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Les pages qui suivent présentent un entretien avec un Père de la sainte Montagne (Mont Athos). Je n'avais pas dessein de le transcrire, mais un jour, à l'heure où je m'apprêtais à lire une oeuvre de Saint Maxime, j'entendis une voix intérieur qui m'incitait à mettre par écrit la conversation que j'avais eue avec un sage moine de la sainte Montagne. Et j'obéis à cette voix que je n'avais jamais entendue auparavant. je commencais à écrire comme cela me venait à l'esprit, et ce qui suit représente un travail de quelques heures, pour lequel je sollicite l'indulgence des lecteurs. (...)
Si mon silence ne lui est pas utile, il n'aura aucune utilité dans mes paroles.
Abba Théophile
Il faut aller sur la sainte Montagne avec le dessein de tirer profit du silence. Si l'on sait trouver ainsi son enseignement alors tout parlera. Les silhouettes silencieuses des moines, les grottes des ermites, les monastères de pénitence, la nature et les objets inanimés vous raconteront beaucoup d'histoires et vous transmettront des enseignements éminents. C'est de cette manière que la sainte Montagne parle "en silence".
Cependant parfois ils (les athonites) parlent, et alors c'est pour votre utilité, parce que leur vie est bonne. (...)
Extraits de : Entretiens avec un Ermite de la sainte Montagne sur la Prière du Coeur
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Bibliographie :
Hiérothée Vlachos, Entretiens avec un ermite de la sainte Montagne sur la prière du coeur, Ed. du Seuil, 1988.
En ligne :
Sur le Mont Athos : Wikipedia / Unesco
Voir aussi sur le blog : Le Récit d'Un Pèlerin Russe (avec une bibliographie sur la Philocalie et l’Hésychasme).
Il avait à peine fini qu'apparut le Père... Comme un soleil qui se serait levé tout-à-coup ! Comme un jaillissement de grâce. Comme le printemps qui fait éclater sa joie. Comme un éclair dans la nuit. Sa barbe blanche coule comme un fleuve sur son visage. Ses yeux sont perçants, lumineux. J'ai rarement vu un regard aussi transfiguré. Saint Grégoire Palamas dit que, sur le mont Thabor, si les Apôtres ont vu la Lumière incréée, c'est parce que, auparavant, leurs yeux avaient été transfigurés par la puissance de l'Esprit saint et qu'ils étaient devenus capables de la voir en face. (...)
Mais lui s'inclina plus bas que moi et baisa le premier ma main. Je restai confondu. (...)
- Quand nous vivons de tels états, dit-il, il est clair que le Saint-Esprit vit et agit en nous. Nous commençons à progresser sur le chemin de la vision de Dieu. C'est le premier degré : si la vision parfait de la Lumière incréée est l'enchantement de l'âme par la lumière, la conversion et la conscience du péché en sont l'embra-sement. La conversion et le désir de purifier l'âme des passions représentent donc l'instant de la grâce. Car c'est seulement lorsqu'elle est entrée en nous que nous pouvons ressentir notre désolation et notre éloignement de Dieu et que nous luttons pour nous unir avec lui. Nous ne pourrions avoir ni de telles pensées ni de tels désirs si la grâce de Dieu ne venait. (...)
Seule la prière de Jésus "Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi" peut purifier notre âme, c'est-à-dire le cri incessant vers Dieu notre sauveur. (...)
La prière "Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi" comporte deux aspects principaux : sur le plan dogmatique elle confesse la divinité du Christ, sur le plan de la prière elle lui demande notre salut. La confession de la foi dans le Dieu-homme est liée à la confession que nous sommes impuissants à nous sauver seuls. Tout est dit là, et c'est sur ces deux points qu'est fondé tout le combat du chrétien : la foi dans le Dieu-homme, et la conscience de notre état de pêcheur. C'est ainsi que la prière exprime en quelques lignes tout l'effort du fidèle, et résume tout le dogme de notre Eglise orthodoxe. C'est par la prière que nous acquérons cette double connaissance. Saint Maxime explique que la pression de l'orgueil se compose de deux ignorances : l'ignorance de la puissance divine et l'ignorance de la faiblesse humaine. C'est cette double ignorance qui crée la "confusion de la sagesse". L'orgueilleux est donc l'homme de l'ignorance, tandis que l'humble est l'homme de la double connaissance. (...)
- Le but final de la prière est d'unifier la totalité de l'homme réduit en miettes.
- Pardonnez-moi de vous interrompre. Que veut dire "unifier la totalité de l'homme" ?
- L'homme, selon l'Ecriture, est créé "à l'image de Dieu". Dieu est trinitaire, c'est-à-dire qu'il est une essence unique en trois hypostases : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Il en est de même pour l'âme, dans la mesure ou, comme nous l'avons dit, elle est créée "à l'image de Dieu". Elle est unique, mais possède plusieurs facultés. Elle a trois facultés : l'intellect, le désir et le vouloir. Et ces trois facultés doivent être unifiées et tournées vers Dieu. (...)
- Après cette intervention et cette explication, dites-moi plus en détail quels sont les stades de la prière. Par ou commence-t-on, et comment progresse-t-on ?
- On distingue cinq degrés principaux :
1. La Prière de Jésus à voix haute. nous répétons la prière avec nos lèvres, cependant que nous nous efforçons de concentrer notre attention sur ces mots.
2. L'intellect reçoit alors la prière et la dit en esprit, d'ou le nom de prière spirituelle. Toute notre attention se trouve encore dans les mots, mais elle est concentrée dans l'intellect. Quand l'intellect est fatigué, alors nous recommençons à marmonner cette prière sur nos lèvres. Bien sûr cette prière ou cet usage du kambouskini est l'école maternelle de la prière. C'est cependant par là qu'il convient de commencer, et quand on en arrive au plus parfait, on supprime avec discernement le moins parfait. Après le repos de l'intellect, nous recommençons a y concentrer notre attention. Saint Nil conseille de "toujours se souvenir de Dieu, et notre intellect devient le ciel".
3. La prière descend alors dans le coeur. L'intellect et le coeur s'unissent et se combinent. L'attention se trouve alors dans le coeur, et s'absorbe à nouveau dans les paroles de la prière, et principalement dans le Nom de Jésus, qui est une profondeur invisible.
4. La prière s'entretient d'elle-même, cependant que l'ascète travaille ou qu'il mange, parle ou se trouve dans le sanctuaire, ou même lorsqu'il dort : "Je dors, mais mon coeur veille", est-il dit dans la Sainte Ecriture (Cant. 5,2).
5. Alors celui qui prie sent en son coeur une douce flamme qui l'embrase et fait sa joie. (...)
- (...) Quand l'intellect descend dans le coeur, y reste-il constamment ? Et s'il y reste, comment l'homme peut-il travailler, faire son service ?
- Avant tout, l'intellect n'est pas modifié, il ne disparaît pas. Il retrouve son intégrité et retourne à son état naturel. C'est hors de sa substance (le coeur) qu'il est hors de son état naturel,. Avec la prière, il rejette tous les éléments étrangers. Ensuite, lorsque l'intellect descend dans le coeur, il en reste, si vous me passez l'expression, un peu en "trop plein". Et, avec ce "trop plein", tous les autres travaux peuvent être exécutés sans disperser l'esprit hors du coeur. (...)
Les saints Pères décrivent en trois mots cette montée spirituelle vers la déification : purification, illumination, accomplissement. (...)
Saint Maxime le Confesseur écrit qu'il y a trois degrés dans la montée mystique vers Dieu. La philosophie pratique, qui est négative (purification des passions) et positive (acquisition des vertus), la philosophie naturelle selon laquelle l'intellect purifié contemple toute la création, les raisons intérieures des choses, discerne le sens spirituel des Écritures, voit Dieu dans la nature et le prie, puis vient le troisième et dernier degré : la théologie mystique, qui unit à Dieu le combattant fidèle. (...)
- (...) Après beaucoup de combats, comme je viens de vous le raconter, il est possible que l'ascète connaisse l'extase, le rapt divin, et qu'il entre dans la nouvelle Jérusalem, dans la nouvelle Terre promise. L'intellect comme égaré (en extase) voit la Lumière incréée. Aux Vêpres de la Transfiguration, nous chantons un tropaire :
Ayant vu sur la Montagne l'indomptable torrent de ta Lumière, et ton inaccessible Divinité, les Apôtres élus furent transformés par une divine extase.
Extase et contemplation sont liés. Quand nous disons extase, nous ne pensons pas immobilité, mais présence divine et mouvement spirituel. (...)
Joie et bonheur sont alors sans limites. Il n'est pas de paroles pour décrire ces situations. Voici à peu proès comment en parle Saint Syméon le Nouveau Théologien :
Je suis assis sur ma couche, tout en étant en dehors du monde,
et, étant au milieu de ma cellule, Celui qui est en dehors du monde,
je le vois présent, je le vois et je lui parle.
et - ose donc le dire ! - je l'aime et lui de son côté m'aime,
je mange, je me nourris de cette contemplation seule
et, ne faisant qu'un avec lui, je franchis les cieux.
Que ceci soit vrai et sûr, je le sais,
mais où alors se trouve mon corps, je l'ignore.
Je sais que descend celui qui demeure immobile,
je sais que m’apparaît celui qui demeure invisible,
je le sais, celui qui est séparé de toute la création
me prend au-dedans de lui et me cache du monde entier.
Mais à mon tour, moi, mortel, tout petit dans le monde,
je contemple en moi-même, tout entier, le Créateur du monde,
et je sais que je ne mourrai pas, parce que je suis au-dedans de la vie
et que j'ai la vie tout entière qui jaillit au-dedans de moi. (...)
- Cette douceur de la lumière, le corps aussi la ressent, car il est transformé à ce moment :
Le corps participe en quelque manière à cette grâce agissante et est transformé par elle, et prend conscience du mystère qui se déroule au secret de l'âme.
Le corps alors "est étrangement sourd et s'échauffe", c'est-à-dire qu'il ressent une étrange chaleur qui est le fruit de la contemplation de la lumière. C'est comme pour un cierge allumé : son corps - la cire - chauffe et éclaire.
- Pardonnez-moi une question, C'est peut-être un blasphème, mais je vais quand même vous la poser. Cette transformation du corps est-elle une réalité ou un fantasme ? Une chaleur imaginaire ?
- Non, c'est une réalité. Le corps participe à tous les évènements de l'âme. Ce n'est pas le corps qui est mauvais, ce sont les pensées selon la chair, lorsque le corps est asservi au Diable. D'ailleurs la contemplation de la lumière est une contemplation par les yeux de chair, transformés et fortifiés par l'Esprit saint et rendus capables de voir la Lumière incréée. (...)
Cependant, plus on s'approche de l'essence divine, plus on voit l'invisible de la nature divine, et ceci les Pères l'appellent : la "ténèbre supralumineuse". (...)
Par conséquent, la ténèbre n'est pas une manifestation de Dieu comme ténèbre, mais de l'impuissance de l'homme à voir l'essence de Dieu qui est la Lumière inaccessible, c'est-à-dire que la ténèbre divine est lumière, mais une lumière invisible et inaccessible à l'homme. Dieu est lumière : "Je suis la Lumière du monde", a-t-il dit, et non pas "Je suis la ténèbre du monde". Selon Saint Denys l'Aréopagyte :
La ténèbre divine est la lumière inaccessible où il est dit que Dieu habite (1 Tm 6.16). Bien qu'elle soit invisible à cause de l'excès de son éclat, et inaccessible en raison de l'excès de lumière surnaturelle, c'est en elle que se trouve tout homme qui a été jugé digne de connaitre et de voir Dieu, par cela même qu'il ne voit ni ne connait...
C'est dans cet esprit que nous disons que la ténèbre est au-delà de la lumière. (...)
Extrait de : Entretiens avec un Ermite de la sainte Montagne sur la Prière du Coeur
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Mont Athos (Άγιον Όρος) - la république des moines (2007)
- Quand nous vivons de tels états, dit-il, il est clair que le Saint-Esprit vit et agit en nous. Nous commençons à progresser sur le chemin de la vision de Dieu. C'est le premier degré : si la vision parfait de la Lumière incréée est l'enchantement de l'âme par la lumière, la conversion et la conscience du péché en sont l'embra-sement. La conversion et le désir de purifier l'âme des passions représentent donc l'instant de la grâce. Car c'est seulement lorsqu'elle est entrée en nous que nous pouvons ressentir notre désolation et notre éloignement de Dieu et que nous luttons pour nous unir avec lui. Nous ne pourrions avoir ni de telles pensées ni de tels désirs si la grâce de Dieu ne venait. (...)
Seule la prière de Jésus "Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi" peut purifier notre âme, c'est-à-dire le cri incessant vers Dieu notre sauveur. (...)
La prière "Seigneur Jésus-Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi" comporte deux aspects principaux : sur le plan dogmatique elle confesse la divinité du Christ, sur le plan de la prière elle lui demande notre salut. La confession de la foi dans le Dieu-homme est liée à la confession que nous sommes impuissants à nous sauver seuls. Tout est dit là, et c'est sur ces deux points qu'est fondé tout le combat du chrétien : la foi dans le Dieu-homme, et la conscience de notre état de pêcheur. C'est ainsi que la prière exprime en quelques lignes tout l'effort du fidèle, et résume tout le dogme de notre Eglise orthodoxe. C'est par la prière que nous acquérons cette double connaissance. Saint Maxime explique que la pression de l'orgueil se compose de deux ignorances : l'ignorance de la puissance divine et l'ignorance de la faiblesse humaine. C'est cette double ignorance qui crée la "confusion de la sagesse". L'orgueilleux est donc l'homme de l'ignorance, tandis que l'humble est l'homme de la double connaissance. (...)
- Le but final de la prière est d'unifier la totalité de l'homme réduit en miettes.
- Pardonnez-moi de vous interrompre. Que veut dire "unifier la totalité de l'homme" ?
- L'homme, selon l'Ecriture, est créé "à l'image de Dieu". Dieu est trinitaire, c'est-à-dire qu'il est une essence unique en trois hypostases : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Il en est de même pour l'âme, dans la mesure ou, comme nous l'avons dit, elle est créée "à l'image de Dieu". Elle est unique, mais possède plusieurs facultés. Elle a trois facultés : l'intellect, le désir et le vouloir. Et ces trois facultés doivent être unifiées et tournées vers Dieu. (...)
- Après cette intervention et cette explication, dites-moi plus en détail quels sont les stades de la prière. Par ou commence-t-on, et comment progresse-t-on ?
- On distingue cinq degrés principaux :
1. La Prière de Jésus à voix haute. nous répétons la prière avec nos lèvres, cependant que nous nous efforçons de concentrer notre attention sur ces mots.
2. L'intellect reçoit alors la prière et la dit en esprit, d'ou le nom de prière spirituelle. Toute notre attention se trouve encore dans les mots, mais elle est concentrée dans l'intellect. Quand l'intellect est fatigué, alors nous recommençons à marmonner cette prière sur nos lèvres. Bien sûr cette prière ou cet usage du kambouskini est l'école maternelle de la prière. C'est cependant par là qu'il convient de commencer, et quand on en arrive au plus parfait, on supprime avec discernement le moins parfait. Après le repos de l'intellect, nous recommençons a y concentrer notre attention. Saint Nil conseille de "toujours se souvenir de Dieu, et notre intellect devient le ciel".
3. La prière descend alors dans le coeur. L'intellect et le coeur s'unissent et se combinent. L'attention se trouve alors dans le coeur, et s'absorbe à nouveau dans les paroles de la prière, et principalement dans le Nom de Jésus, qui est une profondeur invisible.
4. La prière s'entretient d'elle-même, cependant que l'ascète travaille ou qu'il mange, parle ou se trouve dans le sanctuaire, ou même lorsqu'il dort : "Je dors, mais mon coeur veille", est-il dit dans la Sainte Ecriture (Cant. 5,2).
5. Alors celui qui prie sent en son coeur une douce flamme qui l'embrase et fait sa joie. (...)
- (...) Quand l'intellect descend dans le coeur, y reste-il constamment ? Et s'il y reste, comment l'homme peut-il travailler, faire son service ?
- Avant tout, l'intellect n'est pas modifié, il ne disparaît pas. Il retrouve son intégrité et retourne à son état naturel. C'est hors de sa substance (le coeur) qu'il est hors de son état naturel,. Avec la prière, il rejette tous les éléments étrangers. Ensuite, lorsque l'intellect descend dans le coeur, il en reste, si vous me passez l'expression, un peu en "trop plein". Et, avec ce "trop plein", tous les autres travaux peuvent être exécutés sans disperser l'esprit hors du coeur. (...)
Les saints Pères décrivent en trois mots cette montée spirituelle vers la déification : purification, illumination, accomplissement. (...)
Saint Maxime le Confesseur écrit qu'il y a trois degrés dans la montée mystique vers Dieu. La philosophie pratique, qui est négative (purification des passions) et positive (acquisition des vertus), la philosophie naturelle selon laquelle l'intellect purifié contemple toute la création, les raisons intérieures des choses, discerne le sens spirituel des Écritures, voit Dieu dans la nature et le prie, puis vient le troisième et dernier degré : la théologie mystique, qui unit à Dieu le combattant fidèle. (...)
Mont Athos et Mer Egée |
- (...) Après beaucoup de combats, comme je viens de vous le raconter, il est possible que l'ascète connaisse l'extase, le rapt divin, et qu'il entre dans la nouvelle Jérusalem, dans la nouvelle Terre promise. L'intellect comme égaré (en extase) voit la Lumière incréée. Aux Vêpres de la Transfiguration, nous chantons un tropaire :
Ayant vu sur la Montagne l'indomptable torrent de ta Lumière, et ton inaccessible Divinité, les Apôtres élus furent transformés par une divine extase.
Extase et contemplation sont liés. Quand nous disons extase, nous ne pensons pas immobilité, mais présence divine et mouvement spirituel. (...)
Joie et bonheur sont alors sans limites. Il n'est pas de paroles pour décrire ces situations. Voici à peu proès comment en parle Saint Syméon le Nouveau Théologien :
Je suis assis sur ma couche, tout en étant en dehors du monde,
et, étant au milieu de ma cellule, Celui qui est en dehors du monde,
je le vois présent, je le vois et je lui parle.
et - ose donc le dire ! - je l'aime et lui de son côté m'aime,
je mange, je me nourris de cette contemplation seule
et, ne faisant qu'un avec lui, je franchis les cieux.
Que ceci soit vrai et sûr, je le sais,
mais où alors se trouve mon corps, je l'ignore.
Je sais que descend celui qui demeure immobile,
je sais que m’apparaît celui qui demeure invisible,
je le sais, celui qui est séparé de toute la création
me prend au-dedans de lui et me cache du monde entier.
Mais à mon tour, moi, mortel, tout petit dans le monde,
je contemple en moi-même, tout entier, le Créateur du monde,
et je sais que je ne mourrai pas, parce que je suis au-dedans de la vie
et que j'ai la vie tout entière qui jaillit au-dedans de moi. (...)
- Cette douceur de la lumière, le corps aussi la ressent, car il est transformé à ce moment :
Le corps participe en quelque manière à cette grâce agissante et est transformé par elle, et prend conscience du mystère qui se déroule au secret de l'âme.
Le corps alors "est étrangement sourd et s'échauffe", c'est-à-dire qu'il ressent une étrange chaleur qui est le fruit de la contemplation de la lumière. C'est comme pour un cierge allumé : son corps - la cire - chauffe et éclaire.
- Pardonnez-moi une question, C'est peut-être un blasphème, mais je vais quand même vous la poser. Cette transformation du corps est-elle une réalité ou un fantasme ? Une chaleur imaginaire ?
- Non, c'est une réalité. Le corps participe à tous les évènements de l'âme. Ce n'est pas le corps qui est mauvais, ce sont les pensées selon la chair, lorsque le corps est asservi au Diable. D'ailleurs la contemplation de la lumière est une contemplation par les yeux de chair, transformés et fortifiés par l'Esprit saint et rendus capables de voir la Lumière incréée. (...)
Cependant, plus on s'approche de l'essence divine, plus on voit l'invisible de la nature divine, et ceci les Pères l'appellent : la "ténèbre supralumineuse". (...)
Par conséquent, la ténèbre n'est pas une manifestation de Dieu comme ténèbre, mais de l'impuissance de l'homme à voir l'essence de Dieu qui est la Lumière inaccessible, c'est-à-dire que la ténèbre divine est lumière, mais une lumière invisible et inaccessible à l'homme. Dieu est lumière : "Je suis la Lumière du monde", a-t-il dit, et non pas "Je suis la ténèbre du monde". Selon Saint Denys l'Aréopagyte :
La ténèbre divine est la lumière inaccessible où il est dit que Dieu habite (1 Tm 6.16). Bien qu'elle soit invisible à cause de l'excès de son éclat, et inaccessible en raison de l'excès de lumière surnaturelle, c'est en elle que se trouve tout homme qui a été jugé digne de connaitre et de voir Dieu, par cela même qu'il ne voit ni ne connait...
C'est dans cet esprit que nous disons que la ténèbre est au-delà de la lumière. (...)
Extrait de : Entretiens avec un Ermite de la sainte Montagne sur la Prière du Coeur
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Mont Athos (Άγιον Όρος) - la république des moines (2007)
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