vendredi 17 octobre 2014

Colette Poggi

Colette Poggi mène des recherches sur le Shivaïsme du Cachemire et les philosophies de l’Inde depuis le début de ses études universitaires à Aix-en-Provence en 1977; elle aborde alors deux cursus : Littérature et Civilisation germanique d’une part, Etudes indiennes et Sanscrit d’autre part. Dans le cadre de son Doctorat, en 1986 , elle met en évidence les correspondances entre le plus grand philosophe du Cachemire médiéval, Abhinavagupta, et l’un des plus éminents mystiques et théologiens d’Occident, Maître Eckhart. Afin d’approfondir sa connaissance et de rencontrer d’autres chercheurs, Colette Poggi poursuit alors des recherches à Paris dans le cadre d’une équipe CNRS, à Oxford, et à la Sorbonne en Philosophie comparée avec Michel Hulin. Elle présente en 1994 pour un doctorat de Philosophie en Sorbonne la traduction intégrale de l’ÎshvaraPratyabhijñâVimarshinî, texte fondamental d’Abhinavagupta qui porte sur l’expérience de la Reconnanissance intérieure comme voie immédiate de Délivrance. Actuellement, Colette Poggi enseigne le sanscrit et la pensée indienne dans divers centres universitaires, tout en poursuivant ses recherches et ses traductions sur le Shivaïsme du Cachemire.
Source du texte : Collège Yoga


Bibliographie :
- Isvarapratyabhijnavimarsini, Paris IV, 1993.
- Les oeuvres de vie selon Maitre Eckhart et Abhinavagupta, Ed. Les Deux Océans, 2000
- Yoga, sources et variations, avec Eva Ruchpaul, Ed. Ellebore, 2005
- Le Sanskrit, souffle et lumière : Voyage au coeur de la langue sacrée de l'Inde, Ed. Almora, 2012
 - La Voie de la Reconnaissance intérieure dans le Shivaïsme du Cachemire, Ed. du Cerf, coll patrimoine,
Participation à des ouvrages collectifs :
- Le dictionnaire mondial des littératures, E, Larousse, 2002.
- Le dialogue des écritures, Ed. Lessius, 2007.
- Rites, fêtes et célébrations, Ed. Bayard, 2012.
- Le Dictionnaire des Femmes mystiques, Ed. Laffont,2013.
- Le Dictionnaire des Sanctuaires, Laffont, à paraître.
En ligne :
Conférence, 2008 : Almora (PDF)
L'inde vu par... : Balises (radio, 2011)
"Des Vivants et des Dieux" animée par Michel Cazenave qui reçoit Colette Poggi et Thierry Gosset autour du thème Les femmes mystiques : Etoile du coeur (vidéo, 2013)


Quelle direction commune trouve-t-on au sein de ces multiples aspirations ?
Cette recherche intérieure peut s’exprimer, selon son cadre religieux ou culturel, sous l’aspect de quête de Dieu, ou de Principe universel, ou encore de climat de l’Originel, ce quelque chose d’où tout émane et en quoi tout se résorbe.
…S’interroger, chercher au-delà du sens conventionnel, aspirer à coïncider avec l’Essence des choses…est une démarche intrinsèquement liée à la nature humaine,  à la structure même de notre conscience : cette Conscience par laquelle les choses semblent connues, mais qui ne se connaît pas elle-même car elle est infinie.

Pourriez-vous en dire plus sur cette étymologie commune à Dieu et à la Lumière ?
Les termes Dieu, divin, diurne, dies en latin dérivent de la racine sanskrite DIV qui signifie resplendir, rayonner.
Ainsi, nommer Dieu, le divin (deva en sanskrit) équivaut à évoquer la luminosité de l’Energie divine, un point source inconnaissable (Brahman), tel le soleil d’où émane une infinité de manifestations divines, les rayons solaires.

Aujourd’hui la science aurait tendance à confirmer ces intuitions mystiques. Quels sont les liens qui se révèlent à nous ?
"La Nuit des Origines", qui s’est déroulée à l’UNESCO en septembre 2013, réunissait des scientifiques de l’infiniment grand (le cosmos), de l’infiniment petit (les atomes) et de cet autre infini mystérieux (la conscience).
Lorsque sont apparus sur les écrans, les plus récents clichés de l’univers, d’un côté et les images évoquant l’espace cérébral tissé de neurones et de synapses de l’autre, toute l’assemblée a été frappée de stupeur.
Les deux clichés juxtaposés laissaient voir les analogies existant entre ces deux univers au sein desquels tous les éléments coexistent et échangent des informations dans une interaction permanente.
 On trouve dans les Tantra shivaïstes une intuition analogue évoquant la matrice vibratoire de l’univers. La réaction de ces scientifiques fut une exclamation commune : « Quelle œuvre d’art ! ». Derrière cela on pouvait entendre : « D’où cela vient-il ? Qui est l’artiste ? ». Ce questionnement originel du Qui ? ou du Quoi ? affleure chez quelques chercheurs.
Aujourd’hui, certains émettent l’hypothèse de l’univers comme déploiement d’une Conscience-Energie primordiale, dont on ne peut affirmer aucune chose, mais seulement percevoir ses expressions dans les phénomènes cosmiques.

Comment comprendre cette interrelation entre l’infiniment grand et l’infiniment petit ?
La nature nous donne maints exemples de l’infiniment petit contenant en germe l’infiniment grand. L’ADN, comme une semence infime, invisible à l’œil nu, peut contenir une infinie potentialité de différenciation et de croissance, tout comme la petite graine d’un grand arbre. Les Upanishads évoquent les correspondances entre macrocosme et microcosme, entre l’individu et l’univers, inscrites dans la réalité du Brahman.

Dans quel contexte cette connexion à l’Originel peut-elle survenir ?
Si l’on est prêt, cela peut surgir spontanément. Mais plus communément, cette connexion à l’Originel survient lors d’une pratique spirituelle ou dans la proximité d’un maître réalisé. Cependant, il y a bien d’autres voies qui peuvent conduire à des expériences de l’Absolu, comme par exemple l’Art.

Quels fondements communs, quelle unité de l’expérience trouve-t-on chez les mystiques des différentes époques et des différentes traditions ?
… Un autre fondement commun de l’expérience mystique pourrait être le silence. Imaginons un instant des mystiques de différentes traditions et époques - Angelus Silésius, Ibn Arabi, Maître Eckhart, Saint François, … - se retrouvant dans une même salle. Ne pouvant se parler, que pourraient-ils goûter ensemble ?
Le silence, pris non pas comme une dimension autre, mais comme la dimension centrale et l’intériorité profonde de chaque individu. Au cœur de cette expérience du silence, chacun débarrassé des parasites extérieurs, pourrait vivre en quelque sorte une Pentecôte lui permettant de comprendre et de parler les langues de tous les autres.

Quels sont les obstacles à cette expérience d’unité ?
Nombre de mystiques, que ce soit dans l’hindouisme, le christianisme, l’islam…témoignent de ce que l’on pourrait appeler la nostalgie de l’expérience unitive.
Ils évoquent une souffrance induite par ce sentiment de séparation – certes illusoire puisque nous ne sommes jamais séparés. Mais derrière la souffrance se pose la question : pourquoi l’absence, pourquoi la distance ?

Comment faire fructifier l’expérience mystique dans notre vie quotidienne ?
Nous pourrions nous demander si finalement la spiritualité, ou la vie mystique, n’est pas simplement un degré plus élevé de l’acte de vivre. (...)
L’une des dernières paroles de Bouddha fut une exhortation à plus d’intensité, mais sans tension : « Soyez ardents », dit-il à ses disciples.
Qui que nous soyons – jardinier, moine ou violoncelliste -, seule cette ardeur, cette conscience vraie et agissante, peut nous permettre d’accéder à l’homme nouveau et de vivre la vie quotidienne en sa plénitude, entre action et contemplation. Fondamentalement nous ne sommes pas différents de ces grands vivants que sont les mystiques, mais la mise en pratique dans les tumultes du quotidien est difficile.
Extrait d'un interview paru dans la Revue Source 2014
Source du texte : Yoga Franche Comté




L'art au service de l'émergence de l'être (2013)

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