2005 : quand les Français ont dit non à l'Europe (France 3, février 2017)
Le 29 mai 2005, les Français votent à 55% contre le Traité de Constitution européenne. Placés sous les projecteurs, les tenants du «oui» ont été soutenus par une presse largement acquise au traité, tandis que les tenants du «non» ont été mis à l'écart des plateaux de télévision et des tribunes des journaux. Malgré cette campagne médiatique partisane, le «non» l'emporte, et les Français sont traités de «populistes». Trois ans plus tard, faisant fi du vote populaire, Nicolas Sarkozy modifie la Constitution et fait voter la loi qui permet de ratifier le Traité de Lisbonne, copie conforme de la Constitution européenne rejetée lors du référendum. Un déni de démocratie qui marque d'une rupture entre les Français et les élites politiques et médiatiques.
Source : France 3
Il va pleuvoir ! France3 réalise un documentaire honnête sur le référendum de 2005 !!
Par Coralie Delaume, le 7 mars 2017 - L'Arène nue
Quelle mouche a piqué France3 ?
Tant d'honnêteté - qui suppose aussi une évidente lucidité - est troublante tant on n'a pas l'habitude.
Le 2 mars, la chaîne a en effet de diffusé ce reportage d'une cinquantaine de minutes sur le référendum de 2005 qui s'intitule : "2005 : quand les Français ont dit non à l'Europe".
Dès le début, on est bluffé par le ton. "Il y a douze ans, le 29 mai 2005, les Français ont dit non au traité de Constitution européenne. Non à l'Europe de l'austérité et du libéralisme". Ah bon ? C'est pas la "France moisie" alors, qui a voté "non" ? C'est juste la France anti-austéritaire ? On croit rêver.
Un peu plus loin, on hallucine : "nous allons voir comment Nicolas Sarkozy devenu président de la République va contourner le vote souverain des Français" Aïe, ça pique !
Surtout lorsque ceci suit : "cette fracture démocratique fait aujourd'hui le lit du Front national"?
Naaaaan, sans rire ! C'est la confiscation démocratique qui fait le "jeu-de" ?
Ce ne sont plus le "nationalisme", "l'europhobie", la préférence pour le "repli sur soi" et la xénophobie galopante ?
C'est la première fois, en ce qui me concerne, que je vois le sujet traité ainsi à la télévision. J'aurais signé chaque mot prononcé par la voix off. C'est la première fois également que j'entends ainsi faire le lien entre l'Europe et la loi El Khomri.
Puis vraiment, tout le monde en prend pour son grade : le Parti socialiste, l'UMP, les éditorialistes, Sarkozy (oh la vache, Sarkozy), Hollande (oh la vache, Hollande). Et ça n'est pas volé.
Une mention spéciale pour deux hommes politiques qui, si différents soient-ils, ont la particularité d'avoir tous deux compris la dimension dramatique, irrémédiable et porteuse d'une grande violence potentielle qu'a constitué la séquence : non / invalidation du non.
Ainsi, François Bayrou à 32'44 : "Pour moi, c'était attentatoire au contrat civique. Imaginez que dans quelques mois, après le référendum sur le Brexit, ce soit la chambre des Communes qui disent que le référendum n'a plus aucune valeur. Vous auriez un climat... c'est le mot révolutionnaire qui me vient (...) ce serait un peuple qui se met en absolue rupture avec son pouvoir."
Et Jean-Luc Mélenchon, à 34'15 : "on peut se croire malin quand on monte des coups comme ça. Mais les blessures qui sont infligées à la conscience collective, les affects qui sont bousculés par ce type de méthodes laissent des traces indélébiles. Et le sentiment de dégoût qui va finir par être de la haine contre toute la superstructure politique a son terreau initial dans ces jours-là".
Ça, c'est dit.
Le replay ne sera bientôt plus disponible. Alors, sous vos yeux ébahis et pour le bien de vos oreilles avides de s'entendre dire autre chose que "vous n'êtes tous que des fachos" ou "c'est la faute du populisme"....
* * *
Union européenne : trois anniversaires et un enterrement.
Par David Cayla et Coralie Delaume, le 11 mars 2017 - L'Arène nue
L’année 2017 promet d’être une année électorale décisive pour la France mais aussi pour les Pays-Bas et pour l’Allemagne, autrement dit pour la moitié des membres fondateurs de la vieille «Europe des six». Une année charnière pour le projet européen. Mais 2017 est aussi l’année de tous les anniversaires.
On devrait les fêter dans la liesse. On n’a jamais été autant dans la nasse. On se tait, donc, ou l’on se fait discret. Sans doute commémorera-t-on au moins, le 25 mars, les 60 ans du traité de Rome. Mais on ne sait pas encore dans quel état d’esprit. Dix jours plus tôt, le parti de droite radicale eurosceptique PVV (Parti pour la liberté) aura peut-être alors remporté les législatives néerlandaises, sans obtenir toutefois les 76 sièges nécessaires pour gouverner seul. Avec qui s’alliera-t-il pour former une coalition ? A la clé, combien de semaines d’instabilité pour le pays et d’incertitude pour l’Europe ?
On n’a célébré qu’en pointillés, en tout cas, les 25 ans de la signature du traité de Maastricht. C’était le 7 février. La veille, la Grèce et ses créanciers s’étaient rencontrés autour d’un rapport du Fonds monétaire international (FM). Le FMI y éreintait ses partenaires européens de l’ex-Troïka. «La dette grecque est intenable. Même avec une application pleine et entière des réformes approuvées dans le cadre du programme d’aide, la dette publique et les besoins de financement vont devenir explosifs sur le long terme», affirmait-il. Il ne faisait que répéter ce qu’il avait déjà dit en 2013, 2015 et 2016 dans divers rapports.
Car le Fonds plaide de très longue date pour que soit allégée la dette hellène. Dans les semaines à venir, il pourrait se retirer du plan «d’aide» à Athènes si ses préconisations n’étaient pas entendues, ce qui remettrait la crise grecque au premier plan de l’actualité européenne. Problème : l’Allemagne ne veut toujours pas entendre parler d’une restructuration de la dette grecque. A quelques mois du scrutin législatif de septembre 2017, il est peu probable qu’Angela Merkel ou son concurrent social-démocrate Martin Schulz souhaitent présenter aux contribuables allemands la perte financière qu’une telle restructuration imposerait. Dès lors, outre-Rhin, on parle à nouveau de «Grexit». Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances et inventeur, en 2015, des expressions «Grexit temporaire» (sortie temporaire de la Grèce de l’euro) et «Grexident» («sortie de la Grèce de l’euro par accident»), ne rêve en réalité que de «Grexpulsion» («expulsion de la Grèce»). Il a récemment été rejoint sur cette ligne par l’un de ses compatriotes, vice-président du Parlement européen. Alexander Graf Lambsdorff a ainsi affirmé dans une interview au journal Challenges : «Nous devons trouver rapidement un moyen de garder la Grèce dans l’UE et de continuer de la faire bénéficier de ses mécanismes de solidarité, mais tout en l’accompagnant hors de la zone euro. Nous devons ménager une transition, par étapes, vers le retour à une monnaie nationale.»
On le voit, il y avait de bonnes raisons de ne pas fêter, le 1er janvier l’anniversaire de l’euro. Cela a fait quinze ans que la monnaie unique est entrée dans nos portefeuilles, mais sans faire le bonheur de tous. C’est de sortie qu’il est désormais question, en tout cas, pour la Grèce. Peut-être même pour d’autres.
Pourquoi pas pour l’Allemagne ? La proposition semble incongrue tant la situation actuelle paraît optimale pour le pays. Pour des raisons détaillées dans notre livre, la libre circulation des facteurs de production au sein du marché unique conduit le capital productif à s’y concentrer, au détriment des pays périphériques. La crise qui s’en est suivie en 2010 a poussé l’Europe à voler au secours de la Grèce, de l’Irlande, du Portugal, de l’Espagne et de Chypre. Mais aucun pays créancier n’en a encore été de sa poche puisque «l’aide» européenne s’est faite sous forme de prêts. L’Allemagne, dont la dette est devenue une «valeur refuge», s’endette gratuitement sur les marchés. Elle bénéficie donc du capital financier européen en plus de bénéficier du capital productif. L’euro, trop faible au regard de la compétitivité du pays, lui garantit une compétitivité coût très supérieure à ce qu’elle serait si elle avait conservé le mark. Ainsi, l’économie germanique a dégagé en 2016 un excédent courant de 300 milliards de dollars, le plus élevé du monde.
Comme cet extraordinaire excédent commercial est vilipendé par les Etats-Unis depuis l’arrivée de Donald Trump, Angela Merkel a dû l’admettre le 18 février : l’euro pose problème. Lors d’une conférence sur la sécurité à Munich, la chancelière a déclaré : «Nous avons en ce moment dans la zone euro bien sûr un problème avec la valeur de l’euro. […]. Si nous avions encore le deutschemark, il aurait certainement une valeur différente de celle de l’euro en ce moment.» Une façon de désarmer les critiques américaines en attribuant la responsabilité des dysfonctionnements de l’Union économique et monétaire à l’intangibilité des structures, à la monnaie unique, à la politique menée par la BCE. Mais une manière aussi, peut-être, de regretter ce deutschemark abandonné à contrecœur car lié à l’identité d’un pays dont il accompagna par deux fois l’unification dans l’histoire récente (1949 et 1990), et qui reste le symbole d’un souverainisme allemand dont on aurait tort de négliger l’importance.
L’Europe n’est donc pas à la fête. Ces trois anniversaires sont l’occasion de faire un sombre bilan des promesses non tenues du projet européen. Mais les élections qui viennent seront l’occasion d’écrire l’histoire au présent. Ne serait-il pas temps que la campagne présidentielle accorde à cette thématique l’importance qu’elle mérite ?
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