vendredi 17 décembre 2010

Henri Suso ou Heinrich Seuse



Avec Tauler, Suso est le principal disciple de Maître Eckhart. Des trois grands mystiques rhénans de l’école dominicaine allemande du XIVe siècle, c’est le seul à avoir été proclamé bienheureux, tardivement il est vrai, puisqu’il fallut attendre 1831.

Suso se distingue aussi par l’attention qu’il porte aux images et par sa volonté d’imiter le Christ souffrant. Enfin, de tous les mystiques rhénans, c’est celui dont la vie nous est la mieux connue, grâce à son autobiographie, rédigée avec l’aide de sa « fille spirituelle » Elsbet Stagel. Né vers 1295/97, à Constance ou dans ses environs, un 21 mars, jour de la fête de saint Benoît, il est mort le 25 janvier 1366 à Ulm, où il a été enterré dans l’église des frères prêcheurs. C’est par vénération pour sa mère que le jeune Heinrich von Berg choisit de porter son nom de jeune fille, Sus latinisé en Suso. Entré chez les dominicains de Constance dès l’âge de 13 ans, il connaît ses premières expériences mystiques à 18 ans et s’inflige pendant plus de 20 ans de terribles mortifications, jusqu’à ce que, voyant un chien jouer avec un morceau d’étoffe, il comprenne qu’il faut accepter les épreuves qui viennent de l’extérieur plutôt que de se les infliger volontairement. Après avoir suivi l’enseignement de Maître Eckhart à Strasbourg et à Cologne, il assiste avec douleur au début de son procès et revient vers 1327 à Constance pour y être professeur au sein du studium dominicain. C’est à cette époque qu’il rédige le Petit Livre de la Vérité, ouvrage d’inspiration eckhartienne, qui lui vaut presque aussitôt des ennuis avec les autorités de son ordre. Spéculatif et mystique, plus accessible que son maître, Eckhart, mais aussi un peu rebutant en raison de son dolorisme, ce Serviteur de la Sagesse éternelle – comme il aimait à s’appeler – est un témoin exemplaire de la spiritualité chrétienne de la fin du Moyen Age.
Source : Ymago




Bibliographie :
- Oeuvres du B. Henri Suso. Trad. E.Cartier (1852) . Ed. Kessinger Publishing, 2010
- Oeuvre mystique. L'horloge de la Sagesse. Trad. Benoit Lavaud, 1946.
- Oeuvres traduites  par Jeanne Ancelet-Hustache. Séries: Les Maîtres de la spiritualité chrétienne. Textes et étude.
- Oeuvres de Heinri Suso. Ed. Nabu Press, 2010
- Le petit livre de la vérité. Ed. Belin, 2002.
- Tel un aigle. Initiation à la vie spirituelle. Trad. Wolfgang Wakernagel. Ed. Rivages poche / Petite bibliothèque, 2005.
Etudes :
Libera, Alain de. Eckhart, Suso, Tauler ou la divinisation de l'homme. Paris, Bayard, 1996.

Vannier, Marie-Anne, Les Mystiques rhénans, Anthologie : Eckhart, Tauler, Suso, 2010. 
En ligne :
Oeuvres complètes (trad. Cartier, 1852) : PDF / Googlebooks / Archives


Comment peut-on donner une forme à ce qui n'en a pas et démontrer ce que l'on ne peut comprendre, ce qui surpasse tous les sens et toute intelligence humaine ? Ce qu'on donne pour similitude, c'est mille fois plus dissemblable que ce n'est ressemblant. Cependant, pour chasser image par images, je veux te parler ici en images, te montrer dans un langage imagé, autant du moins qu'il est possible, comment ces pensées sans images sont à prendre en vérité et conclure un long discours en peu de mots.
Ecoute : Un sage maître dit que Dieu, pris selon la divinité, est comme un très grand cercle, dont le centre est partout et la circonférence (surface) nulle part. Ici représente-toi en imagination quelqu'un jetant avec force une lourde pierre au milieu d'une eau calme; un cercle se produit dans l'eau; ce cercle, par sa force, en fait un autre et celui-ci, à son tour, un autre et, à proportion de la force du premier jet, les cercles s'étendent loin et large. La puissance du premier jet pourrait être si forte que l'eau passât par-dessus tout. Imagine-toi dans le premier cercle la force puissante de la nature divine dans le Père. Elle est sans fond : elle engendre, semblable à soi, un autre cercle; c'est une personne : le Fils; et des deux (procède) le troisième, qui est leur Esprit à tous deux, également éternel, également tout puissant. Voilà ce que désignent les trois cercles : Père, Fils, Saint-Esprit. Dans ce profond abîme, la nature divine est dans le Père, disant et engendrant le Verbe, distinct de lui selon la personnalité, demeurant en lui selon l'essence, qui assuma la naturelle humanité.
Extrait de : L'horloge de la Sagesse


(...) Dans cette Essence divine, où les trois Personnes sont une même nature sans diversité, se trouvent aussi toutes les créatures, selon leur idéal éternel, dans leur forme essentielle, mais non pas accidentelle; elles sont Dieu en Dieu; c'est la création dans le Temps qui leur donne leur nature particulière et les distingue de Dieu. L'esprit des hommes parfaits peut s'élever à cet abîme de la Divinité, à cet océan de l'intelligible; il peut s'y plonger et nager dans les profondeurs incompréhensibles de la divine Essence; et là, détachés de toutes pensées vulgaires, rester immobile dans les secrets de la Divinité. L'homme alors se dépouille de l'obscurité de sa lumière naturelle, et se revêt d'une lumière supérieure. Dieu l'attire dans la simplicité de son unité où il se perd lui-même pour se transformer en Dieu, non par nature, mais par grâce; et dans cette mer infinie de lumière qui l'environne, il jouit d'un silence qui est la paix et la félicité parfaite. Il comprend le rien éternel et existant qui est l'essence divine et incompréhensible; le rien qu'on appelle rien, parce qu'il n'est rien des choses créées; et que l'esprit humain ne peut trouver aucune créature qui puisse le contenir : il voit que ce rien surpasse toute intelligence et qu'il est incompréhensible pour tous. 
Lorsque l'esprit commence à se fixer dans les ténèbres de la lumière, il perd toute propriété de lui-même, toute action ; il ne se connait plus, parce qu'il est absorbé, enseveli en Dieu, et comme, à cette hauteur de la contemplation, il reçoit dans sa pure substance, une lumière qui rayonne de l'unité de la divine Essence et de la Trinité des Personnes, son esprit se perd dans ces splendeurs; il meurt à lui-même, et à l'emploi de ses forces et de ses facultés; il est ravi et comme égaré dans une ignorance divine; il est absorbé dans le silence ineffable de la lumière infinie et de l'unité suprême. C'est là le point le plus élevé que puisse atteindre l'esprit de l'homme. Saint Denis l'Aréopagite appelle cet état : « la hauteur inconnue et lumineuse, les ténèbres profondes d'une splendeur éblouissante, le rayon de l'obscurité divine;» parce que l'âme s'y unit à la divine Essence, et que dans cet océan de lumière, elle la voit, la contemple et la possède; ce qu'elle comprend dans son ravissement, c'est que l'infini surpasse sa raison et qu'il reste inconnu à toutes les intelligences; mais cet inconnu elle en jouit à travers l'obscurité et les ténèbres d'une lumière qui lui découvre l'immensité et l'incompréhensibilité de Dieu. Saint Denis l'Aréopagite écrit à son Timothée, dans le premier chapitre de la Théologie mystique : « Vous , mon bien cher Timothée, appliquez - vous avec ardeur aux contemplations mystiques; quittez pour elles vos pensées, votre raison, les choses sensibles et intelligibles, tout ce qui est et ce qui n'est pas; et faites vos efforts pour vous perdre vous-même, vous unir à celui qui est au-dessus de toute substance et de toute science. Lorsque vous serez affranchi de tout, vous vous envolerez vers ce rayon substantiel du mystère, vers cette hauteur lumineuse et inconnue, vers cette obscurité très-pure dont les ténèbres éblouissent '. » 
Extrait de : Du dernier degré d'union avec Dieu.




2 commentaires:

  1. http://www.archive.org/stream/oeuvresdebhenris00seus#page/282/mode/2up

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  2. Merci pour ce lien (que j'ai ajouté).

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