lundi 7 novembre 2016

Le phénomène Trump

MAJ de la page : Donald Trump

Le phénomène Trump
Par Jean Bricmont, Le 3 oct. 2016 - RT


Le plus fascinant chez Donald Trump, c'est que, plus on le dénonce, plus on illustre l'échec total de la «deuxième gauche» des Clinton et de Hollande qui n'a plus que le soutien des élites et a perdu celui du peuple, estime l'essayiste Jean Bricmont.

La première chose à dire sur les élections américaines c'est qu'elles sont extrêmement anti-démocratiques. Et je ne parle pas des manipulations qui ont peut-être fait gagner Clinton contre Sanders ou du fait que presque tous les médias sont ligués contre Trump. L'aspect fondamentalement anti-démocratique des élections américaines est qu'une petite partie de l'humanité élit quelqu'un qui a une influence énorme sur le reste du monde, qui prend des décisions qui peuvent nous entraîner dans une guerre généralisée et qui, à tout le moins, peut aggraver les tensions avec la Russie, l'Iran, la Chine, la Syrie, tensions auxquelles, nous Européens, n'avons aucun intérêt.

De ce point de vue là, Trump présente un avantage sur Clinton : il a dit vouloir être président des Etats-Unis et pas du monde, tandis qu'elle déclare que les Etats-Unis doivent «guider le monde».
Trump est décrit comme la dernière incarnation du Mal (après Saddam, Kadhafi, Assad, les Brexiters) : raciste, sexiste, islamophobe, ami des dictateurs etc., bref toute la panoplie de ce qui fait grimper au plafond les défenseurs des droits de l'homme.

Je voudrais proposer un autre point de vue sur Trump : c'est avant tout un capitaliste, presque une caricature du genre d'homme que le capitalisme produit et encourage. Pour lui, tout se réduit à une analyse coût-bénéfice : la défense des pays baltes ? Ca coûte combien, ça rapporte combien ? La défense du Japon ? Ca coûte combien, ça rapporte combien ?

Il est aussi, à sa façon, patriote : bien sûr, pas au point de payer des impôts ni de payer des sous-traitants s'il peut éviter de le faire, mais il se préoccupe sans doute sincèrement de la désindustrialisation des Etats-Unis (ce qui est parfaitement rationnel d'un point de vue capitaliste). Il pense régler ce problème, de nouveau de façon capitaliste : il va faire des deals, avec les Chinois ou les entreprises qui délocalisent.

Comme capitaliste, Trump a réussi : bien sûr, il n'est pas parti de rien, mais il a considérablement agrandi la fortune reçue en héritage. Il l'a fait par toutes sortes de moyens discutables moralement et légalement. Et alors ? Y a-t-il beaucoup de capitalistes qui réussissent et font autrement ?

Ce qui est presque comique, c'est la levée de boucliers de la gauche bien pensante (droits de l'hommiste, féministe, antiraciste) face à ce phénomène. Après tout, cette gauche est pro-capitaliste : elle utilise d'autres mots pour désigner ce système (marché libre, société ouverte, libéralisme) mais elle le considère bien comme étant «l'horizon indépassable de notre temps» (pour reprendre l'expression de Sartre à propos du marxisme). Ses seules critiques visent les préjugés raciaux ou sexistes ou les frontières nationales, et le fait que la concurrence dans le système existant est loin d'être parfaite (ce qui est vrai). Mais que peut-on imaginer de mieux comme rêve capitaliste qu'une concurrence qui serait absolument parfaite ?

Quand on présente à cette gauche bien pensante un produit quasi pur du système qu'elle défend (au moins indirectement), c'est-à-dire quelqu'un de très calculateur, d'assez grossier, qui n'est pas politiquement correct et qui dit ce qu'il pense, ce qui est aussi une attitude assez typique du capitaliste satisfait de son succès, elle pousse des cris d'orfraie.
En effet, pour cette gauche, il faut enrober le discours pro-capitaliste de mots doux, comme par exemple la liberté, les droits de l'homme, l'égalité des chances, alors que le système comme tel produit tout autre chose, dont Trump est un parfait représentant.

Là où le conflit entre Trump d'une part et d’autre part, Clinton et le plus gros de la gauche bien pensante devient intéressant, c'est sur la question de la paix et de la guerre.

Là-dessus, à nouveau, Trump fait ses petits calculs : près de six mille milliards de dollars (si c'est plus parlant, en chiffres : 6 000 000 000 000 de dollars) dépensés dans les guerres au Moyen-Orient. Et pour quel bénéfice ? Pratiquement aucun ! Le pétrole irakien est exploité entre autre par des compagnies chinoises, alors que la Chine n'a pas dépensé un centime dans ces guerres, le chaos en Libye ou en Syrie ne sert à personne et sûrement pas aux compagnies pétrolières (qui cherchent avant tout la stabilité) et tous les capitalistes rationnels meurent d'envie de faire du commerce avec l'Iran et la Russie.

Presque toute la gauche fait une analyse erronée de ces guerres en y voyant la conséquence d'un calcul économique rationnel : ces guerres sont dues à un mélange d'idéologie des droits de l'homme, de volonté de détruire les ennemis d'Israël et d'ambition hégémonique américaine.
Mais cette ambition n'est pas nécessairement rationnelle économiquement parlant ; en effet, elle a un coût. Si on oublie les coûts, tout peut paraître rationnel. Trump, en bon capitaliste, ne les oublie pas, estime que le jeu n'en vaut pas la chandelle et il a mille fois raison. De même, il ne voit pas pourquoi il faudrait se lancer dans un djihad contre la Russie, comme le font les mêmes idéologues qui ont soutenu les guerres au Moyen-Orient. La Russie est un pays capitaliste et quelqu'un comme Trump peut parfaitement faire des deals avec les Russes.

Ce qui est le plus fascinant dans le phénomène Trump, c'est que, plus on le dénonce comme vulgaire, menteur, raciste etc., tout en devant bien admettre que ses soutiens se trouvent dans le peuple, vu qu'il a contre lui tous les médias, tous les intellectuels, Walt Street, le Pentagone, et toute la gauche de Sanders à Chomsky, plus on illustre l'échec total de la gauche «troisième voie» ou «deuxième gauche» (les Clinton, Blair, Zapatero, Schröder, Jospin, Hollande, Renzi) qui n'a plus que le soutien des élites et a totalement perdu celui du peuple.

Elle l'a perdu parce qu'elle est incapable de résoudre les problèmes économiques à cause de son adhésion aveugle au libéralisme économique et parce que sa politique internationale d'interventions tous azimuts n'a fait que produire un chaos gigantesque, à la fois aux Moyen-Orient et ici, à travers la crise des réfugiés. Aggraver les tensions avec la Russie, ou tenter à tout prix de renverser le gouvernement syrien ne feront qu'empirer la situation.

De plus, cette gauche «troisième voie» ne trouve rien de mieux à faire que d'insulter le peuple comme étant composé de «déplorables» (racistes, sexistes etc.), comme dit Clinton, ce qui ne fait que renforcer son échec et l'enfoncer un peu plus.
Aussi «déplorable» qu'il soit, le phénomène Trump n'est que la forme actuelle de la «révolte des masses» face à l'échec des élites occidentales, appuyées par la gauche «troisième voie».

En ce qui nous concerne, nous ; Européens, la question n'est pas de soutenir Trump ou Clinton, étant donné que nous n'avons de toute façon pas voix au chapitre, mais de prendre conscience de notre soumission aux Etats-Unis et de tenter de nous en libérer, ce qui suppose un effort culturel, psychologique et politique de longue haleine.

En ce sens, l'élection de Trump, si par miracle elle avait lieu, pourrait avoir un effet positif, au moins à court terme, par le choc qu'elle provoquerait dans nos élites médiatiques et politiques américanolâtres. Mais c'est à nous de reprendre notre indépendance ; celle-ci ne vient jamais de l'extérieur.

Docteur en sciences et essayiste belge, Jean Bricmont est professeur à l’Université catholique de Louvain. Il est auteur et co-auteur de plusieurs ouvrages dont La république des censeurs, Impostures intellectuelles (avec Alan Sokal).

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Donald Trump n’est pas anti-guerre, il veut juste que l’armée américaine se concentre sur le vol du pétrole
Par Robert Mackey, le 14 septembre 2016 - The Intercept / Les Crises  (trad.)

La tentative de Donald Trump de se présenter comme un candidat anti-guerre repose sur son parfait examen rétrospectif des désastreuses conséquences du changement de régime en Irak et en Libye – campagnes militaires qu’il avait publiquement soutenues lorsqu’elles étaient populaires, et contre lesquelles il s’était retourné une fois celles-ci devenues impopulaires.

Pour mieux comprendre ce que Trump est réellement, comme il l’a souligné durant la campagne des primaires républicaines, “bien plus militariste” encore que George W. Bush, cela aide de noter la fréquence avec laquelle il a présenté son étrange plan pour utiliser l’armée américaine comme gros bras dans un système mondial de racket, avec pour objectif d’extorquer le pétrole des pays que nous détruisons.

Trump a commencé cette approche à un moment crucial, début 2011, lorsqu’il flirtait avec une course à la présidence et que l’administration Obama tentait de décider comment utiliser la puissance américaine en Libye et en Irak.

En février, lorsque le président Obama envisageait l’intervention en Libye pour laquelle sa secrétaire d’État, Hillary Clinton, militait avec force, Trump demanda une action immédiate pour renverser le Colonel Khadafi, dans une déclaration postée sur sa chaîne YouTube.

“Je ne peux pas croire ce que notre pays est en train de faire,” disait Trump le 28 février 2011, deux semaines avant que l’administration Obama n’ait l’autorisation du Conseil de sécurité de “protéger les civils” en Libye. “Khadafi en Libye tue des milliers de gens, personne ne sait à quel point c’est grave, et on reste là, on a des soldats partout au Moyen-Orient, et on ne les envoie pas pour arrêter cet horrible carnage et voilà ce que c’est : c’est un carnage.”

“Après cela, nous allons voir les opposants, qui finissent par fuir le pays,” ajoute Trump, “et nous devrions alors leur dire, Au fait, pour tout votre pétrole, nous voulons un remboursement.”

Un mois plus tard, lorsque Bill O’Reilly le questionnait sur la façon dont il gèrerait la politique étrangère en tant que président, Trump révéla qu’il avait un tout nouveau plan pour l’Irak : les troupes américaines devraient être retirées, mais seulement des zones sans gisements pétroliers.

TRUMP : Je ne l’ai encore jamais dit. C’est une première dans votre émission. Bonne chance avec ça, débrouillez-vous avec. Dans le bon vieux temps, lorsque vous aviez des guerres, vous gagniez, d’accord ? Vous gagniez. Le butin appartient au vainqueur. Donc lorsque nous allons en Irak, que nous avons dépensé jusqu’ici 1,4 milliard de dollars et que des milliers de vies ont été perdues, d’accord ? Et sans mentionner tous ces pauvres gars et filles avec un seul bras, et sans bras et tout le reste, d’accord ?

O’REILLY : Absolument. D’accord.

TRUMP : Et nous allons partir et aussi sûr que vous êtes assis ici, l’Iran va arriver, prendre possession non seulement de l’Irak mais, plus important encore peut-être pour eux, du second plus grand gisement pétrolier du monde, d’accord ? Et je préfère l’ancien système : vous gagnez une guerre, vous restez, et vous gardez le pétrole. Et vous savez, ces gens ne seront alors pas morts en vain. Oubliez l’argent que nous avons dépensé, ils ne seront pas morts en vain. Maintenant, ils ne vont pas venir tant que nous sommes là mais 15 minutes après que nous soyons partis, l’Iran débarquera en Irak…

Vous restez et protégez le pétrole, vous prenez le pétrole et vous prenez tout ce qui est nécessaire pour eux, vous prenez tout ce qui est nécessaire pour nous et nous nous remboursons les 1,5 milliard de dollars ou plus. Nous prenons soin de la Grande-Bretagne, nous prenons soin des autres pays qui nous ont aidés, et nous ne sommes pas si stupides. Vous savez, nous sommes le seul pays et si vous regardez les guerres au fil du temps et j’étudie la guerre, ok ? Toute ma vie est une guerre. Vous regardez les guerres dans le passé. Un pays y va, conquiert et il reste. Nous y allons, nous conquérons, et puis nous partons. Et nous le transférons à des gens que nous ne connaissons même pas… Donc, en résumé, nous y allons, nous prenons le deuxième plus grand champs pétrolier, et nous restons.

Sentant qu’il se pourrait que Trump n’ait pas examiné les implications de sa proposition en termes clairs de coloniser l’Irak en pillant ses ressources naturelles, un O’Reilly incrédule répondait en réprimant un rire : “Donc vous allez prendre le contrôle des champs pétroliers irakiens ?”

“Ne souriez-pas !” répondit Trump, offensé.

“Je dis juste,” dit O’Reilly, “que si vous allez en Irak et prenez possession des champs pétroliers, il y aura d’importants retours de flamme.”

Cinq mois plus tard, après que la campagne aérienne menée par les États-Unis a chassé Kadhafi du pouvoir – et que Trump avait décidé de ne pas affronter Obama aux présidentielles – la star de l’émission “The Apprentice” postait un autre clip sur YouTube se plaignant que l’administration aurait dû attendre plus longtemps avant d’aider les rebelles libyens, pour les forcer à accepter de livrer la moitié des réserves pétrolières du pays.

“Ce que nous aurions dû faire aurait été de demander aux rebelles, lorsqu’ils sont venus vers nous — et ils sont venus vers nous, ils ont été mis en déroute par Kadhafi, ils étaient décimés — nous aurions dû dire : “Nous vous aiderons, mais nous voulons 50% de votre pétrole,” a affirmé Trump. “Ils auraient dit, Et pourquoi pas 75% ?”

Parlant de Matt Lauer [journaliste américain, NdT] la semaine dernière au sujet de ses compétences de commandant en chef, Trump a argumenté que la montée en puissance de l’État islamique aurait pu être évitée si seulement son plan pour conserver les champs pétroliers en Irak sous le contrôle de l’armée américaine avait été mis en place. Il ne s’était pas demandé comment ces militants anti-occident, ou le gouvernement élu irakien, auraient certainement réagi à une occupation militaire de durée illimitée par une force étrangère dans le but de confisquer illégalement les ressources naturelles de leur pays.

* * *

Présidentielle américaine : « Nous allons voir émerger une génération de nouveaux Trumps »
Par Emmanuel Sanseau, le 7 novembre 2016 - Bastamag

Les électeurs états-uniens n’ont d’autre choix qu’entre un milliardaire incontrôlable et une fidèle alliée de Wall Street. Tous deux sont largement impopulaires. Si le succès de Donald Trump auprès des « cols bleus en colère » a fait l’objet de nombreuses enquêtes, la responsabilité des démocrates dans le terrain politique toxique que sont devenus les États-Unis est demeurée relativement peu explorée. Le journaliste et essayiste Thomas Frank a analysé l’attrait grandissant des conservateurs parmi les classes populaires précarisées, et le rejet de ces dernières par les « Nouveaux démocrates », le courant « social-libéral » incarné par Hillary et Bill Clinton. Entretien.

Basta ! : Quel a été le rôle d’Hillary Clinton dans le tournant néolibéral du Parti démocrate, en particulier pendant les mandats de Bill Clinton (1993-2001), avec le désastreux accord de libre-échange nord-américain (Alena), le démantèlement de l’État providence ou la fin de toute régulation bancaire et financière ?

Thomas Frank : [1] Elle a été la plus proche conseillère de Bill. On sait ce qu’elle approuvait à cette époque, mais elle dit avoir changé d’avis depuis. Elle a été sénatrice de New York puis nommée secrétaire d’État, elle a participé aux négociations sur des traités commerciaux et a voté en leur faveur. Donc elle n’a pas une responsabilité aussi grande que Bill, mais elle a eu un poids certain.

Dans Listen liberal, vous insistez sur la passion des démocrates pour les classes moyennes hautement qualifiées et leur rejet, parfois violent, des classes populaires. Pourquoi considèrent-ils les courtiers de Wall Street comme leur électorat naturel plutôt que les travailleurs de Walmart ou d’Amazon ?

Si vous passez du temps avec les démocrates que je décris, c’est très simple. Prenez les gens de Wall Street, les avocats d’affaires ou les cols blancs. Ces gens là sont comme eux. Ils ont les mêmes goûts et partagent la même vision du monde. Pour ces démocrates, les cols bleus de Virginie occidentale [l’un des États les plus pauvres des États-Unis, lire également ce reportage, ndlr] qui travaillent sur des lignes d’assemblage sont très différents. Ils trouvent qu’ils sont grossiers, qu’ils ont de mauvaises manières et des goûts douteux. C’est simple : les démocrates que je décris considèrent les classes supérieures et libérales comme leurs pairs.

Les démocrates n’ont plus rien à dire aux classes populaires, mais ils ont encore besoin de leurs votes…

On parle d’électorat captif pour toutes sortes de groupes au sein des démocrates : ceux qui n’oseraient pas voter républicain. Les organisations syndicales en sont un exemple classique. Elles donnent beaucoup d’argent aux démocrates, dépensent de l’énergie pour eux et ne reçoivent quasiment rien en échange.

Si les classes populaires afro et latino américaines ne désertent pas les démocrates cette année, les travailleurs blancs ont trouvé une terrible issue à cette stratégie en votant pour Trump. Ce qui est vraiment intéressant, c’est que les démocrates leur ont répondu. Ils leur ont dit que, de toute manière, ils ne veulent pas de leurs voix [Hillary Clinton a qualifié les électeurs de Trump de « déplorables », ndlr]. C’est incroyable : des politiciens disent aux électeurs qu’ils ne veulent plus d’eux…

Les électeurs progressistes ont désormais pour ordre de soutenir une candidate impopulaire au nom du « tout sauf Trump ». Dans un récent entretien au New York Times, Hillary Clinton a même déclaré être « le dernier rempart contre l’apocalypse ». Est-ce là une coutume démocrate que de se présenter en parti du « moindre mal » ?

Absolument. Ils comptent largement là-dessus pour la faire élire présidente et nous font le coup très souvent. Voilà comment cela fonctionne dans notre pays : les deux grands partis sont légalement verrouillés, donc on ne peut pas les modifier, et ils gardent une position de monopole. Dans une situation pareille, le « moindre mal » est une stratégie gagnante.

Les dernières révélations de Wikileaks ont jeté une lumière crue sur le « Parti du peuple », notamment en illustrant la fusion d’Hillary Clinton avec les intérêts financiers. A-t-elle achevé le projet des « Nouveaux Démocrates », ce courant favorable au néo-libéralisme ?

Oui, et avec l’aide de Trump. Tous deux se sont battus pour avoir Wall Street. Dans la politique états-unienne, la finance compte parmi les industries disputées par les deux partis. Souvenez-vous de Wall Street et Mitt Romney en 2012. Ils ont aussi soutenu George W. Bush. Mais cette année, ils détestent Trump et donnent tout à Hillary Clinton. Donc oui, c’est une relation qu’elle a consommée. D’un autre côté, Hillary assure qu’elle va faire des choses merveilleuses ! Elle dit qu’elle va s’occuper du système de santé, qu’elle va rendre l’université gratuite pour les plus modestes, augmenter le salaire minimum, renforcer la législation anti-trust…

Barack Obama avait pourtant suscité d’immenses espoirs en 2008. Dans Listen Liberal, vous insistez toutefois sur la régence des « experts » qui a marqué son administration. En quoi cela a-t-il conditionné ses renoncements ?

Les conseillers sortis de l’Ivy League [le groupe des universités les plus prestigieuses du pays, ndlr], c’était une grosse erreur. Parce qu’il n’ont pas d’imagination et qu’ils ont continué à faire les choses comme avant. Ces gens-là ne voulaient certainement pas punir Wall Street, par exemple. Prenez l’Obamacare [la Sécurité sociale états-unienne pour élargir l’accès aux soins, ndlr] : ils avaient le choix entre plusieurs systèmes et ont opté pour celui qui préservait l’industrie pré-existante. On peut attribuer les erreurs d’Obama à l’uniformité sociale de ses conseillers.

Je suis de ceux qui disent qu’Obama aurait pu faire les choses différemment. Ça a l’air d’un constat raisonnable mais, dire cela en ce moment, c’est perçu comme radical… Les démocrates disent tous qu’Obama n’aurait rien pu faire différemment, que les républicains ne l’auraient pas laissé faire et donc qu’on ne peut pas le tenir responsable de ses échecs.

La popularité soudaine de Bernie Sanders, candidat de la gauche du Parti démocrate, a été une surprise tant aux États-Unis qu’en Europe. A-t-il ravivé la gauche ?

Oui, des mouvements au sein du parti avec des démocrates reprendront la stratégie Sanders. J’ai bon espoir, je fais partie de ceux qui ont voté pour lui aux primaires, mais il demeure très difficile de déloger un dirigeant en fonction. Dans les quatre prochaines années, il est peu probable que ces démocrates contestent l’autorité d’Hillary Clinton. Pour ce qui est de l’extérieur du parti, c’est plus compliqué. Je pense que la plupart des organisations de gauche n’oseront pas contrarier Hillary Clinton, ni le Parti démocrate en général.

À en croire les études d’opinion, l’électorat de Donal Trump est constitué principalement d’hommes blancs précarisés – une classe populaire qui fut la base des démocrates. Son électorat se limite-t-il à cette image du « col bleu en colère » ?

Pas entièrement. Il compte aussi beaucoup de républicains traditionnels et de petits chefs d’entreprises parmi ses électeurs. Ce qui est étrange, c’est que ces gens-là sont maintenant alliés aux cols bleus qu’ils avaient pour habitude de détester. Pensez-y un peu : des ouvriers soutiennent un homme qui s’amusait à virer des gens dans une émission télévisée !

Dans Pourquoi les pauvres votent à droite [2], vous montriez comment la guerre culturelle et l’aspiration au retour à l’ordre moral ont permis aux républicains d’attirer les classes populaires délaissées par les démocrates. Pourtant, Trump incarne tout sauf une morale conservatrice...

Entre temps, il y a eu une catastrophe économique. Les habitants des États-Unis ont perdu leurs gagne-pain, ils voient leur mode de vie s’effondrer et cherchent quelqu’un pour les sauver. Les sujets économiques sont revenus dans le débat public. Ce qui est intéressant, c’est que ce sont les mêmes personnes que j’ai décrites dans le Kansas [dans Pourquoi les pauvres votent à droite, ndlr]. Ils soutiennent un homme moralement monstrueux, l’exact opposé des républicains qu’ils respectaient auparavant.

Est-ce seulement le début ?

Tout dépendra des républicains. Jusqu’à cette année, leur parti a été le mieux organisé, le plus discipliné. C’était presque un corps militaire et il s’est complètement effondré quand Trump a vaincu les républicains traditionnels. Ces derniers vont tenter de réaffirmer leur pouvoir au sein du parti, mais je pense que nous allons voir émerger une génération de nouveaux Trumps. Ils auront le même programme et diront les mêmes choses que lui car ils savent que c’est le chemin de la victoire. À ceci près qu’ils sauront qu’on ne se lance pas dans une élection présidentielle en insultant les gens.

Notes
[1] Journaliste et essayiste états-unien. Il a publié Pourquoi les pauvres votent à droite (Ed. Agone) et, plus récemment, Listen, liberal - or what ever happened to the party of the people ? (Metropolitan Books, non traduit).
[2] 2008, éditions Agone.

* * *

Les 28 première mesures promises par Donald Trump
Le 22 octobre 2016 - Breibart / Les Crises (trad.)

Donald Trump a fourni une longue liste de promesses qu’il tiendrait s’il était élu. Lors d’une apparition à Gettysburg, en Pennsylvanie, il jure de les appliquer dans les 100 premiers jours de son mandat.

“Le 8 novembre, les Américains vont voter pour ce plan de 100 jours pour restaurer la prospérité de notre pays, sécuriser nos communautés, et l’honnêteté de notre gouvernement », a dit Trump. “Ceci est mon engagement envers vous et si nous suivons ces étapes, nous allons avoir, une fois de plus, un gouvernement du, par et pour le peuple et surtout nous ferons que l’Amérique retrouve sa grandeur. Croyez-moi.”

Voici la liste des actions politiques, appelée « Contrat avec les électeurs américains”, détaillée par Trump :

1. Proposer un amendement constitutionnel pour imposer une limite de durée à tous les membres du Congrès

2. Instituer un gel à l’embauche de tous les employés fédéraux pour réduire les effectifs fédéraux par attrition (départs en retraite) (sauf pour les militaires, la sécurité publique et la santé publique)

3. Exiger que pour chaque nouvelle régulation fédérale, deux régulations existantes soient éliminées

4. Instituer une interdiction de cinq ans aux fonctionnaires de la Maison Blanche et du Congrès de devenir lobbyistes après avoir quitté le gouvernement

5. Créer une interdiction à vie pour les fonctionnaires de la Maison Blanche leur interdisant de faire du lobbying pour le compte d’un gouvernement étranger.

6. Instaurer une interdiction complète pour empêcher les lobbyistes étrangers de fournir des fonds pour les élections américaines.

7. Annoncer l’intention de renégocier l’ALENA ou de se retirer de cet accord en vertu de l’article 2205.

8. Annoncer le retrait du Traité Trans-Pacifique. (TTP)

9. Demander au Secrétaire du Trésor de classer la Chine dans les pays manipulateurs de devises.

10. Demander au Ministre du Commerce et au Représentant des États-Unis pour le Commerce extérieur d’identifier tous les abus en terme d’échanges commerciaux profitant à l’étranger qui ont un impact injuste sur les travailleurs américains et les obliger à utiliser tous les outils du droit américain et international pour mettre fin à ces abus immédiatement.

11. Lever les restrictions sur les exploitations des réserves énergétiques américaines, productrices d’emplois, d’une valeur de 50 trillion de dollars, y compris le pétrole de schiste, le gaz naturel et le charbon propre.

12. Supprimer les blocages Obama-Clinton et permettre à des projets d’infrastructures énergétiques vitales, comme le pipeline Keystone, d’être lancés.

13. Annuler les versements de plusieurs milliards aux programmes de changement climatique de l’ONU et utiliser cet argent pour réparer les infrastructures environnementales et le réseau d’eau.

14. Annuler toutes les actions non constitutionnelles de l’exécutif, les mémorandums et les ordres du président Obama.

15. Commencer le processus de sélection pour remplacer le juge Scalia de la Cour suprême, à partir de ma liste de 20 juges, qui fera respecter et défendra la Constitution des États-Unis.

16. Annuler tout financement fédéral des villes sanctuaires. [NdT. : villes ne poursuivant pas les clandestins au seul motif de pas disposer pas de papiers]

17. Commencer à retirer plus de 2 millions d’immigrants illégaux criminels du pays et à annuler des visas pour les pays étrangers qui voudront par les récupérer.

18. Suspendre l’immigration en provenance des régions enclines au terrorisme où des enquêtes ne peuvent pas être réalisées en toute sécurité. Toute sélection de personnes venant dans notre pays devra être extrêmement rigoureuse.

19. Travailler avec le Congrès sur une loi de simplification et d’allégement fiscal de la classe moyenne. Ce plan économique visera à faire croître l’économie de 4% par an et à créer au moins 25 millions de nouveaux emplois grâce à la réduction massive des impôts et à des simplifications, en combinaison avec une réforme du commerce, un allégement réglementaire, et la levée des restrictions sur l’énergie américaine. Les plus fortes réductions d’impôt seront pour la classe moyenne. Une famille de la classe moyenne avec 2 enfants obtiendra une réduction d’impôt de 35%. Le nombre actuel de tranches sera réduit de 7 à 3, et les formulaires d’impôt seront également grandement simplifiés. L’impôt sur les sociétés sera abaissé de 35 à 15 %, et les milliers de milliards de dollars des entreprises américaines à l’étranger pourront être rapatriés à un taux de 10 %.

20. Travailler avec le Congrès sur une loi « Fin de l’Offshoring », en établissant des droits de douane pour dissuader les entreprises de licencier leurs travailleurs afin de déménager dans d’autres pays puis d’expédier leurs produits vers les États-Unis sans payer de taxes.

21. Travailler avec le Congrès sur une loi « Énergie et infrastructures américaines ». Elle utilisera des partenariats public-privé et des investissements privés par le biais d’incitations fiscales, pour injecter 1000 milliards de dollars d’investissements dans les infrastructures sur dix ans. Cela ne coutera rien de plus.

22. Travailler avec le Congrès sur une loi « Choix de l’école et Opportunités d’éducation ». Pour rediriger les dollars de l’éducation pour donner aux parents le droit d’envoyer leur enfant à l’école de leur choix : publique, privée, à charte, ZEP, religieuse ou à la maison. Cesser le noyau éducatif commun, déléguer la supervision de l’éducation au niveau local. Elle élargira l’enseignement professionnel et technique, et créera des universités de 2 à 4 ans plus abordables.

23. Travailler avec le Congrès sur une loi « Abrogation et remplacement de la loi Obamacare ». Abroger entièrement l’Obamacare et le remplacer par des comptes d’épargne santé, la possibilité d’acheter une assurance santé dans un autre État, et laisser les États gérer les fonds de Medicaid. Les réformes prévoiront également de réduire la paperasserie de la FDA : il y a plus de 4000 médicaments en attente d’approbation, et nous voulons en particulier accélérer l’approbation des médicaments qui permettent de sauver des vies.

24. Travailler avec le Congrès sur une loi « Garde abordables des personnes agées et des enfants ». Permettre aux Américains de déduire la garde des enfants et des personnes âgées de leurs impôts, inciter les employeurs à fournir des services de garde d’enfants, et créer des comptes d’épargne défiscalisés de soins pour les personnes dépendantes, pour les jeunes et les personnes âgées, avec des subventions pour les familles à faible revenu.

25. Travailler avec le Congrès sur une Loi pour la fin de l’immigration illégale. Financer entièrement la construction d’un mur sur la frontière sud, avec le pleine soutient du Mexique qui remboursera aux États-Unis le coût total de ce mur ; établir une peine plancher obligatoire de 2 ans minimum dans les prisons fédérales pour les expulsés récidivistes, portée à 5 ans minimum pour ceux qui auront en outre été condamnés pour crime, pour plusieurs délits ou qui auront déjà été expulsés deux fois ou plus ; réformer également les règles de visa pour augmenter les sanctions pour dépassement des limites du visa et s’assurer que les emplois soient donnés en priorité aux travailleurs américains.

26. Travailler avec le Congrès sur une loi « Restauration de la sécurité des communautés ». Réduire la flambée de la criminalité, du trafic de drogue et de la violence en créant un groupe de travail sur les crimes violents et en augmentant le financement des programmes qui forment et aident la police locale ; augmenter les financements des organismes d’application de la loi fédérale et des procureurs fédéraux pour démanteler les gangs criminels et mettre les délinquants violents derrière les barreaux.

27. Travailler avec le Congrès sur une loi « Restauration de la sécurité nationale ». Reconstruire notre armée en éliminant le séquestre de la défense et en augmentant notre investissement militaire ; fournir aux anciens combattants la possibilité de bénéficier d’une couverture santé publique ou de choisir le médecin privé de leur choix ; protéger notre infrastructure vitale de cyber-attaques ; établir de nouvelles procédures d’évaluation en matière d’immigration pour assurer que ceux qui sont admis dans notre pays soutiennent notre peuple et nos valeurs.

28. Travailler avec le Congrès sur une loi « Nettoyer la corruption à Washington ». Promulguer de nouvelles réformes éthiques visant à « nettoyer les écuries d’Augias » et à réduire l’influence corruptrice des intérêts particuliers sur notre politique.

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