dimanche 22 janvier 2017

Trump ou de l'incertitude

Bernie Sanders aurait sans doute été le meilleur choix pour l'Amérique (et le monde), les démocrates en ont décidé autrement. Mauvaise nouvelle : Donald Trump est à la Maison blanche, bonne nouvelle : Hillary Clinton n'y est pas. Dans un premier temps la bonne nouvelle éclipse la mauvaise, l'exceptionnalisme américain en prend un coup et par là même le risque d'une guerre chaude avec la Russie s'éloigne.

  

Quatre choses à retenir du discours d'investiture de Donald Trump
Le 20 janv. 2017 - RT

A la tribune, le nouveau président américain Donald Trump a prononcé un discours d'une vingtaine de minutes. Au menu : protectionnisme, fin de l'interventionnisme à l'étranger, retour des emplois vers les Etats-Unis et lutte contre le terrorisme.

En finir avec l'interventionnisme à l'étranger et s'occuper des affaires de son propre pays

Devant une foule enthousiaste, Donald Trump, évoquant la politique étrangère de Washington, a souhaité souligner que désormais, les Etats-Unis ne pratiqueraient plus l'interventionnisme dans d'autres pays pour imposer leur mode de vie et qu'ils se focaliseront sur les problèmes à l'intérieur de leur propres frontières :

Nous rechercherons l'amitié avec tous les pays du monde. Nous ferons cela avec la compréhension que c'est le droit de chaque pays de placer ses intérêts d'abord. Nous n'imposerons pas notre mode de vie mais nous dirigerons plutôt par l'exemple. 

Source (et suite) du texte :  RT
Lire aussi : Vous voulez lire le discours de Donald Trump ? Le voici, en français, Radio Canada, le 20 janvier 2017
Donald Trump: Conférence de presse integrale du 11/01/17 en français

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Le discours d’investiture de Donald Trump
Par Jacques Sapir, le 22 janvier 2017 - RussEurope

Le discours d’investiture prononcé par Donald Trump le vendredi 20 janvier doit être lu et écouté. Non qu’il faille le prendre nécessairement pour argent comptant ; il y a souvent loin de la coupe aux lèvres, et du discours à la pratique réelle de la politique. Non que l’on approuve tout dans ce discours. Mais, il contient des éléments qui permettent de savoir à quel aune il conviendra de juger la présidence Trump.

Car, n’en déplaise à tous ceux qui manifestent, certains pour de bonnes raisons et d’autres – en particulier hors des Etats-Unis – pour des raisons qui sont bien plus discutables, Donald Trump est bien le 45ème président des Etats-Unis. Il ne sert à rien, si ce n’est à discréditer encore un peu plus la démocratie et les idées démocratiques, de chercher à contester la légitimité de Trump. Cette dernière est indiscutable. Le temps n’est donc plus aux jérémiades, si tant est que ces jérémiades s’imposaient. Ce discours d’investiture, à l’inverse de ce que l’on a pu entendre en France en particulier où, à cette occasion, bien des commentateurs ont fait la preuve de leurs œillères idéologiques, est un discours court, dense, et avec du contenu. C’est un discours où il confirme le programme du candidat et qui, sur ce point, était fort attendu[1].

Un retour du providentialisme américain

Le discours présente un côté « providentialiste » qui n’étonnera que ceux qui ne connaissent pas la culture politique américaine. La présence de Dieu est constante dans le discours, mais aussi dans les actes officiels, et ceci est vrai tant pour les Républicains que pour les Démocrates. Donald Trump ne déroge donc pas aux usages. On rappelle ici que si la Bannière Etoilée est bien l’hymne officiel des Etats-Unis, c’est God Bless América que les américains entonnent spontanément dans les jours de joie comme dans les jours de deuil. Que l’on se souvienne de la scène finale du magnifique film de Michael Cimino, Voyage au bout de l’Enfer (en anglais « The Deer Hunter »[2]) où les amis, enfin réunis après l’enterrement de l’un des leurs tombé au Vietnam, chantent God Bless America. Il convient donc de ne pas s’étonner des références constantes à Dieu, qui semblent étrange à un français, mais qui sonnent de manière normale à l’oreille d’un américain.

Un rappel des positions populistes

Le premier point de ce discours porte sur ce que l’on peut qualifier d’essence même du discours « populiste » américain : l’idée que les élites de Washington ont trahi le peuple et que ce dernier est en droit d’exiger des comptes à ses dirigeants. De nombreux passages témoignent de cette idée, qui n’est ni neuve ni la spécificité de Trump, mais que l’on retrouve régulièrement dans l’histoire américaine. C’est l’idée du peuple contre la capitale, de la « main street » contre Wall street. On la trouve exprimée dans les phrases suivantes : « …nous transférons le pouvoir de la capitale Washington et le donnons à nouveau à vous, le peuple Américain. Pendant trop longtemps, un petit groupe dans notre capitale a récolté les avantages du gouvernement tandis que le peuple en a assumé le coût. », ou encore dans celles-ci : « Les politiciens ont prospéré mais les emplois se sont taris et les usines ont fermé. L’establishment s’est protégé lui-même mais n’a pas protégé les citoyens de notre pays. Leurs victoires n’ont pas été les vôtres; leurs triomphes n’ont pas été les vôtres; et pendant qu’ils festoyaient dans la capitale, il n’y avait guère à célébrer pour les familles démunies dans tout le pays. »

C’est un point important. Donald Trump ne répudie pas le mouvement qui l’a porté au pouvoir. Il assume son rôle d’expression de cette colère et de ce mouvement.


Un discours d’unité

Mais il y a d’autres points qui doivent être remarqués dans ce discours. Tout d’abord le fait que les Etats-Unis sont une nation, au-delà des divergences qui peuvent exister entre es américains, et qui sont même nécessaires pour qu’existe une peuple américain. Ce point revient à de nombreuses reprises, comme par exemple : « …une nation existe pour servir ses citoyens. Les Américains veulent de bonnes écoles pour leurs enfants, des quartiers sûrs pour leurs familles et de bons emplois pour eux-mêmes. » Ou encore, « Nous sommes une nation et la douleur des autres est la nôtre. Leurs rêves sont nos rêves; et leurs succès seront nos succès. Nous partageons un cœur, une patrie et un glorieux destin. Le serment de fonction que je viens de prononcer est un serment d’allégeance envers tous les Américains », ainsi que « Nous devons nous exprimer franchement, discuter nos désaccords honnêtement mais toujours rechercher la solidarité ». De même, et c’est important quand on sait les accusations de racisme dont il fut l’objet, il ajoute plus loin : «…que l’on soit noir, métis ou blanc, le même sang patriote court dans nos veines, nous jouissons tous des mêmes libertés et nous saluons tous le même grand drapeau américain. Et qu’un enfant soit né dans la banlieue de Detroit ou dans les plaines balayées par les vents du Nebraska, ils regardent tous le même ciel, la nuit, leur cœur est plein des mêmes rêves… ». Il est donc important que Donald Trump ait mis ce discours d’unité au cœur même de son discours d’investiture.

Le rappel du programme économique

Ce point conduit Trump à réaffirmer à la fois des notions de protectionnismes, mais aussi de relance qui vont donc constituer le cœur de son programme économique. C’est en particulier le cas dans le passage suivant « Pendant des décennies, nous avons enrichi l’industrie étrangère aux dépens de l’industrie américaine; subventionné les armées d’autres pays tout en permettant le très triste appauvrissement de notre armée; nous avons défendu les frontières d’une autre nation tout en refusant de défendre les nôtres; et dépensé des milliards de milliards de dollars à l’étranger pendant que les infrastructures de l’Amérique se sont délabrées et abimées. » Il réaffirme cette idée dans cette partie du discours : « Chaque décision sur le commerce, les impôts, l’immigration, les affaires étrangères sera prise pour le bénéfice des familles et des travailleurs américains ».

On peut donc s’attendre à ce que le président Trump mette rapidement en place des éléments importants de son programme économique. Il devra cependant le faire en étroite collaboration avec le Congrès, car sur un certain nombre de ces points le Président n’a de pouvoir que si la Congrès l’appuie. C’est donc sur ce point que l’on jugera Donald Trump.

La politique étrangère

Reste la politique internationale. Sur ce point, Donald Trump dit des choses importantes. Il affirme que les Etats-Unis ne doivent pas chercher à imposer leur mode de vie aux autres nations, et que c’est dans une coopération des nations que doit se construire un nouvel équilibre des relations internationales. Il le dit en particulier dans les phrases suivantes : « Nous rechercherons l’amitié et la bonne volonté des autres nations du monde mais nous le ferons avec l’idée que c’est le droit de tout pays de mettre ses propres intérêts en avant. Nous ne cherchons pas à imposer notre mode de vie mais plutôt à le rendre éclatant comme un exemple à suivre ». Mais, le passage qui suit le précédant n’est pas moins important. Trump dit « Nous renforcerons nos vieilles alliances et en forgerons de nouvelles et unirons le monde civilisé contre le terrorisme islamique radical, que nous allons éradiquer complètement de la surface de la Terre ». On peut retrouver ici l’idée que de nouvelles alliances, peut-être avec la Russie, sont nécessaires. Mais on peut aussi tirer de ce paragraphe l’idée que les Etats-Unis n’abandonnent pas la volonté d’être le pivot des alliances de sécurité. Or, là, il semble bien que la roue est tournée. Bien sûr, le rôle des Etats-Unis dans des alliances de sécurité sera toujours important. Mais il est douteux qu’ils puissent être le pays capable « d’unir le monde civilisé ».

Donald Trump sera, sur ce point, rapidement confronté aux réalités de la politique internationale. Il convient d’espérer, que lui et ses conseillers comme le Général Matthis à l’Etat-Major (le JCOS) ou le Général Fynn (qui aura la haute main sur l’ensemble du renseignement), comprendront que le temps où les Etats-Unis étaient une puissance hégémonique est révolu. L’entrée dans le monde multipolaire est aujourd’hui irréversible.

Avec ce discours d’investiture, nous sommes loin, bien loin, des propos policés que tiennent les petits marquis poudrés qui nous gouvernent. D’où leur gêne et leur difficulté à faire face aux projets de Donald Trump.. Ainsi, François Hollande n’a même pas voulu citer nommément Donald Trump quand il l’a critiqué pour ses propos protectionnistes, donnant un bel exemple de bêtise et de ridicule. Mais, se traduiront-ils en actes ? C’est donc bien sur le rapport entre le verbe et l’action que sera jugé Donald Trump.

[1] Voir Sapir J., « Les projets économiques du Président Trump » note postée sur le carnet RussEurope le 20 janvier 2017 : https://russeurope.hypotheses.org/5609

[2] http://ay8ou8ohth.com/embed-yftzagb71z0c-700×400.html La scène (1’44’’) peut aussi être regardée ici : https://www.youtube.com/watch?v=9LwGt9d1-lU

[3] Nom sous lequel on désigne le Président de la Cour Suprème

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Les projets économiques du Président Trump
Par Jacques Sapir, le 20 janvier 2017 - RussEurope

Ce vendredi 20 janvier, M. Donald Trump est donc entré en fonction comme 45ème Président des Etats-Unis. Il a prononcé un discours d’investiture qui était très attendu pour les différentes précisions qu’il devait apporter sur son programme. Au-delà des manifestations tant de joie que de colère que cette inauguration du nouveau Président a immanquablement provoquer, un certain nombre d’interrogations se pose. Dès avant son investiture, Donald Trump a commencé à dévoiler son programme économique. En choisissant d’inciter certaines entreprises, en particulier dans le secteur automobile, à revenir sur le territoire des Etats-Unis, il a donné une première image de ce que pourrait être sa présidence. Il a bien montré quels seront ses futurs adversaires, les grandes puissances mercantilistes comme la Chine ou l’Allemagne, mais aussi – dans une moindre mesure – le Mexique et le Canada.

La question des réductions fiscales

Il s’est engagé tant sur des réductions d’impôts que sur un programme de relance budgétaire. De ce point de vue, son programme économique apparaît peu différent de celui de Ronald Reagan quand il fut élu en 1980. Mais, la situation économique des Etats-Unis n’est plus celle des années 1980. Une extrapolation du « reaganisme » n’est donc pas possible. La structure fiscale des Etats-Unis est aujourd’hui extraordinairement inégalitaire. Les plus riches, ceux que l’on appelle les « 1% » de la population, concentrent aujourd’hui encore une grande partie des la richesse, qu’elle soit produite ou accumulée, et concentrent aussi une part décisive des exemptions fiscales. L’enjeu du programme de Donald Trump est donc clair. Si Donald Trump se décidait en faveur d’exemptions favorisant la classe moyenne, ce serait, pour le coup, une véritable révolution. Les différents projets sur lesquels il a communiqué, et en particulier la taxe sur le chiffre d’affaires produits aux Etats-Unis, dans un pays qui ne connaît pas la TVA, pourraient changer significativement la situation fiscale.


Les dépenses publiques ne sont cependant pas le seul problème posé aujourd’hui. La question des investissements en infrastructures a envahi le débat lors de la campagne électorale de l’automne dernier avec une toute particulière acuité. Les Etats-Unis ont laissé se détériorer progressivement une grande partie de leurs infrastructures, routes, ponts, hôpitaux, mais aussi les écoles et divers bâtiments publics. Donald Trump a promis d’engager 1000 milliards de dollars sur ces investissements. Encore faut-il savoir que l’Etat américain ne devrait s’engager qu’à hauteur d’environ 350 milliards car ces investissements doivent être réalisés dans le cadre de partenariat entre le secteur public et le secteur privé, ce que l’on appelle le PPP (Public Private Partnership).

La détérioration des grandes infrastructures publiques pèse désormais sur les gains de productivité de l’économie américaine. Or, sans de nouveaux gains réguliers, il ne pourra pas y avoir de progrès économique et social. Il y a, et c’est une évidence, fort à faire sur ce point car la colère et la rancœur accumulée dans la population américaine, cette même colère et cette même rancœur qui ont rendu possible l’élection de Donald Trump, sont aujourd’hui devenues explosives. C’est là l’un des principaux enjeux de le Présidence Trump. C’est sur sa capacité à créer un cadre permettant à l’ensemble de la population américaine de bénéficier de la croissance économique à venir qu’il sera jugé.

L’impact des mesures sur les taux d’intérêts

Le problème est que, si vous additionnez ces deux promesses, les réductions d’impôts et les investissements en infrastructures, vous obtenez un déficit budgétaire de l’Etat fédéral en forte hausse. Les estimations des économistes le situent actuellement entre 5% et 7% du PIB des Etats-Unis pour l’exercice 2017-2018, car il faut savoir qu’aux Etats-Unis, le budget ne correspond pas à l’année légale. Il commence (et s’achève) en été. Le premier budget qui portera donc l’empreinte de Donald Trump, mais aussi celle des compromis qu’il devra passer avec les Républicains tant au Sénat qu’à la Chambre des Représentants, sera celui de 2017-2018.

Un déficit important pour les deux premiers budgets de la Présidence Trump impliquerait une forte hausse de la dette publique. Comment, alors réagira la Banque Centrale des Etats-Unis, ce que l’on appelle la Réserve Fédérale ou la FED ? Sa Présidente, Mme Yellen, à déjà laissé entendre qu’elle allait procéder à des hausses de taux d’intérêts en 2017. Pourrait-elle, en réponse au programme économique de Donald Trump, aller plus loin que ce à quoi elle s’est plus ou moins engagée ?

La question est d’importance, car du taux d’intérêts des Etats-Unis dépend à la fois le taux d’intérêt des autres monnaies, mais aussi le taux de change entre le Dollar et l’Euro. Peut-on s’attendre à une forte hausse du Dollar, venant après celle que l’on a connue en 2015 ? Il est ici important de comprendre que le Président des Etats-Unis, s’il dispose d’une très grande liberté d’action en ce qui concerne la politique étrangère, doit nécessairement en passer par le Congrès des Etats-Unis, Chambre des Représentants et Sénat. Le Président des Etats-Unis (et son gouvernement) ne peut présenter une loi devant les deux chambres, ce qui constitue une importante différence avec la France où le gouvernement à l’initiative des lois. Il convient d’intégrer cette dimension particulière de la politique américaine quand on se penche sur le dollar ou sur le budget.

Un basculement vers le protectionnisme ?

La question du protectionnisme va aussi être certainement au cœur des interrogations des politiques et des experts. Car, ce que suggèrent les différents messages envoyés par Donald Trump par l’entremise de Twitter, ce qui constitue d’ailleurs une grande première pour un Président des Etats-Unis, c’est bien une certaine forme de protectionnisme. Bien sûr, le cadre légal des Etats-Unis a toujours été bien plus protectionniste que celui des pays de l’Union européenne. Rappelons que nous n’avons pas, ni dans le cadre de l’UE ni dans celui de la France, d’équivalent du Buy American Act ou du Small Business Act, qui réserve à des petites entreprises américaines une part des marchés publics. Au-delà donc des messages envoyés par l’entremise de Twitter, Donald Trump a déclaré son opposition aux grands traités de libre-échange, que ce soit le traité trans-pacifique ou que ce soit le TAFTA.

Cette opposition est intéressante ; elle conduit aujourd’hui à un débat à fronts renversés, où ce sont les Etats-Unis qui s’avancent sur le chemin du protectionnisme alors que les chinois et les européens se posent, en particulier à la conférence de Davos, en défenseur du libre-échange. Ceci est remarquable de la nouvelle période qui s’ouvre et à laquelle François Hollande semble bien ne rien avoir compris[1]. L’Allemagne est ici directement visée par Donald Trump. C’est le résultat de sa politique ouvertement mercantiliste, politique qu’elle développe d’ailleurs en symbiose étroite avec la Chine. L’Allemagne cherchera donc à se protéger des Etats-Unis en s’abritant derrière l’Union européenne. Il n’est pas sûr, et c’est le moins que l’on puisse dire, que ce soit l’intérêt des autres pays de l’UE d’accepter cela, et de payer pour une politique dont, eux aussi, ils sont les victimes. La défense de l’UE par François Hollande se trompe de signe car, ce qui condamne à court terme l’UE, outre l’incapacité et l’arrogance de ses bureaucrates, c’est bien l’attitude de l’Allemagne[2].

Cette attaque contre la globalisation n’est pas si étonnante que cela. Une étude, datant de 2007, montrait que l’ouverture du marché des Etats-Unis à la concurrence internationale était responsable de la stagnation des salaires dans ce pays. Rappelons ici que si le salaire moyen s’est remis à augmenter aux Etats-Unis, le salaire médian, c’est à dire celui qui divise en deux parties égales la masse des salariés, n’a cessé de baisser depuis 2000. En fait, le libre-échange a été mis en cause par divers grands économistes, de Keynes à Krugman et Rodrick. L’idée que le libre-échange produit un bien-être généralisé a été battue en brèche à de nombreuses reprises. En réalité, le libre-échange est la cause de bien des inégalités au sein des pays développés, mais aussi du chômage et de la destruction des droits économiques et sociaux acquis à la suite de grandes luttes par les travailleurs.

Alors, un milliardaire prendrait la défense des travailleurs ? On comprend immédiatement que les choses ne sont pas aussi simples que cela. Mais on devine, aussi, que l’on ne peut déduire le programme économique de Donald Trump de sa simple, et pour certains enviable, position personnelle.

Ces différentes interrogations ont été abordées sur Radio-Sputnik dans l’émission « Les Chroniques de Jacques Sapir ». Vous pouvez retrouver l’émission qui fut consacrée à la question du Dollar ici :



L’émission portant sur la possibilité d’une relance impulsée par la politique de Donald Trump se trouve ici :



Enfin, l’émission ou fut abordée la question du protectionnisme se trouve ici :



Notes :
[1] http://www.lexpress.fr/actualites/1/societe/hollande-denonce-le-protectionnisme-prone-par-trump_1871178.html
[2] http://www.huffingtonpost.fr/2017/01/16/francois-hollande-repond-sechement-a-donald-trump-apres-ses-atta/

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Ombres chinoises sur l’investiture de Donald Trump
Par Bruno Guigue, le 19 janvier 2017  - Arrêt sur info

Le nouveau président n’aura pas attendu son investiture officielle pour projeter la rivalité sino-américaine sur le devant de la scène planétaire. Certains observateurs attribuent les diatribes anti-chinoises de Donald Trump à son amateurisme supposé, mais c’est une lourde erreur d’analyse. Elles relèvent en réalité d’une stratégie délibérée, que préfiguraient largement les critiques incessantes adressées à la mondialisation et au libre-échange, durant sa campagne, par le candidat républicain.
Habilement, mais en surestimant sans doute la capacité américaine à peser sur Pékin, M.Trump utilise la pomme de discorde taïwanaise pour faire monter les enchères de l’empoignade future sur les relations commerciales. En prenant au téléphone la présidente de Taïwan, Tsai Ing-wen, il a allumé dès le mois de décembre un incendie diplomatique dont il alimente soigneusement le brasier. Pour ceux qui n’auraient pas compris, il a déclaré qu’il n’appartenait pas à Pékin de lui dicter sa conduite, et qu’il ne voyait pas pourquoi il devrait respecter le principe de la « Chine unique ».

Cette mise en cause d’un principe intangible de la diplomatie américaine depuis 1979 n’est pas anodine. La République populaire de Chine avait exigé la reconnaissance de ce principe par tout Etat désireux d’entretenir avec elle des relations diplomatiques. On ne saurait reprocher à la position chinoise son manque de clarté. Elle consiste à dire : vous êtes libres d’avoir ou non des relations avec nous, mais si c’est le cas, vous ne pouvez pas simultanément en avoir avec un Etat que nous ne reconnaissons pas, car cette île appartient à notre nation et y reviendra un jour.

Politiquement séparée du continent depuis 1949, cette « République de Chine » fut fondée par Tchang-Kaï-Chek, en désespoir de cause, suite à la déroute et à l’exil des troupes nationalistes face aux forces communistes. Allié de Washington, l’Etat insulaire a longtemps bénéficié d’un statut exorbitant en faisant partie, jusqu’en 1971, des membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU. Puis il fut poliment éconduit lorsque la République populaire de Chine, enfin reconnue à sa juste valeur, l’a remplacé dans les instances internationales, la visite de Richard Nixon à Pékin en 1972 ayant sanctionné cette nouvelle donne géopolitique.

Comme un éléphant républicain dans un magasin de porcelaine chinoise, Donald Trump pulvérise le credo fondateur de la normalisation sino-américaine. Ce n’est pas rien. Les Chinois, manifestement, prennent l’affaire au sérieux. « Qui que ce soit et quels que soient les objectifs recherchés, si quelqu’un tente de violer le principe de la Chine unique, ou a l’illusion de pouvoir s’en servir comme levier commercial, il fera face à l’opposition générale du gouvernement et du peuple chinois », a déclaré, le 16 janvier, le ministère chinois des Affaires étrangères.

Taïwan contre le libre-échange, le détroit de Formose contre les barrières douanières, les grandes manœuvres commencent ! C’est cocasse. Au moment où la surenchère pro-taïwanaise de Donald Trump exaspère Pékin, le président chinois, au sommet de Davos, bat en brèche les imprécations du futur locataire de la Maison-Blanche contre la mondialisation. « Nous devons dire non au protectionnisme, car il est impossible de stopper les échanges de capitaux, de technologies et de produits », a martelé Xi Jinping, visant implicitement le futur président américain et ses menaces de barrières douanières (AFP, 18/01).

Que le président chinois se fasse le chantre du libre-échange alors même que son pays multiplie les entraves à l’ouverture de ses propres marchés, évidemment, n’échappe à personne. Libre-échangiste côté cour et protectionniste côté jardin, Pékin joue sur tous les tableaux. Dans le monde impitoyable du capitalisme mondialisé, il faut croire que c’est la recette du succès. Mais les USA et la Chine ne sont pas exactement logés à la même enseigne. Les USA sont le premier importateur mondial, tandis que la Chine est le premier exportateur mondial.

Le « rêve américain » a désormais des allures de cauchemar. Sur trois ouvriers des années 70, le premier a été remplacé par un robot, le second par un ouvrier chinois, et le troisième redoute de finir comme les deux précédents. La part des USA dans le PIB mondial régresse. En 2025, la Chine pèsera 21%, les USA 16%. En 2050, la Chine pèsera 33% et les USA 9%. La roue tourne, inexorablement. Les ombres chinoises obscurcissent l’horizon. Elles planent déjà sur l’investiture du futur président, elles modèlent sa politique étrangère. Pour tenter de conjurer ce déclin annoncé, la nouvelle administration devra probablement engager un bras de fer dont l’issue est incertaine.

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Texte du discours d’investiture de Donald Trump
Source : Russeurope

Juge en Chef Roberts[3], Président Carter, Président Clinton, Président Bush, Président Obama, mes concitoyens américains et peuples du monde: merci. Nous, citoyens d’Amérique, sommes maintenant unis dans un grand effort national pour reconstruire notre pays et pour restaurer ses promesses à l’égard de tout notre peuple. Ensemble nous déterminerons la voie pour l’Amérique et pour le monde pour des années.

Nous ferons face à des défis. Nous serons confrontés à des épreuves. Mais nous finirons le travail. Tous les quatre ans, nous nous rassemblons sur ces marches pour procéder dans l’ordre et la paix à ce transfert de pouvoir et nous sommes reconnaissants au président Obama et à la Première Dame Michelle Obama pour leur aide courtoise pendant la transition. Ils ont été magnifiques.

La cérémonie d’aujourd’hui a cependant une signification très particulière. Parce qu’aujourd’hui non seulement nous transférons le pouvoir d’une administration à une autre, d’un parti à un autre, mais nous transférons le pouvoir de la capitale Washington et le donnons à nouveau à vous, peuple Américain. Pendant trop longtemps, un petit groupe dans notre capitale a récolté les avantages du gouvernement tandis que le peuple en a assumé le coût. Washington a prospéré mais le peuple n’a pas eu de part de cette richesse.

Les politiciens ont prospéré mais les emplois se sont taris et les usines ont fermé. L’establishment s’est protégé lui-même mais n’a pas protégé les citoyens de notre pays. Leurs victoires n’ont pas été les vôtres; leurs triomphes n’ont pas été les vôtres; et pendant qu’ils festoyaient dans la capitale, il n’y avait guère à célébrer pour les familles démunies dans tout le pays. Tout ceci va changer, ici et maintenant parce que ce moment est le vôtre: il vous appartient. Il appartient à tous ceux réunis ici aujourd’hui et à tous ceux qui regardent à travers l’Amérique. Cette journée vous appartient. C’est votre célébration. Et cela, les Etats-Unis d’Amérique, c’est votre pays.

Ce qui importe vraiment ce n’est pas quel parti contrôle notre gouvernement mais si notre gouvernement est contrôlé par le peuple. Le 20 janvier 2017 restera dans les mémoires comme le jour où le peuple dirige à nouveau la nation. Les hommes et femmes oubliés de notre pays ne seront plus oubliés. Tout le monde vous écoute maintenant. Vous êtes venus par dizaines de millions faire partie d’un mouvement historique, tel que le monde n’en a jamais vu.

Au cœur de ce mouvement, réside une conviction fondamentale: celle qu’une nation existe pour servir ses citoyens. Les Américains veulent de bonnes écoles pour leurs enfants, des quartiers sûrs pour leurs familles et de bons emplois pour eux-mêmes. Ce sont des revendications légitimes et raisonnables pour un ordre public juste. Mais pour trop de nos concitoyens, une réalité différente existe: mères et enfants sont piégés dans la pauvreté de nos quartiers défavorisés; des usines délabrées sont essaimées comme des pierres tombales dans le paysage de notre nation; un système éducatif, plein d’argent, mais qui laisse nos jeunes et beaux étudiants privés de savoir; et le crime, les gangs et la drogue qui ont volé tant de vies et spolié notre pays de tant de potentiel qui ne ce sont pas réalisés.

Ce carnage américain s’arrête ici et maintenant.

Nous sommes une nation et la douleur des autres est la nôtre. Leurs rêves sont nos rêves; et leurs succès seront nos succès. Nous partageons un cœur, une patrie et un glorieux destin. Le serment de fonction que je viens de prononcer est un serment d’allégeance envers tous les Américains. Pendant des décennies, nous avons enrichi l’industrie étrangère aux dépens de l’industrie américaine; subventionné les armées d’autres pays tout en permettant le très triste appauvrissement de notre armée; nous avons défendu les frontières d’une autre nation tout en refusant de défendre les nôtres; et dépensé des milliards de milliards de dollars à l’étranger pendant que les infrastructures de l’Amérique se sont délabrées et abimées. Nous avons rendu d’autres pays riches alors que l’abondance, la force et la confiance de notre pays ont disparu de l’horizon. Une par une, les usines ont fermé leurs portes et quitté nos rives sans même une pensée pour les millions et millions de travailleurs américains laissés sur le carreau.

La classe moyenne a été privée de son patrimoine qui a été distribué à travers le monde. Mais cela appartient au passé. Et maintenant, nous ne regardons que l’avenir. Nous nous sommes retrouvés aujourd’hui et nous décrétons, pour être entendus dans chaque ville, chaque capitale étrangère et dans chaque lieu de pouvoir, qu’à compter d’aujourd’hui une nouvelle vision prévaudra dans notre pays: ce sera l’Amérique d’abord et seulement l’Amérique. L’Amérique d’abord.

Chaque décision sur le commerce, les impôts, l’immigration, les affaires étrangères sera prise pour le bénéfice des familles et des travailleurs américains. Nous devons protéger nos frontières des ravages des autres pays fabriquant nos produits, spoliant nos entreprises et détruisant nos emplois. La protection conduira à une grande force et prospérité. Je me battrai pour vous de toutes mes forces et je ne vous laisserai jamais tomber.

L’Amérique va recommencer à gagner, à gagner comme jamais auparavant. Nous ramènerons nos emplois. Nous reconstruirons nos frontières. Nous regagnerons notre prospérité. Et nous retrouverons nos rêves. Nous construirons de nouvelles routes, autoroutes, ponts, aéroports, tunnels et voies ferrées à travers notre merveilleux pays. Nous extrairons notre peuple de l’aide sociale pour le mettre au travail, rebâtissant notre pays avec des bras américains et du labeur américain. Nous allons suivre deux règles simples: acheter américain et embaucher américain. Nous rechercherons l’amitié et la bonne volonté des autres nations du monde mais nous le ferons avec l’idée que c’est le droit de tout pays de mettre ses propres intérêts en avant. Nous ne cherchons pas à imposer notre mode de vie mais plutôt à le rendre éclatant comme un exemple à suivre. Nous renforcerons nos vieilles alliances et en forgerons de nouvelles et unirons le monde civilisé contre le terrorisme islamique radical, que nous allons éradiquer complètement de la surface de la Terre.

Le fondement de notre politique sera une totale allégeance aux Etats-Unis d’Amérique et grâce à notre loyauté au pays, nous redécouvrirons la loyauté envers les uns les autres.

Quand vous ouvrez votre coeur au patriotisme, il n’y a plus de place pour les préjugés.

La Bible nous le dit « qu’il est bon de vivre quand le peuple de Dieu vit ensemble dans l’unité ». Nous devons nous exprimer franchement, discuter nos désaccords honnêtement mais toujours rechercher la solidarité. Quand l’Amérique est unie, on ne peut absolument pas l’arrêter. On ne doit pas avoir peur, nous sommes protégés, et nous serons toujours protégés. Nous serons protégés par les grands hommes et femmes de notre armée et de nos forces de sécurité, et surtout, nous sommes protégés par Dieu.

Enfin, nous devons voir grand et rêver encore plus grand. En Amérique, nous comprenons qu’une nation n’est vivante que dans l’effort. Nous n’accepterons plus des hommes politiques qui parlent et n’agissent pas, tout le temps en train de se plaindre sans jamais rien faire.

Le temps des paroles creuses est fini. Maintenant, c’est l’heure de l’action. Ne laissez personne vous dire que cela ne peut pas être fait. Aucun défi n’est assez grand pour le coeur, la combativité et l’esprit de l’Amérique. Nous n’échouerons pas. Notre pays va être florissant et prospérer à nouveau. Nous sommes à l’orée d’un nouveau millénaire, prêt à dévoiler les mystères de l’espace, à libérer la terre des fléaux et à exploiter les énergies, les industries et technologies de demain. Une nouvelle fierté nationale va animer nos âmes, élever nos regards et guérir nos divisions. Il est temps de se remémorer ce vieux dicton que nos soldats n’oublieront jamais: que l’on soit noir, métis ou blanc, le même sang patriote court dans nos veines, nous jouissons tous des mêmes libertés et nous saluons tous le même grand drapeau américain. Et qu’un enfant soit né dans la banlieue de Detroit ou dans les plaines balayées par les vents du Nebraska, ils regardent tous le même ciel, la nuit, leur coeur est plein des mêmes rêves et ils sont habités du même souffle de vie du Créateur tout-puissant. Ainsi, à tous les Américains, dans chaque ville, qu’elle soit proche ou lointaine, petite ou grande, d’une montagne à l’autre, d’un océan à l’autre, entendez ces mots: vous ne serez plus jamais ignorés.

Votre voix, vos espoirs, et vos rêves vont définir notre destinée américaine. Et vos courage, bienveillance et affection nous guiderons tout au long du chemin. Ensemble nous allons rendre à l’Amérique sa force. Nous allons rendre à l’Amérique sa prospérité. Nous allons rendre à l’Amérique sa fierté. Nous allons rendre à l’Amérique sa sécurité. Et oui, ensemble, nous allons rendre à l’Amérique sa grandeur.

Merci, Dieu vous bénisse et que Dieu bénisse l’Amérique.

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