jeudi 12 juillet 2012

Seyyed Hossein Nasr


Seyyed Hossein Nasr est né à Téhéran (en 1933), a fait ses études au Massachusetts Institute of Technology et à l'Université d'Harvard. En 1958, il est retourné à Téhéran, où il est devenu directeur de l'Académie impériale iranienne de philosophie en 1974 et professeur de philosophie à l'Université de sa ville natale. Aujourd'hui, il enseigne les sciences religieuses à la Temple University de Philadelphie. Notons aussi que Seyyed Hossein Nasr a été le collaborateur du célèbre islamologue français Henri Corbin dans la rédaction de son Histoire de la philosophie islamique, parue chez Gallimard en 1964.
Source (et suite) du texte : voxnr


Bibliographie (en français) : 
- Essai sur le soufisme, Ed. Albin Michel, 1980
- Islam, Perspectives et réalités, Ed. Buchet Chastel, 1991
- L'islam traditionnel face au monde moderne, Ed. l'Age d'Homme, 1993
- L'homme face à la nature, Ed. Buchet Chastel, 2000
- La religion et l'ordre de la nature, Ed. Entrelacs, 2004


Si nous nous rappelons la définition bien connu que Junayd a donné du Soufisme, "C'est que Dieu te fait mourir à toi-même et ressusciter en Lui", nous comprendrons qu'obtenir les vertus spirituelles et les stations et états correspondants sont autant d'étapes dans la mort de l'âme en ce qui concerne sa base et sa nature accidentelle et sa résurrection in divinis. C'est pourquoi la plus haute des vertus est la véracité, qui s'oppose à toutes les tendances obscures de l'âme, et la plus haute des stations est celle ou l'on subsiste en Dieu - ce qui n'est pas autre chose que ressusciter en Lui. Le point final du Soufisme est naturellement d'atteindre Dieu, la Vérité (al-Haqq), et non pas de parvenir à une station ou à une autre. Or, puisque l'homme n'est pas simplement une intelligence qui peut discerner la Vérité et connaitre l'Absolu, mais aussi une volonté, les vertus sont un nécessaire concomitant à l'attachement total de l'homme à la Vérité. En effet, "lorsque la Vérité apparaît au niveau de la volonté, elle devient vertu, et elle est alors véracité et sincérité" (Frithjof Schuon). (...)

Entre la station du soufi et l'homme qui est spirituellement endormi et qui considère normal cet état de négligence ou cette mort, il y a toutes les stations et tous les états spirituels. L'expérience de l'un quelconque d'entre eux ferait pâlir et considérer comme insignifiante la plus intense des expériences de l'âme dans ce monde. L'expérience de ces états reste possible pour tout homme disposé à se consacrer pleinement à la vie spirituelle et qui recherche ces états et stations avec l’intention correcte, c'est-à-dire non pas comme des buts en eux-mêmes mais comme des étapes conduisant à l'Un - l'Un qui est au-dessus et au-delà de tous les états et stations de l'âme et qui en même temps réside au centre de l'être de l'homme, à l'origine de l'axe qui unit à leur Principe commun tous les état de l'être de l'homme, le corporel, le psychique et le spirituel (...)

Quand aux sciences greco-hellenistiques, les musulmans - bien qu'ils ne se soient pas intéressés au Panthéon de l'Olympe - ont pris connaissance de l'élément orphique-pythagoricien de la tradition grecque par les ouvrages philosophiques et scientifiques des Grecs. Et cet élément les a immensément intéressés, précisément parce que c'était une affirmation de la doctrine de l’Unité divine. S'ils ont appelé Platon l'imam des philosophes et Plotin "le shaykh des Grecs" (c'est à dire leur maître soufi), c'est parce que dans leurs écrits aussi, ils ont vu l'expression de cette doctrine métaphysique que l'Islam devait plus tard exposer. En outre dans la théosophe ishraqui de Suhrawardi, on se réfère continuellement à l'universalité d'une sagesse qui était jadis partagée par toutes les nations et qui a trouvé son expression universelle dans la gnose islamique. C'est cette sagesse que Steuben, Leibniz et les néo-scolastique devaient plus tard appeler la philosophia perennis, expression à laquelle A.K.Coomaraswamy a fort justement ajouté l'épithète et universalis. 
C'est cependant sur le niveau de l'ésotérisme, dans la perspective soufie, que s'est produite la rencontre la plus profonde avec d'autres traditions et que l'on peut trouver aujourd'hui la base indispensable pour la compréhension en profondeur des autres religions. Le soufi est celui qui cherche à transcender le monde des formes, à passer de la multiplicité à l'Unité, du particulier à l'Universel. Il abandonne le multiple pour l'Un, et ce processus même lui apporte la vision de l'Un dans le multiple. Pour lui toutes les formes religieuses, deviennent transparentes et lui révèlent ainsi leur origine unique. Le Soufisme - ou gnose islamique - est l'affirmation la plus universelle de cette sagesse pérenne qui est au coeur de l'Islam et en fait de toute les religion comme telle. C'est cette doctrine suprême de l'Unité - elle-même unique - que les soufis appellent "la religion de l'amour", et à laquelle se réfère Ibn Arabi dans son poème bien connu dans Tarjuman al-ashwaq. Cet amour n'est pas simplement sentiment ou émotions, c'est l'aspect réalisé de la gnose. C'est une connaissance transcendante qui révèle l'unité intérieur des religions. Dans son Gulsha--i raz, Shabistari fait allusion à cette même vérité lorsqu'il écrit : 
Car l'Etre nécessaire est aussi contingent
Que l'Enfer et le Ciel. "Je" et "Toi" sont le voile
Que l'Enfer entre eux deux a tissé. Quand ce voile
Devant vous est levé, il ne subsiste rien
Des sectes et credos qui nous ont enchaînés. 
Toute l'autorité des lois ne peut porter
Que sur ton "Je" lié à ton corps et à ton âme. 
Quand "Je" et "Toi" ne restent plus entre nous deux, 
Que sont mosquée, temple du Feu ou synagogue ?
Extrait de : Essais sur le soufisme (ouvrage épuisé)


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