jeudi 5 avril 2018

De l’apartheid d’Israël



Dominique Vidal, "L’antisionisme est une opinion et l’antisémitisme un délit" (OummaTV, nov. 2017)

Le 16 juillet 2017, Emmanuel Macron s'apprête à terminer son discours lors de la commémoration du 75e anniversaire de la rafle du Vél' d'hiv'. Et soudain, se tournant vers Benyamin Netanyahou, qu'il a appelé "cher Bibi", il lance : "Nous ne céderons rien à l'antisionisme, car il est la forme réinventée de l'antisémitisme." Jamais un chef de l'Etat n'avait commis une telle erreur historique doublée d'une telle faute politique. Voilà ce que ce livre entend démontrer, sur un mode non polémique et pédagogique en traitant successivement de l'histoire du sionisme, de la diversité de l'antisionisme, de l'antisémitisme hier et aujourd'hui, enfin de la politique proche-orientale de la France.
Quatrième de couverture
Dominique Vidal : Antisionisme = antisémitisme ? : Réponse à Emmanuel Macron, Ed.
Libertalia, 2018
Lire aussi sur Médiapart : CRIF: le roi est nu, par Dominique Vidal, le 2 avril 2018



Michèle Sibony, sur la différence entre antisionisme et antisémitisme (UJFP, Union Juive Française pour la Paix, Genève, janvier 2018)
Boycott, Désinvestissements et Sanctions : BDS Suisse / BDS France / BDS Belgique / BDS international

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De l’apartheid d’Israël
Passé inaperçu, un rapport des Nations Unies publié en 2017 qualifie Israël de régime d’apartheid. 
Explications avec Virginia Tilley, coauteure du rapport, de passage à Genève.
Par Christophe Koessler, le 8 avril 2018 - Le Courrier

Qualifier Israël de régime d’apartheid est-il erroné ou excessif? La Commission économique et sociale pour l’Asie occidentale des Nations Unies a voulu en avoir le cœur net en confiant une étude sur le sujet à deux universitaires. Publié en 2017, le rapport de Richard Falk, ancien rapporteur spécial de l’ONU sur les territoires occupés, et de Virginia Tilley, professeure étasunienne spécialisée dans les conflits à caractère racial ou ethnique, est pourtant passé presque inaperçu.

Et pour cause: postée sur le site des Nations Unies, l’étude en a vite été retirée: «Notre rapport a été validé par les Nations Unies et nous n’avons reçu aucune critique sur le fond. Mais, mis sous pression par Israël et ses soutiens, le secrétaire général de l’ONU a prétexté que le texte n’avait pas été soumis selon les règles de procédures. Ce qui est faux», assure Virginia Tilley au Courrier. La spécialiste était de passage fin mars à Genève pour y donner une conférence à l’Institut des hautes études internationales et du développement.

«Actes inhumains»

Il faut dire que les conclusions du rapport n’y vont pas par quatre chemins: «Les preuves disponibles établissent au-delà de tout doute raisonnable qu’Israël est coupable de politiques et de pratiques qui constituent le crime d’apartheid tel que défini juridiquement dans le droit international.» Pour les auteurs de l’étude, l’apartheid s’applique selon eux tant aux Palestiniens des territoires occupés et de la bande de Gaza, à ceux qui vivent à Jérusalem-Est et en Israël, qu’aux réfugiés demeurant dans d’autres pays. «Tous ces éléments que nous voyions au départ comme séparés, compartimentés, proviennent d’une même logique première: la discrimination raciale», précise Virginia Tilley.

C’est dans les territoires occupés et à Gaza, où vivent quelque 4,6 millions de Palestiniens, que l’apartheid apparait plus clairement, estime la professeure: «Là, il y a deux systèmes très distincts: un mur qui sépare les populations, des routes réservées aux juifs (colons), des lois civiles pour les juifs, d’autres – militaires – pour les arabes, des tribunaux pour les juifs, d’autres pour les Palestiniens. C’est une séparation totale». A cela s’ajoutent «une gestion discriminatoire de terres et de l’aménagement du territoire par des institutions nationales juives chargées d’administrer les ‘terres d’Etat’ dans l’intérêt de la population juive», et les «actes inhumains quotidiennement et systématiquement pratiqués par Israël en Cisjordanie», constate le document.

Et c’est là que la similarité avec l’Afrique du Sud est la plus forte, estime Virgina Tilley, qui a vécu et mené des études sur l’apartheid dans ce pays: «Les Israéliens ont appris énormément sur le système des bantoustans et ont importé les méthodes d’Afrique du Sud. Quand j’y travaillais, des membres du gouvernement me racontaient que chaque fois qu’Ariel Sharon leur rendait visite, il posait beaucoup de questions sur ces régions autonomes réservées aux Noirs.» La séparation de la Cisjordanie en zones A, B et C s’inspirerait directement du système sud-africain. «De nombreuses dispositions des accords d’Oslo sont calquées sur les Constitutions des bantoustans, point par point.»

Lois discriminatoires

La situation des quelque 1,7 million de Palestiniens qui résident en Israël même est très différente de celle qui prévalait en Afrique du Sud. Mais les «arabes» y sont également soumis à l’apartheid selon les deux experts. «Leur situation peut porter à confusion car ils sont des citoyens d’Israël et peuvent voter, prévient Virgina Tilley. Mais ils sont soumis à des lois discriminatoires, lesquelles assurent que les citoyens juifs ont des privilèges: accès aux terres et à des emplois, à des logements subventionnés, de meilleurs salaires, des protections diverses, etc. Tous types d’avantages basés sur le fait d’être juif. Les Palestiniens et arabes en sont exclus.»

Le rapport ajoute: «Cette politique de domination se manifeste aussi dans la qualité inférieure des services, dans des lois de zonage restrictif et des allocations budgétaires limitées pour les collectivités palestiniennes.» Les citoyens juifs disposent d’un statut supérieur à celui de leurs homologues non juifs, ils ont la nationalité (le’um), alors que les autres n’ont «que» la citoyenneté (ezrahut).

Si les arabes israéliens ont le droit de vote, ils ne peuvent contester la législation qui maintient le «régime racial», précise l’étude. «C’est illégal en Israël car ils n’ont pas le droit de créer un parti politique qui s’oppose aux lois qui font d’eux des citoyens de seconde classe», précise Virginia Tilley.

Quant aux 300 000 Palestiniens de Jérusalem-Est, ils sont encore plus mal lotis: «Ils sont victimes d’expulsions et de démolitions de leurs maisons décidées par Israël dans le cadre de sa politique ‘d’équilibre démographique’ en faveur des résidents juifs.» Ses habitants arabes ne disposent que du statut de «résident permanent» et peuvent être expulsés vers la Cisjordanie, et perdre jusqu’à leur droit de visite dans la ville, «s’ils s’identifient politiquement, de manière ostentatoire aux Palestiniens des territoires occupés», indique la professeure.

La solution d’un Etat démocratique pour tous

Les Palestiniens réfugiés à l’étranger, entre 5 et 8 millions, seraient victimes d’apartheid en raison du refus d’Israël de les laisser rentrer chez eux, expliquent Richard Falk et Virginia Tilley: «Cela fait partie intégrante du système d’oppression et de domination du peuple palestinien dans son ensemble, estiment-ils. Le refus du droit au retour fait en sorte que la population palestinienne ne croisse pas au point de menacer le contrôle par Israël du territoire [occupé] ni de fournir aux Palestiniens citoyens d’Israël le poids démographique nécessaire pour obtenir les pleins droits démocratiques, éliminant par là le caractère juif de l’Etat d’Israël.»

Pour les deux universitaires, seul l’établissement d’un Etat démocratique pour tous sur l’ensemble du territoire d’Israël et de Palestine est à même d’en finir avec l’apartheid, et donc, de régler la cause du conflit (lire ci-dessous). Une solution que préconise Virginia Tilley depuis la publication de son livre sur la question en 2005, The One State solution.

«AUCUN ÉTAT NE PEUT APPARTENIR À UNE SEULE ETHNIE»

Beaucoup considèrent que la nature juive de l’Etat d’Israël est indispensable. Quelle est votre position?

Virginia Tilley: Aujourd’hui, selon le droit international, aucun Etat n’a le droit de s’affirmer comme appartenant à un seul groupe ethnique, sur le territoire duquel d’autres groupes sont opprimés et dominés. Les normes modernes de la gouvernance n’autorisent pas une gestion raciste.
De surcroît, considérer Israël comme un refuge pour les Juifs n’est plus très convaincant de nos jours. Les gens sont aujourd’hui beaucoup plus en sécurité aux Etats-Unis qu’en Israël. Sur le papier, un Etat juif peut paraître attirant, mais sur le terrain, alors que des millions de personnes qui y vivent et sont originaires de ce même territoire ne sont pas juives, cela conduit à la création d’un Etat raciste. Ce n’est en rien souhaitable.

Pourquoi la solution à deux Etats n’est pas possible, selon vous?

Le but d’Israël est d’empêcher à tout prix la création d’un Etat palestinien. L’implantation des colonies en Cisjordanie sert précisément cet objectif stratégique. Si Israël le permettait, il ferait face, selon lui, à la même «menace démographique» que s’il autorisait le retour des réfugiés palestiniens. Pourquoi? Car un Etat palestinien stable ne pourrait exister qu’en ayant des frontières ouvertes avec Israël. Israël ne pourrait faire le siège d’un autre Etat, indéfiniment. Il devrait se conformer au droit international. Ce qui aboutirait in fine au mélange entre les populations, à la perte de la «majorité juive» en Israël et donc, aussi, à la fin de l’Etat juif.

Plus personne ne croit sérieusement à la solution à deux Etats. Après le transfert par le président étasunien, Donald Trump, de son ambassade à Jérusalem, l’idée même en devient ridicule.

«L’idée qu’Israël pratique l’apartheid fait son chemin» Virginia Tilley

Cela ne permettrait-il pas d’en finir avec l’apartheid?

On ne peut en finir avec l’apartheid en modifiant une frontière. Imaginons qu’on ait autorisé la perpétuation d’un régime raciste en Afrique du Sud dans une portion du territoire seulement. L’apartheid continuerait à générer des problèmes. C’est pour cette raison que pendant des décennies, les Nations Unies ont reconnu le régime d’apartheid comme une menace à la paix et à la sécurité mondiale. Par sa nature, l’apartheid crée des conflits qui débordent les frontières où il est appliqué. Pourquoi Israël a pilonné Beyrouth? Pourquoi bombarde-t-elle la Syrie?

Mais Israël ne veut pas non plus d’une solution à un seul Etat pour les deux peuples. Serait-ce vraiment la bonne réponse?

On est déjà confronté aujourd’hui à un seul Etat. On s’interroge maintenant sur quel type d’Etat cela doit être. Un Etat d’apartheid? Un Etat avec des bantoustans palestiniens? Un Etat complètement démocratique et laïc? Là réside le choix réel.

Votre discours semble marginal dans l’opinion publique. Avez-vous l’impression que les mentalités évoluent dans votre sens?

Nous nous trouvons clairement à un tournant majeur. Depuis la publication de notre rapport, l’idée qu’Israël pratique l’apartheid fait son chemin, même chez les diplomates européens.

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Lire aussi sur RT France : Tsahal menace à nouveau de tirer à balles réelles à la veille d’une manifestation palestinienne, le 5 avril 2018




L'INVITÉ DES MATINS  par Guillaume Erner
Israël-Palestine : à qui profite le regain de violence ? 05/04/2018
Avec Leïla Seurat, chercheuse associée au CERI (CNRS - Sciences Po) et
Alain Dieckhoff, directeur du CERI-Sciences Po, directeur de recherche au CNRS


Israël : Les tirs mortels à Gaza ont été illégaux et planifiés
De hauts responsables israéliens ont autorisé des tirs contre des manifestants non armés
Le 3 avril 2018 - Human Right Watch

Les hauts responsables israéliens qui ont illégalement autorisé l'utilisation de balles réelles contre des manifestants palestiniens qui ne représentaient aucune menace imminente pour la vie portent la responsabilité des décès de 14 personnes tuées à Gaza le 30 mars 2018, lorsque des centaines d’autres manifestants ont été blessés, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui.

Avant et après les heurts, de hauts responsables israéliens ont déclaré publiquement que les soldats stationnés le long de la barrière qui sépare Gaza d’Israël avaient pour ordre de cibler les « instigateurs » ainsi que toute personne cherchant à s'approcher de la frontière. Toutefois, le gouvernement israélien n'a présenté aucune preuve que les jets de pierres et d'autres violences commises par des manifestants aient sérieusement menacé les soldats israéliens qui se trouvaient de l’autre côté de la barrière frontalière. Le nombre élevé de personnes tuées et blessées a été la conséquence prévisible de l’option donnée aux soldats d'utiliser une force létale même dans des situations ne représentant pas une menace pour la vie, et donc en violation des normes juridiques internationales. Cet épisode a également eu lieu dans le contexte de la culture d'impunité même pour de graves abus, qui existe depuis plusieurs années au sein de l'armée israélienne.

« Les soldats israéliens ont recouru à une force excessive, apparemment à la suite d’ordres qui ont pratiquement garanti que la réponse militaire aux manifestations palestiniennes allait être sanglante », a déclaré Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch.

Suite à ces nouveaux tirs mortels, il est important que la Procureure de la Cour pénale internationale ouvre une enquête officielle sur l’ensemble des crimes internationaux graves commis en Palestine, selon Human Rights Watch.

Israël et l'Egypte maintiennent une frontière fortement sécurisée autour de la Bande de Gaza, dont la superficie avoisine 40 kilomètres par 11 kilomètres. Près de 2 millions de Palestiniens, dont 1,3 million de réfugiés, vivent à Gaza. La majorité d'entre eux ne peuvent pas quitter le territoire, même pour se rendre en Cisjordanie, en raison des restrictions à la liberté de circulation imposées par Israël et par l’Égypte.

Dans les jours qui ont précédé les manifestations prévues le 30 mars, à l'occasion de la « Journée de la terre » organisée chaque année pour protester contre la dépossession de terres palestiniennes, les autorités israéliennes ont proclamé à plusieurs reprises leur intention de tirer sur les « instigateurs » ainsi que toute personne cherchant à de s'approcher de la barrière frontalière. Le 28 mars, le chef d'état-major des Forces de défense israéliennes, le général Gadi Eisenkot, a annoncé le déploiement de 100 tireurs d'élite dans la zone frontalière pour empêcher une « infiltration de masse » et a déclaré : « Les ordres sont d'utiliser beaucoup de force. » Le 29 mars, un porte-parole du Premier ministre Benjamin Netanyahu, a diffusé sur Twitter une vidéo montrant un Palestinien blessé à la jambe, avec le commentaire : « C'est le minimum que risque de subir quiconque essaye de franchir la barrière de sécurité entre Gaza et Israël. » Dans la matinée du 30 mars, le ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, a tweeté en arabe : « Quiconque s'approche de la frontière met sa vie en danger. »

Dans toute situation ne correspondant pas à un conflit armé, auquel s’appliquerait le droit international humanitaire, le recours à la force à Gaza est régi par le droit international relatif aux droits humains. Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l'utilisation des armes à feu par les responsables de l'application des lois exigent que les forces de sécurité aient « recours autant que possible à des moyens non violents avant de faire usage de la force ou d'armes à feu ».   En cas d’un tel usage, les responsables de l'application des lois doivent : (a) utiliser cette force « avec modération » et d’une manière « proportionnelle à la gravité de l'infraction et à l'objectif légitime à atteindre » ; (b) Réduire au minimum les blessures causées, et de s’efforcer « de respecter et de préserver la vie humaine ». En outre, l'usage létal d'armes à feu n’est autorisé « que si cela est absolument inévitable pour protéger des vies humaines ».

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