Jean Scot Erigène, (Iohannes Scottus) est un clerc et philosophe irlandais du IXe siècle né entre les années 8001 et 815. Il meurt vers 876 sur le continent, comme nombre de moines celtes venus d'Irlande, « l'île des saints et des savants » et du christianisme celtique.
De Scot (Jean), dit « Érigène », philosophe et théologien du IXe siècle, il est impossible de fixer davantage les éléments relatifs à sa date de naissance, sa jeunesse et la fin de sa vie. (...)
Il a une culture exceptionnelle pour son temps. Il est féru de grec, il traduit et annote les œuvres de Maxime le Confesseur ainsi que Sur les images de Grégoire de Nysse. Il étudie Origène et saint Augustin. Il annote et commente Martianus Capella et Boèce. Il reste, encore aujourd'hui, reconnu pour avoir été un traducteur et commentateur brillant du Pseudo-Denys l'Aréopagite.
Source (et suite) du texte : wikipedia
Autre biographie : PUF
Bibliographie (en français) :
- De la Division de la Nature, cinq tomes, Ed. PUF,
- Commentaire sur l'Evangile de Jean, Ed. du Cerf, 1972.
- Homélie sur le Prologue de Jean, Ed. du Cerf, 1969.
- Commentaire de la “Hiérarchie céleste” du Pseudo-Denys, éd. J. Barbet, “Corpus Christianorum, Continuatio mediaeualis”, vol. 31, Turnhout : Brepols, 1975.
Etudes :
Maieul Cappuyns, Jean Scot Erigène sa vie, son œuvre, sa pensée. Paris: Desclée de Brouwer 1933.
Jean Scot Erigène et l'histoire de la philosophie, Acte du Colloque International à Laon, 1975.
René Roques, Libres sentiers vers l’érigénisme, Rome, 1975
Édouard Jeauneau, Etudes érigéniennes, Paris: Études augustiniennes 1987
Avital Wohlman, "L'homme, le monde sensible, et le péché dans la philosophie de Jean Scot Erigène" Paris: Vrin, 1987
En ligne :
Marguerite Techert, le plotinisme dans le système de Jean Scot Erigène
Jean Borella, Mystère et symbole chez Jean Scot
N - Ayant souvent réfléchi et, pour autant que mes capacités le permettent, ayant examiné très attentivement le fait que la division principale de toutes les choses qui ou bien peuvent être perçues par l'intelligence ou bien dépassent sa portée, intervient entre celles qui sont et celles qui ne sont pas, j'ai choisi pour les désigner toutes ce terme générique que l'on traduit par fusis en grec et par natura en latin. Ou bien te semble-t-il en aller autrement ?
A- J'approuve au contraire ta démarche. Car moi aussi, lorsque je m'engage dans la voie du raisonnement, je découvre qu'il en va bien ainsi.
N - Le mot Nature est-il donc un nom générique s'appliquant, comme nous l'avons dit, à tout ce qui est et à tout ce qui n'est pas ?
A - Il n'est sans conteste. Car rien dans l'univers ne peut se présenter à notre réflexion qui ne puisse rentrer sous ce terme.
N - Puisque nous avons donc convenu entre nous d'utiliser ce terme générique de Nature, je souhaiterais que tu suggères une méthode relative à la division de ce genre en espèce par des différences; ou bien, si tu préfères, j'essaierai d'abord de diviser, et ton rôle consistera à porter un jugement correct sur cette division.
A - Je te prie de commencer. Car je brûle d'impatience et je suis désireux d'entendre de ta part une démonstration véridique de ce problème.
N - La division de la Nature selon quatre différence me semble comporter quatre espèces, dont la première consiste dans la Nature qui créé et qui n'est pas créée, la deuxième dans la Nature qui est créée et qui crée, la troisième dans la Nature qui est créé et qui ne crée pas, la quatrième dans la Nature qui ne crée pas et qui n'est pas créée. Mais parmi ces quatre divisions de la Nature deux paires s'opposent mutuellement. Car la troisième division s'oppose à la première, et la quatrième division s'oppose à la deuxième, mais la quatrième, dont l'être consiste dans l'impossibilité d'exister, se classe parmi les impossibles. Une telle division de la Nature te semble-t-elle correct ou non ? (...)
De la Division de la Nature, Livre I, 441A-442A
N - Cette distinction originaire, qui départage donc toutes choses, implique en elle-même cinq modes d'interprétation relatifs à l'opposition entre "être" et "non-être".
1) Le premier mode d'opposition entre "être" et "non être" semble consister en celui par lequel la raison nous enseigne que toutes les choses qui s'offrent à la perception des sens corporels ou à la compréhension de l'intelligence sont appelées en toute vérité et à juste titre "être", alors que toutes celles qui en vertu de l'éminence de leur nature excèdent non seulement tous les sens, mais aussi tout intellect et toute raison, sont appelées à juste titre "non-être". On ne saurait concevoir ce que comme s'appliquant à Dieu seul ainsi qu'à la matière et aux causes ou aux essences de tous les existants qui ont été créées par Lui. Il ne s'agit pas d'une hypothèse injustifiées, car Dieu est l'Essence de tous les existants, Lui qui seul existe véritablement, si on en croit Denys l'Aréopagyte. "Car, déclare-t-il, l'être de tout est la Déité qui est au-dessus de l'Etre". (...)
Ibid, Livre I, 443A-B
N - Je ne sache pas qu'on puisse parler de ce problème [la Trinité] en termes succincts et clairs. Car en ce qui concerne un tel problème, ou bien on devra garder un silence complet et s'en remettre à la simplicité de la Foi orthodoxe, car Dieu excède tout entendement, ainsi qu'il est écrit : "Toi seul possèdes l'immortalité et habites une lumière inaccessible", ou bien, si on a commencé à discuter de ce problème, on devra démontrer par de multiples procédés et avec de nombreux arguments une vérité probable, en se servant des deux branches principales de la théologie : la théologie affirmative, que les Grecs appellent théologie cataphatique, et la théologie négative, qu'ils appellent théologie apophatique.
La première, à savoir la théologie apophatique, nie que l'Essence ou la Substance divine soit rien de ce qui existe, c'est-à-dire rien de ce qu'on peut énoncer ou concevoir, en revanche, la seconde, à savoir la théologie cataphatique, prédique de l'Essence divine tout ce qui existe, et c'est la raison pour laquelle on l'appelle théologie affirmative, non point en ce sens qu'elle affirmerait que l'Essence divine soit rien de ce qui existe, mais parce que cette théologie enseigne qu'on peut prédiquer de l'Essence divine tout ce qui procède d'elle. Car la cause peut sans inconvénient être désignée avec les noms de ses effets. C'est ainsi que la théologie affirmative affirme que Dieu est Vérité, Bonté, Essence, Lumière, Justice, Étoile, Esprit, Eau, Lion, Ours, Ver, et d'innombrables autres prédicats. Et la théologie affirmative notifie Dieu non seulement à partir de propriétés conformes à sa nature, mais aussi à partir de propriétés contraires à sa nature, lorsqu’elle le décrit comme étant ivre, fou ou en proie à la passion. (...)
Ibid, Livre I 458B
N - N'avons nous pas déclaré que la Nature ineffable ne peut être signifiée à proprement parler par aucun verbe et par aucun nom, ni par aucun son sensible, non non plus par aucune propriété signifiée par ceux-ci ? Et tu l'a admis. Car ce n'est pas au sens propre, mais c'est au sens figuré qu'on l'appelle Essence, Vérité, Sagesse, et autres noms de ce type, en revanche, c'est au sens propre qu'on l'appelle Suressence, plus-que-vérité, plus-que-Sagesse, etc. (...)
Ibid. 460C
N - (...) Proposons donc, si cela te convient, une solution à la présente question en la résolvant de la manière suivante : à savoir que tous les noms qui sont prédiqués de Dieu par addition des préfixes super ou plus-que, tels que Suressence, plus-que-Vérité, plus-que-Sagesse et autres noms similaires, font pleinement la synthèse en eux-mêmes des deux branches susdites de la théologie, en sort que, si dans leur formulation même ces noms adoptent les tournures de la théologie affirmative, en revanche, dans leur sens ces noms recèlent le sens inhérent à la théologie négative. Et concluons par ce bref exemple : Dieu est Essence = affirmation, Dieu n'est pas Essence = négation, Dieu est Suressence = à la fois affirmation et négation. Si en apparence cette formule n'implique aucune négation, en revanche par son sens elle est prégnante d'une négation. Car la théologie négative qui déclare : Dieu est Suressence, n'énonce pas ce que Dieu est, mais elle énonce ce que Dieu n'est pas, car la théologie négative déclare que Dieu n'est pas Essence mais plus-qu'Essence. Cependant la théologie négative ne révèle pas ce qu'est Celui qui est plus-qu'Essence, et elle se borne à déclarer que Dieu n'est rien de ce qui existe, mais qu'il est plus que tout ce qui existe, mais sans jamais définir ce qu'il est.
Ibid. Livre I, 462B-D
N - (...) Mais, comme saint Augustin l'indique dans son livre intitulé La Trinité, la validité des Catégories [aristotéliciennes] devient entièrement caduque lorsqu'on arrive à la théologie, c'est-à-dire à l'étude de l'essence divine. Car si l'efficacité de n'importe laquelle d'entre les Catégories [essence ou substance, quantité, qualité, relation, lieu, temps, position, possession, action, passion] s'avère effective dans le cas des natures créées par Dieu et dans le cas des mouvements qui animent ses natures, leurs efficacités ne joue absolument plus dans cette Nature qu'on ne peut ni formuler ni concevoir. (...)
Ibid. Livre I, 463B
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N - (...) Si l'Essence divine, qui constitue une essence unique et identique, n'est donc ni le Père, ni le Fils, ni l'Esprit saint, mais constitue leur Nature commune, nous pouvons en conclure que ce n'est pas de l'Essence divine que naît le Fils et que procède le Saint-Esprit. (...) Car, même dans le cas des hommes, nous ne disons jamais que les fils naissent de la nature humaine commune, mais que chacun des fils naît d'une nature propre. Car si les hommes naissaient de la nature humaine commune, aucun père ne posséderait de fils propre, comme aucun fils ne posséderait non pus de père propre.
Ibid. Livre II, 614B
N - (...) Si l'Essence divine, qui constitue une essence unique et identique, n'est donc ni le Père, ni le Fils, ni l'Esprit saint, mais constitue leur Nature commune, nous pouvons en conclure que ce n'est pas de l'Essence divine que naît le Fils et que procède le Saint-Esprit. (...) Car, même dans le cas des hommes, nous ne disons jamais que les fils naissent de la nature humaine commune, mais que chacun des fils naît d'une nature propre. Car si les hommes naissaient de la nature humaine commune, aucun père ne posséderait de fils propre, comme aucun fils ne posséderait non pus de père propre.
Ibid. Livre II, 614B
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N - (...) Nous devons comprendre que les saints subsistent dans la pureté de la contemplation avec le Christ et dans le Christ sous trois modes distincts. Car soit les saints subsistent avec le Christ et dans le Christ alors qu'ils vivent encore dans la chair, soit les saints vivent avec le Christ et dans le Christ alors qu'ils sont libérés du corps, soit les saints vivent avec le Christ et dans le Christ avec des corps ressuscités. Des exemples absolument patents de ces trois modes sont fournis par la Transfiguration du Seigneur sur la montagne. (...)
Ibid. Livre V, 999C
N - (...) Le troisième mode de considération du retour concerne les hommes qui non seulement s'élèveront jusqu'aux cimes de la nature qui fut crée en eux, mais aussi qui, par l'effusion de la grâce divine, qui sera communiquée par le Christ et dans le Christ à ses élus, passeront suressentiellement en Dieu Lui-même au-delà de toutes les lois et de toutes les limites de la nature, et deviendront un en Lui et avec Lui. Le retour de ceux-ci s'observe comme se déroulant pour ainsi dire à travers sept étapes. La première étape consistera en la transmutation du corps sensible en mouvement vital, la seconde étape consistera en la résorption du mouvement vital dans le sens intérieur, la troisième étape consistera en la résorption du sens intérieur dans la raison, la quatrième étape consistera en la résorption de la raison dans l'intellect, en qui est fixée la fin de toute la créature rationnelle, Après cette unification pour ainsi dire quintuple des composantes de notre nature, c'est-à-dire le corps, le mouvement vital, le sens intérieur, la raison et l'intellect, de telle sorte qu'elles ne seront plus cinq mais ne feront qu'un, les composantes inférieures étant toujours absorbées par les composantes supérieures, suivent les trois étapes de l'ascension, dont la première consistera en un passage de l'intellect dans la connaissance de tout ce qui vient après Dieu, dont la seconde consistera en une résorption de la connaissance dans la sagesse, c'est-à-dire dans la contemplation intime de la Vérité, pour autant que cela est permis à la créature, et dont la troisième étape, qui est aussi la plus haute, consistera en un passage surnaturel des intelligences les plus purifiées en Dieu Lui-même, et en quelque sorte en une entrée dans les Ténèbres propres à la Lumière incompréhensible et inaccessible, dans lesquelles subsistent cachées les causes de tous les existants. Et alors "la nuit sera illuminée comme le jour", c'est-à-dire les mystères divins les plus secrets seront révélés sous un mode ineffable aux intellects bienheureux et illuminés. (...)
ibid, Livre V, 1020C-1021A
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N - (...) Nous devons comprendre que les saints subsistent dans la pureté de la contemplation avec le Christ et dans le Christ sous trois modes distincts. Car soit les saints subsistent avec le Christ et dans le Christ alors qu'ils vivent encore dans la chair, soit les saints vivent avec le Christ et dans le Christ alors qu'ils sont libérés du corps, soit les saints vivent avec le Christ et dans le Christ avec des corps ressuscités. Des exemples absolument patents de ces trois modes sont fournis par la Transfiguration du Seigneur sur la montagne. (...)
Ibid. Livre V, 999C
N - (...) Le troisième mode de considération du retour concerne les hommes qui non seulement s'élèveront jusqu'aux cimes de la nature qui fut crée en eux, mais aussi qui, par l'effusion de la grâce divine, qui sera communiquée par le Christ et dans le Christ à ses élus, passeront suressentiellement en Dieu Lui-même au-delà de toutes les lois et de toutes les limites de la nature, et deviendront un en Lui et avec Lui. Le retour de ceux-ci s'observe comme se déroulant pour ainsi dire à travers sept étapes. La première étape consistera en la transmutation du corps sensible en mouvement vital, la seconde étape consistera en la résorption du mouvement vital dans le sens intérieur, la troisième étape consistera en la résorption du sens intérieur dans la raison, la quatrième étape consistera en la résorption de la raison dans l'intellect, en qui est fixée la fin de toute la créature rationnelle, Après cette unification pour ainsi dire quintuple des composantes de notre nature, c'est-à-dire le corps, le mouvement vital, le sens intérieur, la raison et l'intellect, de telle sorte qu'elles ne seront plus cinq mais ne feront qu'un, les composantes inférieures étant toujours absorbées par les composantes supérieures, suivent les trois étapes de l'ascension, dont la première consistera en un passage de l'intellect dans la connaissance de tout ce qui vient après Dieu, dont la seconde consistera en une résorption de la connaissance dans la sagesse, c'est-à-dire dans la contemplation intime de la Vérité, pour autant que cela est permis à la créature, et dont la troisième étape, qui est aussi la plus haute, consistera en un passage surnaturel des intelligences les plus purifiées en Dieu Lui-même, et en quelque sorte en une entrée dans les Ténèbres propres à la Lumière incompréhensible et inaccessible, dans lesquelles subsistent cachées les causes de tous les existants. Et alors "la nuit sera illuminée comme le jour", c'est-à-dire les mystères divins les plus secrets seront révélés sous un mode ineffable aux intellects bienheureux et illuminés. (...)
ibid, Livre V, 1020C-1021A
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