dimanche 13 novembre 2016

Trump élu, et après ?



Trump sur la politique chaotique de Clinton et Obama au Moyen Orient (2016)


Ron Paul à Trump : « N’écoutez pas les néo-conservateurs »!
Par Adam Dick, le 12 novembre 2016  - Arrêt sur info

Ron Paul, connu pour son action en faveur d’une politique étrangère américaine non-interventionniste, a exposé mardi [8 novembre, ndlr] quelles conséquences l’élection de Trump pourrait avoir dans le domaine de la politique étrangère. Il a développé son analyse dans un entretien approfondi avec l’animateur Peter Lavelle sur RT (Russia Today).

Au début de l’entretien, Ron Paul a déclaré qu’il « croisait les doigts » dans l’attente des décisions de Trump en matière de politique internationale. Il a indiqué qu’il voyait d’un bon œil les déclarations de Trump pendant sa campagne, selon lesquelles il voulait mener une politique « moins hostile à la Russie » et il avait une position critique vis-à-vis des guerres menées par les Etats-Unis au Moyen-Orient.  Il note, toutefois, que Trump est resté généralement « vague » sur ses positions concernant la politique étrangère.
Les personnes qu’il va nommer au niveau de l’exécutif et sur lesquelles il va s’appuyer pour prendre ses décisions seront un bon indicateur de la tournure de son action future.
Ron Paul a rappelé qu’en ce qui concerne les conseillers et les personnes que le président est susceptible de recruter, il y a de quoi s’inquiéter :
« Il y a malheureusement plusieurs néo-conservateurs qui se sont rapprochés de lui et, s’il se fait conseiller par eux, je ne pense pas que cela soit un bon signe. »

Même si Trump souhaite opérer, par rapport à ses prédécesseurs, un tournant significatif dans le sens d’une politique étrangère non interventionniste, il risque, avertit Ron Paul, de se heurter aux obstacles considérables que représentent le « deep state » ( l’Etat à l’intérieur de l’Etat) arcbouté sur une politique étrangère interventionniste et agressive, les groupes d’intérêts particuliers qui  ont de « sinistres motivations pour ces guerres » et la propagande médiatique qui alimente la frénésie guerrière.

[Sur l'Etat profond américain voir les pages : Peter Dale Scott]



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Administration Trump : un ancien de Goldman Sachs au Trésor et un lobbyiste climato-sceptique à l’Environnement ?
Par Olivier Petit-Jean, le 10 novembre 2016 - Bastamag

Ceux qui voyaient en Donald Trump un pourfendeur des « élites » affairistes risquent de déchanter. Le profil des candidats pressentis pour intégrer la nouvelle administration Trump laisse rêveur : un ancien de la puissante banque d’affaires Goldman Sachs au Trésor, un patron de firme pétrolière à l’Energie, un lobbyiste climato-sceptique à l’Environnement ou des représentants de l’agrobusiness à l’Agriculture. Plusieurs secteurs économiques, séduits par les promesses de dérégulation, se réjouissent déjà.

Donald Trump a largement axé sa campagne électorale victorieuse sur un discours de rejet des élites de Washington et de Wall Street. Une stratégie gagnante qui lui a permis d’attirer une grande partie des classes populaires blanches, au détriment des Démocrates. Mais ceux qui ont pris au sérieux sa rhétorique anti-libérale, et sa dénonciation du libre-échange, des délocalisations et des excès de la finance, risquent fort de déchanter. Donald Trump se prépare en effet à nommer une équipe qui accordera une large place aux intérêts économiques. Avec notamment un ancien dirigeant de Goldman Sachs au Trésor et le patron d’une firme pétrolière au secrétariat à l’Énergie.

Une partie des postes ministériels de la future administration Trump sera sans doute réservée aux membres du parti républicain qui se sont rangés derrière lui – comme l’ancien maire de New York Rudy Giuliani ou l’ex-gouverneur du New Jersey Chris Christie. Pour étoffer cette équipe, la consigne est de trouver des personnalités du monde de l’entreprise. Parmi les potentiels candidats : Steven Mnuchin, ancien de Goldman Sachs, patron de la firme d’investissement Dune Capital Management et principal conseiller économique de Trump, est favori pour la position de secrétaire au Trésor. Deux patrons de firmes pétrolières pourraient être nommés à l’Intérieur et à l’Énergie (Forrest Lucas de Lucas Oil et Harold Hamm de Continental Resources respectivement).

Un climato-sceptique à l’Agence fédérale de l’environnement ?

Selon le site Politico, d’autres hommes d’affaires ou ancien dirigeants d’entreprises pourraient hériter des secrétariats d’État au Commerce et au Travail. Sans oublier le poste de secrétaire à l’Agriculture, où plusieurs représentants du secteur de l’agrobusiness sont pressentis. La direction de l’Agence fédérale de l’environnement pourrait, elle, se voir confier à Myron Ebell, dirigeant de lobbys climato-sceptiques.

Durant la campagne électorale, une bonne partie des milieux d’affaires américains s’étaient tenus publiquement à l’écart de Trump, en raison à la fois de ses positions sur le libre-échange et de la révulsion d’une bonne partie de l’opinion publique pour ses discours racistes, sexistes et homophobes. Comme nous l’expliquions dans notre enquête sur les financements des entreprises françaises dans la campagne électorale américaine 2016, cela ne les a pas empêchés de continuer à financer massivement les Républicains, soit directement, soit par le biais de divers associations professionnelles et lobbys.

Certains secteurs comme celui des énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) menacé par les régulations climatiques, de la restauration rapide inquiète des campagnes pour une hausse du salaire minimal, de l’élevage industriel, ou encore des casinos et de l’immobilier, ont soutenu massivement la campagne de Trump. Celui-ci a pu compter sur le soutien de plusieurs milliardaires, ayant fait fortune dans les casinos, le pétrole ou la finance.

Les évadés fiscaux réhabilités ?

Avant même sa victoire, Donald Trump a assemblé une équipe de lobbyistes chevronnés liés à Disney, Koch industries et Goldman Sachs – là encore en contradiction avec la posture qu’il a adoptée durant la campagne – pour préparer son arrivée à la Maison blanche. Selon The Intercept, des réunions ont été organisées avec des représentants de plusieurs secteurs économiques, dont ceux de la finance et de la technologie.

Wall Street et la Silicon Valley, qui ont plutôt misé sur Hillary Clinton, ont-ils du souci à se faire ? Pas forcément, car le candidat Trump, s’il a beaucoup vitupéré contre les rémunérations des traders, a aussi promis de revenir sur la loi Dodd-Frank, adoptée en 2010 pour réguler un peu plus le secteur financier suite à la crise des subprimes. Quant à Apple, Google ou Facebook, ils pourront au moins se consoler avec la promesse du candidat Trump de faciliter le retour aux États-Unis des centaines de milliards de cash qu’ils ont accumulés dans des paradis fiscaux, en réduisant les taxes très élevées que les géants du Net auraient dû payer.

Les marchés financiers rassurés

La nervosité des marchés financiers mondiaux affichés à l’annonce des résultats s’est rapidement apaisée. Le CAC 40 a même fini en hausse de 1,5%, tout comme les autres indices européens et le Dow Jones. De nombreux secteurs économiques, perçus comme les bénéficiaires d’une présidence Trump, ont même connu des hausses spectaculaires. C’est le cas du BTP et du transport en raison du plan d’investissement dans les infrastructures annoncé par Trump après son élection. C’est le cas également des industries minières en raison des promesses de remise en cause des normes environnementales et des besoins pour la construction. Ou encore du pétrole et de l’énergie rassurés par la remise en cause des politiques climatiques nationale et internationale.

Peabody Energy, la principale entreprise charbonnière américaine, a ainsi vu sa valeur boursière bondir de près de 50% en une journée. D’autres industries, comme celles des prisons privées ou des marchands d’armes, pourraient être parmi les principaux bénéficiaires du nouveau monde « trumpien ». Le secteur pharmaceutique sort lui aussi du lot, car il échappe aux mesures de contrôle du prix des médicaments promises par Hillary Clinton. Les principales hausses de la place de Paris ce mercredi 9 novembre – la parapétrolière Vallourec, Alstom, ArcelorMittal, Dassault, Sanofi… – reflètent ces tendances. Le secteur des énergies renouvelables, en revanche, faisait plutôt grise mine.

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La surprenante victoire de Donald Trump
Par Diana Johnstone, le 10 nov. 2016 - RussiaToday

La signification profonde de la présidentielle américaine est le «rejet du projet de globalisation à l’américaine par les Américains eux-mêmes», estime l'écrivain politique Diana Johnstone.

Diana Johnstone est l'auteur de plusieurs ouvrages sur la politique américaine dont notamment Hillary Clinton : La Reine du Chaos et La Croisade des fous : Yougoslavie, première guerre de la mondialisation.

Il faudra encore attendre pour couronner la première femme président des Etats-Unis. Les électeurs n’en voulaient pas. Non pas parce qu’elle est une femme, mais à cause de cette fameuse «expérience» dont elle se vantait. Expérience de mensonges, de corruption, de millions de dollars gagnés en flattant Goldman Sachs, expérience de guerres menant au chaos.

Hillary Clinton s’est construite de façon à être le chouchou du complexe militaro-industriel, de Wall Street, du parti de la guerre. Elle était fière d’être championne des «changements de régime», au Kosovo, en Libye, en Syrie... Ainsi elle a attiré une quantité de dollars sans précédent pour sa campagne, et pour cette Fondation Clinton, un mécanisme de trafic d’influence mondial dont les multiples scandales restent à être exposés et portés devant les tribunaux.

Pour détourner l’attention du public de ses turpitudes, elle a stigmatisé les supporters de Trump comme étant «déplorables», de pitoyables imbéciles motivés seulement par leur «haine», leur racisme, sexisme, homophobie, xénophobie – des fascistes en puissance. Les principaux médias européens ont fait écho à ces thèmes, et ont caché les vrais enjeux de cette élection, sonnant l’alarme contre le péril Trump.

Cette campagne contre «la haine» a attisé certainement la haine. Mais surtout contre la caste située au bas de l’échelle de la société mondialisante : les hommes blancs hétéros de la classe ouvrière. La sale espèce de «populistes».

Les implications de cette élection pour les Européens, recrutés malgré eux dans ce projet dévastateur, sont énormes
C’est comme le Brexit. Pour les hérauts de la mondialisation, la seule raison imaginable de s’y opposer ne peut être que le racisme et la xénophobie. Sinon, on serait heureux de confier son avenir à la gouvernance du capital financier international.

Pourtant, le succès inattendu de Bernie Sanders avait déjà démontré que la gauche américaine ne voulait pas d'Hillary. Sans les manipulations de la machine du parti, les démocrates auraient pu nominer un candidat progressiste qui avait toutes les chances de gagner, en attirant beaucoup de citoyens mécontents qui se sont tournés vers Trump faute de mieux. Le parti démocrate est responsable de sa débâcle.

Il y avait beaucoup de raisons de voter pour Trump. La principale, c’était sans doute les traités commerciaux internationaux qui ont mené à la désindustrialisation, détruisant des millions d'emplois. Les Clinton étaient pour. Contrairement à ce qu’on lit dans les grands journaux, il y a même des intellectuels qui ont voté pour Trump, en espérant éviter la guerre mondiale. Car Trump avait parlé en faveur de relations normales avec la Russie, ce qui lui a valu d’être traité par les Clintoniens d’«agent de Poutine».

La profonde signification de cette élection est le rejet du projet de globalisation à l’américaine par les Américains eux-mêmes.

Les implications pour les Européens, recrutés malgré eux dans ce projet dévastateur, sont énormes.

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Le vote Trump et ses leçons
Par Jacques Sapir, le 10 novembre 2016 - RussEurope

L’élection de Donald Trump est certes spécifique ; elle doit beaucoup à la culture politique américaine. Mais, elle contient des éléments qui sont généralisables dans l’ensemble des pays développés européens, parce qu’ils sont confrontés aux maux de la « mondialisation ». Après des discussions avec des collègues politologues et sociologues américains, dont les travaux seront publiés dans les semaines qui viennent, on peut ainsi résumer ces éléments généralisables.

I. Pertinence des « territoires périphériques ».

On connaît la problématique, exposée dans les travaux de Christophe Guilly[1]. Mais on la retrouve aussi dans les cartes des résultats des votes. En effet, la carte qui a le plus circulé est celle du vote par Etats.


Mais, si l’on regarde la carte des résultats par « comtés » (équivalent des arrondissement), on observe une opposition bien marquée entre les grandes agglomérations « mondialisées » et le reste du pays.


C’est cette opposition qui semble avoir été pertinente dans le basculement vers un vote Trump.

II. Importance du « vote » Sanders dans le résultat final.

Un autre problème est celui du vote des électeurs démocrates qui soutenaient Bernie Sanders jusqu’à la primaire démocrate, et qui ont été rebuté par les magouilles, – il faut bien les appeler par leur nom – d’Hillary Clinton. Des études sont en cours sur des « comtés » où le vote aux primaires démocrates avait été massivement pro-Sanders. Il montre qu’une partie des électeurs potentiels de Bernie Sanders ne sont pas allé voté le 8 novembre (de 25% à 40% selon les endroits) et qu’une autre partie de ces électeurs a préféré voter Trump que Clinton (de 12% à 18% dans les comtés où la popularité de Sanders était la plus forte). Ces études de cas sont cohérentes avec les résultats nationaux qui montrent que 9% des électeurs « démocrates » (ayant voté aux primaires pour un candidat démocrate ou en 2012 pour Barack Obama, ou étant enregistrés comme « démocrates ») ont voté Trump contre seulement 7% des électeurs « républicains » qui ont voté Clinton.

Ces deux éléments permettent de confirmer la plus forte abstention pour l’élection de 2016 mais aussi lui donnent aussi un sens. Cette abstention a été, en partie politique. Ce fut un choix délibéré d’électeurs qui ont pris le risque de voir élire Trump car ils ne pouvaient soutenir la candidate de l’oligarchie.

III. Une redistribution des cartes politiques.

On voit que présenter le vote Trump comme un vote « blanc » et raciste passe largement à côté des réalités. Mais, il y a une conséquence importante, et qui peut être généralisée. Face aux désastres induits par la « mondialisation » une partie de l’électorat populaire réagit au chantage de l’élite « nous ou le chaos » en choisissant le candidat « anti-élite » ou « anti-système », que ce soit de manière passive (par l’abstention) ou que ce soit de manière active (en votant pour lui). Ce phénomène est d’autant plus fort que le candidat « anti-système » s’est abstenu de déclarations susceptibles de rebuter ces électeurs. Là où Trump, dans ses discours locaux, a tenu ses propos les plus outranciers, le phénomène est le plus faible. Là où il s’est concentré sur des attaques contre l’établissement et les banques, le phénomène est le plus important. La cohérence du discours du candidat « anti-système » est donc bien importante pour casser le mécanisme de rejet, mais elle impose aussi que ce discours ne soit pas provocateur.

La réaction de Bernie Sanders à l’élection de Trump est de ce point de vue très intéressante. Dans un message, posté sur le site du Sénat des Etats-Unis[2], il indique :

Wednesday, November 9, 2016

BURLINGTON, Vt., Nov. 9 – U.S. Sen. Bernie Sanders (I-Vt.) issued the following statement Wednesday after Donald Trump was elected president of the United States:

“Donald Trump tapped into the anger of a declining middle class that is sick and tired of establishment economics, establishment politics and the establishment media.  People are tired of working longer hours for lower wages, of seeing decent paying jobs go to China and other low-wage countries, of billionaires not paying any federal income taxes and of not being able to afford a college education for their kids – all while the very rich become much richer.

To the degree that Mr. Trump is serious about pursuing policies that improve the lives of working families in this country, I and other progressives are prepared to work with him. To the degree that he pursues racist, sexist, xenophobic and anti-environment policies, we will vigorously oppose him.

Ce message ne nie pas les importantes différences entre les positions des uns et des autres, mais il explique aussi que « dans la mesure ou M. Trump est sérieux sur ses politiques concernant les familles laborieuses » les progressistes américains sont disposés à travailler avec lui.

[1] Guilly C., La France périphérique : comment on a sacrifié les classes populaires, Paris, Flammarion, 2014

[2] http://www.sanders.senate.gov/newsroom/press-releases/sanders-statement-on-trump

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« L’élection de Trump est liée au creusement sans précédent des inégalités sociales »
10 novembre 2016 / Entretien avec Romain Huret - Reporterre

Romain Huret est historien des États-Unis, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (Ehess). Il s’intéresse particulièrement aux inégalités économiques et sociales dans ce pays.

Donald Trump, le 45e président des États-Unis, prendra ses fonctions en janvier. Il doit son élection à la faillite du Parti démocrate, incapable de répondre au creusement sans précédent des inégalités dans un pays où 43 millions de personnes ont recours à des coupons alimentaires et où 12 millions ont été expulsées de leur logement entre 2008 et 2010.

Reporterre — La victoire de Donald Trump peut-elle être vue comme la faillite de la classe dirigeante ?
Romain Huret — Oui, je pense qu’on peut formuler ça ainsi. Je serais même plus précis et plus dur envers les dirigeants actuels. Cette élection, c’est la faillite du Parti démocrate au pouvoir. Face au creusement sans précédent des inégalités, ils sont restés au stade du diagnostic, ils n’ont pas agi. Je ne vois pas comment on peut dire que le chômage et la pauvreté augmentent, et penser dans le même temps que cette dégradation n’aura aucun effet politique. Les élites dirigeantes ont été aveuglées par le succès de la mondialisation et du libre-échange pour une partie de la population. Or, toute une autre partie des Américains vit cette mondialisation comme un déclassement. C’est cet électorat ouvrier, déqualifié, qui a voté pour Trump.

Cette élection est donc liée aux inégalités sociales et économiques ?

Bien sûr. Je cite souvent une donnée qui est pour moi très significative de ce qui se passe aux États-Unis. Depuis une dizaine d’années, il y a une hausse exponentielle du taux de mortalité parmi les hommes de 45 à 54 ans, blancs et non qualifiés. Les raisons ? Drogue, suicide, maladies cardiovasculaires liées à la malbouffe et au tabac. Cette augmentation est propre aux États-Unis, et… à l’Angleterre. L’élection de Trump, tout comme le Brexit, est à analyser au prisme de cette dégradation des conditions de vie. C’est cet électorat blanc, effrayé, qui a voté pour le candidat républicain. Aux États-Unis, 43 millions de personnes ont recours à des coupons alimentaires, 12 millions ont été expulsées de leur logement entre 2008 et 2010. Or, face à ce phénomène, l’administration Obama n’a pas fait assez. Elle a sous-estimé les problèmes sociaux : éducation, accès aux soins (par exemple, l’Obamacare ne fonctionne que si l’on a un emploi). Il y a clairement une absence de prise de responsabilité des élites.

Pourtant, Donald Trump fait partie de cette élite : c’est un milliardaire !

C’est effectivement le paradoxe de cette élection. Un milliardaire du Parti républicain apparaît comme le champion des laissés-pour-compte. Mais, contrairement à Hillary Clinton, il leur a parlé, il a abordé le thème des sans-diplômes, des coupons alimentaires. Et en dénonçant le libre-échange, il s’est attaqué au cœur du moteur. Même si je ne crois pas un instant qu’il fera grand-chose sur ce sujet dans les mois à venir…
Bernie Sanders portait aussi ce message, il parlait aussi aux laissés-pour-compte. Mais comme vous le savez, il a perdu. Je trouve dommage qu’Hillary n’ait pas repris davantage à son compte les mesures fortes de son programme. Finalement, Trump s’en est sans doute plus inspiré. C’est là aussi une part de cette faillite du Parti démocrate. Certains disent que Sanders aurait pu l’emporter face à Trump. C’est difficile à dire, même s’il est certain que Sanders aurait plus et mieux parlé que Clinton à cet électorat blanc du Midwest.

Trump est un anti-écolo notoire. À quelle politique environnementale cette élection va-t-elle conduire ?

La ligne des conservateurs a toujours été environnementalo-sceptique. Son positionnement est donc assez peu surprenant. Pour Donald Trump, l’environnement n’est pas une priorité. C’est un problème de bobos, de gens qui vivent dans leur loft à New York ou à San Francisco. Il réinterprète à sa sauce la lutte des classes à travers ce prisme : les riches environnementalistes contre les pauvres. À ce propos, Nicolas Sarkozy tient le même discours en France.
Quant à savoir s’il fera quelque chose, comme supprimer l’Agence de l’environnement (EPA) ou se retirer de l’accord de Paris, comme il l’a annoncé, je ne suis pas certain. Il a d’autres priorités, un agenda politique très rempli, et un créneau de quatre ans somme toute réduit. Vu la longueur des débats au Congrès, un président ne peut passer que trois ou quatre grandes réformes par mandat de quatre ans. Même si ce n’est pas son fort, Trump va devoir hiérarchiser, et l’environnement n’est pas important pour lui. Il a d’autres chats à fouetter.

Quelles leçons peut-on en tirer pour la France ?
L’échec de Hillary Clinton vient de son silence sur les questions d’emploi et d’éducation. J’insiste sur ce point, qui me paraît primordial. Dans des sociétés post-industrielles, où la réussite dépend du niveau d’éducation, les gens qui conjuguent absence d’emploi et de diplôme ont un sentiment de déclassement très fort… pourtant, ils n’obtiennent aucune réponse concrète de la part de leurs gouvernements. Ceci est vrai pour les États-Unis, mais aussi pour la France. Après le Brexit, après Trump, il serait temps que nos dirigeants réagissent. Il nous faut une prise de conscience collective pour éviter un désastre électoral similaire.

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 Lire aussi (liens externes) :
Trump, l’arbre qui cache la forêt (ou, plutôt, qui cache la déforestation), le 12 novembre 2016, Le Partage
Trump président. Comment Alt-Market l’avait prédit il y a cinq mois, par Brandon Smith, le 9 novembre 2016 - Alt-Market / Le Saker francophone (trad.)
Donald Trump, la fin des illusions ?par Matthieu Buge, le 10 novembre 2016, RT 

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