lundi 24 octobre 2016

"Les affects de la politique"

MAJ de la page : Frédéric Lordon



Les Nouveaux chemins de la connaissance par Adèle Van Reeth
"Les affects de la politique" de Frédéric Lordon, philosophe, économiste
A propos de son dernier livre :
Les affects de la politique, Ed. La Fabrique, 2016

Pourquoi certaines injustices conduisent-elles à des révoltes quand d'autres sont subies passivement ? Comment expliquer que la contestation s'empare d'une partie du corps social sans que personne n'ait pu l'anticiper ? Qu'est-ce qui maintient le peuple tranquille ou, au contraire, le met en mouvement ? Après "Nuit debout" et les manifestations sociales qui ont émaillé 2016, ces questions prennent un relief particulier. Pour Frédéric Lordon, ce ne sont pas les "idées" qui mettent les individus en mouvement, mais les affects. Même lorsqu'un groupe étaie sa révolte sur une théorie, cette théorie puise son énergie à la source de passions comme l'indignation, la crainte ou l'espérance. En s'appuyant sur la théorie des affects de Spinoza, Frédéric Lordon propose une interprétation tout à fait originale de l'idéologie (qui installe les peuples dans la servitude volontaire) et de la contestation (où l'équilibre affectif est rompu, rendant intolérable ce qui était jusque-là toléré). Car la politique est un art d'affecter. "Ce que je m'apprête à faire, cette décision que je vais prendre, qu'est-ce que ça va leur faire ?", voici la question au principe de toute pratique politique : persuader, convaincre, c'est affecter. En s'appuyant sur des situations politiques récentes et connues, ce livre analyse quelques-uns des procédés de cet art, non sans montrer tout ce qui le grève d'aléas... et de possibles ratages. Car les hommes politiques, sociologiquement séparés de la population, n'ont qu'une connaissance lacunaire des complexions passionnelles de ceux à qui ils s'adressent et, en réalité, ignorent presque tout de ce qui "leur fait quelque chose". Ce livre stimulant déploie une théorie concrète des affects politiques et montre que c'est par un usage des passions, autant que par un exercice de la raison, que l'on a une chance de transformer ce monde.
Quatrième de couverture
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MAJ de la page : Jacques Sapir / TAFTA / CETA



Nikonoff interviewe Sapir : L'Union européenne peut-elle être réformée, ou faut-il la démanteler ? (Pardem Le parti de la démondialisation, 9 octobre 2016)


«Le CETA, frère jumeau du TAFTA, a pour but de préparer le terrain pour sa signature»
Par JAcques Sapir, le 17 oct. 2016 - RTFrance

Le gouvernement français n'a en vérité jamais renoncé à la signature du TAFTA et l'adoptation de ce traité implique des «choses inacceptables» pour l'Europe, estime l'économiste Jacques Sapir.

RT France : Les dirigeants français se sont prononcés contre le TAFTA. Maintenant il est question d’adopter le CETA. Pourquoi renoncent-ils à un traité de libre-échange au profit d'un autre ?

Jacques Sapir (J. S.) : La vérité c’est que les dirigeants français n’ont pas renoncé à signer le TAFTA. En réalité, ils ont dit d’une certaine manière qu’ils étaient insatisfaits de l’état de l’accord, mais leur objectif est toujours de signer le TAFTA, moyennant quelques changements mineurs qui pourraient rendre cet accord plus présentable aux yeux d’une opinion publique qui est visiblement très remontée contre lui, puisque différents sondages montrent qu’il y a de 55% à 62% des Français qui y sont opposés.

Dans ce contexte, la signature de l’accord CETA, qui ressemble comme un frère jumeau au TAFTA, a pour but de préparer le terrain à une signature du TAFTA. On pourra dire en effet, dans les mois qui viennent, que nous avons signé le CETA et que si nous signons aujourd’hui le TAFTA, ça ne sera pas un tel pas en avant dans la logique des accords internationaux, puisque toute une série de mesures incluses dans le TAFTA figurent déjà dans le CETA. Il faut bien comprendre qu'il s'agit d'une stratégie pour faire accepter le TAFTA, qui pousse les dirigeants français à mettre en avant le traité de libre-échange avec le Canada, c'est-à-dire le CETA.


On sait très bien que des pressions extrêmement fortes vont s’exercer sur le Parlement wallon
RT France : Pour le moment le Parlement wallon bloque le CETA. Quelle en est la raison ? Cela va-t-il être suffisant pour freiner l’adoption de ce traité ?

J. S. : Le gouvernement de la région de Wallonie – il faut se souvenir que la Belgique est aujourd’hui un Etat fédéral avec trois régions : Bruxelles, la Flandre et la Wallonie – a effectivement décidé de ne pas ratifier le CETA. Cela est-il susceptible de bloquer complétement le processus ? Cela dépend évidemment de l’interprétation que l’on donnera à cette décision du gouvernement wallon. Si le gouvernement wallon maintient sa décision, ça sera un test tout-à-fait important pour savoir si la Belgique est un Etat fédéral ou un Etat confédéral. Si c’est un Etat confédéral, eh bien, les autres régions de Belgique pourront voter – on peut penser que Bruxelles et la Flandre pourraient voter en faveur du CETA, ça déterminera la décision. Si l'on considère que la Belgique est un Etat fédéral, à ce moment-là, le refus de signer émanant du Parlement wallon va bloquer l’ensemble du processus.

Maintenant on sait très bien que des pressions extrêmement fortes vont s’exercer sur le Parlement wallon. Et de ce point de vue-là, il faudra bien regarder les menaces qui pourraient être soulevées par l’Union européenne afin de faire la pression sur le Parlement wallon et le faire revenir sur sa décision.

"Le CETA est une espèce de cheval de Troie permettant à des produits agricoles canadiens mais aussi américains de rentrer dans l’Union européenne"


RT France : Quelles seraient les conséquences de l'adoption du CETA pour l’Europe et pour la France ?

J. S. : Il y a trois types de conséquences. D’abord les conséquences commerciales. Sur ce plan, il est très clair aujourd’hui que les marchandises qui sont produites sur le continent nord-américain – au Canada, mais aussi aux Etats-Unis, car il ne faut jamais oublier que le Canada est lui-même lié par un accord de libre-échange avec les Etats-Unis – peuvent être «certifiés» d’une certaine manière par les Canadiens très facilement.

Lire aussi : CETA : entre véto wallon et contestation en France, une tâche difficile pour Manuel Valls

"La signature du CETA compromettrait l’ensemble des législations environnementales appliquées en Europe"

Les conditions de production de ces produits sont extrêmement différentes des conditions de production des produits européens, en particulier dans l’agriculture. Cela veut donc dire que le CETA est une espèce de cheval de Troie permettant à des produits agricoles canadiens, mais aussi américains de rentrer dans l’Union européenne, alors qu’ils ne respectent aucune des normes au sein de l’Union européenne.

Il y a ensuite des conséquences écologiques et climatiques. On sait que le CETA est très dangereux pour l’environnement. Plusieurs études ont été faites, il y a en particulier une étude qui a été faite par le GDAU qui est un grand institut de recherche aux Etats-Unis. Cette étude montre que la signature du CETA compromettrait de manière assez grave l’ensemble des législations environnementales qui sont aujourd’hui appliquées en Europe et qui sont parmi les plus restrictives – avec les législations russes. De ce point de vue-là, il y a un intérêt commun en Europe et en Russie à refuser ce type d’accord.

"Сe ne seraient plus les citoyens des pays qui seraient souverains, mais de grandes multinationales qui deviendraient souveraines"

La troisième raison est d’ordre légal. On sait bien que le CETA conduirait à l’établissement d'une cour d’arbitrage supérieur au droit des pays, ce qui permettrait aux entreprises canadiennes mais aussi américaines opérant depuis le Canada d’attaquer des lois en France et dans d’autres pays de l’UE devant ces juridictions d’arbitrage. Cela veut donc dire que ce ne seraient plus les citoyens des pays qui seraient souverains, mais de grandes multinationales qui deviendraient souveraines. Et c’est évidemment quelque chose d’absolument inacceptable dans le CETA.

Lire aussi : Le TAFTA, la Commission et le gouvernement «français»
 

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