lundi 25 octobre 2010

Dans les antres de la sagesse (1)



Il y a environ cinquante ans plusieurs inscriptions grecques ont été découvertes dans le sud de l'Italie, sur le site de la ville de Vélia, la patrie de Parménide. Leur étude révèle les traditions de philosophes antiques qui furent nos ancêtres, mystiques doués d'un merveilleux sens pratique. Ils vivaient cinq cents ans avant l'ère chrétienne. Parmi eux se détache le personnage de Parménide dont le monde moderne a presque oublié la véritable figure. Ce livre s'attache à la faire revivre. 


Peter Kingsley, Dans les antres de la sagesse. Etudes parménidiennes. Ed. Les Belles-lettres, 2007. 


Oulis, fils d'Euxinus, citoyen de Vélia, Iatros, Phôlarchos dans la 379e année. 

Oulis, fils de Aristôn, citoyen de Vélia, Iatros, Phôlarchos dans la 280e année. 


Oulis, fils de Hiéronimos, citoyen de Vélia, Iatros, Phôlarchos dans la 446e année. 


Ouliadês / Iatromantis / Apollon


Parménides, fils de Pyres, Ouliadês, Physikos. 


Ces cinq inscriptions de statues ont été découvertes entre 1958 et 1962 sur le site archéologique de la ville de Vélia. C'est peu et c'est beaucoup, comme le montre Peter Kingsley qui sait en tirer un maximum de signification. 





Hyélé, Eléa (Elée) ou Vélia est une cité située dans le sud de l'Italie et fondée vers 540 avant l'ère chrétienne par les Phocéens, tout comme Marseille, sauf qu'elle n'existe plus. Les habitants de Phocée (la Cité des phoques - sur la côte de l'actuelle Turquie) avaient voulu échapper à l'envahisseur perse. 
Parménide semble avoir été de la première génération de colons.
 

Oulis est un terme désignant ceux qui ont été consacré à Apollon Oulios, ("qui donne la mort" ou "qui détruit"), ce sont donc des prêtres. 
Iatros signifie guérisseur, comme pour le terme précédant, les fils d'Euxinus, d'Ariston et de Hiéronimos empruntent leur pouvoir à celui d'Apollon Oulios.
Apollon est donc à la fois celui qui guérit, Iatromantis, et celui qui donne la mort,
Ouliadês. On verra plus loin comment se résout le paradoxe. 

Phôlarchos est la combinaison de deux mots : phôleos ("tanière, repaire") et archos ("prince, chef, responsable"). La tanière pour un animal est un endroit pour se tenir tranquille, dormir ou hiberner, pour l'homme c'est un lieu obscur, souterrain, pour pratiquer un rite spécifique : l'incubation. Incuber c'est être étendu quelque part de tout son long. 
Le chef de tanière, qui est aussi prêtre d'Apollon Oulios et guérisseur, est donc celui qui dirige cette sorte de retraite au noir. L'initié reste sans bouger, dans un état qui n'est ni la veille ordinaire ni le sommeil et dans lequel il obtient des visions, ou des rêves, de dieux, ou de déesses, suite à quoi surviendra la guérison. Cette retraite peut durer plusieurs jours avec des restrictions de boisson ou nourriture. Mais pour guérir le corps on se rendait dans un temple, ici il s'agit d'autre chose : la guérison est celle de l'esprit, suite à une expérience de mort apparente. En effet Apollon Oulios, à qui sont consacrés ces chefs de tanière et ce rite, est un Apollon destructeur (de l'illusion qui est à la source de toute souffrance).   

L'expression de retraite au noir n'est pas présente chez Peter Kingsley, mais le parallèle avec la pratique du dzogchen tibétain est frappante, où le pratiquant fait l'expérience de visions qui surgissent spontanément de son état méditatif (appelé aussi état naturel).  


Les trois premières inscriptions rendent compte d'une filiation spirituelle qui s'étend donc sur au moins 446 années ! Qui dit transmission dit origine, celle-ci remonte précisément à Parménide, fils de Pyres, prêtre d'Apollon, physicien, comme on peut le déduire de la cinquième inscription. 
Parménide est donc celui qui a fondé cette lignée sur le sol de Vélia, de prêtre d'Apollon destructeur, chef de tanière et guérisseur ! C'est pourquoi il n'est pas fait mention d'une date, comme pour les autres inscription : son année est l'année zéro, à partir de quoi commence le compte. 

Physikos
Parménide est plus que Iatros (guérisseur) il est Physikos. Tous les anciens philosophes sont des physiciens (le terme de philosophe apparaît plus tardivement), au sens de ce qui se rapporte à la nature et à son origine. Ce qui englobe tout, y compris la médecine, comme en témoigne encore le mot anglais dérivé de "physician" (médecin) tout comme celui de "physicien" (physicien). 
Parménide est donc une sorte de philosophe médecin ou guérisseur. 

Le rapprochement entre les deux termes fait penser à Wittgenstein pour qui la philosophie est thérapeutique - mais différemment bien sûr. 


A suivre (...) 


Présentation du livre de 
Peter Kingsley, Dans les antres de la sagesse.




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