Pour éviter de s'engager dans une recherche de la "réalité en soi", qui, par un effet des présupposés de notre recherche même, recule toujours, il faut admettre : que l'apparence n'est pas un rideau, que la sensation n'est pas un intermédiaire (c'est-à-dire que la notion psychologique et physiologique de sensation ne doit pas être transposée au plan métaphysique), que l'intelligence n'est pas séparée de ce qu'elle saisit - ou par la nature des organes sensoriels ou par sa propre nature -, enfin que l'être et le paraître ne se distingue pas. Le pyrrhonisme est une philosophie de l'apparence, mais de l'apparence qui ne fait qu’apparaître, qui est donc en même temps la chose elle-même, c'est-à-dire de l'apparence pure ou absolue. Or, cela ne se peut que si l'apparence, sans intermédiaire, est là en elle-même. L'apparence s'autodévoile. Le corps, donc, n’offre aucun opacité; les canaux sensoriels sont de libres ouvertures, de sorte qu'en étant au-dedans on est aussi au-dehors; l'intelligence est aussi bien sensorialité : il n'y a que la pensée comme pure disponibilité à l'apparence dans l'Ouvert. Nous avons vu plus haut que l'apparence (pyrrhonienne) n'est pas apparence pour un sujet. L'apparence n’apparaît qu'à elle-même. La notion de "pensée" n'est donc pas introduite, par rapport à l'apparence, de l'extérieur, et par le philosophe, puisqu'elle signifie l'autodévoilement de l'apparence.
Extrait de : Marcel Conche, Pyrrhon ou l'apparence, Ed. PUF, 1994.
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"S'il faut lire un livre de philosophie dans sa vie, que ce soit le Pyrrhon ou l'apparence, de Marcel Conche". Patrick Carré
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