MAJ de la page : Maître Eckhart
Je viens de prononcer quelques mots en latin qui sont écrits dans l'Évangile et donc voici le sens en allemand : "Notre Seigneur Jésus-Christ monta dans un petit château fort et il y fut reçu par une vierge qui était une femme."
Eh bien ! apportez toute votre attention à cette parole. Celle par qui Jésus fut reçu ne pouvait qu'être vierge. "Vierge" désigne un être humain qui est vide de toutes images étrangères, aussi vide qu'il l'était quand il n'était pas encore. (...)
Mais une vierge qui est femme est libre, elle n'est liée par aucune propriété et elle est en tout temps également proche de Dieu et d'elle-même. Elle donne beaucoup de fruits, et ces fruits sont grands, ni plus ni moins que Dieu lui-même. Ces fruits et cette naissance, voilà ce que cette vierge qui est femme, produit, ce fruit elle l'enfante et le porte chaque jour cent ou mille fois, un nombre incalculable de fois, enfantant et fécondée du fond le plus noble, ou, pour mieux dire, du fond où le Père engendre son Verbe éternel qui la rend féconde et lui permet d'enfanter avec le Père. (...)
Je l'ai dit souvent aussi : il est dans l'âme une puissance qui n'est touchée ni par le temps ni par la chair, qui émane de l'esprit et reste dans l'esprit et est absolument spirituelle. Dans cette puissance, Dieu se trouve totalement, il y verdoie et fleurit dans toute la joie et toute la gloire qu'Il est en lui-même. Cette joie est tellement du cœur, elle est d'une grandeur si inconcevable, que nul ne saurait l'exprimer avec des mots. (...)
Mais maintenant je vous dis : ce n'est ni ceci ni cela. Pourtant c'est un quelque chose, qui est plus élevé au dessus de ceci et de cela que ne l'est le ciel au dessus de la terre. C'est pourquoi je le nomme maintenant d'une manière plus noble que je l'ai jamais nommé. Pourtant il dépasse aussi bien la noblesse que la manière, et il est au-dessus de tout cela. Il est libre de tout nom et dénué de toute forme, absolument vide et libre, tout comme Dieu lui-même est vide et libre. Il est si totalement un et simple, tout comme Dieu est un et simple, que l'on n'y peut d'aucune façon rien regarder. (...)
Si élevé au-dessus de tout mode et de toutes puissances, est cet unique Un, que jamais puissance ni mode, ni Dieu lui-même ne peuvent y regarder. (...)
Il faut bien remarquer cela, car cet unique Un n'a ni mode ni propriété. C'est pourquoi, si Dieu veut jamais y jeter un regard, cela lui coûtera nécessairement tous ses noms divins et ses propriétés personnelles. Il lui faudra tout laisser à l'extérieur, s'Il veut jamais regarder à l'intérieur. Mais c'est en tant qu'Il est un Un simple, sans mode, ni propriété, là où Il n'est ni Père, ni Fils, ni Saint-Esprit, et cependant en tant qu'il est un quelque chose qui n'est ni ceci ni cela, (...)
Extrait de : Maître Eckhart, Sermon 2, trad. Alain de Libera (Ed. GF-Flammarion, pp. 233, 235, 236.)
Voir aussi les pages : Nativité (tag)
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