lundi 2 avril 2012

François Malaval


S’il est un spirituel qualifié pour parler de la « Divine Ténèbre », s’il est un être qui, plus que tout autre, vécu dans sa propre chair tout au long de sa vie l’expérience concrète de la nuit des sens, c’est, sans aucun doute, François Malaval (1627-1719), aveugle marseillais auteur d’une œuvre originale touchant aux aspects les plus mystérieux et cachés de la contemplation mystique, œuvre, hélas, largement méconnue, et cependant l’une des plus subtiles et élevées qui aient été écrites sur ce sujet difficile.
Source (et suite) du texte :  Jean-Marc Vivenza
Autre biographie : wikipedia


Bibliographie :
- La belle ténèbre. Pratique facile pour élever l'âme à la contemplation. Ed. Jérôme Millon, 1993.
Etude :
Jean-Marc Vivenza, François Malaval ou la contemplation de la divine ténèbre, Ed. Arma Matis, 2004.
En ligne :
- Poésies spirituelles (1671), Google Books


Par conséquent, Philothée, Dieu est dans vous-même, sans le chercher hors de vous. Il est dans votre corps et dans votre âme. Et si vous pouviez voir comment Dieu est dans vous, ou, pour mieux dire, comment vous êtes en Dieu, vous vous trouveriez si petite, abîmées dans cette immensité, qu'en vérité vous auriez peur de vous et vous vous reconnaîtriez que vous n'êtes rien. (...)
Que sommes-nous donc, vous et moi, Philothée, considérés dans l'océan infini de la Divinité, sinon des néants revêtus de quelque peu de vie, qui ne saurions subsister ni agir hors de la Divinité, non plus que les poissons hors de l'eau ? Quel bonheur d'être toujours dans Dieu, et que ce bonheur est peu connu !
Extrait de : Entretien I (Entrer en contemplation), La belle ténèbre
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Il n'y a aucun attribut de Dieu, Philothée, auquel on puisse réduire ce terme ineffable : "Je suis celui qui suis", ou "celui qui est". (...)

Il n'y a donc rien, Philothée, qui nous exprime Dieu plus parfaitement et plus noblement que le silence. Car d'un côté, les expressions sublimes feraient concevoir quelque proportion entre le fini et l'infini. Et de l'autre, les expressions basses s'en éloignent tout-à-fait, si Dieu même ne les fournit pour les absorber aussitôt. L'amour seul, après le silence, sait parler de Dieu. Et il n'y a que l'amour qui sait entendre ce que l'amour dit. Mais l'amour ne parle et n'entend que quand nos connaissances ont cessé et que nous y renonçons nous-mêmes par un abandonnement à l'Esprit de Dieu, suivant l'attrait d'un chacun.
Extrait de : Entretien IV (Le grand nom de Dieu), La belle ténèbre
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Cette belle ignorance est la maîtresse du savoir, et les ténèbres sont ici le sein du jour et de la lumière. Que Dieu paraît grand, Philothée, à qui le connait sans images, qu'il est ineffable, qu'il est inestimable ! Il y a telle âme qui ne donnerait pas un trait de cette obscurité lumineuse pour toute la science de l'univers. Et Dieu qui ne peut se faire comprendre à ses créatures a trouvé le moyen de leur faire comprendre qu'il était incompréhensible, et de leur faire aimer son incompréhensibilité.  Philothée, qui voit Dieu sous cette obscurité voit un grand abîme, et cette obscurité n'a de lumière que ce qu'il en faut pour faire découvrir à l'âme l'abîme qu'elle voit, et pour la plonger dans un si grand étonnement qu'en certains moments elle ne voit plus le ciel et la terre, les hommes et les anges, que comme un atome qui est perdu dans cet abîme infini. L'âme se réjouit que Dieu soit incompréhensible, et qu'il n'ait rien de semblable à lui-même. (...)
Celui qui s'anéantit en la présence de Dieu ne prétend pas établir sa perfection dans son anéantissement. Mais il a (confiance) que Dieu remplira ce néant de tout ce qu'il est lui-même, et il ne se vide que pour se remplir. En vérité, plus la créature sera détruite, plus le Créateur sera glorifié en elle. (...)
Videz-vous Philothée, et Dieu vous remplira. Ce vide volontaire est un fond dont Dieu tire beaucoup de formes différentes et admirables. Il y a des lumières et des ténèbres, des tendresses et des sécheresses, des jouissances et des souffrances, mais surtout un grand détachement de tout ce qui n'est pas Dieu, jusques de ses grâces et de ses faveurs, pour s'attacher inviolablement à Dieu seul.
Extrait de : Entretien X (Où est la vérité ?), La belle ténèbre
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L'âme est un autel qui se dédie elle-même avec cette inscription qui fut mise sur un autel d'Athènes : "Au Dieu inconnu". (...)

Ainsi la contemplation, pour vous la définir de nouveau, est une présence fixe de Dieu. Je ne dis pas simplement une habitude, car les habitudes se trouvent même dans ceux qui dorment, et pour cela ils ne méritent rien, parlent en rigueur. Ce n'est pas non plus un exercice ordinaire qui ne se fait qu'à certaines heures et en certaines occasions. C'est un acte continuel qui n'est proprement que la multiplication d'un même acte, mais si doucement et si facilement produit par la force de l'habitude, que l'on dirait que ce n'est qu'un acte seul, comme on voit que les yeux produisent une fois le jour une infinité de regards, mais la facilité naturelle de regarder ne semble les rendre qu'un seul regard.
Aussi la contemplation est-elle un regard universel de Dieu présent. Je dis un regard, parce qu'elle est un acte de l'entendement qui est l'oeil de l'âme, comme la volonté en est le coeur. Le regard a cela de propre qu'il se fait en un instant, et qu'il sort de l'oeil sans effort, au lieu que la parole ne sort de la bouche qu'un syllabe après l'autre et ne frappe l'oreille qu'après une succession de temps. le raisonnement de la méditation ressemble à la parole, il se forme d'une pensée après l'autre, et il est toujours dans une espèce de mouvement. La contemplation au contraire ressemble au regard, elle atteint son objet en un instant, et elle se repose dans l'objet, sans discours et sans pensée.
Extrait de : Entretien XII (La vie contemplative), La belle ténèbre
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L'amour de son néant

Mon centre est le néant, c'est un vrai lieu de paix.

L'imposture et l'erreur ne s'y trouvent jamais.
Lorsque je ne veux rien, l'ennemi se retire,
Il ne sait où me prendre, il ne sait que me dire.

Quand il veut raisonner, je ne l'écoute pas,
Quand il flatte mes sens, je sais me tenir bas.
Que ce néant est beau ! qu'il est doux et tranquille.

Ce néant me fait voir que je suis inutile,
Que je n'ai rien de bon, et que je ne puis rien ;
Que je n'ai de mon fonds ni force ni soutien ;
Que tout mon être humain n'est qu'un flux d'inconstance.
Ainsi Dieu parait mieux mon unique assistance.
C'est beaucoup de faveur qu'il me lance un regard.

S'il ne me donne rien, le néant est ma part ;
Souvent de l'oraison toute l'heure est passée,
Que je ne sens en moi ni désir ni pensée ;
S'il m'en vient, c'est un trait de sa bénignité,
Ainsi je vois sa grâce, et mon indignité.
Lorsque je suis, stérile, une retraite entière,
Mon néant me tient lieu d'attrait et de lumière,
Et je me réjouis par un élan de foi

Qu'en Dieu tout bien se trouve, et le néant en moi.
Laissez-moi mon néant, jouissez de votre être,
Seigneur, tout mon repos est de me bien connaître.
Vous n'êtes que grandeur, que gloire et que bonté,
Et moi rien par nature, et rien de volonté.
À vous seul tout hommage, à vous seul toute gloire,
Et moi de mon néant je chéris la mémoire.
Dieu, vivez dans vous-même, et moi dans mon néant
Que je sois toujours bas, et mon Dieu toujours grand. [...]
Extrait de : Poésies spirituelles.
Source du texte (et autres poèmes ) : joie de vie


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