mardi 14 avril 2015

"Je suis sur écoute"

MAJ de la page :  Loi sur le Renseignement (tag) 


Surveillance de masse : mobilisation contre le "Patriot Act" à la française (Agence info libre, 2015)


Loi sur le renseignement : "Manuel Valls s'inspire de George Bush"
Interview de Jean-Marie Fardeau, directeur de Human Rights Watch France
par Mathieu Bertin, le 13 avril 2015 - L'Obs.

Le texte du gouvernement arrive à l'Assemblée nationale mais continue d'être dénoncé par les associations, notamment Human Rights Watch. Interview de son directeur, Jean-Marie Fardeau.
Le Premier ministre, Manuel Valls, lors de la présentation du projet de loi sur le renseignement, jeudi 19 mars (WITT/SIPA)Le Premier ministre, Manuel Valls, lors de la présentation du projet de loi sur le renseignement, jeudi 19 mars (WITT/SIPA)
Les étudiants de l'Institut européen de journalisme (IEJ) ont réalisé une série d'articles autour de le projet de loi sur le renseignement, dans le cadre de leur formation, en partenariat avec "l'Obs". C'est le cas de celui-ci.

Le projet de loi sur le renseignement arrive à l'Assemblée nationale, ce lundi 13 avril. Si la classe politique semble le soutenir (presque) unanimement, ce n'est pas le cas de nombreuses associations qui dénoncent une "loi liberticide". Human Rights Watch y voit le "risque d'une société de la surveillance", à l'image de ce qu'ont fait les Etats-Unis avec le Patriot Act. Eclairage de Jean-Marie Fardeau, directeur général France d'Human Rights Watch.

La situation dans laquelle ce projet de loi sur le renseignement arrive est-elle comparable à celle du Patriot Act, texte adopté après les attentats du 11-Septembre qui a débouché sur la surveillance massive réalisée par l'agence américaine NSA ?

- Oui et non. Le gouvernement n'a pas été réfléchi en réaction aux attentats de janvier. Les discussions à son sujet remontent à bien plus longtemps. Alors que le Patriot Act a été écrit juste après les attentats du 11 septembre 2001, et voté dans la foulée. Après, le gouvernement de Manuel Valls s'inspire de George Bush pour adopter la loi d'urgence sans débats approfondis [le texte est présenté en procédure d'urgence, limitant à une lecture par chambre, NDLR].

S'agit-il d'une loi de lutte contre le terrorisme ?

- On pourrait croire que la lutte anti-terroriste est le but principal de ce projet loi. En donnant des moyens plus sophistiqués aux services de renseignement. Mais, il vise surtout à rendre légal de nombreuses mesures d'écoutes déjà utilisées par les services. Quand on lit le projet de loi, on s'aperçoit que le terrorisme n'est pas inscrit comme son but central. Ce n'est qu'un des sept motifs invoqués pour justifier l'utilisation de ces moyens. Cette loi cherche donc surtout à légaliser l'espionnage français.

Peut-on parler d'un Patriot Act à la française ?

- Le Patriot Act est plus vaste que la loi française. Il va beaucoup plus loin puisqu'il donne une base juridique au statut de combattant illégal, soit celui qui est considéré comme ennemi des Etats-Unis. Le Patriot Act reste plus abusif, car aucune autorisation n'est nécessaire pour procéder aux écoutes. En France, une commission spécialisée donnera son avis et contrôlera la procédure, sauf en cas d'urgence. Et c'est bien le problème de cette loi. Ensuite le Patriot Act dispose d'une dimension internationale : les étrangers peuvent être écoutés, même Angela Merkel a été placée sous surveillance. Un volet dont ne dispose pas la loi française.

Le renseignement français n'aura pas de dimension internationale ?

- Les écoutes de personnes vivant à l'étranger ne sont pas répertoriées dans le texte. Ça ne veut pas dire que le pays n'en fait pas, mais bien qu'il n'assumera pas leur existence.

Qu'en est-il de l'opinion américaine sur le Patriot Act ?

- Après tous les scandales liés à la NSA, Barack Obama a été obligé de revoir le Patriot Act. Il a créé un cadre juridique plus contraignant, mais il n'a rien changé fondamentalement. C'est difficile de savoir si une population est favorable à une restriction de ses libertés. Notre rôle de défenseur des droits de l'Homme est de rappeler que même si une population s'habitue à ce que ses libertés fondamentales soient reniées, elles restent essentielles pour la survie de la démocratie et la qualité de l'Etat. Même si on reste minoritaire, on demeure persuadé que ces droits doivent être défendus.

Propos recueillis par Mathieu Bertin, étudiant à l'IEJ
Source : L'Observateur




France : terribles révélations sur la surveillance massive
Par Guerric Poncet, le 14 avril 2015 - Le Point

C'est bien pire que ce que l'on craignait. Selon les informations du Monde, la France a mis en place depuis 2007 un système de surveillance massive qui dépasse les pires craintes des défenseurs des libertés. La plateforme nationale de cryptage et de décryptement (PNCD), installée "pour l'essentiel" dans les bâtiments du siège de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) à Paris, dispose des plus puissants calculateurs de France et intercepte puis stocke "des milliards de données françaises et étrangères".

Gérée par la DGSE, les espions qui assurent la préservation des intérêts français hors du territoire national (en théorie...), la PNCD est aussi une source majeure d'informations pour les autres services de renseignement, tels que la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), mais aussi les services militaires (DPSD et DRM), financiers (Tracfin, contre le blanchiment) ou encore douaniers (DNRED). Et ce, en dehors de tout contrôle démocratique.

"Sans aucun filtre"

"Cette consultation ne se fait sans aucun filtre, ni ceux des ministères de tutelle, ni celui de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)", écrit le quotidien du soir. Au nom de l'intégration, les services de renseignement intéressés ont même installé des agents directement au siège de la DGSE pour mieux piocher dans les millions de téraoctets d'informations stockées, et déchiffrées par les calculateurs lorsqu'elles sont protégées.

"Et c'est pas fini", comme dirait la pub. Les services étrangers se servent eux aussi allègrement dans les données volées par la France à ses citoyens et aux internautes étrangers. Selon Le Monde, l'Agence nationale de sécurité américaine (NSA) et son homologue britannique, le GCHQ, s'adressent régulièrement à la DGSE pour récupérer des "blocs" concernant des régions du monde particulièrement surveillées par la France, dont notamment le Sahel. Ces blocs, qui contiennent parfois plusieurs mois d'archives pour des régions entières, sont échangés contre des informations sur les ennemis de la France. Ces pratiques peuvent aussi alimenter des cyberguerres entre alliés, comme on l'a vu lorsque la Grande-Bretagne a piraté l'opérateur belge Belgacom afin de voler les données des institutions européennes de Bruxelles pour les transmettre à Washington.

Fausse opération transparence à Matignon

Ces révélations tombent mal, au moment où le gouvernement fait la promotion de son projet de loi sur le renseignement, qui est examiné par l'Assemblée à partir de lundi. Si cette loi est effectivement nécessaire pour donner un cadre légal à certaines habitudes aujourd'hui clandestines mais vitales pour la sécurité et la préservation des intérêts de la nation, elle ne traite absolument pas de la PNCD et n'y changera rien. En l'état du texte, cette plateforme restera clandestine et sans contrôle démocratique, pas même a posteriori.

Il y a quelques semaines, Matignon avait convié des journalistes (dont Le Point.fr) à une réunion informelle pour expliquer les objectifs de la loi. Le but était de déminer les critiques prévisibles sur certaines mesures, comme celle prévoyant d'installer des mouchards chez les opérateurs télécoms et ainsi de "profiler" l'ensemble des internautes. Responsables de cabinets ministériels (Intérieur, Justice et Défense, notamment) et autres cadres du renseignement (dont la DGSE) avaient alors juré que la France ne surveille pas - et ne surveillera pas avec l'adoption de cette loi - ses citoyens de façon massive. Soit ils ignoraient la vérité, et c'est une terrible faille pour la démocratie, soit ils se sont moqués des journalistes présents et, surtout, de leurs lecteurs.

La loi sur le renseignement rendue inutile

Dans les deux cas, la tentative d'opération transparence du gouvernement est totalement discréditée, et l'objectif de la loi sur le renseignement, c'est-à-dire fixer un cadre légal aux pratiques clandestines, tombe à l'eau, puisqu'il restera un monstre caché dans l'ombre : la PNCD.

Espérons que les députés et les sénateurs introduiront des amendements au projet de loi. Ils pourraient par exemple soumettre la PNCD au contrôle de la nouvelle Commission de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) prévue par la loi, limiter la fuite d'informations sur les citoyens français vers les alliés étrangers ou encore borner la quantité de données recueillies et analysées chaque jour. Mais puisque cette plateforme n'existe officiellement pas, difficile d'exiger sa régulation. Et au regard du tragique consensus droite-gauche sur la sécurité face au spectre terroriste, il est peu probable que les élus réclament des changements de fond avant de voter le texte.

REGARDEZ la réaction de Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, ce mardi 14 avril sur Europe1 : 



Bernard Cazeneuve : "Il n'y a pas de surveillance de masse et  de collecte massive des données" (Europe 1, 13 avril 2015)

Source : Le Point

OVH, Gandi et d'autres menacent de s'exiler contre la Loi Renseignement
Par Guillaume Champeau, le 10 Avril 2015
Sept gros hébergeurs français (OVH, Gandi, Ikoula, IDS, Online, Lomaco et AFHADS) préviennent qu'ils devront déménager si le projet de loi Renseignement préparé par le Gouvernement contraint leurs clients à ne plus héberger leurs données et services en France, où la confidentialité sera menacée par les "boîtes noires" imposées aux opérateurs.
Source (et suite) du texte : Numerama

Lire aussi le dossier sur France Culture : Criminalité : vers un contrôle d'Internet sans les juges ? 
10.04.2015 

MAJ : 



Les Matins par Marc Voinchet 
Projet de loi sur le renseignement, une prévention liberticide? 15.04.2015
Avec : 
François-Bernard Huyghe, directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé sur la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, responsable de l'Observatoire Géostratégique de l'Information
Valérie Peugeot
Antoine Garapon, magistrat, secrétaire général de l'Institut des Hautes Etudes sur la Justice et producteur du Bien 



Tous protégés ? Tous surveillés. Patriot act made in France (France 2, Mots Croisés, 13 avril 2015)

Anne-Sophie Lapix  reçoit Hervé Morin, ancien ministre de la Défense et Porte-parole UDI pour le projet de loi sur le renseignement, Éric Ciotti, Député UMP des Alpes-Maritimes et Président de la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus jihadistes, Eduardo Rihan-Cypel, Député PS de Seine-et-Marne et Secrétaire national chargé de la Défense au PS, Olivier Besancenot, Membre de la direction du Nouveau Parti Anticapitaliste, Eric Dupond-Moretti, Avocat au Barreau de Lille, et Nicolas Arpagnian, Expert en cybersécurité et Directeur scientifique à l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice.


Loi Renseignement : on a fait le Vrai/Faux du Vrai/Faux du Gouvernement !
Par Guillaume Champeau, le 14 Avril 2015

Alors que le Gouvernement a publié un "Vrai/Faux" pour tenter de déminer ce qu'il estime être les "fantasmes" des opposants au Projet de Loi Renseignement, Numerama se prête au même jeu en répondant point par point.
Source (et suite) du texte : Numerama



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