Angèle de Foligno (née en 1248 à Foligno, près d'Assise en Ombrie - morte en 1309) était une religieuse franciscaine italienne du XIIIe siècle, qui fut l'une des premières grandes mystiques reconnues par l'Église catholique romaine.
Les parents d'Angèle étaient aisés, probablement nobles. Elle s'était mariée très jeune, à vingt ans, et avait eu plusieurs fils. Elle mena pendant des années une vie insouciante, consacrée aux plaisirs. Elle décida un jour de se confesser, mais elle avait commis tellement de péchés qu'elle n'osa tout avouer au prêtre. Elle alla ensuite communier, tout en sachant que cette communion était sacrilège, puisqu'elle n'avait pas expié tous ses péchés.
C'est alors qu'elle eut une vision de François d'Assise, mort une vingtaine d'années avant sa naissance. Elle entra alors résolument dans la voie de la pénitence et n'eut plus qu'un désir : en réponse d'amour, accorder sa vie à celle du Christ. À la suite de cette vision, elle passa de longues journées en prière, multiplia les mortifications et donna son argent aux pauvres. Tout le monde, parmi les siens, la crut folle. Puis elle perdit coup sur coup sa mère, son mari et ses enfants. En 1288, tous les membres de sa famille proche étaient morts. C'est alors qu'elle se convertit totalement et prit brusquement conscience qu'elle avait trop longtemps négligé Dieu et les sacrements. En 1291, elle fut admise dans le Tiers Ordre de saint François. Elle se plongea alors encore plus profondément dans la prière, vit à plusieurs reprises le Christ lui apparaître, dans des crises de mysticisme qui effraient son entourage. Elle bénéficia de nombreuses visions de la Passion du Christ, visions de plus en plus réalistes. Peu à peu, elle s’apaisa et connut une vieillesse plus sereine. Elle mourut en 1309.
Source (et suite) du texte : wikipedia
Bibliographie :
- Le Livre des Visions et Instructions, trad. Ernest Hello, Ed. A. Tralin, 1910.
- Le Livre des Visions et Instructions, Ed. Seuil, Points Sagesse, 1991
Anonyme, Le Livre d'Angèle de Foligno, trad. Jean-François Godet, Éditions Jérome Millon, 1995.
En ligne :
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LA GRANDE TÉNÈBRE
Un jour mon âme fut ravie et je vis Dieu dans une clarté supérieure à toute clarté connue, et dans une plénitude supérieure à toute plénitude. Au lieu où j’étais, je cherchai l’amour, et ne le trouvai plus. Je perdis même Celui que j’avais traîné jusqu’à ce moment, et je fus faite le non-amour.
Alors je vis Dieu dans une ténèbre, et nécessairement dans une ténèbre, parce qu’il est situé trop haut au-dessus de l’esprit, et tout ce qui peut devenir l’objet d’une pensée est sans proportion avec lui.
Il me fut alors donné une confiance parfaite, une espérance certaine, une sécurité sans ombre et sans obscurcissement, continuelle et garantie.
Dans le bien infini, qui m’apparut, dans la ténèbre, je me recueillis tout entière, et au fond je trouvais la paix, la certitude de Dieu avec moi, je trouvai l’Emmanuel.
Souvent je vois Dieu ainsi suivant le mode ineffable et sans la plénitude absolue, qui ne peut être ni exprimée par la bouche, ni conçue par le coeur. Dans le bien certain et secret, que j’aperçois avec une immense ténèbre, est enfouie mon espérance en Lui je sais et je possède tout ce que je veux voir et posséder, en Lui est le tout bien. Je ne puis craindre ni son départ, ni le mien, ni aucune séparation. C’est une délectation ineffable dans le bien qui contient tout, et on là ne peut devenir l’objet ni d’une parole ni d’une conception. Je ne vois rien, je vois tout, la certitude est puisée dans la ténèbre. Plus la ténèbre est profonde, plus le bien excède tout; c’est le mystère réservé. Ensuite je vois avec ténèbre que Celui qui est là, au-dessus de tout, surpasse jusqu'au bien absolu. Et tout le reste est ténèbre, et tout ce qu’on peut penser est tout petit à côté.
Faites attention. La divine puissance, sagesse et volonté, que j’ai vue ailleurs merveilleusement, paraît moindre que ceci.
Celui-ci c’est un tout; les autres, on dirait des parties; les autres, quoique inénarrables, donnent une joie qui rejaillit dans le corps. Mais quand Dieu paraît dans la ténèbre, ni rire, ni ardeur, ni dévotion, ni amour, rien sur la face, rien dans le coeur, pas un tremblement, pas un mouvement. Le corps ne voit rien les yeux de l’âme sont ouverts. Le corps repose et dort, la langue coupée et immobile toutes les amitiés que Dieu m’a faites, nombreuses et inénarrables, et ses douceurs et ses dons, et ses paroles et ses actions, tout cela est petit à côté de Celui que je vois dans l’immense ténèbre et si tout me trompait, il me resterait la paix suprême, à cause de l’immense ténèbre où repose le tout bien.
A l’altitude ineffable de voir Dieu dans l’immense ténèbre, mon âme fut ravie trois fois. Je l’ai vu mille fois avec ténèbre, mais trois fois seulement dans l’obscurité suprême. Mon corps est travaillé par les infirmités ; le monde me poursuit avec ses épreuves et ses amertumes les démons m’affligent et me persécutent presque continuellement ; ils ont puissance sur moi. Dieu leur a permis d’affliger mon âme et mon corps, et je vois presque matériellement les assauts qu’ils me livrent.
De l’autre côté Dieu m’entraîne à lui, par le bien suprême que je vois dans la nuit noire. Dans l’immense ténèbre, je vois la Trinité sainte, et dans la Trinité, aperçue dans la nuit, je me vois moi-même, debout, au centre.
Voilà l’attrait suprême, près de qui tout n’est rien, voilà l’incomparable. Mes paroles me font l’effet d’un néant; qu’est-ce que je dis ? mes paroles me font horreur, ô suprême obscurité ! mes paroles sont des malédictions, mes paroles sont des blasphèmes. Silence ! silence ! silence ! silence ! Quand j’habite dans l’ombre noire, je ne me souviens plus de l’humanité de Jésus-Christ, du Dieu-homme, ni de quoi que ce soit qui ait une forme. Je vois tout et je ne vois rien.
Sortant de l’obscurité, je recommence à voir l’Homme-Dieu; il attire mon âme avec douceur, et il dit quelquefois : Tu es moi, et je suis toi.
Je vois ses yeux; je vois sa face miséricordieuse; il embrasse mon âme, il la serre contre lui, il la serre d’un embrassement immensément serré. Ce qui procède de ses yeux et de sa face et le bien qu’on voit dans la nuit noire. C’est la chose qui sort du fond, et l’inénarrable délectation vient avec elle. Dans l’Homme-Dieu mon âme puise la vie, elle se maintient en lui plus longtemps que dans la vision obscure. Mais l’attrait de l’immense ténèbre est incomparablement supérieur, au moins pour moi, à l’attrait de l’Homme-Dieu. J’habite désormais dans l’Homme-Dieu presque continuellement. Un jour je reçus de lui cette assurance qu’entre lui et moi il n’y a rien qui ressemble à un intermédiaire. Depuis ce moment, de son humanité sur moi la joie coule nuit et jour. (...)
Le livre des Visions et Instructions, chap. 26, La Grande Ténèbre
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Voie Lactée |
L'INEFFABLE
(...) Voici le premier mode de manifestation. Il se manifeste dans l’intime de l’âme : je comprends alors sa présence dans toute nature, dans toute créature qui a reçu le don de l’être, dans le démon, dans l’ange, dans le paradis, dans l’adultère, dans l’homicide, dans toute bonne action, dans tout ce qui a reçu, à un degré quelconque, le don d’exister, dans toute beauté, dans toute turpitude. Quand je suis dans cette vérité, ma joie n’est pas plus immense à contempler Dieu dans une vertu que dans un crime, dans un ange que dans un démon; le mode de présence est devenu l’habitude de mon âme. Cette présence est une illustration pleine de grâce et de vérité, et l’âme qui la possède est inaccessible au choc des choses ! Elle apporte les joies divines; le sentiment profond du Dieu qui est là souffle l’humilité et la confusion ; on se souvient qu’on est pécheur. Avec la consolation et la joie divine, l’âme reçoit la sagesse et la gravité.
Quant au second mode de présence, il est tout à fait différent, et la joie qu’il apporte n’est pas la même joie.
Cette présence inconnue recueille profondément l’âme en elle, et là, dans le fond, elle accomplit l’opération divine, avec une grâce incomparablement plus grandiose. Tel est l’abîme où elle s’accomplit, l’abîme inénarrable des délectations et des illustrations divines, que cette manifestation de Dieu, sans autre bien que lui-même, est le souverain bien, celui que les saints possèdent pendant l’éternité. Dans la vie éternelle, les élus sont traités différemment ; les uns ont plus, les autres ont moins. Si j’essaie de parler de la vie éternelle, il me semble qu'au lieu de parler, je blasphème et qu’au lieu de cultiver je dévaste. S’il faut dire quelque chose, je dirai que les dons que reçoivent les saints dans la vie éternelle sont des délectations de l’âme par lesquelles Dieu augmente sa capacité pour le saisir et pour le tenir. Oh ! quand Dieu se présente à l’âme, quand le Seigneur découvre sa face, il dilate l’âme et verse dans cette capacité subitement agrandie des joies et des richesses inconnues; et cela se passe dans un abîme dont je n’ai pas encore parlé; celui-ci est plus profond. L’âme est arrachée à toute ténèbre : la connaissance de Dieu dépasse les possibilités prévues par l’intelligence; et telle est cette lumière, et telle est cette joie, et telle est cette évidence, et tel est cet abîme nouveau qu’il est inaccessible à tout coeur créé. Après l’abîme, mon coeur ignore; incapable de rien comprendre, de rien penser des choses de l’abîme, il ne sait rien, si ce n’est peut-être l’impossibilité naturelle où il était d’aller là. Des choses de l’abîme, il est impossible de rien dire; pas un mot dont le son donne une idée de la chose; pas une pensée, pas une intelligence qui puisse s’aventurer là. Elles restent dans leurs domaines, dans les domaines inférieurs. Pas un mot, pas une idée qui ressemble au Dieu de l’abîme. (...)
Ibid. chap. 27, L'Ineffable
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L'ORAISON
L’oraison est la force qui attire Dieu, et le Sanctuaire où il se trouve. Il y a trois sortes d’oraisons au fond desquelles on rencontre le Seigneur : l’oraison corporelle, l’oraison vocale, l’oraison surnaturelle.
L’oraison corporelle suppose le concours de la voix et des membres ; on parle, on articule, on fait le signe de la croix les génuflexions ont leur place dans cette prière. Cette oraison, je ne l’abandonne jamais. J’ai voulu autrefois la sacrifier entièrement à l’oraison mentale. Mais quelquefois le sommeil et la paresse intervenaient, et je perdais l’esprit de prière. C’est pourquoi je ne néglige plus l’oraison corporelle : elle est la route qui mène aux autres. Mais il faut la faire avec recueillement. Si vous dites : Notre Père, considérez ce que vous dites. N’allez pas vous hâter pour répéter la prière un certain nombre de fois. Je vous prie seulement de ne pas imiter ces pauvres petites bonnes femmes qui croient avoir bien prié, quand elles ont prié longtemps. On dirait qu’elles ont un certain ouvrage à faire, qui sera payé suivant la longueur et la quantité.
Il y a oraison mentale quand la pensée de Dieu possède tellement l’esprit que l’homme ne se souvient plus de rien en dehors de son Seigneur. Et si quelque pensée qui ne soit pas la pensée de Dieu entre dans l’esprit, ce n’est plus l’oraison mentale. Cette oraison coupe la langue, qui ne peut plus remuer. L’esprit est tellement plein de Dieu, qu’il n’y a pas place en lui pour la pensée des créatures.
L’oraison mentale mène à l’oraison surnaturelle. Il y a oraison surnaturelle quand l’âme, ravie au-dessus d’elle-même par la pensée et la plénitude divine, est transportée plus haut que sa nature, entre dans la compréhension divine plus profondément que ne le comporte la nature des choses, et trouve la lumière dans cette compréhension, Mais les connaissances qu’elle puise aux sources, l’âme ne peut pas les expliquer, parce que tout ce qu’elle voit et sent est supérieur à sa nature.
Dans ces trois genres d’oraison, l’âme obtient une certaine connaissance d’elle-même et de Dieu, Elle aime dans la mesure où elle connaît; elle désire dans la mesure où elle aime; et le signe de l’amour ce n’est pas une transformation partielle, c’est une transformation absolue. Mais cette transformation n’est pas continuelle. Aussi l’âme s’applique tout entière à chercher une transformation nouvelle, et à rentrer dans l’union divine.
La Sagesse divine aime l’ordre en toutes choses, parce qu’elle porte en soi l’ordre absolu. Cette Sagesse ineffable a donné l’oraison corporelle pour marchepied de l’oraison mentale, et l’oraison mentale pour marchepied de l’oraison surnaturelle. Elle a voulu que chaque chose fût faite à son heure, à moins que dans l’oraison mentale ou surnaturelle il ne survienne une joie envahissante qui ferme les lèvres absolument. Excepté, bien entendu, le cas d’une indisposition physique, il faut rendre à Dieu ce qui est à Dieu, dans toute la mesure des forces humaines, et veiller autour du repos de l’âme pour qu’aucun souci temporel n’approche de sa paix divine. (...)
Ibid. chap. 62. L'oraison
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