mardi 1 novembre 2016

Crimes de guerre saoudiens au Yémen avec la bénédiction et les armes occidentales

Guerres ignorées (I): crimes de guerre saoudiens au Yémen avec la bénédiction et les armes occidentales
Par Shahid Atiqullah le 31 octobre 2016 - German Foreign Policy / Tlaxcala (trad.)


Berlin persiste dans son soutien au clan dirigeant de Riyad, en dépit des crimes de guerre commis au Yémen par les forces armées saoudiennes. Tandis qu’un renforcement des sanctions contre la Russie est à l’étude – pour des crimes de guerre présumés ou réels à Alep, en Syrie –, l’Arabie Saoudite n’a rien à craindre, même après avoir bombardé le 8 octobre à Sana'a une cérémonie funéraire, tuant plus de 140 civils.

Les raids aériens de la coalition menée par l’Arabie Saoudite au Yémen sont déjà responsables de plus de 2 400 morts civiles, y compris des patients hospitalisés par Médecins Sans Frontières et des enfants dans une école coranique. Le Yémen, écrasé par la pauvreté et dépendant des importations pour 80% de son alimentation, est coupé de ses approvisionnements vitaux par le blocus maritime de Riyad. Plus de 1,5 million d’enfants souffrent déjà de malnutrition, dont 370 000 d’entre eux de manière critique. Les soins médicaux sont insuffisants, car l’Arabie Saoudite bombarde les usines pharmaceutiques et limite l’importation de médicaments. Les médias allemands [et français] font rarement état de la catastrophe humanitaire au Yémen, pour laquelle Riyad, l’un des principaux alliés de Berlin [et de Paris] au Moyen-Orient, est responsable. La guerre de Riyad au Yémen contre les insurgés Houthis vise également à faire reculer l’influence iranienne, servant ainsi également les intérêts de l’élite allemande [et française].

Dès le début de leur agression contre le Yémen, l’Arabie Saoudite et sa coalition militaire [1] ont recouru aux raids aériens, causant de nombreuses victimes civiles, certains ayant rapidement été considérés comme des crimes de guerre. 18 victimes civiles étaient déjà signalées après les premiers raids aériens le 25 mars 2015. Le même jour, la Maison Blanche a annoncé que le Président Barack Obama avait autorisé « la fourniture de soutien logistique et de renseignements » à la coalition saoudienne et avait établi une cellule de planification commune avec l’Arabie Saoudite pour coordonner son soutien [2]. En outre, le secrétaire d’État américain John Kerry a annoncé que l’assistance US incluait un « ciblage » militaire [3]. Cependant, cela a été rapidement réfuté officiellement – pour une bonne raison : le 14 avril, le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, s’est senti obligé de critiquer vivement les nombreuses attaques contre les civils yéménites. Au moins 364 civils avaient déjà perdu la vie depuis le début du conflit, une part considérable étant due aux raids aériens de la coalition saoudienne, selon Al Hussein. Des hôpitaux, des écoles, des mosquées et des quartiers résidentiels ont été détruits lors des raids aériens. Le Haut-commissaire a demandé des enquêtes [4].

« Compréhension totale »

Les raids aériens dirigés par les Saoudiens contre des civils et le grand nombre de victimes civiles n’ont pas empêché le gouvernement allemand d’approuver explicitement cette guerre. Le jour suivant les premiers raids aériens qui ont causé 18 victimes civiles, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier a affirmé sa « compréhension totale à l’égard des opérations saoudiennes » [5]. Le ministère des Affaires étrangères a émis plusieurs déclarations selon lesquelles les attaques de l’Arabie Saoudite contre le Yémen étaient « conformes au droit international », et qu’il n’y a « aucun doute que les opérations saoudiennes sont autorisées par le droit international » [6]. Alors que Berlin était occupé à soutenir Riyad, les organisations de défense des droits de l’homme essayaient d’évaluer la situation sur le terrain. Les 15 et 16 mai 2015, Human Rights Watch a profité d’un cessez-le-feu de cinq jours pour mener des enquêtes sur le terrain à Saada. La ville de Saada, un bastion Houthi, était l’une des régions les plus touchées par les raids aériens de Riyad dans sa guerre contre le mouvement Houthi. Entre autres, l’organisation a documenté six attaques contre des maisons résidentielles, dont l’une a tué 27 membres d’une même famille, dont 17 enfants. Les frappes aériennes ont également frappé une école, une station-service bondée et cinq marchés, pour lesquels il n’y avait aucune preuve d’activité militaire. Selon Human Rights Watch, ces attaques semblent avoir été des crimes de guerre [7].

Bloqués dans la faim

Depuis lors, des allégations sérieuses ont régulièrement été soulevées concernant la manière dont la coalition dirigée par l’Arabie Saoudite mène sa guerre au Yémen. Riyad avait déjà imposé un blocus maritime le 26 mars 2015, immédiatement après les premiers bombardements, qui ont presque complètement interrompu les importations du Yémen, avec des conséquences désastreuses. Avant l’imposition du blocus, environ 80% des besoins alimentaires du pays provenaient de l’étranger, dont 90% de son blé et tout son riz [8]. Seule une petite partie de ce qui est nécessaire parvient au Yémen depuis que le blocus a été imposé. En dépit des activités désespérées des Nations Unies et de diverses organisations humanitaires, il y a un grave manque de nourriture, de carburant et de médicaments. Sur les 26 millions de Yéménites, 21,2 millions – 82% de la population – dépendent désormais de l’aide humanitaire; 14,4 millions n’ont pas suffisamment de nourriture ; 7,6% sont touchés par de graves pénuries alimentaires ; 1,5 million d’enfants souffrent de sous-alimentation – dont 370 000 de manière critique. Récemment, l’UNICEF a sonné l’alarme. Malgré d’énormes efforts, les organisations humanitaires n’ont pu atténuer la misère que dans une mesure limitée, a annoncé l’agence. Tout doit être fait pour normaliser l’approvisionnement alimentaire et le système de santé. Bien sûr, cela présupposerait que l’Arabie Saoudite, l’un des principaux alliés [des pays occidentaux] du Moyen-Orient, lève son blocus qui dure depuis une année et demie.

Tout récemment, l’UNICEF a de nouveau dénoncé un crime de guerre évident commis par la coalition dirigée par Riyad. Le 13 août 2016 au matin, une école coranique a été touchée lors d’un bombardement sur Saada, dans le nord du pays. Au moins sept enfants, âgés de six à quatorze ans, ont été tués, les survivants blessés ayant été emmenés à l’hôpital. Quelques jours auparavant, l’UNICEF avait signalé que 1 121 enfants avaient été tués pendant la guerre. Selon les Nations Unies, 4 125 civils ont été tués dans cette guerre, dont 60% – plus de 2 400 personnes – lors de raids aériens de la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite. En août, Human Rights Watch et Amnesty International ont annoncé avoir « documenté plus de 70 attaques aériennes illégales de la coalition, dont certaines pourraient constituer des crimes de guerre, qui ont tué plus de 900 civils, et 19 attaques utilisant des bombes à sous-munitions internationalement interdites » [9]. Même des usines de médicaments, des centres de stockage d’aliments et des hôpitaux clairement identifiés pour lesquels Médecins sans frontières avait fourni les coordonnées GPS ont été bombardés [10]. Les données indiquent que plus d’un tiers des raids aériens menés par l’Arabie saoudite sur le Yémen ont frappé des sites civils [11]. Le récent bombardement contre un bâtiment dans lequel plus d’un millier de personnes s’étaient rassemblées pour assister à une cérémonie funéraire ajoute un autre crime de guerre saoudien à la liste, avec plus de 140 personnes tuées.

Contrairement aux crimes de guerre allégués ou réels à Alep, exploités actuellement à des fins de propagande de politique étrangère [12], Berlin, autant que possible, ferme les yeux sur les crimes de guerre imputés aux Saoudiens – pour deux raisons. La première est que contrairement aux gouvernements syrien et russe, le clan dirigeant à Riyad est considéré comme un administrateur fidèle des intérêts occidentaux au Moyen-Orient. La deuxième se trouve dans les ramifications du conflit au Yémen. Début 2015, le Président du Yémen, Abd Rabbo Mansour Hadi, allié des Saoudiens et considéré comme pro-occidental, a été renversé par le mouvement rebelle Houthi du Yémen du Nord, qui est considéré – même si c’est souvent exagéré – comme proche de l’Iran, et ayant clairement des positions anti-occidentales. « La perspective qu’en plus du détroit d’Ormuz, l’Iran – pays protecteur des Houthis – puisse également prendre le contrôle des détroits entre le Yémen et l’Afrique, à travers lesquels des millions de barils de pétrole sont transportés quotidiennement, a horrifié beaucoup de personnes » en Occident, a rapporté un expert allemand du Moyen-Orient en mars 2015, au début de la guerre [13]. Par conséquent, Berlin ne soulève aucune objection à l’action militaire de Riyad contre les Houthis – et donc aussi contre l’Iran.

Loin d’avoir à redouter des conséquences pour ses crimes de guerre, comme son bombardement d’une cérémonie funéraire à Sanaa, l’Arabie Saoudite continue à recevoir des équipements militaires allemands – y compris des armes qu’elle utilise au Yémen. Les négociations actuelles sur la livraison de nouveaux Eurofighters à l’armée de l’air saoudienne n’en sont que le dernier exemple.

Notes
[1] Au début, cinq membres du Conseil de coopération du Golfe (GCC) ont participé à la guerre au Yémen, l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis, le Qatar, le Bahreïn et le Koweït, ainsi que la Jordanie, l’Egypte, le Soudan et le Maroc.
[2] Déclaration de la porte-parole du Conseil de sécurité nationale Bernadette Meehan sur la situation au Yémen. www.whitehouse.gov, 25.03.2015.
[3] Saudi and Arab allies bomb Houthi positions in Yemen. www.aljazeera.com 26.03.2015.
[4] Yemen: Zeid calls for investigations into civilian casualties. www.ohchr.org 14.04.2015.
[5] "Die Lage ist gefährlich, nicht nur für die Golfregion". www.bild.de 27.03.2015. See In Flammen.
[6] Stellungnahmen von Sprechern des Auswärtigen Amts vor der Bundespressekonferenz. See In Flames (II).
[7] Human Rights Watch: Targeting Saada. Unlawful Coalition Airstrikes on Saada City in Yemen. London, June 2015.
[8] Omer Karasapan: Conflict, famine, refugees, and IDPs: A perfect storm in Yemen? www.brookings.edu 14.04.2015.
[9] UN: Create International Inquiry on Yemen. www.hrw.org 26.08.2016.
[10] Priyanka Motaparthy: US Should Stop Making Excuses for Saudi Violations in Yemen. www.hrw.org 06.10.2016.
[11] Ewen MacAskill, Paul Torpey: One in three Saudi air raids on Yemen hit civilian sites, data shows. www.theguardian.com 16.09.2016.
[12] See Spiel mit dem Weltkrieg.
[13] Rainer Hermann: Neues, altes Arabien. Frankfurter Allgemeine Zeitung 30.03.2015.

* * *

Les États-Unis et le Royaume-Uni continuent à participer activement aux crimes de guerre saoudiens qui visent des civils yéménites
Par Glenn Greenwald, le 10 octobre 2016 - The Intercept / Les Crises (trad.)

Depuis le début de l’affreuse campagne de bombardement saoudienne contre le Yémen il y a 18 mois, deux pays ont joué un rôle actif et vital rendant possible le carnage : les États-Unis et le Royaume-Uni. Les atrocités commises par les Saoudiens auraient été impossibles sans leur soutien indéfectible et agressif.

L’administration Obama “a vendu pour 115 milliards de dollars d’armes à l’Arabie saoudite au cours de ses huit années à la Maison-Blanche, plus que toute administration antérieure aux E.-U.,” comme le rapporte le Guardian cette semaine, et lui fournit sa meilleure technologie en matière de surveillance. Comme le précisait The Intercept en avril, “au cours de ses cinq premières années comme président, Obama a vendu pour 30 milliards de dollars d’armes de plus que le Président Bush pendant toute la durée de ses huit années à la tête de l’État.”

Plus important encore, selon le ministre des Affaires étrangères saoudien, bien que les Saoudiens aient en dernier recours autorité pour choisir leurs cibles, “des responsables de l’armée britanniques et américains sont au centre de contrôle et de commande pour les attaques aériennes saoudiennes sur le Yémen,” et “ont accès aux listes de cibles.” En somme, alors que la campagne de bombardement est invariablement décrite dans les médias occidentaux comme “menée par les Saoudiens”, les E.-U. et le R.-U. sont tous deux des acteurs centraux et indispensables. Tandis que le New York Times titrait en août : “Les États-Unis sont complices de ce carnage,” le Guardian soutenait que “la Grande-Bretagne porte une lourde responsabilité dans ces souffrances.”

Depuis le début, les Saoudiens, soutenus par les E.-U. comme le R.-U. ont aveuglément et parfois délibérément bombardé des civils, tuant des milliers de personnes innocentes. Depuis le Yémen, Iona Craig et Alex Potter ont documenté en détail pour The Intercept l’étendue des meurtres de civils causés par cette campagne de bombardement. Alors que les Saoudiens continuent de bombarder des civils inconsciemment ou intentionnellement, les armes américaines et britanniques ont continué d’affluer à Riyad, assurant la poursuite des massacres de civils. De temps en temps, quand une tuerie particulièrement horrible a fait son chemin jusqu’aux infos, Obama et divers responsables britanniques émettent une incontournable déclaration exprimant leur “inquiétude”, puis retournent alimenter les attaques.

Ce week-end, alors que l’attention de l’Amérique était presque exclusivement tournée vers Donald Trump, un massacre des plus révoltants a eu lieu. Samedi, des avions de guerre ont attaqué une cérémonie d’enterrement à Sanaa, bombardant de manière répétée la salle où elle avait lieu, tuant plus de 100 personnes et blessant plus de 500 autres (voir la photo ci-dessus). La vidéo ne montre qu’une partie de la destruction et du carnage.

La vidéo montre l’attaque saoudienne en deux passes dans la salle de l’enterrement, à Sanaa, Yémen, aujourd’hui. Des centaines de tués ou blessés. Les Saoudiens nient, pas un mot des États-Unis.

Les responsables saoudiens ont d’abord menti en essayant d’imputer le massacre à “d’autres causes” mais ont fait marche arrière depuis. La prochaine fois que quelqu’un qui s’identifie au monde musulman attaque des citoyens américains ou britanniques, et que les dirigeants politiques de ces pays-là répondent à la question : “pourquoi, oh pourquoi nous détestent-ils ?” en assurant à tout le monde qu'”ils nous détestent pour nos libertés” il serait instructif de regarder cette vidéo.

Le cabinet d’Obama, par l’intermédiaire de son porte-parole Ned Price, a condamné ce qu’il appelle “la dérangeante série d’attaques frappant les civils yéménites” – attaques qu’il avait soutenues à plusieurs reprises mais cela il ne l’a pas fait remarquer – et a averti sans conviction que “la coopération entre les États-Unis et l’Arabie saoudite en matière de sécurité n’était pas un chèque en blanc.” Voilà exactement ce que c’est. Les 18 mois de bombardements soutenus par les E.-U. et le R.-U. ont, comme l’a noté le NYT ce matin, “été en grande partie un échec, tandis que les recensements de civils tués sont devenus monnaie-courante, et que le pays soit au bord de la famine.”

Il était connu depuis le début que la campagne de bombardement saoudienne s’était faite aveuglément et imprudemment, et cependant Obama et le gouvernement du R.-U. ont continué à jouer des rôles de premier plan. Un rapport de l’ONU obtenu en janvier par le Guardian “a découvert des attaques “diffuses et systématiques” sur des cibles civiles en violation du droit humanitaire international” ; le rapport a conclu que “la coalition avait conduit des frappes aériennes ciblant des civils et des biens civils, en violation du droit humanitaire international, incluant des personnes déplacées à l’intérieur du pays et des réfugiés ; des réunions de civils, incluant des mariages ; des véhicules civils, incluant des bus ; des zones résidentielles civiles ; des équipements médicaux ; des écoles ; des mosquées ; des marchés ; des usines, un entrepôt de stockage de nourriture ; et d’autres infrastructures civiles essentielles.”

Mais ce qu’on ignorait, jusqu’à un excellent rapport de l’agence Reuters par Warren Strobel et Jonathan Landay, paru ce matin, c’est qu’Obama était explicitement averti non seulement que les Saoudiens étaient en train de commettre des crimes de guerre, mais que les E.-U. eux-mêmes pouvaient légalement être considérés comme leur complice :

Selon les documents du gouvernement et les comptes-rendus d’anciens et d’actuels responsables, l’administration Obama a conclu la vente d’1,3 milliards de dollars d’armement à l’Arabie saoudite l’année dernière en dépit des avertissements de certains responsables selon lesquels les États-Unis pourraient être impliqués dans des crimes de guerre pour soutien à la campagne aérienne menée par les Saoudiens au Yémen, laquelle a tué des milliers de civils.

En privé, des responsables du département d’État restent sceptiques quant à la capacité de l’armée saoudienne de cibler les rebelles houthis sans provoquer de pertes civiles et sans détruire des bâtiments vitaux pour le Yémen, d’après des e-mails et des enregistrements obtenus par Reuters, et des interviews auprès d’une douzaine de responsables ayant connaissance de ces discussions.

En d’autres termes, on a indiqué explicitement au lauréat du prix Nobel de la paix 2009 qu’il pourrait être un collaborateur de crimes de guerre en armant une campagne qui vise délibérément des civils, et en continuant à fournir des quantités record d’armes pour aider leur poursuite. Rien de tout cela ne devrait surprendre : il serait difficile pour Obama de condamner les frappes « double-tap », comme les Saoudiens viennent de le faire [NdT. : Les “double-tap” strikes consistent à envoyer une première vague de bombardiers sur un objectif, à attendre (10 ou 20 minutes), puis à envoyer une deuxième vague, qui frappe donc les secouristes et les proches des victimes venues sur place. Cf ce rapport]— où les premiers sauveteurs et les personnes pleurant les victimes sont visés — étant donné qu’il a lui-même utilisé cette tactique, communément décrite comme une caractéristique du terrorisme. Pour leur part, les britanniques ont bloqué les enquêtes de l’UE cherchant à déterminer si des crimes de guerre ont été commis au Yémen, alors que des députés clés ont bloqué des rapports prouvant l’utilisation d’armes britanniques dans la perpétration de crimes de guerre et le ciblage délibéré de civils.

Les États-Unis et le Royaume-Uni sont les deux principaux pays qui exploitent cyniquement les droits de l’homme et les lois de la guerre pour leurs intérêts afin d’attaquer leurs adversaires. Ces derniers ainsi que leurs principaux chroniqueurs savent faire de beaux discours bien-pensants et dire comment les autres nations – ces primitifs, ces méchants là-bas – ciblent des civils et commettent des crimes de guerre. Et pourtant ils restent tous deux à se tenir fermement derrière l’un des régimes les plus brutaux et les plus répressifs au monde, l’armant jusqu’aux dents avec la pleine et irréfutable connaissance qu’ils lui permettent de faire des massacres irresponsables qui, dans de nombreux cas, visent délibérément des civils.

Et ces 18 mois d’atrocités ont à peine été mentionnés durant l’élection américaine, en dépit du rôle-clé que la candidate favorite, Hillary Clinton, a joué dans l’armement des Saoudiens, sans parler des millions de dollars que sa fondation familiale a reçus du régime saoudien. (Son opposant, Donald Trump, n’en a pas dit grand-chose, et il a lui-même reçu des millions de contributions de divers oligarques saoudiens.)

Une des raisons pour lesquelles les élites politiques et médiatiques américaines et britanniques rivalisent d’éloquence en condamnant la brutalité des ennemis de leur gouvernement est qu’elles soulignent les finalités tribales et nationalistes : c’est une stratégie visant à affaiblir leurs adversaires tout en renforçant leurs propres gouvernements. Mais le motif au moins aussi important de ces condamnations est de détourner l’attention de leurs propres crimes et massacres de guerre, ceux qu’ils rendent possibles en les soutenant.

Il y a quelques nations sur la planète qui sont crédibles lorsqu’elles condamnent des crimes de guerre et le fait de viser délibérément des civils. Les deux pays qui ont passé près de deux ans à armer l’Arabie saoudite dans ce massacre actuel de civils yéménites n’en font certainement pas partie.


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