dimanche 12 juin 2011

Kali


Tu es la graine de l'univers. 
Et la Maya Suprême. 
Par toi fut enchanté tout cet univers.
Satisfaite, tu es la cause
De la rédemption des êtres humains. 
Extait de Devi-Mahatmya.




C'est la philosophie Krama du Cachemire, un système distinct et indépendant des autres philosophies indiennes, qui identifie la Réalité ultime à Kâlî. Abhinavagupta (950-1020), le saint philosophe qui atteignit la plus haute spiritualité, a expliqué en détail la philosophie Krama propre au Sivaisme du Cachemire.

Dans cette philosophie, Kali est d'abord appelée Matrisabhava, (celle qui est libre), l'énergie consciente brillant de son propre feu, qui se manifeste successivement sous la forme des douze Kali; puis Vamesvari, ou pouvoir de la conscience (Cit-sakti), qui luit en tout; et enfin Kalasankarsini, car elle n'est pas assujettie au temps (kala) qui est principalement succession. Elle reste immuable. Par essence, elle est de la nature de la lumière, de la conscience et de la liberté.
 (...)

Les hymnes dédiés à Kali exaltent les formes multiples de Celle qui est Une. Elle existe en tout ce qui est, animé comme inanimé, car l'univers dans ses diverses manifestations n'est que différentes parties d'elle-même. Il faut vénérer toute vie et tous les êtres comme s'il s'agissait de la divinité, dans la poésie et les cantiques.
L'abondante littérature Sakta est riche en poèmes illustrant le "jeu du monde" auquel s'adonne la déesse Lila, et dont la réalisation fait disparaître toute peur. Car la Mère n'est terrible que pour ceux qui vivent dans l'illusion de la séparation, ceux qui ne perçoivent pas encore leur unité avec elle et ignorent que toutes ses formes participent à l'éveil.





Cette puissance définie comme la conscience de tous les êtres, 
rendons-lui grâce, rendons-lui grâce, rendons-lui grâce
Vénération, vénération. 

Cette puissance connue comme la raison de tous les êtres,
rendons-lui grâce, rendons-lui grâce, rendons-lui grâce
Vénération, vénération. 

Cette puissance manifeste en tous les êtres c'est le Sommeil, 
rendons-lui grâce, rendons-lui grâce, rendons-lui grâce
Vénération, vénération. 

Cette puissance manifeste en tous les être c'est la Faim, 
rendons-lui grâce, rendons-lui grâce, rendons-lui grâce
Vénération, vénération. 

Cette puissance manifeste en tous les êtres, c'est l'Ombre,
rendons-lui grâce, rendons-lui grâce, rendons-lui grâce
Vénération, vénération. 

Cette puissance manifeste en tous les êtres c'est l'Energie, 
rendons-lui grâce, rendons-lui grâce, rendons-lui grâce
Vénération, vénération. 
(...)
Hymne Adyakali (Kali Primordiale), du Mahanirvana Tantra

Extrait de : Kali, la force au féminin de Ajit Mookerjee, Ed. Thames & Hudson.
(Livre épuisé en version française).
Voir aussi : Saktisangama Tantra





Hrîm, O redoutable
Shrîm, O bienfaisante !
Krîm, Toi qui anéantis le Temps ! 
Origine de toute manifestation, 
Matrice des Shakti,
Destructrice des illusions de notre kaliyuga, 
Baume aux ascèses de Shiva, 
Dévoratrice de Shiva-Rudra qui dévore, 
Rythme du Temps,
Éclat des jeux de l’ultime dissolution,
Épouse de Celui qui porte le croissant lunaire, 
Contenant de l’illimité,
Océan du nectar de compassion,
Qui prends part aux souffrances de Tes créatures, 
Source de toute miséricorde, 
Compréhension infinie,
Accessible par Ta seule grâce, 
Toi, le Feu,
La fauve,
Celle à la peau noire,
Jouissance du Seigneur de la création, 
Nuit ténébreuse,
Toi, le Désir,
Qui pourtant libère des liens du désir, 
Sombre comme la nuée d’orage, 
Parée du croissant de la lune,
Tu arraches le voile d’ignorance tissé par le Kaliyuga, 
Kaumâri, Vierge qui jouit de sa création sans être possédée, 
Refuge de ceux qui accomplissent les rituels en l’honneur des vierges,
Réjouissance des festivals offerts en l’honneur des vierges, 
Gauri, la vierge nubile,
Tu erres dans l’infinité de Ta création comme en une forêt de Kadamba,
Les fleurs de la forêt de Kadamba T’enchantent,
Les hautes futaies de Ia forêt de Kadamba encerclent Ta demeure, 
Des guirlandes de fleurs de Kadamba ornent Ton cou, 
Toi, la jeunesse,
Tu as la voix douce et grave de Celui qui a avalé le poison pour libérer l’ambroisie,
Le son de Ta voix évoque le duo passionné des oiseaux chakravâka que les eaux séparent,
Tu bois l’hydromel,
Tu Te réjouis de l’offrande d’hydromel, 
Un crâne humain Te sert de coupe,
Tu portes un collier composé d’ossements, 
Les lotus T’enchantent,
Tu es assise sur un lotus,
Tu demeures au centre d’un lotus,
Tu t’enivres du parfum des lotus,
Tu as la démarche oscillante de l’oiseau Hamsa, 
Tu libères de la peur,
Tu assumes toutes les formes de Ton désir,
Tu sièges enveloppée dans la Forme du Désir, 
La sphère du désir est Ton champ d’action, 
O splendeur,
O liane enroulée autour de l’arbre kalpa qui rassasie tous les désirs !
Ta beauté est Ton seul ornement, 
Adorable incarnation de la tendresse, 
Corps tendre,
Taille fine,
Tu apprécies le nectar du vin purifié des sacrifices,
Tu favorises ceux que le vin purifié réjouit,
Tu es l'énergie même de ceux qui T’adorent grisés de ce vin,
Le culte dont Tu fais l’objet au moyen du vin purifié Te satisfait,
Tu T’immerges dans l’océan de vin purifié,
Tu es la protectrice de qui accomplit les exercices rituels avec ce vin,
Le parfum de musc Te ravit,
Brille le signe tilaka tracé sur Ton front avec du musc,
Tu bénis ceux qui T’adorent avec du musc,
Et Tu les aimes ceux qui T’adorent avec du musc,
Tu es une mère pour ceux qui brûlent le musc comme de l’encens, 
Le cerf musqué T’est cher,
Tu apprécies de manger son musc,
Tu respires avec joie la senteur du camphre,
Tu portes des guirlandes de fleurs de camphrier,
Ton corps est enduit de pâte de camphre et de santal,
Tu bois le vin purifié parfumé au camphre,
Tu Te baignes dans l’océan de camphre,
Tu résides dans l’océan de camphre,
Tu Te plais à être invoquée avec le bîja-mantra Hûm,
En combattant Tu ne cesses d’émettre le son terrifiant du bija-mantra Hûm,
Incarnation de la voie tantrique Kaula où est adorée l’essence même de Shiva-Shakti, 
Adorée par les seigneurs de la voie Kaula, 
Bienfaitrice des seigneurs de la voie Kaula, 
Observante de la voie Kaula, 
Toi, la joie,
Révélatrice du chemin des Kaulika, 
Reine de Kâshî,
Tu libères des souffrances du triple feu du désir, 
Bénédiction de Shiva, Roi de Kâshî, 
Jouissance de Shiva, Roi de Kâshî, 
Aimée de Shiva, Roi de Kâshî,
Quand Tu Te meus, les clochettes de Ta ceinture 
Et les bagues vibrantes de Tes orteils composent une musique divine,
Le pic médian du Mont Suméru est Ta radiante demeure, 
Tu es comme un rayon de soleil sur la montagne d’or,
La récitation du mantra Klîm, dont la dernière syllabe exprime l’état suprême, T’enchante, 
Tu es Klîm le bîja-mantra de Kâma,
Tu éveilles et stimules la soif de transcendance, 
Tu lèves les obstacles sur le sentier des Kaulika, 
Souveraine des adeptes de la voie Kaula,
O Toi ! qui, par les trois bija Krîm Hrîm Shrîm, libères de l’emprise de la mort, 
Je Te salue.
Adya Kali, trad. Christian Tikhomiroff 
Source du texte : natha-yoga





Déploiement des Kali, leurs douze mouvements.
D'après Abinavagupta douze rayons de la roue indicible forment les douze aspects successifs que revêt la conscience du yogin, à savoir les quatre énergies (création, permanence, résorption et état indicible) relatives respectivement à l'objet connu, aux moyens de connaissances, au sujet connaissant et à l'universel Sujet. Si, à ces quatre énergies, on ajoute la Splendeur ou liberté divine qui répand la grâce, on aura la quintuple activité de Siva. Celle-ci, selon Ksemaraja, a lieu constamment en chaque individu, le processus d'intégration s'effectuant sans arrêt. Il suffit d'en saisir le sens profond pour s'élever à la Conscience suprême.

Par rapport à la quintuple activité divine ou humaine, essayons de situer brièvement la pratique des kali. Mais d'abord, pour éviter tout malentendu, précisons qu'elle est destinée exclusivement au mystique qui a pénétré dans son coeur et qui cherche à devenir maître de ses organes en toutes circonstances, et ceci afin de ne jamais perdre la quiétude du coeur. Ainsi pourra-t-il accéder au Coeur universel et sera-t-il parfaitement équilibré et maître de soi.

Voici donc en quoi consiste pour lui le jeu des kali quand, en pleine paix du Quatrième état, il s'oriente vers le dehors : toutes ses énergies bien recueillies se déploient en douze mouvements, et de le la roue du coeur il tire successivement les douze kali jusque vers ses organes en contact avec le monde sensible, puis les ramène à son coeur; émetteur d'abord, il suscite l'objet lors d'une perception fugitive, acte créateur sans durée, puis li le stabilise quand il le reconnaît en sa permanence, apte à le discerner clairement et à en jouir; il le reprend ensuite à l'intérieur de soi en le résorbant, puis, sa curiosité satisfaite, il le cache en lui-même; mais si des vestiges de l'objet demeurent dans l'inconscient toujours prêts à resurgir, alors afin de les faire disparaître complètement, il se livre sans discontinuer à les émettre et à les résorber en les coagulant et en les dissolvant jusqu'à ce qu'ils se fondent dans la Conscience. tel est l'engloutissement définitif répondant à la grâce ou à la libre Splendeur du système Krama. Ainsi fermement établi dans les kali, leur essence atteinte, il ne garde que la libre conscience dont l'acte indicible est spontané. (...)

Adoration des Kali (Kali puja).
En quoi consiste la puja relative à la roue des énergies et quelle fin vise-t-elle ? Rappelons d'abord que c'est dans la Roue universelle que se déploie le grand Seigneur doué de toutes ses énergies. Alors, adorer ces énergies épanouies dans la création, la permanence, la résorption et l'indicible Quatrième état, c'est prendre pour assise Paramasiva dans la plénitude de son essence, c'est à dire en sa puissance et sa gloire bien manifestes.
L'hommage digne de ce nom tend donc à faire fusionner les courants différenciés de toutes les modalités dans la Conscience infinie libre et immaculée de Bhairava. Il s'agit d'une intégration totale dans la spontanéité et la béatitude du Soi. Formes, saveurs et autres sensations, n'étant plus séparées par le temps, l'espace et les conditions limitantes, ne font qu'un.
Mais comment l'univers grossier peut-il se mêler ainsi à la pure Conscience ? Celle-ci se manifeste grâce à sa liberté comme une réalité interne et externe, mais consiste dans les deux cas en une conscience globale puisque la réalité externe, elle aussi, est éprouvée intérieurement. Et cette conscience globale se révèle sous sa forme externe et universelle d'une manière duodécuple : relativement à sa quadruple forme, la Conscience brille sans répit dans le sujet, dans la connaissance instrumentale ainsi que dans le champ objectif, d'où les douze aspect qu'elle assume et qui couvrent l'ensemble de ces domaines. (...)
Extrait de : Liliane Silburn, Hymne aux Kali, La roue des énergies divines, Institut de Civilisation Indienne (Fasc. 40), Ed. De Boccard, 1975-1990.


Bibliographie :
Ajit Mookerjee, Kali, La force au féminin, Ed. Thames & Hudson, 1995.
Liliane Silburn, Hymne aux Kali, La roue des énergies divines, Institut de Civilisation Indienne (Fasc. 40), 1975-1995.

Devy-Mahatmya, Célébration de la Grande Déesse, trad. Jean Varenne, Ed. Les Belles Lettres, 1975.
Vishwanath Shastri, Hymnes dédiés à la grande déesse Kali, Ed. Shastri, 2004.
En ligne (Kali dans l'hindouisme ) :
wikipedia / ganapati / horizon

Sur le blog voir aussi :
Saktisangma  tantra
Ramakrishna (prêtre de Kali)

Chants dévotionnels :





Puja (cérémonie d'offrande) :





Dans un film de Satyajit Ray :


A Bollywood :








1 commentaire:

  1. Comme me l'a fait remarquer David Dubois la page mélange les références à la Kali du Krama et à celle du Bengale. Merci à lui.

    "En ce qui concerne Kali, je me permets au passage de préciser que la Kali du Krama n'a rien à voir avec la Kali "bengalie" des tantras que vous citez - la Kali d'Indiana Jones, des Thugs et de Ramakrishna. L'iconographie et surtout les mantras montrent qu'il s'agit d'une entité complètement différente. Il n'y a qu'une simple homonymie. Le seul endroit ou la Kali du Krama - ou plutôt d'origine Krama - est encore vénérée (sous le nom de Guhyâ ou Siddhilakshmî), c'est la vallée de Kathmandou. Son apparence est très différente (pas de langue pendue, etc.), de même que les lignées, les rituels, etc."

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