupées. Qu’ils soient démantelés, et une coexistence territoriale redevient pensable.
Que penser de la demande de médiation internationale de la part d’une certaine gauche israélienne ?
Je ne peux que soutenir cette demande, mais une médiation est un moyen, pas une fin, laquelle doit être précisée. La formule «deux peuples, deux Etats» est devenue une utopie, ou plutôt une relique. Comme d’autres, je pense qu’il faut imaginer une solution post-nationaliste à ce conflit qui a déjà usé des générations d’Israéliens et de Palestiniens. Il n’y aura selon moi ni Etat exclusivement juif, ni Etat exclusivement palestinien. Aucune partition territoriale n’est plus envisageable, et l’apartheid n’est pas durable. On ne peut donc se diriger que vers un partage politique.
Source : Liberation
Voir aussi la page : Palestine, histoire d'une terre
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Hum, Michel Collon manie également très bien la contre-propagande, et n'est jamais à une contradiction près lorsqu'il s'agit de parler de la Chine, de la Russie ou de Cuba. Sa défense de l'annexion du Tibet par la Chine en est un très bel exemple : http://www.michelcollon.info/TIBET-Vrai-ou-faux-Reponses.html
RépondreSupprimerAvec des arguments comme ceux qu'il donne, la Chine devrait être rendue aux mongols car elle était subordonnée à la Mongolie fut un temps...
D'accord avec vous (je ne connaissais pas son point de vue sur le Tibet).
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