dimanche 12 février 2012

Augustin d'Hippone


Né à Thagaste en 354 et mort à Hippone en 430, Augustin est une figure centrale de l'Antiquité tardive, période clef de l'Empire romain où le christianisme connaît un important développement. Issu d'un milieu modeste, fils d'un propriétaire terrien et d'une femme de grande piété nommée Monique, Augustin se convertit et adhère à la foi chrétienne en 386 sous l'influence d'Ambroise, non sans avoir préalablement fréquenté les milieux philosophiques platoniciens et après avoir été «auditeur» auprès des Manichéens pendant une dizaine d'années. Il devient prêtre en 391, puis évêque en 395-396.
Durant sa longue carrière, Augustin poursuit une incessante activité catéchétique, politique et littéraire, entrecoupée de nombreux voyages qui le conduisent à travers une grande partie de l'Europe et de l'Afrique du Nord.
Source du texte : unifr
Autre biographie (plus détaillée) : wikipedia


Bibliographie :
- Les Confessions, Dialogues Philosophiques, Ed. Gallimard, La Pléiade, 1998
- Les Confessions, Ed. Garnier Flammarion, trad. J. Trabucco, 1993
- La Création du monde et le Temps, trad.Arnaud d'Andilly, Ed. Gallimard, Folio, 2006
- La Cité de Dieu, trois tomes, Ed. du Seuil, Points Sagesse, 2004
- Lettres croisées de Jérôme et Augustin, Ed. Belles lettres, 2010
- Commentaire de la première Epitre de Saint Jean, Ed. du Cerf, 1961
- Sermons pour la Pâque, Ed. du Cerf, 1966
(...)
Etudes :
Marie-Anne Vannier, Saint Augustin et le mystère trinitaire, Ed. du Cerf, 2010
Encyclopédie Saint Augustin, La Mediterranée et l'Europe IVe-XXIe, Ed. du Cerf, 2005
Henri-Irénée Marou, Augustin et la fin de la culture antique, Ed. de Boccard, 1964.
Voir aussi : wikipedia
En ligne :

Oeuvres complètes : wikisource
Oeuvres complètes, trad. Bar-le-Duc, 1869 : abbaye saint-benoit
Les Confessions, trad. Arnaud d'Andilly : PDF
Revue d'Etudes augustiniennes et patristiques


Augustin et le néo-platonisme
Votre bonté, mon Dieu, me voulant faire connaître comme vous résistez aux superbes et donnez votre grâce aux humbles, et combien est grande la miséricorde que vous avez fait paraître aux hommes dans cette prodigieuse humilité, par laquelle votre Verbe s'est fait homme et a habité parmi nous, vous permîtes que, par le moyen d'un homme extraordinairement vain et glorieux, il me tombât entre les mains quelques livres des philosophes platoniciens traduits de grec en latin, dans lesquels je lus, non pas en mêmes paroles, mais dans un sens tout semblable appuyé d'un très grand nombre de raisons, que le Verbe était dès le commencement; que le Verbe était en Dieu, et que le Verbe était Dieu; que toutes choses ont été faites par lui, et que rien n'a été fait sans lui ; que ce qui a été fait a vie en lui; que la vie était la lumière des hommes; que cette lumière luit dans les ténèbres, et que les ténèbres ne l'ont point comprise; qu'encore que l'âme de l'homme rende témoignage de la lumière, elle n'est pas pourtant elle-même la lumière; mais que le Verbe de Dieu, qui est Dieu, est cette lumière véritable qui éclaire tout homme en ce monde; qu'il était dans le monde; que le monde a été fait par lui, et que le monde ne l'a point connu.
Voilà ce que je lus dans ces livres. Mais je n'y lus pas que le Verbe étant venu chez soi, les siens ne l'ont pas reçu; et qu'il a donné le pouvoir d'être faits enfants de Dieu à tous ceux qui l'ont reçu, et qui ont cru en son nom. Je lus aussi que ce Verbe n'était pas né de la chair, ni du sang, ni des désirs sensuels de la volonté de l'homme, mais de Dieu. Mais je n'y lus pas que le Verbe a été fait homme et a habité parmi nous. (...)
Confessions, VII, 9, trad. Arnaud d'Andilly
Source du texte : google books

J'étais empêché de voler rapidement dans le sein de la philosophie par l'attrait d'une femme et des honneurs, j'attendais d'avoir obtenu ce que je désirais, pour m'élancer ensuite pleines voiles et à force de rames vers le sein de la philosophie et m'y reposer - choses qui ne sont données qu'à un petit nombre. Mais je lus alors un tout petit nombre de livres de Plotin (j'ai appris que tu l'admirais passionnément), je les confrontais autant que je pus avec l'autorité de ceux qui nous ont transmis les saints mystères. J'en fus embrasé d'une telle ardeur que, si je n'avais eu à tenir compte de certaines personnes, j'aurais rompu toutes mes amarres. 

De Beata vita, I, 4. trad. Pierre Hadot dans Marius Victorinus, Ed. Augustiniennes, 1971 (p.202).

* * *
Augustin découvre Dieu
Ayant tiré de ces connaissances un avertissement salutaire de revenir à moi, j'entrai en moimême dans le plus secret de mon cœur et de mes pensées, et je me trouvai capable de le faire, parce que je fus aidé de votre secours. J'entrai donc ainsi dans moi-même; et avec l'œil de mon âme, quoiqu'il n'eût encore que peu de clarté, je vis au-dessus de ce même œil de mon âme et au-dessus de la lumière de mon esprit, la lumière immuable du Seigneur, et cette lumière n'était pas celle que nous voyons, ni quelique autre de même nature, mais qui aurait été seulement plus grande, plus parfaite, plus éclatante et plus étendue dans toutes les parties de l'univers. Elle était d'une autre espèce, et entièrement différente de la lumière ordinaire. Elle n'était point au-dessus de mon esprit, comme l'huile est au-dessus de l'eau et le ciel au-dessus de la terre, mais elle était au-dessus de moi-même comme m'ayant donné l'être, et j'étais au-dessous d'elle comme ayant été créé par elle. Celui qui connaît la vérité, connaît aussi cette lumière; et celui qui connaît cette lumière, connaît aussi l'éternité; et c'est la charité qui la fait connaître. (...)
Confessions, VII, 10

* * *
Que les créatures sont et ne sont pas.
Je considérai ensuite toutes les choses qui sont au-dessous de vous, et je reconnus qu'on ne saurait dire ni qu'elles sont absolument, ni qu'absolument elles ne sont pas. Car elles sont, en ce qu'elles ont reçu leur être de vous; et elles ne sont pas, en ce qu'elles ne sont pas ce que vous êtes, n'y ayant point d'être véritable que celui qui subsiste sans altération et sans changement. Tout mon bonheur consiste donc à être attaché à Dieu, puisque si je ne subsistais en lui, je ne pourrais pas subsister en moi; et que c'est lui qui, changeant et renouvelant toutes choses, subsiste néanmoins dans un état toujours immuable, et est d'autant plus digne d'être reconnu de moi pour mon Seigneur et mon Dieu, qu'il n'a besoin d'aucun bien que je possède.
Ibid. VII, 11,

* * *
Qu'est-ce que Dieu ?
Seigneur, je vous aime, et ce n'est point avec doute, mais avec certitude que je sais que je vous aime; vous avez frappé mon cœur par votre parole, et aussitôt je vous ai aimé. Le ciel et la terre et tout ce qu'ils contiennent me disent aussi de toutes parts que je suis obligé de vous aimer, et ils ne cessent pas de le dire à tous les hommes, afin qu'ils soient inexcusables s'ils y manquent. Mais il faut que vous fassiez beaucoup davantage, pour avoir pitié de celui dont il vous plaît d'avoir pitié, et pour faire miséricorde à celui auquel il vous plaît de faire miséricorde; Car autrement le ciel et la terre parlent en vain et publient inutilement vos louanges, puisqu'ils ne parlent qu'à des sourds.
Or, qu'est-ce que j'aime lorsque je vous aime ? Ce n'est ni tout ce que les lieux enferment de beau, ni tout ce que les temps nous présentent d'agréable; ce n'est ni cet éclat de la lumière qui donne tant de plaisir à nos yeux, ni la douce harmonie de la musique, ni l'odeur des fleurs et des parfums, ni la manne, ni le miel, ni tout ce qui peut plaire dans les voluptés de la chair.
Ce n'est rien de tout cela que j'aime quand j'aime mon Dieu, et j'aime néanmoins une lumière, une harmonie, une odeur, une viande délicieuse, et une volupté quand j'aime mon Dieu; mais cette lumière, cette harmonie, cette odeur, cette viande et cette volupté ne se trouvent que dans le fond de mon cœur, dans cette partie de moi-même qui est toute intérieure et toute invisible, où mon âme voit briller au-dessus d'elle une lumière que le lieu ne renferme point, où elle entend une harmonie que le temps ne mesure point, où elle sent une odeur que le vent ne dissipe point, où elle goûte une viande qui en nourrissant ne diminue point, et enfin où elle s'unit à un objet infiniment aimable dont la jouissance ne dégoûte point.
Voilà ce que j'aime quand j'aime mon Dieu. Et qu'est-ce que cela ? Je l'ai demandé à la terre, et elle m'a répondu : « Ce n'est pas moi ; » (...)
Ibid. X, 7

* * *
Des trois différences qui se rencontrent dans le temps.
Il n'y a donc point eu de temps où vous n'ayez fait quelque chose, puisque vous aviez fait le temps; et nuls temps ne vous sont coéternels, puisque vous demeurez toujours en même état, au lieu que s'ils y demeuraient, ils cesseraient d'être des temps. Qu'est-ce donc que le temps ? Qui le pourra dire clairement et en peu de mots? Et qui sera capable de le bien comprendre lorsqu'il en voudra parler ? Il n'y a rien toutefois qui soit plus connu que le temps, et dont il nous soit plus ordinaire de nous entretenir dans nos discours; et lorsque nous en parlons, nous entendons tans doute ce que nous disons, et entendons aussi ce que les autres en disent quand ils nous en parlent.
Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais bien; mais si on me le demande, et que j'entreprenne de l'expliquer, je trouve que je l'ignore. Je puis néanmoins dire hardiment que je sais, quesi rien ne se passait, il n'y aurait point de temps passé; que si rien n'avenait, il n'y aurait point de temps à venir; et que si rien n'était, il n'y aurait point de temps présent. En quelle manière sont donc ces deux temps, le passé et l'avenir; puisque le passé n'est plus, et que l'avenir n'est pas encore ? Et quant au présent, s'il était toujours présent, et qu'en s'écoulant il ne devînt point un temps passé, ce ne serait plus le temps, mais l'éternité. Si donc le présent n'est un temps que parce qu'il s'écoule et devient un temps passé, comment pouvons-nous dire qu'une chose soit, laquelle n'a autre cause de son être, sinon qu'elle ne sera plus ? De sorte que nous ne pouvons dire avec vérité que le temps soit, sinon parce qu'il tend à n'être plus,
Ibid, XI, 14

En quoi consiste la mesure du temps

(...) Le présent n'a donc aucune étendue (...)
Ibid. XI, 15

C'est par l'esprit que nous mesurons les temps

Mais comment le futur, qui n'est pas encore, peut-il s'amoindrir ou s'écouler? Ou comment le passé peut-il croître, puisque déjà il n'est plus, si ce n'est parce que dans l'esprit qui opère cet effet il se rencontre trois choses, savoir : l'attente, l'attention et le souvenir; de sorte que ce qu'il attend devient l'objet de son a tiention présente, pour n'être plus ensuite que l'objet de son souvenir? Qui pourrait nier que les choses futures ne sont pas encore? et toutefois l'attente des choses futures est dans notre esprit. Qui pourrait nier que les choses passées ne sont plus? et toutefois la mémoire des choses passées demeure dans notre esprit. Et enfin qui pourrait nier que le temps présent n'a point d'étendue, puisqu'il passe en un moment? et toutefois notre attention demeure, et c'est par elle que ce qui n'est pas encore se hâte d'arriver pour n'être plus. Ainsi le temps à venir ne se peut dire être long; mais un long temps à venir n'est autre chose qu'une longue attente du temps futur. Il n'y a point aussi de long temps passé, puisqu'il n'est plus; mais un long temps passé n'est autre chose qu'un long souvenir du temps passé. (...)
Ibid. XI, 27
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Source du texte : Google books

* * *
Se dépouiller des images
Comment l’âme se cherche et se trouve, où elle doit se diriger pour se chercher, où elle doit arriver pour se trouver : question étrange ! Car qu’y a-t-il de plus intime à l’âme que l’âme ? Mais comme elle est toute aux choses auxquelles elle aime à penser, que l’habitude et l’affection lui ont rendu familiers les objets sensibles, c’est-à-dire corporels, elle ne peut rentrer en elle-même sans apporter avec elle leurs images. De là provient chez elle cette honteuse erreur qui fait qu’elle ne peut se détacher elle-même des images des choses sensibles, ni se voir seule. Ces images se sont attachées à elle d’une manière étonnante par la glû de l’amour; et voilà sa souillure, que quand elle cherche à se recueillir en elle-même, elle croit être ce sans quoi elle ne peut plus s’imaginer qu’elle puisse être, Pour obéir à l’ordre de se reconnaître elle-même, elle n’a donc pas à se chercher comme si elle ne s’appartenait plus, mais simplement à se dépouiller de tout élément étranger. Car elle est plus près d’elle-même, non-seulement que les objets sensibles qui sont visiblement hors d’elle, mais même que leurs images imprimées dans une certaine partie de l’âme qui nous est commune avec les bêtes, bien que celles-ci soient privées de l’intelligence, signe distinctif de l’âme. Etant donc si près d’elle-même, elle sort en quelque sorte de chez elle, quand elle prodigue son affection à ces vestiges de nombreuses occupations; vestiges qui s’impriment dans la mémoire au contact des objets matériels extérieurs, de telle sorte que, même en l’absence de ceux-ci, leurs images restent présentes à la pensée. Qu’elle se connaisse donc elle-même, qu’elle ne se ch~rcbe pas comme si elle était absente; mais qu’elle recueille dans son intérieur son attention et sa volonté vagabondes et s’occupe d’elle-même. Elle verra bientôt qu’elle s’est toujours aimée, qu’elle s’est toujours connue; mais qu’en aimant quelque autre chose avec elle, elle s’est confondue avec cet élément étranger, elle s’est, en quelque sorte, grossie; et qu’en embrassant comme une seule chose des choses différentes, elle a pris ces choses différentes pour une seule chose.
De la Trinité, X, 8, trad. Bar-le-Duc
Source du texte : abbaye saint-benois

Connaissance de soi
Que l’âme ne cherche donc pas à se voir comme absente, mais qu’elle s’attache à se bien discerner comme présente. Qu’elle ne se connaisse pas comme ne se connaissant pas, mais qu’elle se distingue elle-même de tout objet étranger qu’elle connaît. Comment en effet accomplira-t-elle cet ordre : Connais-toi toi-même, si elle ne sait pas ce que veut dire:
Connais-toi, ni ce que signifie : Toi-même? Mais si elle comprend ces deux expressions, elle se connaît elle-même ; car on ne lui dit pas : Connais-toi toi-même, comme on lui dirait : Connais les Chérubins et les Séraphins, lesquels sont absents et que nous croyons des puissances célestes d’après ce qu’on nous enseigne; ni comme on lui dirait: Connais la volonté de cet homme, volonté que nous ne pouvons ni sentir, ni comprendre, si elle ne se manifeste par quelques signes corporels, et à laquelle, même alors, nous croyons plutôt que nous ne la comprenons; ni comme on dirait à un homme-: Regarde ton visage, ce qu’il ne peut faire que dans un miroir. En effet notre visage est absent pour nos yeux, puisqu’ils ne peuvent se diriger sur lui. Mais quand on dit à l’âme: Connais-toi toi-même, par ce seul fait qu’elle comprend ce mot: Toi-même, elle se connaît elle-même, et cela uniquement parce qu’elle est présente à elle-même ; ce qui n’a plus lieu, si elle mie comprend pas la parole qu’on lui adresse. On lui donne donc un ordre qui est exécuté aussitôt que compris.
Ibid, X, 9




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