dimanche 24 juillet 2016

Cinq questions sur Nice

MAJ de la page : Attentat de Nice



Attentat de Nice. Responsables et coupables. L'analyse de F. Asselineau (UPR, 18 juillet 2016)

Lire aussi :
La Syrie impute à la France des frappes ayant tué plus de 120 civils dans le nord du pays, RTFrance, le 20 juillet 2016
SYRIE. 77 civils tués, un enfant décapité : la coalition face à ses démons, le Nouvel Obs, le 21 juillet 2016
Des rebelles syriens “modérés” ont décapité un enfant, Les Crises, le 22 juillet 2016

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Cinq questions sur Nice
Par Jacques Sapir, le 22 juillet 2016 - RussEurope

L’attentat de Nice soulève une série de graves questions quant au rôle de l’Etat, mais aussi de la municipalité. Ces questions sont démultipliées par les débats qui ont entouré la reconduction de l’Etat d’urgence, qui a été prorogé pour une durée de 6 mois. Ces questions pourraient être à l’origine d’une polémique aux effets politiques redoutables dans les semaines et les mois à venir.

I. Quelles étaient les mesures de sécurité adoptées pour le feu d’artifice du 14 juillet à Nice ?

C’est le journal Libération qui a lancé le débat dans un article du 21 juillet[1]. Cet article a suscité une riposte violente du Ministre de l’intérieur, M. Bernard Cazeneuve, parlant d’un « complot » ourdi par ce journal[2]. Or, ce qui est mis en cause est cette partie du communiqué du 16 juillet [3]: «La mission périmétrique était confiée pour les points les plus sensibles à des équipages de la police nationale, renforcés d’équipages de la police municipale. C’était le cas notamment du point d’entrée du camion, avec une interdiction d’accès matérialisée par le positionnement de véhicules bloquant l’accès à la chaussée. Le camion a forcé le passage en montant sur le trottoir.» En fait, il apparaît que seuls 2 policiers municipaux assuraient le contrôle du périmètre au point où le camion du meurtrier est entré dans la partie piétonne de la promenade des anglais. Aucune chicane en béton n’était déployée, ni à cet endroit ni 370 mètres plus loin, là où se trouvaient la patrouille de 4 hommes de la police nationale. Or, de telles chicanes avaient été utilisées auparavant, et en particulier lors de l’Euro-2016. Il est clair qu’il y a de sérieuses différences entre ce que dit le Ministère de l’Intérieur et la réalité. Pourquoi le Ministère de l’intérieur ne veut-il pas le reconnaître ?

II. Etaient-elles raisonnablement suffisantes ?

Cette question surgit au regard des mesures pratiquées pour l’Euro-2016. Il semble que l’événement sportif ait été mieux sécurisé que le 14 juillet. Pourquoi ? Les autorités disposaient elles d’information les amenant à penser que la menace avait baissée ? Sinon, comment expliquer que l’on ait baissé la garde ? On sait que les forces de sécurité étaient (et sont) dans un état d’épuisement avancé. Dans ces conditions, n’était-il pas de l’autorité du maire et du préfet d’interdire un événement que l’on ne pouvait sécuriser convenablement ? Ou bien a-t-on pensé qu’en matière de relations publiques la mort de badauds pesait moins que celles de supporters ?

III. Le Secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement, demande à ce que cessent toutes les critiques contre « les services administratifs de l’Etat ». Est-ce justifié ?

La déclaration de J-M Le Guen[4] pose un véritable problème de morale et de politique. Quand il affirme que : « Je veux bien qu’on aille sur ce terrain-là, mais dans ce cas, il n’y a plus d’État de droit dans le pays. Si un certain nombre de journalistes, de commentateurs, de responsables politiques mettent en cause le fonctionnement de la justice et des services administratifs de l’État, alors c’est une thèse qui est extrêmement dangereuse pour la démocratie« , il met en cause en réalité la démocratie. Dans une situation bien plus grave, en pleine guerre de 1914-1918, Clémenceau, alors Président du Conseil, dans un célèbre discours avait eu des mots plus justes et plus dignes : « … Je dis que les républicains ne doivent pas avoir peur de la liberté de la presse. N’avoir pas peur de la liberté de la presse, c’est savoir qu’elle comporte des excès. C’est pour cela qu’il y a des lois contre la diffamation dans tous les pays de liberté, des lois qui protègent les citoyens contre les excès de cette liberté. Je ne vous empêche pas d’en user. Il y a mieux : il y a des lois de liberté dont vous pouvez user comme vos adversaires ; rien ne s’y oppose ; les voies de la liberté vous sont ouvertes ; vous pouvez écrire, d’autres ont la liberté de cette tribune ;(…). De quoi vous plaignez-vous ? Il faut savoir supporter les campagnes ; il faut savoir défendre la République autrement que par des gesticulations, par des vociférations et par des cris inarticulés. Parlez, discutez, prouvez aux adversaires qu’ils ont tort et ainsi maintenez et gardez avec vous la majorité du pays qui vous est acquise depuis le 4 septembre.[5] »

Il tint ce discours alors que les troupes allemandes occupaient une partie de notre territoire, alors que des français mourraient par centaines chaque jour. Il est clair que les membres de ce gouvernement perdent leurs nerfs. Mais 84 personnes, elles ont perdu la vie. L’indécence du gouvernement n’en est que plus évidente. Ce n’est donc pas seulement Bernard Cazeneuve, le Ministre de l’intérieur qui devrait démissionner mais bien l’ensemble du gouvernement.

IV. Pourquoi la justice ordonne-t-elle à la mairie de Nice de détruire les images de l’attentat ?

La justice évoque le souci « d’éviter la diffusion non contrôlée de ces images » et en particulier le risque que ces images ne soient utilisées sur des sites djihadistes[6]. La sous-direction antiterroriste de la Police Judiciaire (SDAT) réclame donc l’effacement complet des enregistrements pris entre le 14 juillet 22h30 et le 15 juillet 18 heures pour toutes les caméras ayant une vue sur la scène de l’attentat et tout particulièrement pour les six caméras surveillant la promenade des Anglais qui ont filmé en direct l’attentat du 14 juillet. Or, cette demande est pour le moins surprenante dans le contexte de la polémique suscitée par les conditions de sécurité. L’avocat de la ville de Nice Philippe Blanchetier, a réagi vigoureusement, citant notamment « la polémique sur la nature du dispositif policier » le soir de l’attaque et déplorant dans une déclaration à l’agence Reuters[7] : « C’est la première fois de ma vie que je vois une réquisition aux fins d’effacement de preuves (…). L’argument avancé de risque de fuite ne tient pas. » Si ce fait devait être avéré, il serait particulièrement grave, et mettrait en cause l’ensemble de l’action gouvernementale.



Nathalie Kosciusko-Morizet - le Salafisme en France (Assemblée nationale, 21 juillet 2016)
"Il est temps de déclarer le salafisme hors-la-loi, comme dérive sectaire ou comme atteinte aux éléments fondamentaux de la nation."

A ce propos voir la page : Le wahhabisme est-il encore musulman ?

V. Lors du débat sur la prolongation de l’état d’urgence des déclarations ont été faites par des membres de l’opposition quant à une interdiction du « salafisme ». Cela correspond-il aux besoins de la situation ?

L’état d’urgence, décrété dans la nuit du 13 novembre, acte de souveraineté[8], a fini par être dangereusement galvaudé. Cela vient d’une incapacité à nommer l’ennemi[9]. Au lieu de s’engager dans la prolongation de l’état d’urgence, on aurait pu, et dû, prendre des mesures simples comme :

L’interdiction du financement étranger direct des lieux de culte et associations cultuelles.
Le contrôle par le Ministère de l’intérieur des prêches et l’expulsion des prédicateurs refusant les principes figurant dans le préambule de la Constitution, ainsi que ceux appelant à la haine.
L’interdiction aux français étant allés combattre dans une organisation terroriste et génocidaire de revenir sur le territoire national.
Ces mesures ne nécessitent pas l’état d’urgence. Elles peuvent être prises dans le cadre législatif normal. Elles montrent que l’état d’urgence est aujourd’hui bien plus un acte de communication qu’un acte de nécessité. Ce sont de tels comportements, de la part du gouvernement comme de la part d’une partie de l’opposition qui mettent en péril la démocratie et qui témoignent d’une perte totale de légitimité.

Les questions posées appellent des réponses claires, et sans ambiguïté. Mais, ce n’est pas ce gouvernement qui est en mesure de les donner. Il doit impérativement démissionner pour que la vérité soit faite et pour que l’on passe du registre de la communication à celui de l’action.

Notes
[1] http://www.liberation.fr/france/2016/07/20/securite-a-nice-370-metres-de-questions_1467531
[2] http://www.huffingtonpost.fr/rudy-reichstadt/theorie-du-complot-cazeneuve_b_11128582.html
[3] Cité d’après Libération, http://www.liberation.fr/france/2016/07/20/securite-a-nice-370-metres-de-questions_1467531
[4] http://www.bfmtv.com/politique/attentat-de-nice-pour-jean-marie-le-guen-critiquer-l-etat-est-dangereux-pour-la-democratie-1009413.html
[5] http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-moments-d-eloquence/georges-clemenceau-je-fais-la-guerre-8-mars-1918
[6] http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/07/22/la-justice-ordonne-a-la-ville-de-nice-de-supprimer-les-images-de-l-attentat-la-mairie-refuse_4973376_3224.html
[7] http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN1020UJ
[8] Voir « Etat d’urgence et souveraineté », note publiée le 16/11/2015, https://russeurope.hypotheses.org/4469
[9] Voir : « Les salafistes et la République (recension de « Silence Coupable ») », note du 28/04/2016, https://russeurope.hypotheses.org/4909




Questions sur Nice (suite)
Par Jacques Sapir, le 24 juillet 2016 - RUssEurope

La polémique autour de l’attentat de Nice vient de rebondir après les déclarations au Journal du Dimanche de la responsable de la police municipale[1], et la réaction, extrêmement (et anormalement) violente du Ministre de l’Intérieur qui menace cette personne d’un procès en diffamation[2]. Cela déplace les questions que l’on pouvait raisonnablement se poser sur le terrain politique. Y-a-t-il une tentative du Ministre de l’Intérieur d’étouffer les interrogations légitimes que l’on peut avoir au sujet des conditions de sécurité ayant entouré le feu d’artifice du 14 juillet ?

Il convient de bien préciser ce dont il est question.

I. Les faits

Rappelons ici que c’est le journal Libération qui a lancé le débat dans un article du 21 juillet[3]. Or, il apparaît que seuls 2 policiers municipaux assuraient le contrôle du périmètre au point où le camion du meurtrier est entré dans la partie piétonne de la promenade des anglais et ceci contrairement au communiqué du 16 juillet du Ministre de l’Intérieur qui dit : «La mission périmétrique était confiée pour les points les plus sensibles à des équipages de la police nationale, renforcés d’équipages de la police municipale. C’était le cas notamment du point d’entrée du camion, avec une interdiction d’accès matérialisée par le positionnement de véhicules bloquant l’accès à la chaussée. Le camion a forcé le passage en montant sur le trottoir.» [4].

De plus, aucune chicane en béton susceptible d’arrêter, ou du moins de ralentir, le camion du terroriste n’était déployée, ni à cet endroit ni 370 mètres plus loin, là où se trouvait la patrouille de 4 hommes de la police nationale. Or ces chicanes sont des instruments standards tant de la police municipale que de la police nationale.

Dès lors se pose la question de savoir pourquoi une telle chicane n’avait pas été déployée. Si la Mairie de Nice ne l’a pas décidée (ce qui est une faute grave) pourquoi le Préfet des Alpes-Maritimes, qui est l’autorité de dernière instance en matière de sécurité d’événements publics, n’a-t-il pas exigé que cela soit fait ? Le Préfet avait autorité pour interdire cet événement s’il considérait que les conditions de sécurité n’étaient pas remplies. S’il ne l’a pas fait, cela signifie qu’il considérait les conditions de sécurité comme « suffisante ». Il porte donc une responsabilité directe dans le drame qui s’est déroulé. Sa démission s’impose.

II. Les témoins

Que dit maintenant la responsable de la vidéosurveillance de Nice[5] : « Je me rappellerai toute ma vie de cette heure-là : 22h33. J’étais devant les écrans du CSU avec les équipes. Nous recevons alors des policiers municipaux positionnés sur la promenade le signalement d’un camion fou. Nous récupérons tout de suite son image à l’écran et nous demandons son interception. Le camion était lancé à 90 km/h, sans phares, sans qu’on l’entende à cause du bruit. Il contourne le barrage de la police municipale. Les équipes n’ont pas pu l’arrêter. On ne crève pas les pneus d’un 19 tonnes avec un revolver! À ce moment-là, d’autres policiers municipaux sont en civil dans la foule, qui se retrouvent face à lui. S’ils avaient été armés comme nos collègues de la police nationale, une de nos revendications, ils auraient pu le stopper. Le poids lourd se retrouve finalement face aux policiers nationaux, qui tirent et le neutralisent. Il est 22 h 34. » Notons que si des tirs d’armes de poing sont effectivement inefficace sur les pneus du camion, ils peuvent toucher le moteur, le mettre hors d’usage, et surtout tuer le conducteur. Nous avons ici un indice que la police municipale n’était pas préparée psychologiquement ni matériellement à ce type d’intrusion. Cela confirme que ce scénario n’avait pas été envisagé, en dépit de précédents. Mais il n’était pas envisagé non plus par la police nationale, et le préfet, non plus !

Quand on lui pose la question Étiez-vous préparée à une telle attaque?, elle répond : « J’avais dispensé à mes équipes des formations pour détecter les comportements suspects et savoir réagir en cas d’attaque terroriste. Heureusement! Le camion est repéré vingt secondes après son entrée sur la promenade par la police municipale. Il n’y a pas un moment où, à l’écran, mes agents vont le lâcher. Je suis sidérée par les accusations sur notre travail, sur le fait que nous ne l’ayons pas détecté en amont lors de ses repérages sur la promenade les jours précédents. Ce soir-là, le terroriste est neutralisé en une minute, contre deux heures au Bataclan – je suis désolée pour la comparaison malheureuse. Nos équipes ont été incroyablement réactives, pleines de sang-froid alors qu’elles ont vu et subi l’horreur. Il faudrait leur dire merci». Si les équipes de la police municipale ont effectivement été réactives, ce type d’attentat n’avait cependant pas été anticipé. Très clairement on s’attendait à une bombe, ou qu’un terroriste actionne une ceinture explosive mais pas à l’attaque à l’aide d’un véhicule alors que l’on sait que c’est une tactique possible, et qu’elle a été déjà utilisée en France. Et c’est là le problème mettant en cause tant les autorités municipales que le préfet.



Attentat Nice : Sandra Bertin maintient ses accusations contre Ministère de l'Intérieur (24/07/16)

III. Une tentative d’étouffer la vérité ?

Venons-en maintenant à la partie « politique » qui met en cause directement le Ministre de l’intérieur, M. Bernard Cazeneuve. Il est clair qu’il y a de sérieuses différences entre ce que dit le Ministère de l’Intérieur et la réalité. La responsabilité du préfet n’est pas reconnue. De plus, la demande de la justice et de la sous-direction antiterroriste de la Police Judiciaire (SDAT), qui réclament donc l’effacement complet des enregistrements pris entre le 14 juillet 22h30 et le 15 juillet 18 heures pour toutes les caméras ayant une vue sur la scène de l’attentat dans le souci (respectable) « d’éviter la diffusion non contrôlée de ces images » et en particulier le risque que ces images ne soient utilisées sur des sites djihadistes[6] apparaît comme surprenante. Ces images sont sous séquestre et ne peuvent être utilisée QUE par la justice. Est-on en présence, comme le dit l’avocat de la ville de Nice Philippe Blanchetier, dans une déclaration à l’agence Reuters[7], d’une « réquisition aux fins d’effacement de preuves (…). L’argument avancé de risque de fuite ne tient pas. » ?

Dans ce contexte, si ce que dit la responsable de la vidéosurveillance, Sandra Bertin, policière municipale et secrétaire générale du Syndicat autonome de la fonction publique territoriale (SAFPT) de Nice, est vrai, soit : « Le lendemain des attentats, le cabinet du ministre de l’Intérieur a envoyé un commissaire au CSU qui m’a mise en ligne avec la Place Beauvau. J’ai alors eu affaire à une personne pressée qui m’a demandé un compte rendu signalant les points de présence de la police municipale, les barrières, et de bien préciser que l’on voyait aussi la police nationale sur deux points dans le dispositif de sécurité. Je lui ai répondu que je n’écrirais que ce que j’avais vu. Or la police nationale était peut-être là, mais elle ne m’est pas apparue sur les vidéos. Cette personne m’a alors demandé d’envoyer par e-mail une version modifiable du rapport, pour « ne pas tout retaper ». J’ai été harcelée pendant une heure, on m’a ordonné de taper des positions spécifiques de la police nationale que je n’ai pas vues à l’écran. À tel point que j’ai dû physiquement renvoyer du CSU l’émissaire du ministère! J’ai finalement envoyé par e-mail une version PDF non modifiable et une autre modifiable. Puis, quelques jours plus tard, la sous-direction antiterroriste m’a demandé d’effacer les bandes des six caméras que j’ai mentionnées dans mon rapport, celles qui ont filmé la tuerie [8]», l’affaire devient très grave. Le principe « le Prince couvre le sujet » s’applique. Il impose la démission du Ministre de l’intérieur M. Bernard Cazeneuve.

Au-delà les réactions du gouvernement apparaissent pour le moins curieuse, et la déclaration de J-M Le Guen[9] pose un véritable problème de morale et de politique. Une commission d’enquête parlementaire s’impose. Ses conclusions, si elles confirmaient que l’on est en présence d’une tentative organisée d’étouffer la vérité, devraient entrainer la démission de l’ensemble du gouvernement.

[1] http://www.lejdd.fr/Societe/La-policiere-responsable-de-la-videosurveillance-a-Nice-accuse-le-ministere-de-l-Interieur-798751
[2] http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/07/24/nice-cazeneuve-porte-plainte-pour-diffamation-apres-les-accusations-d-une-policiere-municipale_4974023_1653578.html
[3] http://www.liberation.fr/france/2016/07/20/securite-a-nice-370-metres-de-questions_1467531
[4] Cité d’après Libération, http://www.liberation.fr/france/2016/07/20/securite-a-nice-370-metres-de-questions_1467531
[5] http://www.lejdd.fr/Societe/La-policiere-responsable-de-la-videosurveillance-a-Nice-On-m-a-mise-en-ligne-avec-le-ministere-de-l-Interieur-798793
[6] http://www.lemonde.fr/societe/article/2016/07/22/la-justice-ordonne-a-la-ville-de-nice-de-supprimer-les-images-de-l-attentat-la-mairie-refuse_4973376_3224.html
[7] http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRKCN1020UJ
[8] http://www.lejdd.fr/Societe/La-policiere-responsable-de-la-videosurveillance-a-Nice-On-m-a-mise-en-ligne-avec-le-ministere-de-l-Interieur-798793
[9] http://www.bfmtv.com/politique/attentat-de-nice-pour-jean-marie-le-guen-critiquer-l-etat-est-dangereux-pour-la-democratie-1009413.html


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Nice et leur écrasante responsabilité
Le 18 juillet 2016 - Entrefilet

Nice. Des dizaines de vies broyées. Trois jours de deuil pour un carnage de plus. Un carnage attendu, programmé. Et la caste dirigeante des «Surmorts» d’exhumer ses slogans de l’après Bataclan, déjà resucés de l’après Charlie, slogans à peine retouchés, juste «actualisés» par des services de com’ flanqués de leur demi-molle de circonstance à l’idée de pouvoir faire à nouveau dans le pathos, le martial, le sur-présidentiel. «Je suis... la France... les terroristes... nous ne cèderons pas... la démocratie... la liberté... notre mode de vie...  nous ne nous laisserons pas... la république... danger... riposte... la guerre... longtemps... la guerre... toujours.» Mais de ce côté-ci de l’écran, du côté de la vraie vie on n’écoute plus, on entend même plus. On les regarde, sidéré, avec une vague envie de gerber, sur eux, sur ceux qui les servent, qui les soutiennent, qui les animent, sur ce monde qu’ils nous fabriquent, ce monde qui rétrécit, se rabougrit, sombre, se noie, lentement. Et derrière la nausée qui monte deux évidences: leur écrasante responsabilité et leur insondable impuissance.

Nos maux, nos morts
Leur écrasante responsabilité: nous ne savons que trop bien que la destruction de l’Irak, de la Libye et de la Syrie – leur tableau de chasse – est la source de tous nos maux, de tous nos morts. Des centaines de milliers de vies broyées pour le pétrole, le gaz, les pipelines qui vont avec, pour leur lutte d’influence, leur soutien aux bédouins ou aux sultans fous, leur Grand Jeu et leurs petits calculs, et à la fin pour la caste, les riches, les prédateurs du club des 1%, les Surmorts, comme toujours. Un coup je soutiens Daesh, puis al-Nosra, et quand ça déborde je passe la tondeuse, à l’israélienne, puis je recule, je change, je re-soutiens ceux que j’ai flingués hier, ou des pires, des qu’on connaissait même pas mais qui devaient servir, un moment au moins. Après: la tondeuse. Et on recommence. Et à la fin, vingt-cinq ans de massacres de masse à travers le Moyen-Orient, pour la bonne cause, la liberté, la démocratie. Et puis les Talibans, al-Qaïda, Aqmi, al-Nosra, Daesh, des armées de tueurs, pardon, de freedom fighters, enfin non, plus maintenant, ça c’était avant Charlie, avant le Bataclan, avant Nice, donc reste des tueurs, qui n’aiment pas qu’on les soutienne, puis qu’on les tonde.

Des bombes et des discours
Et leur insondable impuissance désormais, à faire marche arrière, à sortir de leur délire à l’américaine. Alors c’est la fuite en avant. «Nous ne cèderons pas... la démocratie... la France... la liberté... notre mode de vie...  riposte... la guerre... longtemps... la guerre... toujours.» Alors des bombes, encore des bombes, des lois, encore des lois et de la surveillance, toujours plus de surveillance. Et puis encore des bombes par-dessus. Et les discours qui vont avec. Et puis Nice hier, et demain ailleurs, des morts, encore des morts, toujours plus de morts. C’est Valls qui le dit, qui ne cesse de le dire. Et d’ailleurs ils le disent tous. Y’en aura encore des morts. Et beaucoup. Faut s’habituer.
Voilà le monde qu’ils nous fabriquent, ce monde qui rétrécit, se rabougrit, sombre, se noie dans le sang avec des guerres partout, celles qu’on n’arrête pas de perdre, et celles qu’on prépare déjà, au cas où (1).
Et derrière la nausée qui montent deux évidences: leur écrasante responsabilité et leur insondable impuissance.
Au nom de toutes leurs victimes: qu’ils aillent donc tous se faire foutre, ou moins trivialement dit: brûler en enfer.
Avec un seul mot d'ordre désormais: EXIT ! De l'UE, de l'Otan, de leur Système et de leurs sales petites guerres.
1.   L’Otan désigne la Russie comme ennemi ultime


Lire aussi : Guerre et terrorisme, quand Dominique de Villepin prononçait un discours prémonitoire, La Méduse, le 24 juillet 2016 / Le camion blanc. Par Slobodan Despot, Arrêt sur Info, le 17 juillet 2016 / Ni islam, ni folie, la terreur est politique. Par Bruno Guigue. Arrêt sur Info, le 18 juillet 2016

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Comment tarir les sources du recrutement salafiste armé
Par Pierre Conesa, février 2015 - Le Monde diplomatique

Le combat contre les djihadistes ne se livrera pas sur des terres lointaines. Il ne peut se résumer non plus à une affaire de police et de justice. Lutter contre les idéologies religieuses sectaires requiert une vaste politique de contre-radicalisation s’appuyant sur la mobilisation des élites et des institutions musulmanes de France. 

La France accueille les trois plus grandes diasporas d’Europe : juive, arménienne et musulmane. Cette dernière, estimée à cinq millions de personnes, soit 7 % de la population, est proportionnellement supérieure à celle présente dans les autres pays de l’Union européenne ou aux Etats-Unis (1 %). La population musulmane française est très hétérogène, encore animée pour sa partie d’origine maghrébine par un sentiment victimaire hérité du passé colonial. Les facilités du communautarisme qu’ont adopté d’autres pays sont interdites, et c’est bien une politique d’ensemble de contre-radicalisation qui doit se mettre en place en France.

Ses principaux ennemis sont d’abord d’autres musulmans

La radicalisation, c’est-à-dire la légitimation ou le recours à la violence, altère tous les grands monothéismes (et pas seulement l’islam), mais aussi le domaine social (« black blocs »…) et évidemment la sphère politique (identitaires, séparatistes…). Le radicalisme musulman recouvre pour l’essentiel le salafisme djihadiste, largement encouragé par le wahhabisme d’Arabie saoudite pour lutter contre les Frères musulmans. Il prévoit la fin prochaine du monde, avec comme signe annonciateur la guerre en Syrie, bataille de l’Armageddon prévue par les prophètes et reprise par le Coran. L’adepte entre dans une communauté fraternelle nouvelle, en adoptant une idéologie globale répondant à toutes les questions de la vie. Son salut passe par une pratique religieuse rigoureuse, classique dans les sectes de l’Apocalypse. Le salafisme djihadiste se différencie par un recrutement sans chef ou gourou identifiable. Il se fait par un système réticulaire qui enserre le candidat pour l’amener à une conversion radicale.

Le salafisme djihadiste a deux dimensions spécifiques. Il n’est pas qu’une pratique religieuse, mais la construction d’une identité politico-religieuse totalitaire qui se concrétise dans sa prétention à représenter l’ensemble des musulmans de la planète (oumma). La stratégie de ghettoïsation qu’il souhaite imposer à la composante française musulmane s’exprime à travers des revendications clivantes sans cesse renouvelées (alimentaires, vestimentaires, comportementales, scolaires…). Il rejette toutes les autres pratiques de l’islam en s’accordant un droit d’excommunication (takfir). Les enfants refusent l’islam des parents, allant parfois jusqu’à la rupture. Ses principaux ennemis sont d’abord d’autres musulmans (chiites, soufis ou autres écoles sunnites). Le terrorisme salafiste tue aujourd’hui dix fois plus de musulmans que de non-musulmans.

Sa seconde caractéristique est son extrême sensibilité aux questions géopolitiques, exacerbée à la fois par son idéologie complotiste et par les résultats catastrophiques des multiples interventions occidentales dans le monde arabo-musulman. Le salafisme djihadiste est parvenu à faire de la défense de l’oumma la nouvelle idéologie tiers-mondiste mobilisatrice de jeunes à la recherche d’une cause. Il parle à la génération Internet à travers les moyens les plus modernes, avec en particulier des clips et pas du texte, des images de guerre ressemblant à des jeux vidéo, des images de massacres, le culte des héros… Il est engagé dans une guerre planétaire contre l’Occident, mais aussi contre les autres pratiques de l’islam. Cette vision totalitaire cherche à imposer ses règles, à rejeter les formes républicaines et à légitimer au moins intellectuellement l’usage de la violence, qu’elle présente comme vengeresse.

Les responsables des organisations musulmanes de France, empêtrés dans leurs rivalités personnelles et organisationnelles, ont longtemps observé une attitude réservée, voire complice, vis-à-vis de ces pratiques radicales. Le Conseil français du culte musulman (CFCM) n’a pas réagi à la radicalisation que traduisaient les affaires Merah et Nemmouche (1). Il a été involontairement aidé en cela par une politique publique discrète dont la dimension policière occupait l’espace médiatique.

Mais les temps ont changé. L’intégration des élites de la population française musulmane se traduit, par exemple, par les candidatures en nombre croissant aux élections (municipales et législatives) et dans tous les partis politiques (2), et aussi par un engagement actif contre la radicalisation, surtout depuis la vague de départs en Syrie du printemps 2014. La mobilisation collective des élites intellectuelles, religieuses et associatives se fait par la base, et non via les structures officielles. Une demi-douzaine de manifestations associatives locales ont été organisées depuis juin, à l’image de celle qui s’est déroulée samedi 25 janvier à Lyon, à l’initiative du Rassemblement des musulmans de France, sur le thème « Intégrisme, radicalisation religieuse, les racines et les remèdes ». Toutes ces actions visent à contribuer à la mobilisation publique, plus particulièrement dans des domaines comme l’argumentaire théologique antidjihad, le rôle du réseau d’alerte avancée que constituent associations, gestionnaires de mosquées, imams, théologiens… Ceux-ci sont dénoncés par les salafistes comme des « collaborateurs de police » ou des « traîtres à l’islam », et parfois menacés physiquement.

L’après-7 janvier ne doit surtout pas se restreindre à un débat sur les budgets de la police et de l’armée. Pour quoi faire d’ailleurs, étant donné les conséquences catastrophiques des interventions extérieures précédentes ? La politique de contre-radicalisation doit viser à tarir la source du recrutement. Les salafistes sont enfermés dans des idéologies sectaires et paraissent peu accessibles. Il est difficile de faire redescendre sur terre un illuminé. C’est le reste de la population musulmane qui doit, entre autres, faire l’objet d’une mobilisation associative dans le cadre de la politique publique.

Comme acte fondateur, la parole publique doit désigner la cible : le salafisme djihadiste, et non pas le « terrorisme international », formule creuse qui renvoie aux plus mauvais souvenirs de l’ère du président américain George W. Bush. Si tous les salafistes ne sont pas des radicaux violents, tout terroriste violent a d’abord été radicalisé politiquement. Ce ciblage permettrait de casser le sentiment collectif de stigmatisation des musulmans — souvent à fleur de peau — que des termes comme « islamisme » ou « terrorisme islamiste » entretiennent. La parole politique conforterait les élites musulmanes actuellement engagées dans la lutte contre le salafisme. Construire avec celles-ci une relation de travail pour définir et lutter contre la radicalisation, afin d’éviter des approximations toujours risquées, constitue le véritable défi de l’après-7 janvier. Un discours théologique accompagnant la politique publique de lutte contre la radicalisation calmerait les convertis, qui souvent basculent immédiatement dans la violence.

La France peut revendiquer un siège à l’Organisation de la coopération islamique

Mieux connaître les mécanismes de la mobilisation djihadiste est un préalable. Il n’existe aucun observatoire ouvert, à vocation publique, travaillant sur les sites salafistes francophones. Les candidats au djihad, notamment les convertis, s’abreuvent aux sites francophones, et pas arabes ou anglophones. On ne peut concevoir de contre-discours sans connaître le discours.

Si 80 % des jeunes rentrés de Syrie n’ont auparavant fréquenté ni la mosquée ni la prison, comme le disent les juges antiterroristes (3), une étude d’ensemble sur les nouveaux lieux et les méthodes de mobilisation et de conversion doit être menée, la prison étant finalement le lieu de radicalisation le plus connu.

De deux conditions essentielles dépend le succès d’une politique de contre-radicalisation. Le bureau des cultes, dépendant du ministère de l’intérieur, devrait être rapidement rattaché aux services du premier ministre, ou à la rigueur à ceux du ministère de la justice, pour atténuer le caractère policier implicite de toute politique de contre-radicalisation. La désignation du Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) par le ministre de l’intérieur en juin 2014 comme cheville ouvrière du nouveau système de l’action publique fait à nouveau basculer la politique publique dans le domaine policier et la lutte contre la « délinquance ».

Le terrorisme islamiste est dangereux, mais il ne doit pas occuper tout l’espace public et médiatique — car le terrorisme a différents visages, et les principales actions en Europe ont été menées par des groupes séparatistes (4).

Le contre-discours devrait émaner d’une plate-forme de coordination qui puisse travailler avec les acteurs privés, associatifs et publics (spécialistes de l’islam et de la communication, psychologues, associations, etc.) pour concevoir et diffuser des messages théologiques de dénonciation du djihad, élaborer des contre-discours en choisissant les médias les plus adéquats, et coordonner des actions de prévention… Cette structure ne devrait pas relever du ministère de l’intérieur ni d’un autre ministère, tout en les associant dans la conception et la gestion des politiques de contre-radicalisation. Plusieurs formules sont possibles. Mais, pour les pouvoirs publics qui doivent être directement associés sans diriger, c’est une révolution, dans un pays où l’habitude est de penser que « c’est à l’Etat de faire ».

La question de la formation des imams fait l’objet d’un rapport récent non publié, le rapport Messner, demandé par le ministère de l’intérieur. Mais la question de la participation de la France à la modernisation de la pensée coranique, avec la création d’un institut de théologie islamique prônée par l’islamologue franco-algérien Mohammed Arkoun — soutenu par l’université de Strasbourg —, reste pendante trente ans après les premières réflexions.

Le besoin d’aumôniers musulmans est criant. La surreprésentation de la population musulmane chez les prisonniers se confronte au manque flagrant d’ordonnateurs du culte (certains sont des retraités qui acceptent de donner de leur temps et de leur argent). La radicalisation y trouve son argumentaire : « l’islam est la religion la plus méprisée par l’administration pénitentiaire ».

Il faut aussi « désethniciser le débat », demande un intellectuel musulman. Interdire à des jeunes d’aller se battre en Syrie reste tout à fait nécessaire. Mais ne faudrait-il pas adopter une loi interdisant à tout citoyen français d’aller combattre dans des régions couvertes par des résolutions de l’Organisation des Nations unies, y compris les territoires palestiniens occupés ?

Compte tenu de sa population musulmane, la France peut légitimement revendiquer un siège à l’Organisation de la coopération islamique (OCI) (5). Assumer son statut de pays musulman serait une bonne manière de plaider soi-même sa propre cause plutôt que de s’entendre morigéner par des pays qui ne savent pas ce qu’est la tolérance religieuse. Une initiative de cette nature stériliserait le discours de victimes d’une « islamophobie de la société française » autour duquel s’agitent des « entrepreneurs politiques » qui prétendent parler au nom de la population musulmane.

Les défis auxquels est confrontée la société française représentent une formidable occasion, si l’intelligence l’emporte sur la manipulation de l’angoisse. Nos dirigeants sauront-ils la saisir ?

Pierre Conesa
Ancien haut fonctionnaire, auteur du rapport « Quelle politique de contre-radicalisation en France ? », décembre 2014, téléchargeable sur le site www.favt.org

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