Interview Pierre Conesa. Politique de contre-radicalisation en France (Thinkerview, 2015)
"Le terrorisme ne se combat pas par la guerre" (20.01.2015)
Comment lutter contre la radicalisation ? Deux semaines après les attentats qui ont fait 17 morts en France, la question est au centre du débat. Pour Pierre Conesa, ex-haut fonctionnaire au ministère de la Défense et auteur d'un rapport sur ce sujet, il faut d'abord s'appuyer sur "les élites musulmanes". Autre priorité : se resituer sur la scène internationale.
"Quelle politique de contre-radicalisation ?" C'est le titre du rapport rendu par Pierre Conesa fin décembre 2014 à la Fondation d'aide aux victimes du terrorisme. Après le choc provoqué par les attentats meurtiers des 7 et 9 janvier derniers à Paris, c'est la question de l'après qui se pose. Et notamment celle de la lutte contre la radicalisation.
Objectif n°1 : désigner la cible
Pour Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défense, l'objectif premier d'une politique de contre-radicalisation est de "désigner la cible", car "c'est le seul moyen de faire comprendre que la composante musulmane de la société française n'est pas concernée dans sa totalité par ces comportements".
La cible, pour ce spécialiste des questions stratégiques internationales, a un nom : le salafisme. "Le salafisme est une idéologie propagée par l'Arabie saoudite dans les années 1980-90 pour lutter contre les Frères musulmans, qui avaient fait l'erreur de soutenir Saddam Hussein pendant la guerre du Golfe. Le salafisme, abondé par l'argent de l'Arabie saoudite, a propagé partout des mosquées avec des imams salafistes, y compris en Algérie, et nos amis algériens l'ont payé".
Inutile donc de stigmatiser toute une communauté. Au contraire, selon Pierre Conesa, il faut s'appuyer sur la "classe moyenne musulmane". Une démarche qui oblige à comprendre d'abord les racines de ces mouvements de ré-islamisation.
Les "reborn muslims", des enfants de parents "trahis par la République"
"Je voudrais rappeler un épisode qu'on a vécu dans les années 1980, c'est la Marche des beurs, qui était sur la thématique 'liberté, égalité, fraternité'. La réponse du Parti socialiste, à l'époque, a été de constituer SOS racisme avec aucun des leaders de la Marche. Et ça, c'est le genre de choses qui a fait que les enfants de ces gens-là, qui avaient cru à la République, se sont ré-islamisés. Donc les "reborn muslims", ceux qui vont ensuite donner naissance à ces salafistes, sont des enfants dont les parents ont été trahis par la République".
Pour l'auteur du rapport "Quelle politique de contre-radicalisation ?", il est urgent de trouver un interlocuteur crédible dans la communauté musulmane, car elle est le réseau le plus "avancé, puisque c'est elle qui, à travers les imams, les théologiens, les présidents d'associations, les travailleurs sociaux, connaît la communauté. Or quel est leur interlocuteur aujourd'hui ? Le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), mais c'est une structure qui ne fonctionne pas".
Au coeur de la politique de contre-radicalisation, il y a donc la communauté musulmane. "On ne va pas définir une politique de contre-radicalisation sans les élites musulmanes. Il y a des volets entiers qui ne relèvent pas du gouvernement. Ce n'est pas le ministre de l'Intérieur qui va tenir un discours théologique. Donc aujourd'hui construire cette interface est une première chose".
Une nouvelle politique extérieure : "le terrorisme ne se combat pas par la guerre"
Au-delà de la politique intérieure, la France doit aussi "se resituer complètement sur la scène internationale", poursuit Pierre Conesa. "Autre aspect important, c'est la perception de l'ensemble de la communauté sur les ratés de la politique extérieure. On a depuis une dizaine d'années utilisé la force armée pour aller sur des tas de théâtres extérieurs pour lesquels aujourd'hui il n'y a aucun résultat positif. Le terrorisme ne se combat pas par la guerre. Il ne se combat pas non plus par l'augmentation des budgets de la police et du renseignement. C'est un des volets seulement".
Source : France info
Comment lutter contre la radicalisation ? Deux semaines après les attentats qui ont fait 17 morts en France, la question est au centre du débat. Pour Pierre Conesa, ex-haut fonctionnaire au ministère de la Défense et auteur d'un rapport sur ce sujet, il faut d'abord s'appuyer sur "les élites musulmanes". Autre priorité : se resituer sur la scène internationale.
"Quelle politique de contre-radicalisation ?" C'est le titre du rapport rendu par Pierre Conesa fin décembre 2014 à la Fondation d'aide aux victimes du terrorisme. Après le choc provoqué par les attentats meurtiers des 7 et 9 janvier derniers à Paris, c'est la question de l'après qui se pose. Et notamment celle de la lutte contre la radicalisation.
Objectif n°1 : désigner la cible
Pour Pierre Conesa, ancien haut fonctionnaire au ministère de la Défense, l'objectif premier d'une politique de contre-radicalisation est de "désigner la cible", car "c'est le seul moyen de faire comprendre que la composante musulmane de la société française n'est pas concernée dans sa totalité par ces comportements".
La cible, pour ce spécialiste des questions stratégiques internationales, a un nom : le salafisme. "Le salafisme est une idéologie propagée par l'Arabie saoudite dans les années 1980-90 pour lutter contre les Frères musulmans, qui avaient fait l'erreur de soutenir Saddam Hussein pendant la guerre du Golfe. Le salafisme, abondé par l'argent de l'Arabie saoudite, a propagé partout des mosquées avec des imams salafistes, y compris en Algérie, et nos amis algériens l'ont payé".
Inutile donc de stigmatiser toute une communauté. Au contraire, selon Pierre Conesa, il faut s'appuyer sur la "classe moyenne musulmane". Une démarche qui oblige à comprendre d'abord les racines de ces mouvements de ré-islamisation.
Les "reborn muslims", des enfants de parents "trahis par la République"
"Je voudrais rappeler un épisode qu'on a vécu dans les années 1980, c'est la Marche des beurs, qui était sur la thématique 'liberté, égalité, fraternité'. La réponse du Parti socialiste, à l'époque, a été de constituer SOS racisme avec aucun des leaders de la Marche. Et ça, c'est le genre de choses qui a fait que les enfants de ces gens-là, qui avaient cru à la République, se sont ré-islamisés. Donc les "reborn muslims", ceux qui vont ensuite donner naissance à ces salafistes, sont des enfants dont les parents ont été trahis par la République".
Pour l'auteur du rapport "Quelle politique de contre-radicalisation ?", il est urgent de trouver un interlocuteur crédible dans la communauté musulmane, car elle est le réseau le plus "avancé, puisque c'est elle qui, à travers les imams, les théologiens, les présidents d'associations, les travailleurs sociaux, connaît la communauté. Or quel est leur interlocuteur aujourd'hui ? Le CFCM (Conseil Français du Culte Musulman), mais c'est une structure qui ne fonctionne pas".
Au coeur de la politique de contre-radicalisation, il y a donc la communauté musulmane. "On ne va pas définir une politique de contre-radicalisation sans les élites musulmanes. Il y a des volets entiers qui ne relèvent pas du gouvernement. Ce n'est pas le ministre de l'Intérieur qui va tenir un discours théologique. Donc aujourd'hui construire cette interface est une première chose".
Une nouvelle politique extérieure : "le terrorisme ne se combat pas par la guerre"
Au-delà de la politique intérieure, la France doit aussi "se resituer complètement sur la scène internationale", poursuit Pierre Conesa. "Autre aspect important, c'est la perception de l'ensemble de la communauté sur les ratés de la politique extérieure. On a depuis une dizaine d'années utilisé la force armée pour aller sur des tas de théâtres extérieurs pour lesquels aujourd'hui il n'y a aucun résultat positif. Le terrorisme ne se combat pas par la guerre. Il ne se combat pas non plus par l'augmentation des budgets de la police et du renseignement. C'est un des volets seulement".
Source : France info
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