mercredi 19 décembre 2012

J.C. Amberchele


J.C. Amberchele est né en 1940 à Philadelphie. Il a été élève dans une école de Quakers, puis dans des lycées en Pennsylvanie et à New-York. Il a obtenu un diplôme en psychologie. Au début des années 1960, Amberchele a travaillé à mi-temps comme professeur dans une école privée à Honolulu, enseignant les mathématiques et le français. Après s'être essayé aux courses automobile, il dût bientôt arrêter par manque de moyens financiers. Il s'est marié en 1965, travaillant brièvement comme vendeur à Honolulu et à Los-Angeles ; il divorça rapidement et retourna à Hawaï. Gagnant sa vie avec des petits boulots, il a commencé à consommer du LSD et a rejoint une bande de hippies vivant sur la plage de Waikiki. En 1967, il s'est de nouveau déplacé en Californie du Sud et a cette fois commencé à vendre de la marijuana. Bientôt il se mit à transporter de grosses quantités de drogue dans diverses villes aux Etats-Unis, depuis le nord du Mexique dans des voitures et des avions ; "une carrière" qu'il a suivi pendant 15 ans qui l'a conduit, selon son propre témoignage, toujours plus loin dans le crime et "la folie". Pendant ce temps il s'est marié de nouveau, a eu deux enfants et a beaucoup voyagé fuyant la justice. Après son arrestation, il a commencé à écrire et à étudier la philosophie orientale. Son premier livre, un roman policier, a été publié en 2002 aux Etats-Unis et traduit en français en 2008 : Le prix à payer, chez Hachette. Il médite régulièrement en prison et a pris ses vœux bouddhistes en 2001. Il est incarcéré depuis plus de 30 ans et ne s'attend pas être libéré bientôt.
Source du texte : Eveil et philosophie


Bibliographie :
- Le prix à payer, (roman), Ed. Hachette, 2008
- La lumière que je suis, Ed. Almora, 2012


Toutes les idées que j'avais sur la manière dont les choses fonctionnent en ce monde ne m'ont pas mené bien loin, sachant que j'ai passé plus de vingt années en prison. J'ai reçu la plupart de mes convictions de mon père et de John Wayne, et tout ce qui n'était pas ultra-violent et ultra-cool était, à mes yeux, ultra-problématique. En fait, je vivais dans un état de malaise quasi perpétuel, n'atteignant jamais les idéaux ridicules auxquels j'adhérais sans me poser de questions, appliqués à un ensemble d'espoirs que ni moi ni personne d'autre ne pouvions réaliser : comment je devais agir, comment les autres devaient me traiter ou se comporter entre eux en ma présence, comment les mois et les années devaient tourner en ma faveur.

Inutile de dire que je devenais l'incarnation du garçon obsédé par l'idée de tout contrôler. Et, comme tous ceux qui sont obsédés par le contrôle, j'entretenais un sentiment de vacuité et de fatalité derrière une façade de dureté soigneusement entretenue, menant une guerre permanente entre celui que je pensais devoir être et celui que je pensais être. En plein brouillard, je m'autodétruisais encore et encore, emportant les autres avec moi.

Et puis il y a dix ans de cela, déjà bien avancé dans ma peine de prison, il se trouve que je vis une entrevue de Bill Moyes de PBS[1] avec Joseph Campbell, et je décidais d'essayer la méditation. C'était difficile au début, surtout avec les foules, le bruit et les habitudes d'une cellule de prison, mais je découvris bientôt que durant la méditation j'avais moins d'attentes, sur moi ou sur les autres, comme s'il n'y avait plus d'autres. C'était un espace sans idéaux à réaliser et sans problèmes, un refuge où je n'avais plus à défendre ma volonté égarée. Et à part de rares aperçus sous drogue ou dans les moments de stress quand ma vie était en jeu durant ma longue carrière criminelle, c'était la première fois que je prenais conscience de moi-même, de cette attention simple du "je suis" au centre de ma conscience qui, c'était à présent évident, avait toujours été là.

A partir de ce moment, le mystère devînt la question de savoir comment ce "je" étais né et d'où il continuait à surgir. La vieille façon de penser, selon laquelle je pouvais être une conscience séparée dans un corps et un esprit séparé, était beaucoup trop pénible à accepter. C'était la manière que l'on m'avait apprise, la manière de mon père et celle de tous les autres qui m'avaient servis de repères ; c'était la voie de la contraction, de la confrontation et d'une torture sans fin infligée à soi-même. Il devait y avoir une autre explication.

Ceci me conduisît à six années de lecture compulsive. Je voulais examiner le pressentiment silencieux que j'avais eu depuis ma période LSD dans les sixties, qui s'était manifesté auparavant sous forme de peur, et qui avait ressuscité durant l'entrevue de Campbell : en clair, que toutes les grandes religions véhiculaient à la base un message identique, si clair et si simple que les mots n'était pas nécessaire pour le réaliser. Je soupçonnais que ma perception du monde et ma soi-disant place en son sein étaient des illusions, que la réalité n'était pas ce que moi et la plupart des gens pensions. C'était comme si l'humanité était la victime d'un canular que l'univers avait conçu pour se jouer de lui-même. Et il était clair que ma vie jusqu'ici avait été un combat contre la révélation de ce savoir-là, m'accrochant, pour ainsi dire, aux mensonges que j'avais reçus, me débattant pour éviter la vérité.

Je lisais les textes bouddhistes. Je lisais Gurdjieff et Ouspensky. Je lisais tout ce que je pouvais trouver sur les mystiques chrétiens. Je dévorais Hafiz et Roumi, puis me lançais dans les œuvres des grands sages de l'Inde. Je découvris Wei Wu Wei, puis je revenais au bouddhisme et j'en amassais le maximum. J'étais résolu à tirer cela au clair, ce mystère au cœur du sujet.

Et puis un jour je lis un article de Douglas Harding sur ce qu'il nommait "l'absence de tête", et quelque chose changea brusquement. Harding soulignait que Voir Qui Nous Sommes était simple, si facile que nous passons à côté. Et, en manquant de le reconnaître, nous érigeons des structures philosophiques et religieuses de tailles monumentales, cachant cela d'autant plus. Tout du long, cela se trouve pourtant Ici-même, plus proche que proche.

A ce moment-là je réfléchissais à l'ancienne histoire soufie à propos d'un Mollah Nasrouddin très agité, galopant en ville et s'écriant qu'il avait perdu son âne, jusqu'à ce qu'on lui indique qu'il était assis dessus.

Le message était clair : "Nous ne pouvons Le voir, car nous Le sommes", et les implications étaient bouleversantes. Illusoire - le terme que j'employais pour décrire cette perception du monde dont je me méfiais - apparu soudain comme un bel euphémisme. Elle n'était pas seulement illusoire, elle était à cent pour cent dans la mauvaise direction ! Je n'étais plus dans l'univers; à tous le moins, l'univers était en moi, y-compris tous les concepts auxquels j'adhérais à propos d'un supposé "soi-même", corps et esprit. J'étais, comme disait Harding, "Espace" pour l'apparition du monde, Espace qui participait de manière originale à la création de ce même monde ! C'était incroyable !
Extrait de : La lumière que je suis
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Source du texte : Eveil et philosophie





Un homme encagoulé pénètre en pleine nuit dans une maison où dorment un père et sa fille de dix-huit ans. Sans explication, il fait feu sur eux, tuant le premier, laissant la seconde pour morte. Elle survit. Dix ans après, Mel est devenue une baroudeuse qui écrit des livres, une jeune femme qui, sur les routes de l'Amérique, s'ouvre à la vie nouvelle, en croisant le chemin de gens ordinaires et d'une humanité bouleversante. Hank, un moniteur de ski et barman qui parcourt le Mexique en stop, Jarrold, un quinquagénaire parti refaire sa vie dans les montagnes, Dwight, trafiquant de marijuana et invétéré menteur, ou encore Tony, blonde pulpeuse qui convaincra Jarrold de l'épouser. Alex, l'agresseur de Mel, va prendre peu à peu conscience de son acte, et paradoxalement trouver la vraie liberté en prison. L'Amérique dépeinte par J.C. Amberchele, c'est la Pennsylvanie, le Colorado, la Californie, le Nouveau-Mexique. Ses personnages sont saisis avec force et tendresse, dans un entrelacs narratif dont l'effet et le style ne sont pas sans rappeler le film Short Cuts de Robert Altman.
Quatrième de couverture
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