vendredi 17 février 2012

Thomas d'Aquin ou le Docteur Angélique


Thomas d'Aquin (né en 1224/1225 au château de Roccasecca près d'Aquino en Italie du Sud, mort le 7 mars 1274 à l'abbaye de Fossanova près de Priverno dans le Latium), est un religieux de l'ordre dominicain, célèbre pour son œuvre théologique et philosophique. Considéré comme l'un des principaux maîtres de la philosophie scolastique et de la théologie catholique, il a été canonisé en 1323, puis proclamé docteur de l'Église par Pie V, en 1567 et patron des universités, écoles et académies catholiques, par Léon XIII en 1880. Il est également un des patrons des libraires. Il est aussi qualifié du titre de « Docteur angélique ». Son corps est conservé sous le maître-autel de l'église de l'ancien couvent des dominicains de Toulouse.
Source (et suite) du texte : wikipedia

Le 6 décembre 1273, fête de saint Nicolas, célébrant la messe dans la chapelle dédiée à ce saint au couvent de Naples, il eut une révélation qui le changea tellement, que dès lors il ne lui fut plus possible ni d'écrire ni de dicter. « Ou plutôt, dit l'auteur ancien que désormais nous ne ferons guère que traduire, le Docteur brisa sa plume; il était à la troisième partie de sa Somme, dans le traité de la Pénitence. » Frère Réginald, voyant son maître cesser d'écrire, lui dit : « Père, comment laissez-vous inachevée une oeuvre si grande; entreprise, par vous pour la gloire de Dieu et l'illumination du monde ? - Je ne peux continuer »,  répondit le Saint. Réginald, qui craignait que l'excès du travail n'eût émoussé l'intelligence du grand Docteur, insistait toujours, pour qu'il écrivît,ou dictât, et Thomas lui répondait : « En vérité, mon fils, je ne puis plus; tout ce que j'ai écrit me paraît un brin de paille. » Sur le conseil de ses supérieurs, qui pensèrent qu'une absence de Naples le reposerait, Thomas se rendit chez la comtesse de San-Severino, sa soeur, pour laquelle il avait une vive affection : il n'y arriva qu'avec une extrême difficulté, et lorsque la comtesse vint à sa rencontre, c'est à peine s'il lui parla. Elle en fut effrayée, et dit au compagnon du Bienheureux : « Qu'est-il donc survenu à mon frère, qu'il soit comme étranger à tout, et qu'il ne m'ait presque rien dit ? - Depuis la fête de saint Nicolas, répondit Réginald, il est fréquemment dans des abstractions de ce genre, et il n'a plus écrit. Cependant je ne l'avais pas vu encore si complètement absorbé. » Et, après une ou deux heures, s'approchant du Maître, il le tira vivement par sa chape, pour le faire revenir à lui. Thomas poussa un soupir, comme un homme arraché aux douceurs d'un profond sommeil, et dit :
« Réginald, mon fils, je vais vous apprendre un secret; mais je vous adjure, au nom du Dieu tout-puissant, par votre attachement à notre Ordre et l'affection que vous me portez, de ne le révéler à personne, tant que je vivrai. Le terme de mes travaux est venu; tout ce que j'ai écrit et enseigné me semble un brin de paille auprès de ce que j'ai  vu et de ce qui m'a été dévoilé. Désormais j'espère de la bonté de mon Dieu que la fin de ma vie suivra de près celle de mes travaux. »
Extrait de : La vie de Thomas d'Aquin par le R. P. Charles-Anatole Joyau O. P., 1895.
Source du texte : docteur angélique


Bibliographie :
- Somme Théologique, nombreux tomes (en cours), Ed. du Cerf.
- L'être et l'essence, Ed. Vrin, 1991
- L'être et l'essence (Thomas d'Aquin, Dietrich de Freiberg), Ed. Seuil, Pointss essai, 1996.
- Le Mystère du Christ chez saint Thomas d'Aquin, extraits de la Somme théologique, Ed. du Cerf, Foi vivante, 1999.
- Somme contre les Gentils, 4 tomes, Ed. Garnier Flammarion, 1999.
- Contre Averroès, Ed. Garnier Flammarion, 1999.
- Commentaire du Traité de l'Ame d'Aristote, Ed. Vrin, 2000
- Commentaire du Livre des Causes, Ed. Vrin, 2005
- Commentaire sur le deuxième épitre aux Corinthiens, Ed. du Cerf, 2005
- Commentaire sur l'Evangile de saint Jean, deux tomes, Ed. du Cerf, 1999, 2006
- Abrégé de théologie, Ed. du Cerf, 2007.
- Commentaire de l'épitre aux Galates, Ed. du Cerf, 2008.
- La perfection c'est la charité, Ed. du Cerf, 2010
- La Grâce, Ed. du Cerf, 2011.
- Commentaire de l'Epitre aux Ephésiens, Ed. du Cerf, 2012
(...) 
voir : Ed. du Cerf / Ed. Vrin / wikiberal

Etudes :
Etienne Gilson, Le thomisme, introduction à la philosophie de saint Thomas d'Aquin, rééd. Vrin, 2005
Jacques Maritain, Le Docteur Angélique, Ed. Seghers, 1929.
Stanislas Breton, saint Thomas d'Aquin, Ed. Seghers, 1965.
Jean-Pierre Torell, Initiation à saint Thomas d'Aquin, Ed. du Cerf, 1993.
T.D. Humbrecht, Théologie négative et noms divins chez saint Thomas d'Aquin, Ed. Vrin, 2005.
Marie-Dominique Chenu, St Thomas d'Aquin et la théologie, Ed. Seuil Point Sagesse, 2005.
Encyclopédie, Jésus le Christ chez saint Thomas, Ed. du Cerf, 2010.
(...) voir wikipedia 
 En ligne :
- La Somme contre les gentils : Ed. du Cerf
- La Somme Théologique, Ed. du Cerf : Tome 1 / Tome 2 / Tome 3 / Tome 4
- Le Commentaire des Psaumes : Ed. du Cerf
Divers textes chez : docteur angélique / thomas d'aquin / abbaye saint benoit / jesusmarie


Notre connaissance est si faible qu'aucun philosophe n'a jamais pu découvrir parfaitement la nature d'une seule mouche.
Expositio in Symbolum Apostolorum, Prologue
Citation mise en exergue dans le livre de T.D. Humbrecht, Théologie négative et noms divins chez saint Thomas d'Aquin

* * *


D'après ce qui précède, on voit comment l'essence se trouve dans les différentes choses. Mais il y a trois manières pour les substances de posséder leur essence. Il y a en effet une réalité, comme Dieu, dont l'essence est son exister lui-même, et c'est pourquoi certains philosophes disent que Dieu n'a pas de quiddité ou essence parce que son essence n'est pas autre que son exister. Et de là suit qu'il n'est pas dans un genre, parce que tout ce qui est dans un genre doit avoir une quiddité en outre de son existence, (...)
Extrait de : L'être et l'essence, chap. 6 (ouvrage épuisé)

(...) Voilà donc comment l'essence se trouve dans les substances et les accidents, dans les substances composées et simples, dans tous les concepts universaux de la Logique; il n'y a d’exception que pour le premier principe qui est d'une infinie simplicité, à qui ne conviennent pas les notions de genre ou d'espèce, qui par conséquent ne peut être défini en raison de sa simplicité, en lequel puisse ce traité trouver sa fin et son accomplissement.

Ibid chap. 7

* * *
Il est une autre connaissance de Dieu, plus profonde que celle dont nous venons de parler, due à la démonstration qui nous vaut d'approcher davantage de sa connaissance propre, car par cette voie nous nions de lui beaucoup de chose, ce qui nous le fait apparaître comme un être séparé des autres. La démonstration en effet conclut à un Dieu immobile, éternel, incorporel, absolument simple, un, doté de tous ces attributs que nous avons étudiés au Premier Livre sur Dieu. Or non seulement l'affirmation, mais encore la négation, nous fournit d'un être une connaissance propre : ainsi s'il propre à un homme d'être un animal raisonnable, il lui est pareillement propre de ne pas être un être inanimé ou irrationnel. Néanmoins il existe une différence entre ces deux voies du connaitre : par l'affirmation nous savons ce qu'est la chose, comment elle se distingue des autres, tandis que par la négation, si nous savons comment elle se distingue des autres, nous ignorons ce qu'elle est. Or telle est la connaissance propre que nous avons de Dieu par la démonstration. Elle est donc elle-même insuffisante à l'ultime félicité de l'homme.(...)

Somme Contre les Gentils, Livre III, 39

Tout être créé est limité à un genre ou à une espèce. or la divine essence est infinie, riche en soi de la perfection totale de tout l'être, comme on l'a prouvé au Premier Livre. Il est donc impossible de saisir la divine essence à travers le créé.
Tout espèce intelligible qui permet de connaitre la quiddité ou l'essence d'une chose, embrasse cette réalité dans sa représentation, aussi appelons-nous termes ou définitions ces discours par lesquels nous exprimons l'essence. Or il est impossible à quelques similitudes créé d'exprimer Dieu ainsi, car à l'encontre de Dieu toute représentation créé est d'un genre déterminé, nous l'avons dit au Premier Livre.
Il n'est donc pas possible de connaitre Dieu par quelque représentation créée.
La divine substance est son être, nous l'avons expliqué au Premier Livre, tandis que l'être de toute substance séparée est autre que son essence, nous l'avons prouvé au Deuxième Livre. L'essence de la substance séparée n'est dons pas un moyen suffisant pour voir Dieu dans son essence. Cependant la substance séparée connait par elle-même que Dieu existe, qu'il est cause de tout, au-dessus de tout, distinct de tout ce qui est et même de tout ce qui est concevable par une intelligence créée, cette connaissance de Dieu est pareillement à notre portée, car par ses effets nous connaissons de Dieu qu'il existe, qu'il est la cause des êtres, au-dessus et distinct d'eux. C'est le sommet de notre connaissance en cette vie, comme le dit Denys dans son ouvrage De Mystica Theologia : "nous sommes unis à Dieu comme à un inconnu", cela vient de ce que nous connaissons de lui ce qu'Il n'est pas, son essence nous demeurant absolument cachée. De là, pour marquer l'ignorance de cette sublime connaissance, il est dit de Moise qu'il "s'approcha de l'obscurité en laquelle Dieu réside".
Mais une nature inférieure, à son sommet, ne touche qu'au dernier degré de la nature supérieure, c'est pourquoi cette connaissance est plus excellente chez les substances séparées [immatériels, comme les anges] qu'en nous. (...)
Ibid, III, 49


Il est impossible à quelque créature que ce soit d'atteindre par ses forces à ce mode de la vision divine. Une nature inférieur ne peut atteindre ce qui est propre à une supérieur que sous l'action de celle-ci : ainsi sous l'action du feu, l'eau ne s'échaufferait pas. Or la vision de Dieu par l'essence divine elle-même est le propre de la nature divine, car le propre de tout agent est d'agir par sa forme propre. Aucune créature ne peut donc voir Dieu par sa divine essence si ce n'est sous l'action de Dieu. (...)

Ibid. III, 52
Source du texte : bibliothèque du Cerf 

* * *

Brève remarque :
Les traces de théologie négative chez Thomas ne sont pas équivalente à celle de Denys ou Jean Scot, ou plus tard Eckhart et Nicolas de Cues, dont la portée et la profondeur sont tout autre. Néanmoins son expérience mystique, trois mois avant sa mort, l'aura peut-être rapproché un peu de ceux-ci (voir plus haut l'extrait de sa biographie). 

  

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