samedi 4 novembre 2017

Balfour, cent ans après : la réalité qui continue de couvrir Israël de honte



Lord Rothschild explique comment sa famille a participer à la création d'Israël  (2017)


Foreign Office – 2 novembre 1917
Cher Lord Rothschild,
J’ai le plaisir de vous adresser, au nom du gouvernement de Sa Majesté, la déclaration ci-dessous de sympathie à l’adresse des aspirations sionistes, déclaration soumise au cabinet et approuvée par lui.
« Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civiques et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont les Juifs jouissent dans tout autre pays. »
Je vous serais reconnaissant de bien vouloir porter cette déclaration à la connaissance de la Fédération sioniste.
Arthur James Balfour

Commentaire :
“Une nation a offert à une autre nation le territoire d’une troisième Arthur Koestler


Balfour, cent ans après : la réalité qui continue de couvrir Israël de honte
Par Peter Oborne, 02 novembre 2017 - Arrêt sur info (trad.)

Peter Oborne a été élu meilleur journaliste indépendant de l’année 2016 à l’occasion des Online Media Awards. Il a également été élu Chroniqueur britannique de l’année en 2013. Il a démissionné de son poste de chroniqueur politique du quotidien The Daily Telegraph en 2015. Il a publié de nombreux livres dont Le triomphe de la classe politique anglaise, The Rise of Political Lying et Why the West is Wrong about Nuclear Iran.

Photo prise en octobre 2017 : la route du haut est réservée aux véhicules israéliens, le tunnel aux Palestiniens (MEE)

Un siècle après la Déclaration Balfour, le traitement réservé aux Palestiniens n’est pas seulement physiquement dégradant pour eux. Il est également moralement dégradant pour les Israéliens.
Par Peter Oborne, le 29 Octobre 2017

CISJORDANIE OCCUPÉE – Il y a exactement cent ans aujourd’hui, le ministre britannique des Affaires étrangères Arthur Balfour écrivait sa célèbre lettre [#] à Walter Rothschild, dans laquelle il promettait l’aide de la Grande-Bretagne pour créer un « foyer national pour le peuple juif » en Palestine.
L’actuelle Première ministre, Theresa May, soutient que la Déclaration Balfour a été « l’une des lettres les plus importantes de l’histoire ». Elle a entraîné en à peine trois décennies la création de l’État d’Israël. Il n’est donc pas étonnant que Benyamin Netanyahou se soit envolé pour Londres afin de célébrer l’anniversaire de cette lettre.
Il est compréhensible que les dirigeants palestiniens n’aient pas été conviés. En fait, ils n’ont même pas été consultés.
Cette décision est injuste. La Déclaration Balfour n’a pas seulement promis d’offrir une patrie aux juifs. Elle a également promis que « rien ne serait fait qui puisse porter atteinte aux droits civiques et religieux des communautés non juives existantes en Palestine ».
Cette promesse a-t-elle été tenue ?
Je me suis rendu en Israël et en Cisjordanie pour le découvrir. Le traitement réservé aux Palestiniens dont j’ai été témoin n’est pas seulement physiquement dégradant pour eux. Il est également moralement dégradant pour les Israéliens.

Hébron : une ville fermée pour les Palestiniens

Je suis d’abord allé dans la ville cisjordanienne d’Hébron, à environ une heure de route au sud de Jérusalem. Lorsque j’ai tapé « Hébron » sur Waze (l’équivalent local de Google Maps), un message d’avertissement est apparu : « Cette destination est une zone à haut risque ou interdite par la loi aux Israéliens. »
Les colons israéliens y occupent cependant un secteur résidentiel situé au-dessus du marché historique, où ils sont protégés par l’armée israélienne.
Ces soldats – au moins un par colon, dirais-je –, restent les bras croisés pendant que les colons harcèlent, persécutent et agressent la population locale.
Des Palestiniens ont affirmé que rien que ce matin-là, un colon masqué avait attaqué deux enfants âgés de 10 et 11 ans dans les rues. On m’a dit que les soldats n’avaient pas tenté d’intervenir.
Ces incidents sont courants, ont expliqué les habitants. En octobre 2015, Dania Ersheid, une étudiante originaire d’Hébron, a été abattue à un poste de contrôle. Elle avait 17 ans.

Selon Breaking the Silence – une ONG qui publie des témoignages de vétérans de l’armée israélienne ayant servi en Palestine occupée –, les liens personnels étroits entre les colons et l’armée, outre le fait qu’en tant que citoyens israéliens, les colons sont légalement responsables non pas devant l’armée mais devant la police, signifient que les soldats ne font souvent rien pour protéger les Palestiniens de la violence des colons.
L’armée israélienne a créé une ville fantôme dans certaines parties de la vieille ville d’Hébron. En juillet, le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO a accordé à ces zones le statut de site classé, suscitant l’ire d’Israël.
Les marchés historiques sont en grande partie fermés pour des « raisons de sécurité ». Plus de 1 000 maisons ont été condamnées et plus de 1 300 magasins ont été fermés.
J’ai traversé cette zone de désolation. Des slogans tels que « Hevron Yehudit » – « Hébron est juive » – ont été gribouillés sur les murs. L’étoile de David a été taguée sur les portes de nombreuses boutiques. Les noms de rues palestiniens ont été hébraïsés.

J’ai rejoint la mosquée al-Ibrahimi, connue des juifs sous le nom de tombeau des Patriarches, car Abraham, Isaac, Sarah, Jacob et Léa y seraient enterrés.
Abdul Rahim Bisharat, un chef bédouin qui vit à al-Hadidiya, un campement isolé surplombant la vallée du Jourdain, interviewé par Peter Oborne
C’est l’un des sites religieux les plus importants au monde. Il souligne ce que les juifs, les musulmans et les chrétiens ont en commun. Nous vénérons tous (je suis chrétien) le Dieu d’Abraham.
Si les magnifiques enseignements de ces trois grandes religions ont un sens, alors nous devrions tous nous réunir sur ce site.
Mais à l’extérieur, dans la rue, il y a une ligne invisible que les Palestiniens ne peuvent franchir. Une femme palestinienne s’est aventurée trop loin. Un soldat lui a demandé : « Êtes-vous musulmane ? »

Inégaux dans la mort comme dans la vie

À l’intérieur, le site est divisé, comme c’est souvent le cas en Israël et en Palestine occupée. Un tiers est réservé aux musulmans et deux tiers sont réservés aux juifs.
La séparation a été effectuée après 1994, date à laquelle Baruch Goldstein, un colon israélien ayant émigré depuis les États-Unis, est entré avec une mitrailleuse et a abattu de sang-froid 29 fidèles musulmans. D’autres ont été tués à l’extérieur de l’hôpital par l’armée israélienne au cours de protestations.
Non loin de là se trouve un petit musée. Je suis entré. Il était vide et sans visiteurs. J’ai demandé s’il y avait quelqu’un.
Une dame est sortie d’une arrière-salle et m’a fait visiter les lieux. La première salle était consacrée à la présence juive historique à Hébron. La deuxième se concentrait sur le massacre de juifs perpétré par des Arabes en 1929, dans le cadre de tensions à plus grande échelle sur l’accès au Mur des Lamentations à Jérusalem. Elle contenait des photographies d’époque horrifiantes et saisissantes et des témoignages de cette atrocité, au cours de laquelle 69 juifs furent tués.
Ce musée m’a aidé à comprendre la certitude morale et religieuse absolue des colons selon laquelle Hébron leur appartient. Pour eux, les usurpateurs sont les Arabes et non les juifs.
En partant, j’ai confié à ma guide à quel point j’avais été ému par le témoignage de l’atrocité de 1929. Puis je lui ai demandé pourquoi son musée ne rendait pas également compte du massacre d’Arabes commis par Goldstein en 1994.
Elle a répondu que cela n’était pas comparable puisque le massacre de juifs en 1929 était un acte systématique, alors que Goldstein était un individu dérangé qui avait agi de son propre chef.

Je me suis ensuite rendu dans la colonie voisine de Kiryat Arba, où Baruch Goldstein est enterré. Un garde m’a fait signe de la tête lorsque j’ai passé la porte d’entrée.
Les autorités israéliennes ont détruit un sanctuaire et un site de prière qui avaient été construits en hommage à Goldstein, après l’adoption par la Knesset d’une loi interdisant les monuments dédiés aux terroristes. La tombe et la plaque comportant la gravure sont cependant restées.
J’ai trouvé la tombe derrière une rangée de boutiques dans un parc public. Une partie de l’inscription en hébreu indiquait : « Au saint Baruch Goldstein, qui donna sa vie pour le peuple juif, la Torah et la nation d’Israël. » Près de la tombe, un récipient en verre contenait deux bougies et des allumettes éteintes. Des personnes endeuillées avaient également posé individuellement de nombreuses petites pierres, comme le veut la tradition de deuil juive.
Je suis retourné vers les magasins et j’ai essayé de discuter avec des colons. La plupart travaillaient dans l’armée ou la police. Ils ont poliment refusé de répondre à mes questions.
J’ai trouvé une femme qui a affirmé avoir connu Goldstein. « C’était mon médecin, m’a-t-elle expliqué. C’était un homme merveilleux. C’était une personne incroyable qui prenait soin des Arabes comme des juifs. »
Elle a expliqué qu’elle avait quitté les États-Unis pour Kiryat Arba pendant son enfance et qu’elle était « contre la violence des deux côtés ». Quant à Goldstein, selon elle, « il y a quelque chose qui l’a poussé. Il y avait beaucoup de violence des deux côtés à l’époque. »
La femme a néanmoins insisté sur le fait que la tombe de Goldstein à Kiryat Arba n’avait rien de « symbolique ». Il a été enterré dans la colonie parce qu’il ne pouvait pas être enterré dans la ville voisine d’Hébron, a-t-elle expliqué.
Il n’est pas difficile d’imaginer comment les Israéliens réagiraient si un Palestinien qui aurait abattu de sang-froid 29 juifs se voyait accorder un lieu de repos si important
Il n’est pas difficile d’imaginer comment les Israéliens réagiraient si un Palestinien qui aurait abattu de sang-froid 29 juifs se voyait accorder un lieu de repos si important dans une ville ou un village de Cisjordanie.
Gardez à l’esprit que de nombreux Palestiniens tués au cours d’attaques contre des Israéliens sont enterrés dans des cimetières secrets, avec des tombes sans nom (mais numérotées). Cela signifie que les familles des défunts ne peuvent pas leur rendre visite.
Mais Goldstein, terroriste religieux et meurtrier de masse, repose en paix et sous les honneurs dans la colonie israélienne où il a vécu. Ce n’est là qu’un exemple du système double qui règne en Cisjordanie occupée par Israël.
Les Palestiniens sont soumis au droit militaire. Les colons sont des citoyens israéliens qui bénéficient de toutes les protections du droit civil.

Des écoles, des habitations et des espoirs détruits

Lorsque j’ai visité Israël il y a dix ans avec le lobby des Conservative Friends of Israel, mes guides ont dépeint les colons comme des hommes et des femmes sauvages qui agissent indépendamment du gouvernement dans leur quête de réaliser une vision religieuse spéciale.
Je dois reconnaître qu’avant mon voyage de la semaine dernière, je n’avais absolument pas saisi à quel point les colons étaient devenus une partie intégrante de l’appareil fondamental de l’État israélien.
Les investissements en matière d’infrastructures, de routes, de services et de sécurité en faveur des colons sont colossaux. En parallèle, les infrastructures de base et la sécurité rudimentaire sont refusées aux Palestiniens ou, comme le définit la Déclaration Balfour, aux « communautés non juives existantes en Palestine ».
En Cisjordanie, ces « communautés non juives » sont vulnérables aux arrestations et aux détentions arbitraires. Leurs maisons sont démolies sans avertissement préalable. Ils vivent une vie kafkaïenne, à la merci des caprices d’autorités inaccessibles et largement hostiles, ne bénéficiant d’aucun des droits liés à la citoyenneté.

Les check-points rendent même les petits trajets laborieux, imprévisibles et souvent impossibles. Les Palestiniens consacrent leur vie à s’accrocher à leur terre pendant que les colons essayent désespérément de la leur prendre.
Nous avons rencontré Abdul Rahim Bisharat, un chef bédouin qui vit à al-Hadidiya, un campement isolé à flanc de colline surplombant la vallée du Jourdain.
Âgé de 67 ans, Bisharat m’a raconté que l’armée israélienne avait confisqué son bétail, abattu ses animaux depuis des jeeps et même des hélicoptères et rasé sa maison à plusieurs reprises avec des bulldozers. À une époque, ils ont attaqué ses tentes 32 fois en seulement 16 jours, a-t-il indiqué.
La fille de Bisharat, Somood, âgée de 10 ans, nous a servi du thé. Son prénom signifie « ténacité » en arabe : elle est née pendant que des bulldozers israéliens démolissaient le camp.
L’éducation de Somood est problématique. Son père m’a raconté qu’il avait construit une école mais que celle-ci avait été détruite par l’armée israélienne. Il a essayé de construire un jardin d’enfants, qui a également été détruit.
En désespoir de cause, les Bédouins ont décidé d’envoyer leurs enfants dans une école située à plusieurs kilomètres de là. Pour cela, il fallait rénover le sentier reliant le camp à la route principale. Mais lorsqu’ils l’ont fait, les Israéliens ont démoli leur travail.
Les Israéliens semblent vouloir détruire le mode de vie bédouin. Cela implique de les chasser de leurs terres, de détruire leurs maisons et leur bétail, mais aussi de leur refuser l’accès à l’eau.
Traditionnellement, le Jourdain a été leur principale source d’eau, mais les Bédouins n’ont pas le droit d’y accéder dans la mesure où le fleuve est une zone militaire.
Les Bédouins puisent leur eau dans des ruisseaux. Toutefois, les Israéliens creusent des puits artésiens profonds pour accéder aux eaux souterraines, ce qui fait que les ruisseaux se sont en grande partie asséchés. Désormais, ils doivent acheter leur eau aux Israéliens qui la leur ont prise.
Le cheikh a expliqué qu’au début de l’occupation de la Cisjordanie, en 1967, son camp comptait environ 300 familles, soit 2 000 personnes. Aujourd’hui, il ne reste plus que 16 familles, ce qui équivaut à une centaine de personnes à peine.
« Certains ont vendu leurs moutons et sont partis travailler dans les colonies, m’a-t-il expliqué. Les autres sont sans emploi. Nous sommes tout le temps chassés et expulsés d’une zone ou d’une autre. »

Comment le gouvernement britannique fait encore écho à Balfour

Les Israéliens veulent déplacer les Bédouins vers ce qui est fréquemment désigné comme des townships et mettre fin à leur mode de vie nomade historique.
Il y a ici un profond paradoxe. Les Israéliens imposent leur propre système juridique arbitraire en Cisjordanie, alors que l’occupation israélienne est elle-même illégale en vertu du droit international.
Les Britanniques traitaient à l’époque les Palestiniens comme un non-peuple et continuent aujourd’hui de les traiter comme un non-peuple
Certes, les juifs ont obtenu la patrie nationale promise il y a un siècle par les Britanniques. Je partage entièrement l’opinion britannique répandue selon laquelle aucun autre peuple n’a autant souffert que les juifs sous le joug de divers persécuteurs tout au long de leur histoire extraordinaire.
C’est pourquoi j’ai toujours soutenu l’existence d’un État israélien.
Toutefois, l’exclusion des Palestiniens des célébrations par Theresa May reflète avec une précision étonnante l’exclusion des Palestiniens de la déclaration Balfour il y a cent ans.
Les Britanniques traitaient à l’époque les Palestiniens comme un non-peuple et continuent aujourd’hui de les traiter comme un non-peuple. À mes yeux, cette négligence méprisante est peut-être encore plus dommageable pour les Israéliens que pour les Palestiniens eux-mêmes, dans la mesure où il s’agit d’une trahison particulièrement flagrante de la vision idéaliste et humaniste qui a abouti à la naissance d’Israël.

Peter Oborne | 29 Octobre 2017 | MEE

* * *

Les regrets d'un descendant de l'auteur de la Déclaration Balfour
le 01/11/2017 - Le Point

 Les regrets d'un descendant de l'auteur de la Déclaration BalfourLes regrets d'un descendant de l'auteur de la Déclaration Balfour © Tolga Akmen/AFP / Handout GPO/AFP/Archives
Un siècle après la publication de la Déclaration Balfour du Britannique Arthur Balfour, qui avait ouvert la voie à la création de l'Etat d'Israël, son descendant regrette une mise en oeuvre "déséquilibrée" du texte au détriment des Palestiniens.
Dans cette lettre publiée le 2 novembre 1917, Lord Balfour, alors ministre des Affaires étrangères, appelait à "la création en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif".
Le texte, adressé à Lionel Rothschild, un éminent sioniste britannique, demandait également à ce que "rien" ne soit "fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des communautés non juives en Palestine, ou aux droits et au statut politique dont les juifs jouissent dans tout autre pays".
Cette initiative de Londres avait été une étape importante dans le processus qui allait conduire en 1948 à la proclamation de l'indépendance de l'Etat d'Israël - mais aussi au déplacement de millions de Palestiniens et à des décennies de conflits.


Photo obtenue auprès du Bureau de presse du gouvernement israélien le 24 octobre 2017, montrant l'ancien ministre britannique des Affaires étrangères Arthur Balfour (centre), l'ancien général britannique Edmund Allenby (gauche) et le Haut commissaire britannique pour la Palestine Herbert Samuel en 1925 à Jérusalem © Handout GPO/AFP

"Je suis sûr qu'Arthur aurait dit : +C'est inacceptable+", dit à l'AFP Roderick Balfour, banquier de 68 ans et arrière petit-neveu de Lord Balfour, lors d'un entretien dans son appartement londonien avant le centenaire, jeudi, de la Déclaration.
Les conditions dans lesquelles vivent de nombreux Palestiniens sont tout simplement "abjectes", insiste-t-il, en estimant qu'"il est probablement temps" qu'Israël "fasse le point et aide" ceux qui souffrent.
Roderick Balfour pointe également du doigt la responsabilité de mouvements comme le Hamas ou le Hezbollah dans la poursuite du conflit.
"On a le sentiment que certains dirigeants (de ces groupes) ne veulent pas voir la Palestine s'enrichir (...) parce que les gens se sentiraient mieux, et pourraient donc devenir moins agressifs" à l'égard d'Israël, avance-t-il.

'Boucs émissaires'

Jeudi soir, il participera, aux côtés de Lord Jacob Rothschild - un descendant du destinataire de la lettre de 1917 - à un dîner à la Lancaster House de Londres organisé pour le centenaire du document, en présence du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et de son homologue britannique Theresa May.
Roderick Balfour dispose toujours d'une copie de la lettre, installée sur la cheminée de son appartement. Son arrière-grand-oncle, dit-il, serait probablement "stupéfait" de voir comment Israël s'est développé depuis sa fondation.
"Il y a de quoi être fier, souligne-t-il. Mais, de toute évidence, la communauté internationale a aussi beaucoup à faire pour que cela ne reste pas une plaie ouverte de la politique internationale".
Roderick Balfour confie n'avoir pris que progressivement conscience de l'importance du texte au cours de sa vie. "Dans la famille, personne ne se disait +Souvenons-nous de la Déclaration Balfour", explique-t-il.
Il a fallu qu'un chauffeur de taxi juif à Londres se mette à chanter en son honneur après avoir découvert son nom pour qu'il s'en rende compte.
Mais son nom n'est pas toujours un passeport. Invité dans les années 1990 en Israël par le président Ezer Weizman, il avait subi un interrogatoire en règle de l'immigration en quittant le pays. Après avoir présenté son invitation présidentielle, il se souvient qu'un agent lui avait demandé: "D'accord, mais qu'avez-vous fait pendant les autres 48 heures ?".
Il y a aussi ces commentaires désobligeants dans les rendez-vous mondains, lorsque sa famille se voit reprocher d'être à l'origine de tous les maux du Proche-Orient.
"Dans ces cas-là, je réponds que c'est un peu sévère, sachant que c'était le gouvernement britannique" qui était à l'origine de la déclaration, dit-il. "Mais les gens aiment les boucs émissaires".

* * *

Déclaration Balfour, la violence du texte
Par Bruno Guigue, le 1 novembre 2017 - Agoravox

La lecture occasionnelle du Figaro permet parfois de dénicher quelques perles ! Je cite : “La Déclaration Balfour est l'un des documents diplomatiques les plus importants de l'histoire du Moyen-Orient au XXe siècle : la promesse d'un foyer national juif en Palestine ; le sionisme politique obtient une garantie juridique internationale” (Véronique Laroche-Signorile, 31/10). Voilà qui est fort, très fort même. Faire passer la Déclaration Balfour pour une “garantie juridique internationale” relève carrément de l’exploit conceptuel.

Signée le 2 novembre 1917, cette déclaration était une lettre du ministre des affaires étrangères britannique, Lord Balfour, au dirigeant sioniste Lord Rothschild. Que dit-elle ? “Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un foyer national pour le peuple juif, et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte ni aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine, ni aux droits et au statut politique dont jouissent les Juifs dans tout autre pays.”

Pour Londres, ce texte poursuivait un double objectif. La Première Guerre mondiale battait son plein, et il s’agissait de rallier à l’Entente l'opinion juive mondiale. En déposant ce présent aux pieds du mouvement sioniste, on comptait obtenir le soutien enthousiaste des juifs américains. Mais ce n’est pas tout. Parrainé par l’Empire britannique, le foyer national juif devait en devenir le bastion avancé au cœur du Moyen-Orient. La Déclaration Balfour, en réalité, est un acte unilatéral qui relève de la politique impériale britannique.

C’est pourquoi ce texte n’offrait aucune “garantie juridique internationale” à qui que ce soit. Mal nommer les choses interdit de les comprendre, et en fait ce fut exactement l’inverse. Nouant l’alliance entre l’Empire et un mouvement nationaliste européen pétri d’ambition coloniale, la lettre de Balfour est précisément la négation de toute garantie légale internationale. Elle acte la dépossession des propriétaires légitimes d’une terre qui est offerte à la prédation sioniste en violation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La Déclaration Balfour, c’est le viol colonial de la Palestine arabe, et rien d’autre.

Comme le dit l’écrivain sioniste Arthur Koestler, “une nation a offert à une autre nation le territoire d’une troisième”. Le foyer national juif s’est épanoui grâce à cette forfaiture, la violence de la conquête sioniste se trouvant sanctifiée au nom d’une “œuvre civilisatrice” dont l’occupant britannique (1922-1947) osa se prévaloir sans vergogne. Ce qui est au cœur de la Déclaration Balfour, c’est le colonialisme européen dans son affligeante banalité. Elle distingue en effet deux populations qui ne sont pas logées à la même enseigne. La première se voit reconnaître des droits politiques, tandis que la seconde (90% des habitants) est balayée d’un trait de plume. La première est un sujet, la seconde un simple objet.

Certes on reconnaît aux “collectivités non juives” des “droits civils et religieux”. Mais cette reconnaissance se fait en creux, par défaut. Pour les définir, on emploie la négation. Ce sont des “populations non juives”, et non des populations arabes. Le texte les prive de toute existence positive, il les traite comme des surnuméraires qu’on exclut du bénéfice de l’autodétermination. Car les “droit civils et religieux” ne sont pas des “droits politiques”, mais des droits relatifs au statut personnel et à l’exercice du culte. Que les Arabes conservent leurs coutumes, du moment qu’ils n’entravent pas la marche du peuple juif vers la souveraineté !

Contre les Palestiniens, la Déclaration Balfour a exercé une violence symbolique de longue portée. Elle scella l’alliance entre un mouvement nationaliste qui voulait “une Palestine aussi juive que l’Angleterre est anglaise” (Haïm Weizmann) et un Empire hégémonique qui entendait le rester. L’Empire a fondu, mais le sionisme s’est imposé par la force. En les privant de droits politiques, Balfour a transformé les autochtones en résidents de seconde zone, il en a fait des étrangers dans leur propre pays. La violence du texte colonial n’a cessé d’exercer ses méfaits depuis un siècle, culminant en une tentative d’oblitération que seule la résistance du peuple palestinien a pu mettre en échec.

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