Voir les citations précédentes.
Je voudrais seulement redire que le bonheur ne tombe pas entre les mains blanches. Il descend lentement sur des mains ensanglantées par de patients et redoutables travaux. Encore faut-il peut-être qu'une secrète grâce le permette.
Et dans un autre langage, que c'est la croix, même dans les religions sans Golgotha, qui fait que les fruits du Ciel sont nourrissants.
Il m'est nécessaire de redire cela, puisque Jousselin reçoit le bonheur sans le savoir, sans l'avoir demandé, sans le mériter. Alors il dit qu'il le possède. Mais vous n'êtes pas forcé de le croire, parce que si cette Grandeur n'est pas barbouillée de notre sang et de notre sueur, est-ce que vous voyez son visage ? Le regard monte et retombe dans les buées.
Vivekananda, que Romain Rolland nommait le Maitre Séraphique, écrit ceci :
"Il est possible qu'un homme qui ne connait pas cette science (le yoga, l'ensemble des disciplines qui forgent des Bienheureux et des Saints) parviennent par hasard à cet état dans lequel on dépasse la créature humaine. Il trébuche en quelque sorte sur cet état."
Il y a mille façons de trébucher ainsi. Mais il me semble que cette phrase éclaire l'histoire de Jousselin.
Saint Joussellin avec les discipline. Saint Quelqu'un sans elles.
Les inquiétantes années que nous vivons ouvrent peut-être un nouvel âge de l'homme. Il est possible que cet âge soit celui de la maturité, et que le souci de la maturité soit le souci de cette grandeur, de ce bonheur et de cette puissance sans limites de l'âme déliée.
Le pauvre, l'ignorant, l'indigne Jousselin s'en va d'un pas malade dans un couloir qui manque d'air entre des commencements de ruines et des débuts d'échafaudages. Je lui dis adieu, je fais un geste pour l'abandoner, j'en fais un autre pour essayer de le rattraper.
Aout 1945
Ci-dessus l'avant propos de Louis Pauwels (1920 - 1987) à son premier roman, Saint Quelqu'un, paru en 1945, alors qu'il avait 25 ans.
Les citations précédentes n'étaient donc pas le témoignage d'un éveil sauvage, même si cela y ressemblait, mais une fiction.
C'est sans doute le livre de Louis Pauwels le plus personnel, le plus ignoré et le plus aboutit.
Ensuite il aura la carrière qu'on lui connait, s’intéressant d'abord à Gurdjieff, donnant dans la curiosité et parfois la fantaisie, co-auteur du Matin des Magiciens avec Jacques Bergier et co-fondateur de la revue Planète et du concept de Réalisme fantastique. Toujours très impliqué dans le monde littéraire (comme journaliste, rédacteur en chef et écrivain) avec des idées de plus en plus à droite, malheureusement. A la fin de sa vie il reviendra vers le catholicisme.
Biographie et bibliographie détaillée : wikipedia
Saint Quelqu'un (1)
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