vendredi 10 juillet 2015

Pourquoi la Grèce n’a pas intérêt à négocier le Grexit



Pourquoi la Grèce n’a pas intérêt à négocier le Grexit
Par Romaric Godin, le 8 juillet - La Tribune

si la Grèce refuse la sortie de la zone euro, mais y est contrainte de facto, elle espère pouvoir imposer une redénomination de sa dette en nouvelle monnaie. En effet, Athènes pourra prétendre qu'on l'a « contrainte » à changer de monnaie. Dans ce cas, comment exiger de la Grèce qu'elle remboursât en devises sa dette ?

La sortie de la Grèce de la zone euro devient un scénario de plus en plus probable. Mais qui appuiera sur la gâchette ? La réponse à cette question n’est pas seulement rhétorique, mais aura aussi des conséquences légales.

Le Grexit est-il inéluctable ? Ce mercredi 8 juillet, rien n’est joué. La Grèce joue son rôle de bon élève. Elle a transmis une demande officielle de soutien de 50 milliards d’euros au Mécanisme européen de Stabilité (MES) pour une durée de trois ans. Mardi soir, le Conseil européen a demandé à Athènes de lui proposer un plan de « réformes ». La Commission a précisé que ce plan devra arriver à Bruxelles avant jeudi, minuit. S’il est validé, ce plan permettra de débloquer un financement relais, puis de débloquer les fonds du MES. Dans ce cas, la BCE pourrait alors rétablir pleinement le pays dans la zone euro en redonnant de l’air aux banques. Et la Grèce resterait dans l’euro, pour l’instant du moins.

Sans accord dimanche, le Grexit inévitable

Mais si ce n’est pas le cas ? Si le énième plan grec ne convient pas, alors les créanciers européens semblent décider à lâcher la Grèce. Donald Tusk, le président du Conseil européen, a parlé de « dernière chance. » Ce mercredi matin, le gouverneur de la Banque de France a prévenu que sans espoir d’un accord politique, le robinet de l’ELA (fourniture de liquidité d’urgence) sera coupé. Dès lors, la Grèce n’aura plus accès au moindre euro. Une telle option, si elle n’est pas encore sûre, est loin d’être exclue. Mardi soir, Angela Merkel a prévenu qu’elle souhaitait des conditions plus dures que celles prévues dans les propositions rejetées par le peuple grec le 5 juillet. Ceci ressemble à une punition du peuple grec pour son « mauvais » vote de dimanche. Punition, on le comprend, a priori difficilement acceptable par le gouvernement hellénique.

Une austérité acceptée à Athènes

Il est malaisé de dire à la lecture de la lettre du ministre des Finances grec Euclide Tsakalotos si cette exigence allemande sera respectée. Le texte fait par de la volonté de prendre des « mesures fiscales et des mesures sur les retraites » dès la semaine prochaine, mais sans fournir de détails. Et Alexis Tsipras pourrait faire avaler la pilule d’un plan sévère à son peuple. Après tout, depuis le « non » de dimanche, il est devenu incontournable en Grèce. N’ayant plus guère d’adversaire à sa hauteur, il peut prétendre que ce nouveau mémorandum permettra de réaliser les réformes véritables que les Grecs attendent : la destruction du clientélisme et l’amélioration de l’efficacité de l’Etat. Il peut aussi expliquer que c’est le prix à payer pour rester dans l’euro, ce que souhaite encore l’immense majorité des Grecs.

La volonté grecque de discuter de la dette

Ceci serait peut-être acceptable – non sans mal cependant – si le gouvernement obtenait un engagement ferme à ouvrir des discussions sur la restructuration de la dette. Ce sera là sans doute l’argument suffisant pour faire voter un plan drastique à la Vouli, le parlement grec. Et c’est sans doute sur ce point que se jouera le Grexit. Dans sa demande au MES, Euclide Tsakalotos a indiqué que la « Grèce salue une opportunité (« welcomes an opportunity ») d’explorer d’éventuelles mesures à prendre pour que la dette publique devienne soutenable et viable sur le long terme. » Un texte certes assez vague, mais qui prouve la détermination grecque à aborder cette question dans le cadre du plan du MES.

Le refus de la restructuration des créanciers

Or, aucun créancier ne veut aborder ce point. Jean-Claude Juncker a évoqué une vague promesse d’ouvrir les discussions sur la dette en octobre, une fois les réformes engagées. Mais cette promesse ne saurait satisfaire Athènes. Elle serait encore moins engageante que celle de novembre 2012 qui n’a pas été respectée. Surtout, la probabilité du respect de cette promesse est très faible. Ce mercredi, un porte-parole du ministère allemand des Finances a expliqué que Berlin « n‘était prêt ni à une décote classique sur la dette, ni à un reprofilage », donc à une révision du taux d’intérêt et de la maturité de la dette. Bref, le gouvernement allemand préfère prendre le risque de perdre tout que de négocier la dette. Et cela rend désormais très difficile un accord.

Sortie négociée ?

Dès lors, la question du Grexit doit s’accompagner d’une autre interrogation : celle de la forme que prendra ce Grexit qui, rappelons-le, n’est pas prévu par les traités. Depuis mardi soir, un scénario circule dans les cercles européens : en cas d’échec des négociations, les créanciers européens pourraient proposer à la Grèce une « sortie négociée » de la zone euro, moyennant une aide financière. Ce scénario permettrait de traiter de tous les sujets qui fâchent et de solder la question grecque en Europe. Mais comment négocier un Grexit ? La réponse la plus simple serait le recours à l’article 50 du traité de fonctionnement de l’UE (TFUE) qui permet de négocier la sortie de l’UE d’un pays… à sa demande. Or, il est pratiquement impossible que la Grèce accepte une telle procédure.

Un Grexit « par nécessité », le choix d’Athènes ?

Pourquoi ? D’abord parce que, en Grèce, personne ne veut quitter la zone euro, encore moins l’Union européenne. Alexis Tsipras ne cesse de le marteler et il n’acceptera pas de négocier cette sortie. Dans ce cas, une expulsion sous la pression de la BCE peut lui sembler un meilleur choix, politiquement, mais pas seulement. Si, en effet, la Grèce ne prend aucune initiative pour sortir de la zone euro, mais est contrainte de modifier sa monnaie par la force de la nécessité, parce qu’elle n’a plus accès à l’euro, elle n’aura aucune raison de quitter l’UE. Elle pourra même toujours prétendre alors être membre de la zone euro, temporairement incapable d’utiliser cette monnaie. Une sorte de « mise entre parenthèse » qui peut durer longtemps, mais qui aura l’avantage de préserver l’adhésion à l’UE et les promesses d’Alexis Tsipras.

Vide juridique

La Grèce profiterait alors d’un vide juridique : les traités ne prévoient pas ce cas : que faire, lorsque toutes les banques d’un pays sont inéligibles au financement de la BCE ? Or, c’est précisément ce qui est sur le point d’arriver en Grèce. Faute d’euros, les entreprises commencent à échanger des bons ayant une valeur monétaire de facto (ce que l’on appelle des « scrips »). Pour éviter que l’économie ne sombre, le gouvernement pourrait nationaliser les banques, émettre des créances ayant valeur monétaire et réquisitionner la banque centrale. C’est un plan évoqué, selon The Telegraph, par le cabinet grec. Tout ceci est interdit par les traités, mais nécessité faisant loi, Athènes peut prétendre y être contraint par la décision de la BCE de couper l’ELA.

Des sanctions contre la Grèce ?

Comment réagira alors l’UE ? Sanctionner la Grèce ne sera pas simple. Il faudra avoir recours en effet à l’article 7 du traité de l’Union européenne qui permet de suspendre d’un certain nombre de droits les Etats membres lorsqu’est avérée « l’existence d’une violation grave et persistante » des « valeurs européennes » énoncées à l’article 2. Or, ces valeurs ne sont pas économiques, mais politiques. Donc, l’article 7 est inutilisable. Quand bien même il le serait, il faut l’unanimité du Conseil pour imposer une sanction. Or, la Grèce a un atout : Chypre. Si le gouvernement chypriote n’a guère de sympathie pour celui d’Athènes, on voit mal Nicosie sanctionner le « grand frère » grec au nom de l’hellénisme. Bref, la Grèce a toutes les raisons de ne pas quitter l’UE. Et donc de ne pas négocier sa sortie.

Redénominer la dette grecque

De plus, si la Grèce refuse la sortie de la zone euro, mais y est contrainte de facto, elle espère pouvoir imposer une redénomination de sa dette en nouvelle monnaie. En effet, Athènes pourra prétendre qu’on l’a « contrainte » à changer de monnaie. Dans ce cas, comment exiger de la Grèce qu’elle remboursât en devises sa dette ? Ceci risque évidemment de conduire également à un combat juridique sévère, les créanciers voyant dans cette redénomination un défaut. Mais, là encore, ce serait un moyen pour la Grèce de prétendre être dans son droit et de ne pas cesser les paiements. De plus, le maintien dans l’UE rendront les sanctions économiques des créanciers à l’égard de la Grèce très difficiles. Imposer un embargo et des saisies envers un Etat membre de l’UE sera-t-il possible ? Il y aura là sans doute de quoi plaider. Et donc gagner du temps.

Tenter l’accord jusqu’au bout

En conséquence, la Grèce a tout intérêt à ne pas négocier sa sortie et à se laisser expulser. Aussi le gouvernement grec est-il très soucieux de montrer jusqu’au bout sa détermination à trouver un accord. Il va donc sans doute jeudi faire de nouvelles concessions et respecter autant qu’il le peut les procédures. Son but va être de ne pas pouvoir être accusé de déclencher le Grexit. Il va donc laisser les créanciers le pousser vers une sortie qu’il pourrait ne pas accepter, tout en en tirant profit le plus possible.
Source : La Tribune 

Voir aussi la page : Il n'y aura pas de Grexit !

Actualité : La zone euro a reçu les nouvelles propositions de réformes de la Grèce (RTS)

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Dramatisation, capitulation, rupture
Par Jacques Sapir, le 9 juillet 2015

Nous serons fixés dimanche 12 juillet sur le sort réservé à la Grèce. Mais, il est possible de faire quelques remarques sur la situation actuelle, et en particulier sur sa « dramatisation », dont aujourd’hui les médias, en France comme Grèce, jouent largement. Cette dramatisation obéit à un rôle politique évident, alors que Jean-Claude Juncker a, une nouvelle fois, reçu à Bruxelles les responsables de deux partis d’opposition (Nouvelle Démocratie et To Potami), montrant ainsi le peu de cas qu’il faisait de la démocratie, alors que ces deux partis ont été vaincus lors du référendum du 5 juillet. Les autorités européennes jouent de cette dramatisation pour tenter de regagner le terrain qu’elles ont perdu à la suite de la massive victoire du « non » au référendum. Mais, cette dramatisation pourrait aussi servir à justifier une « capitulation » du gouvernement Tsipras, capitulation qui cependant le mettrait en difficulté devant l’ampleur du succès obtenu par le « non » au référendum. Il est clair que si le gouvernement grec acceptait en fin de compte l’inacceptable, soit les conditions léonines mises par l’Eurogroupe, et l’on comprend les raisons qui pourraient le pousser à le faire sans pour autant les accepter, il aurait quelques difficultés à faire ratifier cet accord devant le Parlement grec, sans le soutien de l’opposition. Disons le, cette capitulation, même présentée comme un « moindre mal » devant la paralysie qui gagne chaque jour un peu plus l’économie grecque, serait une capitulation devant les oligarchies européennes et grecques.

Pourtant, il y a bien une alternative à la capitulation, mais cette alternative aujourd’hui doit prendre des formes radicales.

La crise bancaire grecque

La crise bancaire grecque est largement le produit de l’action de la Banque Centrale Européenne qui a dans un premier temps limité son soutien puis dans un deuxième temps commencé à déprécier les collatéraux offert par les banques commerciales grecques. Cette crise est moins liée au contrôle des capitaux qu’à la raréfaction des liquidités dans l’économie grecque. Or, une économie moderne ne peut fonctionner sans liquidités. De fait, la Grèce se trouve dans la situation d’une entreprise solvable (elle réalise un excédent primaire) mais illiquide.

La solution face à cette déstabilisation programmée de l’économie et de la société grecque par l’institution monétaire chargée d’assurer la stabilité monétaire peut prendre deux formes. La première, qui est la plus radicale, consisterait en une réquisition de la Bank of Greece (la Banque Centrale). Cette solution permettrait de libérer les réserves de billets détenues tant à la Banque Centrale que sous le contrôle de la Banque Centrale dans les banques commerciales. La seconde solution passe par l’émission par le Ministère des finances de reconnaissance de dette qui seraient acceptées comme des titres de paiement par l’ensemble des administrations publiques. Que ce doit dans la première ou dans la seconde solution, la Grèce resterait formellement dans la zone Euro. Les reconnaissances de dette mises en circulation seraient bien entendu libellées en Euro.

Mais, il faut aussi comprendre que ces solutions rapprocheraient un peu plus la Grèce de la sortie de l’Euro. Si elle opère une réquisition, la BCE pourra prétendre que les traités ont été violés. Ils l’ont été, en réalité, du fait de l’action même de la BCE, ce qui est aujourd’hui clairement établi. Il ne faut cependant avoir aucun doute que, tant à la BCE qu’à l’Eurogroupe, on estimerait que ceci correspondrait à une rupture totale. Si la Grèce met en circulation des reconnaissances de dette, ces dernières subiront une décote, qui pourrait être d’autant plus importante qu’il n’y aurait nulle Banque Centrale pour en garantir la valeur. Dès lors, on ne manquerait pas de considérer ces « euros » émis par le Ministère des finances comme une deuxième monnaie, et la décote aurait valeur de préfiguration de celle d’une drachme que l’on ne manquerait pas, assez rapidement, de rétablir. En réalité, on peut douter que ces reconnaissances de dette soient réellement représentatives d’une nouvelle monnaie, adossée sur une véritable Banque Centrale. Quand on regarde la balance commerciale et la balance courante de la Grèce, on voit que si le pays devait retrouver sa monnaie, la dépréciation serait limitée par rapport à l’Euro, entre -20% et -25%. Mais, la dépréciation des reconnaissances de dette pourrait, quant à elle, atteindre -50% en raison de la limitation et des spécificités de la circulation à partir du Ministère des finances.

En fait, vouloir régler une crise de liquidité sans un contrôle sur la Banque Centrale est non seulement une ineptie mais encore une ineptie dangereuse. Quitte à devoir sortir de l’Euro, il vaut beaucoup mieux le faire de manière directe. C’est pourquoi, en réalité, la seule solution viable face à la déstabilisation actuelle et à la crise de liquidité n’est pas l’émission de reconnaissances de dette mais bien la réquisition de la Banque Centrale, mais aussi, très probablement, des principales banques commerciales. Ici, on voit que la solution en apparence la plus radicale constitue la solution la plus raisonnable. C’est l’une des caractéristiques des situations de crise.

Le gouvernement d’Alexis Tsipras devra se décider vite, et certainement d’ici le lundi 13 juillet.

Une sortie de l’Euro

On l’a dit, cette réquisition serait probablement le prétexte pour les autorités européennes pour acter l’expulsion hors de la zone Euro de la Grèce. Pour autant, ces autorités auraient un gros problème à régler. En effet, le gouvernement grec devrait affirmer sa volonté de faire un défaut total sur sa dette, au cas où il serait expulsé de la zone Euro. De toutes les manières, un défaut est nécessaire. La dette grecque, depuis 2010, a été essentiellement émise en droit « non grec ». C’est une différence fondamentale avec la situation de pays comme la France et l’Italie. La lex monetae ne pourrait alors pas s’appliquer. Il faudrait donc nécessairement procéder à un défaut sur au-moins 50% de la dette. Mais, si le défaut devait s’avérer total (ou atteindre à la fin des fins 80% de la valeur nominale de la dette), les conséquences pour les créditeurs ne seraient pas négligeables, surtout si on ajoute à ce défaut le poids des dettes dans le système de la BCE et les comptes Target2.


La Grèce serait alors en bonne position pour négocier des conditions qui feraient de cette expulsion une sortie négociée (certes « ex post » et non « ex ante »). Ceci mettrait la Grèce dans de bonnes conditions pour retrouver une forte croissance. Elle pourrait utiliser une partie de l’excédent primaire pour faire les investissements dont elle a besoin d’urgence. De plus, avec une dépréciation de -20% à -25%, la Grèce redeviendrait extrêmement attractive pour les capitaux étrangers, que ce soit dans l’industrie (avec la réparation navale), l’agriculture ou le tourisme.

Il y a, à l’évidence, une vie hors de l’Euro, et une vie après un défaut. L’important est de savoir l’organiser au plus vite. Ce que la Grèce ne peut supporter par contre c’est la poursuite d’une situation sans issue, aggravée aujourd’hui par une crise complète des liquidités organisée par la BCE.

Source : RussEurope 

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Alexis Tsipras au Parlement européen (Bruxelles, le 8 juillet 2015)



Nigel Farage : "M. Tsipras, "C'est le moment de sortir de la zone euro la tête haute." (Bruxelles, le 8 juillet 2015)


TSIPRAS au Parlement européen
Par Jacques Sapir, le 8 juillet 2015 - RussEurope

Alexis Tsipras est venu présenter la position du gouvernement grec devant la Parlement européen, réuni en séance plénière, ce 8 juillet. Le débat a été, à tout le moins, instructif. On commencera par noter l’air plus que gêné du Président du PE, l’Allemand (SPD) Martin Schulz, qui avait appelé ces derniers jours à ce que le gouvernement Tsipras soit renversé et remplacé par un « gouvernement de technocrates pour en finir avec l’ère Syriza »[1]. Il avait comme un petit air barbouillé, le Schulz… Il est clair que la démocratie passe plus mal que le café servi au PE (qui est pourtant TRES, TRES mauvais)…

On présente ici un florilège, non exhaustif (et que ceux que je ne cite pas, car ils furent trop nombreux, m’en excusent), des déclarations qui ont suivies ce discours.

Des discours à charge

Pour Jean-Claude Juncker, Président de la Commission Européenne c’était donc « une erreur de quitter la table des négociations». Rappelons que le Ministre grec des finances, M. Varoufakis, n’a nullement quitté de son plein grès la table des négociations mais en a été expulsé par M. Dijssenlbloem, le Président de l’Eurogroupe. M. Juncker ajoute : « Si nous ne les avions pas suspendues, nous serions parvenus à un accord». Ah, certes, si Monsieur de Lapalisse n’était point mort, il serait encore en vie…Et si Dijsselbloem n’avait pas expulsé Varoufakis peut-être que la négociation aurait continué…Juncker ajoute ensuite : «…je me suis toujours dressé contre les coupes budgétaires dans les niveaux de pension qui affecteraient les plus pauvres». La lecture des comptes rendus des réunions, quand ils ont été rédigés, n’indique pas exactement cela. Il faudrait peut-être moins boire pour conserver une mémoire claire et précise…

Le représentant du PPE (Parti Populaire Européen), M. Manfred Weber, n’a pas, lui non plus, mégoté sur les mensonges. Que l’on en juge : «Vous engagez la provocation, nous engageons le compromis. Vous cherchez l’échec, nous sommes à la recherche de la réussite. Vous n’aimez pas l’Europe, nous aimons l’Europe». Trois mensonges en trois phrases, c’est un exploit. Le gouvernement grec, représenté tant par Alexis Tsipras que par Yanis Varoufakis, a constamment (et on pourrait même le lui reprocher) cherché des compromis. La recherche d’une solution a été constante, mais pas à n’importe quel prix. Et ce prix, M. Weber, le connaît fort bien : c’est un plan de restructuration de la dette, dont même le FMI a récemment déclaré qu’il était absolument nécessaire. Quant à l’Europe, si M. Weber l’aime, c’est à la manière d’un dominant dans un couple Sadomasochiste. Il ne conçoit l’amour qu’au fouet, à la schlague.

Le représentant du groupe Social-démocrate européen (le PSE), M. Gianni Pittella a quant à lui déclaré : « C’est maintenant au gouvernement de décider des réformes, de soutenir l’emploi, de combattre la corruption, l’évasion fiscale… Toutes ces mesures qui sont nécessaire non pas parce que l’Europe les imposerait, mais parce qu’elles bénéficieraient aux citoyens grecs». C’est intéressant, parce que les mesures présentées par le gouvernement grec contre la corruption et l’évasion fiscale ont été rejetées par l’Eurogroupe. Décidément, la mémoire fait défaut à bien des membres du Parlement Européen. Il faudrait faire une alcoolémie et des tests de détection de drogues avant de commencer les séances. De même, peut-il vraiment croire que de nouvelles réductions de salaires, la baisse des pensions pour les plus pauvres, vont soutenir l’emploi ? M. Pitella a des visions d’éléphants roses. Je ne sais s’il se « saoule à l’hydromel/ Pour mieux parler de virilité/A des mémères décorées/Comme des arbres de Noël » comme le chantait l’immortel Jacques Brel[2], mais des éléphants roses, il en voit certainement.

Cependant, il y a eu mieux (ou pire). Guy Verhofstadt, député belge du groupe libéral, l’homme qui exerce en même temps 11 autres mandats (excusez du peu, il arrive au 4èmerang des cumulards), s’est ainsi permis de dire : «Depuis cinq ans, nous avons avancé en état de somnambulisme vers un Grexit avec l’aide et le soutien de l’extrême droite». Si la situation avance vers le « Grexit », ne vaudrait-il pas mieux en chercher les coupables parmi ceux qui ont organisé, ou plus exactement ont bâclé, les deux premiers plans d’aide à la Grèce ? Que vient donc faire « l’extrême-droite » dans cette affaire ? Que l’on sache, ce n’est pas l’extrême-droite qui a les commandes en Europe, ou à la BCE. Une sortie de la Grèce de la zone Euro pourrait s’imposer si on ne veut consentir à ce pays tant la restructuration de la dette dont il a besoin, qu’un plan d’investissements sur plusieurs années qui lui permettrait de retrouver une compétitivité suffisante pour rester dans la zone Euro. Ce sont des réalités que tous les économistes connaissent. Y mêler un fantasme sur l’extrême-droite (et d’ailleurs laquelle ; Aube Dorée ?) n’a aucun sens. On a l’impression que si une prise de sang avait été faite sur M. Verhofstadt on aurait trouvé l’hémoglobine à l’état de trace dans sa bière. Quant à Rebecca Harms, députée verte allemande du groupe  Les Verts/Alliance libre européenne, elle s’est adressée à Alexis Tsipras en disant qu’elle attendait des idées concrètes pour mettre en place des réformes. En d’autres termes elle a refusé de prendre en compte tout ce que le gouvernement grec a proposé depuis le mois de février dernier comme réformes. Cela donne une bonne idée de sa connaissance du dossier…Elle a ensuite ajouté que « la démocratie et Poutine ne vont pas ensemble ». Outre que c’est assez discutable, on ne voit pas trop ce que cela faisait dans ce débat. Ou plutôt si, on le comprend. En associant le nom de Tsipras à celui de Poutine, considéré comme le Diable en personne par certains, on comprend qu’elle entend discréditer le Premier-ministre grec, pourtant conforté par un référendum qu’il a gagné à plus de 61% des suffrages. C’est la même méthode utilisée par BéHachEl, ainsi que MM. Quatremer et Leparmentier, dont il paraît qu’ils sont journalistes, et qui n’ont eu de cesse de faire circuler de fausses informations, comme celle d’une alliance entre Syriza et le parti d’extrême-droite Aube Dorée. On voit que ces méthodes manipulatoires ont cours dans et hors l’hémicycle du Parlement Européen. Bref, Madame Harms a donné dans le registre de la môme vert et même vert-de-gris.

L’honneur du Parlement

Mias, le discours d’Alexis Tsipras a donné lieu à d’autres réactions, qui ont sauvé l’honneur du Parlement européen. On citera donc, sur un mode plus élogieux, Ryszard Legutko, député polonais du groupe conservateur et réformateur européen : «Qui et quoi tentons-nous de sauver ? L’union monétaire, la société grecque, la crédibilité du gouvernement, les créanciers, la réputation d’Angela Merkel ou l’infaillibilité d’une union toujours plus étroite ?». C’est bien l’une des questions posées. Car, ce qui est en cause va au-delà du simple cas grec. Ce député a eu au moins le courage de dire les choses et de nommer certains des obstacles et en particulier L’union monétaire, la réputation d’Angela Merkel et l’infaillibilité d’une union toujours plus étroite. Nigel Farage, le député britannique de UKIP et représentant du groupe ELD2, a quant à lui critiqué l’introduction de l’euro : «Si vous essayez de rassembler de force des personnes différentes ou des économies différentes sans d’abord demander à ces personnes leur consentement, il est peu probable que cela fonctionne. Le projet a échoué ». C’est bien là l’une des causes de la crise grecque. La chute des recettes dans la période 2004-2009 correspond aussi à la période de surévaluation de l’Euro qui a touché durement une économie qui ne fait que 35% de ses échanges avec la zone Euro.

De même, la députée allemande Gabriele Zimmer (Die Linke) du groupe Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique a eu raison d’insister sur la nécessité de « Trouver des solutions qui sont durables et qui perdureront… »

On laissera le mot de la fin à Alexis Tsipras. Il a rappelé que la Grèce avait fait, bel et bien, des propositions de réformes et que, sur certains points, elle était même allée plus loin que ce que demandait l’Eurogroupe. Il a souligné que son gouvernement avait sévèrement réprimé l’évasion fiscale. Il a enfin dit que : «(nos) propositions incluent un engagement fort pour atteindre les objectifs budgétaires. Pourtant, nous avons un droit souverain de décider d’augmenter l’imposition sur les entreprises à but lucratif, et non sur les retraites». Alexis Tsipras a également rappelé à ceux qui l’auraient oublié que l’Allemagne avait vu en 1953, 60 % de sa dette effacée. Il aurait pu dire que l’Allemagne avait fait 6 fois défaut sur sa dette depuis 1848.

Le mot de la fin est revenu à Alexis Tsipras qui a conclu sur une citation de Sophocle : «Il y a des moments où la plus grande loi de toutes les lois humaines est la justice pour les êtres humains ».

[1] http://fr.sputniknews.com/international/20150702/1016824871.html
[2] http://www.chartsinfrance.net/Jacques-Brel/id-100203254.html

Source : RussEurope

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Surcharge financière absurde
Par Dmitri Orlov, le 7 juillet 2015 – ClubOrlov

«Ceux que les dieux veulent détruire, ils les rendent d’abord fous» passe pour une citation attribuée à tort à Euripide. Elle semble décrire l’état actuel des choses en ce qui concerne le déroulement de l’imbroglio grec. C’est une tragédie grecque en tous point : nous avons les différents eurocrates, élus, non élus, ou bientôt-non-élus, trébuchant sur la scène en vomissant d’absurdes bêtises, et nous avons le chœur de l’électorat grec annonçant bruyamment au monde quelle absurdité fantaisiste est tout ceci, au moyen d’un référendum.

Comme la plupart d’entre vous le savent probablement, la Grèce est aux prises avec plus de dettes que ce qu’elle peut jamais espérer rembourser. Les documents publiés récemment par le Fonds monétaire international ont concédé ce point. La plupart de cette mauvaise dette a été contractée afin de rembourser les banques allemandes et françaises pour des créances douteuses précédentes. La dette était mauvaise pour commencer, parce qu’elle a été faite sur la base des projections fallacieuses du potentiel de la Grèce concernant sa croissance économique. Les prêteurs se sont comportés tout d’abord de manière irresponsable en offrant ces prêts, et ils méritent de perdre leur argent.

Toutefois, les créanciers de la Grèce refusent d’envisager de déclarer l’intégralité de cette mauvaise dette nulle et non avenue, pas à cause de quelque chose ayant à voir avec la Grèce, qui est assez petite pour qu’on abandonne cette mauvaise dette sans causer de dommages importants, mais à cause de l’Espagne, de l’Italie et d’autres [la France notamment, NdT], qui, si on leur pardonnait de façon similaire, feraient exploser les finances de l’ensemble de l’Union européenne. Ainsi, il est assez évident que la Grèce est punie pour garder les autres pays sous tension. La punition collective d’un pays sous la forme du paiement forcé d’une dette onéreuse engagée sous de faux prétextes est déjà mauvaise ; mais la punition collective d’un pays pour servir d’avertissement aux autres peut faire blêmir.

Ajoutez à cela une double portion de doubles standards. Le FMI ne pourrait pas prêter à la Grèce, car cela nécessite une certaine assurance de remboursement ; mais il continuera à prêter à l’Ukraine, qui est en défaut et en effondrement rapide, sans de telles assurances, parce que, voyez-vous, la décision est politique. La Banque centrale européenne n’accepte plus les obligations grecques comme garantie parce que, vous voyez, elle les considère comme pourries ; mais elle continuera à se gaver de toutes sortes d’autres ordures financières en les utilisant pour vomir des euros sans broncher, gardant son soutien financier à d’autres pays européens simplement parce qu’ils ne sont pas la Grèce. Le gouvernement allemand insiste sur le remboursement grec, considérant que cette position est hautement morale, en ignorant le fait que l’Allemagne est le pays ayant fait le plus défaut dans toute l’histoire de l’Europe. Si l’Allemagne n’avait pas été pardonnée à plusieurs reprises pour sa dette, le pays serait beaucoup plus pauvre, et en moins bonne forme que la Grèce.

L’hypocrisie éhontée de tout cela ne peut qu’avoir un effet déstabilisateur sur la politique de l’Europe, avec le centre politique s’enfonçant pour être remplacé par des coalitions radicales de gauche ou de droite. Notez combien rapidement la concurrente de droite à la présidentielle de la France, Marine Le Pen, a salué le résultat du référendum organisé par le gouvernement de gauche de la Grèce. Le dégoût de la bureaucratie qui règne dans l’Union européenne commence à transcender les frontières politiques, créant de drôles de coalitions.

En fin de compte, la finance, à tous les niveaux, doit être basée sur des règles et des chiffres, ou bien elle devient absurde. Brisez suffisamment de vos propres règles, et votre argent ira grossir les tas d’ordures, parce que dans un monde où l’argent est de la dette et la dette des ordures, l’argent devient une ordure. Mais il y a une méthode éprouvée pour résoudre ce problème et continuer : on appelle ça la faillite nationale. La Grèce est en faillite ; si sa résolution provoque la faillite de l’Espagne, de l’Italie et d’autres et si, par effet domino, cela met en faillite toute la zone euro, alors c’est exactement ce qui doit arriver.

Mais quelque chose pourrait se produire à la place. Les eurocrates sont déjà consternés par le spectacle de la démocratie grecque, et ils vont travailler dur pour faire dérailler tout effort démocratique dans l’avenir en utilisant tous les moyens de manipulation politique et économique à leur disposition ; tout simplement pour gagner un peu plus de temps, ce qui rendra la fin du jeu, quand elle arrivera enfin, d’autant plus douloureuse. Je suis sûr que les eurocrates planifient de suivre le modèle de la fonction publique britannique, qui a atteint son niveau de dotation maximale lorsque l’Empire britannique a cessé d’exister. Regardons les moyens de ne pas les aider à le faire.

Dmitri Orlov

Source : Le Saker francophone (Trad)

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Et si la Grèce tournait le dos à l'Europe pour embrasser la main des BRICS ?
Le 9 juil. 2015 - RT

Alors qu'Athènes tente de renégocier sa dette auprès de ses créanciers (UE et FMI), les BRICS tiennent leur sommet annuel en Russie. En mai, les «5» émergents avaient tendu la main à la Grèce qui s'était dit très intéressée. Ira ou ira pas ?

Officiellement, la crise grecque n'est pas au menu du sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, et Afrique du Sud) qui se déroule depuis hier à Oufa en Russie. Pourtant, le hasard du calendrier est des plus troublants.

En savoir plus : La Grèce se rapproche de la Banque des BRICS

Et si les BRICS étaient le «plan B» des Grecs ?

Alors que la Grèce vit une semaine cruciale pour son avenir, ne lâchant rien dans le bras de fer qui l'oppose à la troïka (BCE, UE, et FMI), les «5» tigres émergents profitent de leur sommet annuel pour baptiser leur nouvelle banque de développement, qui se veut une concurente directe du FMI et de la Banque mondiale.  En cas d'échec des négociations avec ses créanciers, Athènes envisage-t-elle de se tourner vers les BRICS ? Un scénario, qui agite la Toile, et qui est largement relayé sur Twitter...voire encouragé !

En effet, en mai dernier, le vice-ministre russe des Finances, Sergueï Stortchak, avait proposé au chef du gouvernement grec, de devenir membre de la future banque de dévelloppement des BRICS. Une invitation accueillie avec chaleur par Alexis Tsipras qui avait évoqué «une heureuse surprise et son souhait d'étudier plus en détail cette proposition». Pour certains observateurs, les BRICS seraient le «Plan B» des Grecs.

Le ministre de la Défense a, lui, son idée sur la question

Une rumeur que le chef de Syriza n'a jamais cherché à dégonfler. S'exprimant en marge du sommet forum économique de Saint-Petersbourg en juin dernier, Alexis Tsipras avait ainsi critiqué l'Europe pour sa croyance «qu'elle était au centre du monde».

«Les centres économiques de la planète sont en train de bouger. Il existe de nouvelles forces émergentes qui jouent un rôle plus important sur le plan géopolitique et économique. Les relations internationales sont de plus en plus caractérisés par la multipolarité», avait alors déclaré le chef du gouvernement grec, qui avait ajouté, évoquant la nouvelle banque des BRICS «le renforcement de la coopération entre les pays du BRICS est une autre manifestation de ce nouvel ordre mondial».

Un «bruissement» persitant, renforcé également par une vidéo, tournée en 2014. Dans cette dernière on peut ainsi voir le président du parti des Grecs indépendants, Panos Kammenos, devenu depuis ministre de la Défense, plaider pour l'entrée sans détour pour l'entrée de la Grèce dans le groupe des BRICS.



Panos Kammenos – La Grèce et la ceinture économique de la Route de la Soie (Schiller Institute, 2014)

En juin, le président russe avait ainsi compati au sort des Grecs. «Nous savons dans quelle situation difficile vous et votre peuple vous trouvez» avait ainsi déclaré Vladimir Poutine. Un soutien politique de poids pour la Grèce, qui était également parvenue à décrocher un accord sur la construction sur son sol d'un gazoduc russe pour 2 milliards d'euros. Un prélude à une plus forte coopération économique entre Athènes et les BRICS ?
Source : RT

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