Avec ses contemporains Dharmapala et Silabhadra, Shtiramati apparaît comme l'un des principaux philosophes yogacarin du Ve et du VIe siècle. (...)
Né dans l'état de Lata, en Inde méridionale, plus âgé que Dharmapala, Shtiramati était, apprend-on, très érudit en abhidharma, en logique et dans la philosophie yogacarin telle qu'elle avait été enseignée par Asanga et Vasubandhu. (...). On sait qu'il commenta également les Mulamadhyamakakarika de Nagarjuna dans un texte dont il nous reste la version chinoise. Bien qu'il séjournât un temps à l'université de Nalanda, Shtiramati se rattachait essentiellement au monastère de Valabhi, qui rivalisait en notoriété avec Nalanda. Sur ses dates, les opinions divergent, mais celles proposées par Uui Hakuju, 470-550, semblent les plus probables si l'on se fie aux éléments biographiques d'origine chinoise. (...).
Extrait de : Vasubandhu, Cinq Traités sur l'esprit seulement, trad. Philippe Cornu, Ed. Fayard.
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Bibliographie :
- La Trentaine de Vasubandhu et son Explication par Shtiramati dans : Cinq traités sur l'esprit seulement, trad. Philippe Cornu, Fayard, collection "Trésors du bouddhisme", Paris, 2008.
27.
Même si l'on pense "tout n'est que simple perception sans plus"
Tant que l'on considère comme un objet
Une quelconque chose placée devant soi,
On n'y est pas.
Si un orgueilleux, par simple oui-dire, pense résider dans l'absolue pureté de la simple perception, il s'agira d'une saisie mentale, et pour dissiper (cette méprise), l'auteur dit : "Même si l'on pense " tout n'est que simple perception sans plus", tant que l'on place quelque chose devant soi en le considérant comme un objet..."
L'expression "Tout ceci n'est que simple perception sans plus" désigne la privation d'objet. Une conception telle que "Il n'y a pas d'objet extérieur" est en définitive une saisie et une création d'attribut. "Devant soi" indique une perception directe. "Tant que l'on place", c'est placer mentalement la chose en question selon ce que l'on a entendu dire. "Une quelconque chose" désigne les nombreux objets référents possibles des pratiquants du Yoga, comme (la visualisation) d'un squelette, d'un cadavre bleuissant, pourrissant, enflé ou en décomposition. Cela ne suffit pas pour entrer (dans la simple perception) car alors la conscience n'a toujours pas abandonné ses références. Mais quand donc, ayant enfin abandonné la saisie consciente, demeurera-t-on complètement dans la Réalité ?
En réponse, il dit :
28.
Lorsque la conscience n'appréhende plus
Aucun objet référent,
Elle s'établit dans la "simple perception sans plus",
Car en l'absence d'objet appréhendé, il n'y a plus de saisie qui tienne.
Quand la conscience ne conçoit plus l'existence d'aucun objet référent à l'extérieur de l'esprit - qu'il s'agisse des référents présentés dans les enseignements, les conseils pratiques ou de tout autre référent comme une forme ou un son, par exemple, - elle cesse de les contempler et de les saisir, puisqu'elle n'a plus aucun attachement à leur égard. S'il s'agit là d'une vision authentique et non d'un défaut comme la cécité de naissance, alors la saisie consciente a été éliminée et l'on demeure effectivement dans la nature réelle de l'esprit. Et il en dit la raison : "Car en l'absence d'objet appréhendé, il n'y a plus de saisie qui tienne." Tant qu'il existe un objet appréhendé, il n' y a saisie, ce qui ne sera plus le cas s'il est inexistant. En l'absence d'un objet appréhensible, et donc en l'absence d'un préhenseur, la réalisation se fera jour, l'appréhensible n'étant pas le seul à disparaître. Alors se lève la sagesses supramondaine et équanime qui ne crée plus les idées fictives d'un objet référent et d'un agent qui la vise. En éliminant ainsi les tendances latentes de l'attachement à un objet appréhensible et à un sujet préhenseur, l'esprit s'établit dans sa vraie nature.
Quand l'esprit repose ainsi dans la "simple perception sans plus", comment l'appelle-t-on ?
29.
Impensable, sans référence,
Telle est la sagesse supramondaine,
C'est le renversement du support,
L'élimination des deux formes de résistances.
30.
Telle est alors la dimension sans souillures,
Inconcevable, favorable et constante,
Félicité et Corps de complète libération,
Lequel, chez les Grands Sages, est appelé Corps absolu.
(...)
Extrait de La Trentaine de Vasubandhu et son Explication par Shtiramati dans : Cinq traits sur l'esprit seulement, trad. Philippe Cornu, Ed.Fayard.
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