lundi 21 décembre 2015

Austérité ou inhumanité ?



Grèce : Alexis Tsipras renonce à son plan anti-austérité. 
Par Romaric Godin,  le 17 décembre 2015 - La Tribune

Austérité ou inhumanité ? (avant propos à l'article de Romaric Godin)
Par Liliane Held-Khawam, le 20 décembre 2015 - LHK

Avant-propos
Voici les dernières nouvelles qui nous arrivent de Grèce. Bruxelles et ses créanciers ont décidé de mettre encore plus la tête des Grecs sous l’eau. Ils sont en bonne voie de réussir leur exploit.
Nous avions vu tout l’été ce chef de gouvernement qui soit-disant devait faire trembler l’Europe déployer un zèle extraordinaire pour satisfaire ses créanciers. Ses promesses de campagne se sont évaporées laissant toute la place au sentiment de trahison et d’amertume.
Et voilà que pour la énième fois M Tsipras fait machine arrière face à l’avidité des rapaces de la créance. M Tsipras vient de renoncer à offrir - en cette veille de Noël - aux plus démunis une couverture maladie, un peu d’électricité, du soutien scolaire et élargir le champ de la soupe populaire publique.

C’est donc un Non clair, cinglant et humiliant qu’a reçu celui qui représente en théorie la souveraineté de ce peuple. Dans ce contexte, la démocratie est un vain mot. Le mot juste serait vassalité. M Tsipras ne fait qu’obéir à des ordres de marche.
Les suzerains européens ont donc trouvé qu’offrir un peu de décence à la vie de citoyens était trop demandé alors même que le pays a réalisé un excédent budgétaire. Aucune importance. Le surplus devra être affecté à la dette, c’est-à- dire à eux… Difficile de se laisser convaincre…
Il semblerait qu’une poignée de personnages tout-puissants et insatiables poussent le cynisme à son paroxysme sous le couvert fallacieux d’une gouvernance rationnelle. L’austérité telle que mise en place progressivement (les coupes au niveau des retraites sont promises) est une simple mise à mort des plus vulnérables.

L’inhumanité croît tous les jours un peu plus et on peut craindre que les personnes concernées n’aient même pas encore déployé tout ce dont elles sont capables en termes de nuisance en Grèce et demain ailleurs…


Alexis Tsipras renonce à son plan anti-austérité. 
Par Romaric Godin

Sous la menace des créanciers, le gouvernement grec a renoncé à proposer un « programme parallèle » pour faire pendant aux mesures d’austérité qui lui ont été imposées.

La bonne volonté du gouvernement grec n’aura pas duré une semaine. Lundi 14 décembre, un projet de « programme parallèle » a été soumis aux députés grecs. Ce programme avait pour but de compenser les mesures d’austérité réclamées par les créanciers et que le gouvernement avait fait adopter depuis juillet dernier. Ce jeudi 17 décembre, le texte a été retiré. Selon des médias grecs, la cellule technique de l’Eurogroupe, l’Euro working group (EWG) aurait rejeté ce programme. Un  rejet qui menaçait de compromettre la libération du milliard d’euros que le vote de mesures par la Vouli, le parlement grec, mardi, permettait d’envisager.

Fonctionnement normal du mémorandum

Pour ne pas prendre le risque de ne pas avoir cet argent, le gouvernement a donc fait marche arrière. Alexis Tsipras, le premier ministre grec, fait ici l’expérience concrète de l’application du troisième mémorandum qu’il a signé le 19 août dernier. Ce texte faisait explicitement référence à la nécessité pour l’exécutif hellénique de ne prendre aucune mesure budgétaire supplémentaire sans l’aval des créanciers. Privé de cet aval dans le cadre de son « programme parallèle », le gouvernement grec a dû logiquement renoncer à son projet.

Le détail du programme envisagé

Que voulait faire Alexis Tsipras ? Le texte comprenait plusieurs mesures. La première consistait à pouvoir donner une couverture médicale à ceux qui ne sont pas couverts par la sécurité sociale.
Le gouvernement Tsipras entendait aussi développer dans les mairies et les préfectures de cellule de soutien aux « personnes vulnérables. » La soupe populaire payée par l’Etat devait être élargie et prolongée d’une année. Une « facture sociale » d’électricité, permettant des baisses pour les ménages les plus fragiles, était aussi envisagée. Enfin, dans l’éducation, Athènes voulait développer les classes de soutien.

Pourquoi les créanciers ne veulent pas de ce programme

L’Euro working group aurait évalué le coût de ce « programme parallèle » à un milliard d’euros.
Un coût qui semble très élevé. En mars, un programme plus ambitieux de lutte « contre l’urgence humanitaire » avait été évalué à 200 millions d’euros. Ceci est d’autant plus étonnant que le gouvernement grec en novembre a affiché un excédent primaire de 4,4 milliards d’euros contre un objectif de 2,6 milliards d’euros. Autrement dit, le gouvernement d‘Alexis Tsipras joue les bons élèves budgétaires et est en passe de faire mieux que les objectifs. Mais le mémorandum ne prévoit pas pour autant de « récompenser » ces « succès. » Toute mesure budgétaire doit avoir l’imprimatur des créanciers et si ces derniers jugent que des dépenses remettent en cause les objectifs à moyen terme, ils peuvent les refuser. Du reste, le mémorandum prévoit aussi qu’en cas de dépassement des objectifs, les excédents dégagés iront, pour un quart, au remboursement de la dette.

Des motivations politiques

En réalité, ce plan « parallèle » n’est pas du goût des créanciers qui avait déjà tenté en mars de bloquer l’adoption du premier texte sur l’urgence humanitaire. La raison en est fort simple. La logique du « programme » est de réduire les dépenses sociales afin d’ancrer la baisse des dépenses publiques, mais aussi de favoriser la compétitivité.Ces dépenses sont jugées inutiles et contre-productives de ce point de vue. Mais l’objectif est aussi politique : avec ce « programme parallèle », Alexis Tsipras tentait de rassurer sa base électorale sur sa capacité à « compenser » la dureté des mesures adoptées et qui restent à adopter, notamment la très douloureuse réforme des retraites à venir.

En coupant ainsi à Alexis Tsipras toute possibilité de « servir sa base », les créanciers prouvent que, malgré la très bonne volonté de ce gouvernement, le combat politique n’est pas terminé. Les créanciers ont dû, il est vrai, négocier ferme sur la question des expulsions des résidences principales et sur la question des créances douteuses des banques. Les créanciers entendent logiquement ne faire aucun « cadeau » au gouvernement grec. En bloquant ce programme, ils montrent l’étendue de leur pouvoir et affirment ainsi qu’ils sont les vrais maîtres de la Grèce. Du reste, le ministre allemand Wolfgang Schäuble, a fait savoir voici peu qu’il refusait la demande d’Alexis Tsipras de se passer du FMI dans le programme.

Bonne ou mauvaise nouvelle ?

Ce retrait du « programme parallèle » met en lumière la quasi-inexistence de toute marge de manœuvre pour Alexis Tsipras. Est-ce une mauvaise nouvelle pour lui ? Sans doute, car sa capacité d’action est nulle et cela nuit à son discours de « bouclier » contre l’austérité qu’il porte depuis la signature du mémorandum. Mais cette impuissance peut aussi l’absoudre d’une partie de la responsabilité qui, de fait, se reporte sur les créanciers. Elle pourrait aussi justifier la volonté d’Alexis Tsipras d’en finir le plus rapidement possible avec le programme afin de reprendre une certaine liberté d’action. Un pari à haut risque, car l’effet des mesures prises ne s’est pas encore fait sentir sur l’économie du pays qui absorbe encore difficilement  le choc de la crise de juillet dernier.

Romaric Godin

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