Jacob Boehme est né en 1575, près de la ville de Görlitz, à la frontière actuelle de la Pologne et de l’Allemagne, de parents qui étaient de simples paysans de Haute-Lusace et qui, ayant remarqué qu’il manifestait quelques dispositions, l’envoyèrent à l’école, et lui firent apprendre le métier de cordonnier. C’est alors qu’il se trouvait en apprentissage que Jacob Boehme reçut la visite mystérieuse d’un Etranger de qui il recevra son initiation :
« Il me raconta lui-même que pendant qu'il était en apprentissage, son maître et sa maîtresse étant absents pour un moment, un étranger vêtu très simplement, mais ayant une belle figure et un aspect vénérable, entra dans la boutique, et prenant une paire de souliers, demanda à l'acheter. Mais il n'osa pas les vendre; l'étranger insistant, il les lui fit un prix excessif, espérant par là se mettre à l'abri de tout reproche de la part de son maître, ou dégoûter l'acheteur. Celui-ci donna le prix demandé, prit les souliers, et sortit. Il s'arrêta à quelques pas de la maison, et là d'une voix haute et ferme, il dit : Joseph, Joseph, viens ici. Le jeune homme fut d'abord surpris et effrayé d'entendre cet étranger qui lui était tout à fait inconnu l'appeler ainsi par son prénom de baptême; mais s'étant remis, il alla à lui. L'étranger, d'un air sérieux mais amical, porta les yeux sur les siens, les fixa avec un regard étincelant de feu, le prit par la main droite, et lui dit : Joseph, tu es peu de chose, mais tu seras grand, et tu deviendras un autre homme, tellement que tu seras pour le monde un objet d'étonnement. C'est pourquoi sois pieux, crains Dieu, et vénère Sa parole; surtout lis soigneusement les Écritures saintes, dans lesquelles tu trouveras des consolations et des instructions, car tu auras beaucoup à souffrir, tu auras à supporter la pauvreté, la misère et des persécutions; mais sois courageux et persévérant, car Dieu t'aime et t'est propice. Sur cela l'étranger lui serra la main, le fixa encore avec des yeux perçants, et s'en alla, sans qu'il y ait d'indices qu'ils se soient jamais revus. Jacob Boehme n'en fut pas peu étonné et de cette prédiction et de cette exhortation. La physionomie de cet inconnu lui planait toujours devant les yeux. »
Source (et suite) du texte : montcelon
Autre biographie : wikipedia
Il est vrai, oui, que j'ai lu nombre de textes de Jakob Böhme (on trouve en Hollande, en effet, bien des choses) et j'en remercie Dieu. Car c'est grâce à ces textes que j'ai découvert la vérité.
Angélus Silésius
Bibliographie / En ligne (Google Books, Gallica, Wikisource) :
Traduction de Louis-Claude de Saint-Martin :
- Base des six points théosophiques, dans : Cahier de l'hermétisme : Jacob Böhme, Paris, 1977, 115-186.
- Mysterium pansophicum, idem, 187-198.
- Aurore naissante ou la naissance de la philosophie, Ed. Arché Milan, 1977 / Google Books
- Des trois principes de l'essence divine / Google Books
- De la triple vie de l'homme, selon le mystère des trois principes de la manifestation divine, coll. Les Introuvables, Paris, 1982 / Google Books
- Quarante questions sur l'origine, l'essence, l'être, la nature et la propriété de l'âme, trad. Louis-Claude de Saint-Martin / Google Books
Autres traductions :
- Le Grand Mystère, Mysterium Magnum, trad. S. Jankélévitch, avec deux études de Nicolas Berdiaeff, 2 vol. Ed. Aubier, 1945, 4 vol. rééd. coll. Les Introuvables, 1978 / Gallica
- Confessions, choix de textes par Alexis Klimov, trad. Louis-Claude de Saint-Martin, Ed. Fayard, 1973.
- De l'Election de la Grâce, trad. Debeo, rééd. Arché Milan, 1976 .
- De l'Incarnation de Jésus-Christ, trad. anonyme, Ed. Arché Milan, 1976.
- Clef ou explication des divers points et termes principaux, trad. anonyme, Ed. Arche Milan, 1977 / Google Books
- Les Épîtres théosophiques, trad. Bernard de Borceix, Ed. du Rocher, 1979.
- Le Livre des sacrements, trad. Daniel Renaud, Ed. Age d'homme, 1984.
- Des trois principes de l'essence divine, trad. Louis-Claude de Saint-Martin, 2 vol, Ed. d'Aujourd'hui, 1985.
- De la Signature des choses, trad. Paul Sédir, Ed. Arche Milan, 1991.
- De la Signature des choses, trad. Pierre Deghaye, Ed. Grasset, 1995.
- De la vie au delà des sens, trad. Gérard Pfister, Ed. Arfuyen, 1997.
- De l'Election de la grâce, trad. Debeo, Ed. Traditionnelles, 1999.
- Le Chemin pour aller à Christ, trad. Schelchtiger, Ed. Arché Milan, 2004. / Google Books
Etudes :
Emile Boutroux, le philosophe allemand Jacob Boehme (1888) / Wikisource
Gerhard Weher, Pierre Deghaye, Jakob Böhme, Ed. Albin Michel, Cahiers de l'hermétisme, 1977.
Alexandre Koyre, La philosophie de Jacob Boehme, Ed. Vrin, 1979
Collectif, Jacob Boehme ou l'obscure lumière de la connaissance mystique, CERIC, Ed. Vrin, 1979
Pierre Degaye, La naissance de Dieu ou la doctrine de Jacob Boehme, Ed. Albin Michel, Spiritualité vivante, 1985
Jean-Marc Vivenza, Boehme, Qui suis-je ? Ed. Pardès, 2005
Virginie Pektas, Mystique et Philosophie, Grunt, agrunt et Ungrund chez Maitre Eckhart et Jacob Boehme, Ed. B.R. Grüner, 2006
Le disciple demanda au Maître :
Comment puis-je accéder à la vie au-delà des sens, de sorte que je voie Dieu et L’entende parler ?
Et le Maître lui dit :
Si tu peux un instant t’élancer en ce lieu que n’habite nulle créature, alors tu entends ce que Dieu dit.
Ce lieu est-il proche, demanda le disciple, est-il lointain ?
- Il est en toi, dit le Maître. Et si tu peux une heure durant faire silence de tout ton vouloir et de toute ta pensée, alors tu entendras les paroles inexprimables de Dieu.
Comment puis-je entendre si je me tiens dans le repos du penser et du vouloir ?
- Lorsque tu te tiens dans le repos du penser et du vouloir de ton existence propre, alors l’ouïe, la vue et la parole éternelles se manifestent en toi, et Dieu entend et voit par toi.
Ta propre ouïe, ton propre vouloir, ta propre vue, voilà ce qui t’empêche de voir et d’entendre Dieu.
Par quel moyen me faut-il entendre et voir Dieu s’Il est au delà de la nature et de la créature ?
- Lorsque tu te tais et reposes, alors tu es cela qu’était Dieu avant la nature et avant la créature, cela dont Il a fait ta nature et ta créature. Alors tu L’entends et Le vois par cela même par quoi Dieu voyait et entendait en toi avant que ne commencent ton propre vouloir, ta propre vue et ta propre ouïe.
Extrait de : De la vie au delà des sens
Autre extrait : Arfuyen
Commande sur Arfuyen
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Car on ne peut dire de Dieu qu'Il soit ceci ou cela, méchant ou bon, qu'Il ait en lui-même des distinctions : Car, en lui-même, Il est sans nature, ainsi que sans affection et sans créature. Il n'a pas d'attirance pour quelque chose, car il n'y a rien devant Lui qui pourrait l'attirer, pas plus quelque chose de mal que quelque chose de bien : Il est en lui-même le Sans-Fond (Ungrund), sans aucune volonté par rapport à la Nature ou à la créature, tel un rien éternel, Il n'y a pas de qualité en Lui, pas plus quelque chose qui pourrait avoir de l'attirance pour Lui, ou (concevoir de l'attirance) à partir de Lui.
Il est l'Etre Unique, et rien n'existe avant ou après Lui à partir duquel ou dans lequel Il pourrait puiser ou concrétiser pour Lui une volonté, Il n'a rien non plus qui l'engendre ou Lui donne (quelque chose) : Il est le Rien et le Tout, et il est une Unique Volonté, dans laquelle gît le monde et la Création toute entière, En Lui, tout est pareillement éternel, sans commencement, dans un même poids, une même mesure et finalité, Il n'est ni lumière ni ténèbres, ni amour, ni colère, mais l'Unique Un.
De l'Election de la grâce (SS VI, ch. I, pp.4-5 n.3)
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Aurore naissante sur glacier (2009)
Dans l'éternité, comme dans le Sans-Fond (Ungrund) de la nature, il n'y a rien d'autre qu'un silence sans essence, et cela n'a rien qui puisse donner quelque chose, c'est un calme éternel et non un équilibre, un Sans-Fond sans commencement ni fin : ce n'est pas non plus un but ni un lieu, il ne se cherche ni se trouve et ne renferme aucune possibilité. Ce même Sans-Fond est semblable à un oeil, car il est son propre miroir, il ne possède aucune essence (aucun mouvement) et ne comporte ni lumière ni ténèbres, et est avant tout une "magie", et possède une volonté que nous ne devons ni rechercher ni explorer, car elle nous trouble. Par cette volonté, nous entendons le Fond de la Déité, qui est sans origine.
De L'Incarnation de Jésus-Christ, II, 1-8
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Quand je considère ce que Dieu est, je dis : vis-à-vis de la créature il est l'Un qui est en même temps le Rien éternel, il n'a ni détermination ni début ni lieu, il ne possède rien en dehors de lui-même. Il est la volonté de ce qui n'a pas de motif, il n'est qu'Un en lui-même, il n'a besoin ni d'espace ni de place, il s'engendre en lui-même d'éternité en éternité, il n'est identique ou semblable à rien et n'a aucun endroit spécial où il réside : l'éternelle Sagesse (Sophia) ou intelligence est sa demeure, il est la volonté de la Sagesse et la Sagesse est sa révélation.
Mysterium magnum, I, 2.
Car le Néant a faim du Quelque chose, et la faim est le désir, sous la forme du premier "Verbum Fiat" ou du premier faire, car le désir n'a rien qu'il puisse faire ou saisir. Il ne fait que se saisir lui-même et se donner à lui-même son empreinte, je veux dire qu'il se coagule, s'éduque en lui-même, et se saisit et passe de l’Indéterminé au Déterminé et projette sur lui-même l'attraction magnétique afin que le Néant se remplisse et pourtant il ne fait que rester le Néant et en fait de propriété n'a que les ténèbres, c'est l'éternelle origine des ténèbres : car là où il existe une qualité il y a déjà quelque chose et le Quelque chose n'est pas comme le Néant. Il produit de l'obscurité, à moins d'être rempli de quelque chose d'autre (comme d'un éclat) car alors il devient de la lumière. Et pourtant en tant que propriété il reste une obscurité.
Mysterium magnum, III, 5
En second lieu, l'intuition immotivée et divine se transforme en volonté de feu et de vie, afin que se révèle son grand amour et sa grande joie qui s'appellent Dieu. Car si tout n'était qu'une seule chose, cette chose unique ne lui apparaîtrait pas à lui-même, mais par la révélation, on reconnait le Bien éternel, d'où sort un royaume délicieux.
Mysterium magnum, III, 22.
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Le Sans-Fond (Ungrund) est un éternel rien, et fait cependant un éternel commencement, c'est-à-dire un attract, car le rien est un attract après le quelque chose, et pourtant là, il n'y a rien qui donne le quelque chose, mais l'attract est lui-même l'acte de donner de ce qui est également un rien, en tant qu'un attract désirant. Et cela est l'éternel entendement de la magie qui fait en soi là ou il n'y a rien. Elle fait quelque chose de rien, et cela seulement en soi-même, et là cependant ce même attract n'est rien que simplement une volonté. Il n'a rien, et il n'y a aussi rien qui lui donne quelque chose, et il n'a non plus aucun lieu où il se trouve et où il soit.
Mysterium pansophicum, I, 1.
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En dehors de la nature, Dieu est un mystère, un néant, ce rien est l'oeil de l’éternité abîme sans fond, il contient une volonté, qui est le désir de la manifestation pour se retrouver lui-même. Cette volonté avant laquelle il n'y a rien ne peut chercher qu'elle-même et ne trouver qu'elle-même par la nature. (...)
De la Signature des choses, III, 2,
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La volonté sans fond s'appelle "Père éternel", la volonté trouvée, saisie, engendrée du Sans-Fond (Ungrund) s'appelle son Fils engendré ou "Fils inné", car il est l'Etre (Ens) du Sans-Fond, ce en quoi le Sans-Fond se saisit en Fond (Grund). L'émanation de la volonté sans fond, à travers le Fils ou Etre saisi, s'appelle "Esprit", car il guide l'Etre saisi hors de soi vers un tissu ou une vie de la volonté, en tant que vie du Père et du Fils.
Et l'émané est la joie, en tant que trouvé du Néant éternel, où le Père, le Fils et l'Esprit se voient et se trouvent à l'intérieur, et cela s'appelle "Sagesse de Dieu" (Sophia) ou contemplation.
De l'Election de la grâce, I, 6.
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