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samedi 9 avril 2011

Enso ou Cercle proche




L' Enso (円相) est un thème fréquent de la calligraphie japonaise (shodo) notamment chez les pratiquants zen. On le traduit habituellement par cercle - et aussi cercle des lumières ou cercle infini, c'est alors un symbole de l'illumination, de la lune ou de l'univers sans limites.



Enso de Manei (1790-1860)

On peut dire que mon coeur est comme
La lune d'automne.


Enso de Reirin (mort en 1970)
Un cercle devient comme l'univers.


Techniquement parlant, le trait d'encre (au pinceau) qui dessine le cercle est tracé sur de la soie ou du papier de riz en un seul geste. Pas moyen de s'y reprendre.

L'Enso révèle l'état d'esprit de celui qui l'a peint au moment où il l'a peint.



Enso de Shibayama Zenkei (1894-1974)
Au delà du vent, 
Ecoute le bambou. 


Enso de Shibayama Zenkei (1894-1974)
Les fleurs sont odorantes
Mais elles disparaissent.


Enso de Ryochu Nyoryu (1793-1868)
Manges un gâteau de riz
Et prends une tasse de thé.


Le suivant déroge à la règle en étant composé de deux traits. 



Enso de Bankei Yotaku (1622-1693)
Shakyamuni et Maitreya sont ses serviteurs. 


L'Enso n'est pas un cercle parfait. 
Il peut être finement tracé ou brossé grossièrement, de manière régulière ou scandaleusement irrégulière. La perfection de l'Enso ne réside pas dans une quelconque perfection géométrique. 


Enso de Sengai Gibon (1750-1832)

Enso de Torei (1721-1792), disciple de Hakuin

Dans les cieux et sur la terre

Je suis seul digne d'honneur.




L'Enso est parfois fermé, et parfois ouvert. Mais un cercle ouvert... est-ce toujours un cercle ?
"Un cercle est une courbe plane fermée constituée des points situés à égale distance d'un point nommé centre."
Pouvant être ouvert ou cabossé, l'Enso n'est donc pas un cercle. 


Enso de Sengai Gibon (1750-1832)
En regardant l'ombre projetée
dans le grand vide,
J'ai une ferme résolution. 
Une nuit sous la lune d'automne.


Enso de Daido Bunka (1680-1752)
Coeur, esprit. 


Le trait peut commencer à n'importe quel endroit, le plus souvent en bas à gauche, et tourner aussi bien dans le sens horaire, plus fréquent, qu'anti-horaire. 

Alors l'Enso c'est quoi ? 

Enso de Daido Bunka (1680-1752)
C'est quoi ?


Enso de Fukushima Keido (1933-)
Qu'est-ce que c'est ?


Si en définitive l'Enso ne représente rien peut être est-il cette absence de représentation. Son trait montre moins une forme qu'un vide. Ouvert il fait voir que ce vide est le même à l'intérieur et à l'extérieur. Et lui-même en est la première expression. La perfection de l'Enso n'est pas celle d'un objet géométrique mais de la vacuité du geste qui le trace, libre de la moindre intention. 

Ce vide ne résulte pas d'un arrachement, ou d'une diminution menée à terme, mais d'une transparence. 
La main qui trace l'Enso n'est pas une main robotique mais celle d'un homme ou d'une femme (voir plus bas, Ryonan Genso). L'universalité de la forme coïncide alors, dans un geste non reproductible, avec la singularité la plus grande.


Enso de Yamada Mumon (1900-1998)
Non né, 
non connu.


Enso de Ryonen Genso (1646-1711)
Lorsque votre compréhension est pleine
Aucune chose ne subsiste.


Les caractères qui accompagnent la peinture ne l'expliquent pas, l'Enso n'est pas explicable, c'est juste une invitation. 

Là non plus pas de règles, le poème est parfois à l'extérieur (à gauche, à droite, à gauche et à droite, en bas, en haut, ...) et parfois à l'intérieur de l'Enso. Et parfois ce n'est pas un poème mais juste un caractère, un simple point ou un dessin.


Enso de Ranzan (1718-1797)
L'univers s'attarde
Je m'incline.


Enso de Kankei (1876-1934)
Susciter l'esprit sans le laisser s'installer
Nulle part.

Enso de Jyun Sonja (1718-1804)
Combien de personnes passent à travers ?



Enso de Torei (1721-1792), disciple de Hakuin

Les images se présentent
Rien de plus.


Enso de Torei (1721-1792), disciple de Hakuin


Enso de Nantembo (1839-1925)
Nous sommes nés dans le cercle changeant de la vie
Le coeur doit toujours être satisfait et entier.


Enso de Shinko Isan (1740-1815)
Tenez-vous fermement centré à l'intérieur
et rien ne sera en mesure de vous briser.


Enso de Nantembo (1839-1925)

Deux kanji, ou caractères japonais, forment le mot Enzo (円相), dont le premier signifie cercle (et maintenant aussi yen, la monnaie du Japon), le second est plus difficile à traduire, on y rencontre notamment les notions de "proche de" et de réciprocité. (Il est lui-même composé de deux pictogrammes, arbre ou bois, et oeil, voir, comparer, ...). 

L'Enso est donc à la fois moins et plus qu'un cercle. Moins car il ne satisfait pas à la définition géométrique (c'est "presque un cercle"), et plus parce qu'il ne se réduit pas à une simple figure. 
Dans l'Enzo la forme circulaire a une complicité particulière avec le vide, une réciprocité. L'Enso est le vide et le vide est l'Enso. C'est en quelque sorte une illustration du soûtra du coeur (les deux montrent une même direction). 

"O Shâriputra, les formes ne sont autres que le vide, le vide n'est autre que les formes; les formes sont le vide, le vide, ce sont les formes."
Soûtra du coeur.


Enso de Kenjuro Shibata (1921-)

Les formes ne sont autre que le vide 
et le vide n'est autre que les formes.



Enso de Mokurai (1854-1930)


Enso de Yokoo Tatsuhiko (1801)


La vacuité se montre à travers l'Enso, de différentes manières.

On répertorie généralement six types de Enso : 
- Enso Miroir. Sans inscription, la vacuité de l'objet se montre directement à la vacuité de l'observateur. 
- Enso Univers. Le cercle fermé montre un achèvement et la ligne qui fait retour sur elle-même, une infinité. La vacuité (au delà du vide et du non vide) se montre à travers la vacuité de l'Univers. 
- Enso Lune. Pleine et entière, illuminée par le soleil. La vacuité sans nom se montre à travers la vacuité de l'éveil. 
- Enso Roue. Tout est impermanence, la vacuité sans support se montre à travers la vacuité d'un mouvement et d'une limitation. 
- Enso Gâteau sucré. "Boire du thé, manger des gâteau de riz, c'est la même chose." La vacuité sans opposition se montre à travers la vacuité indifférente ou non différente. 
- Enso "Qu'est-ce que c'est ?" La vacuité sans concept se montre à travers la vacuité de l'esprit.
Source (des six types) : culturweb


La neige déposé sur la margelle de ce puits semble avoir tracé un Enso.



Les ronds dans l'eau y ressemblent aussi, fruit de la rencontre d'un geste et du contact des cailloux avec l'élément liquide. 




D'autres Enso sont entièrement naturels, comme les cratères des volcans, par exemple celui du Mont Fuji.






Ou plus haut encore, la lune cachant le soleil presque parfaitement, les deux apparaissant de la même grandeur.


Photo de Luc Viatour


 En réalité l'une (la lune) est beaucoup plus petite que l'autre comme le montre le point de vue (un peu moins faux) d'un satellite.






Un lever de terre depuis une sonde spatiale (japonaise) proche de la lune, montre que notre planète aussi est une sphère.




 La Terre est donc également un Enso. Les planètes mais aussi les étoiles et les autres objets célestes ont des formes sphériques (composé essentiellement de vide) et peut-être l'univers lui-même.

L'animation suivante relativise la grandeur de notre planète par rapport à d'autres objets célestes.





Et par rapport à la taille de l'Enso Univers.








samedi 12 mars 2011

Shundo Aoyama Roshi

VIDÉOS EN BAS DE PAGE

Shundo Aoyama est née en 1933 dans la province d'Aichi, dont la préfecture est Nagoya, à quelques centaines de kilomètres au sud de Tokyo. Considérée par sa mère comme un cadeau du Bouddha, elle intègre dès l'âge de cinq ans le temple de Muryo-ji où elle reçoit une éducation religieuse. Ordonnée nonne à l'âge de quinze ans, elle fait son entraînement de novice au monastère de l'Aichi Semmon Nisodo, à Nagoya, puis ses études supérieures à l'Université bouddhique de Komazawa. Elle commence ensuite sa carrière d'enseignante, donnant des conférences et dirigeant des sesshin (périodes de pratique intensive). Elle participe également à des entretiens et des sesshin avec d'autres maîtres éminents du zen, en particulier de la lignée de succession de Maître Kodo Sawaki, avec lesquels elle confronte sa compréhension et son expérience.

Très vite elle est reconnue comme un grand maître zen. En 1976, elle est nommée abbesse de l'Aichi Semmon Nisodo - "Monastère de noviciat pour les nonnes du Soto zen de la préfecture d'Aichi" -, monastère de formation pour les nonnes zen, fondé en 1903 et suivant les règles de vie quotidienne de Dogen Zenji et Keizan Zenji, les fondateurs du Soto zen au Japon. Depuis 1984, elle est aussi responsable des temples de Seiho-ji et Muryo-ji, et réside tantôt dans l'un, tantôt dans l'autre, veillant personnellement à la formation des nonnes dont certaines sont devenues ses disciples et ont reçu sa transmission du Dharma.

Experte dans les trois Arts fondamentaux japonais (kado, la voie de l'ornement des fleurs, chado, la voie du thé, sodo, la voie de la calligraphie), elle les enseigne en particulier aux laïques, ce qui lui permet de prêter une oreille attentive à leurs problèmes personnels et familiaux.

Bien qu'ayant personnellement toujours vécu une vie traditionnelle de nonne zen, elle est très sensible aux difficultés des femmes et des hommes de son temps. Ainsi elle s'est fait également connaître du grand public et des médias (journaux et télévision). Maître zen, imprégnée de la civilisation japonaise dans ce qu'elle a de meilleur, mais également femme de son temps et de grande culture, elle est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages.
Source du texte : Bouddhisme au féminin

Bibliographie (en français) : 


- Zen, graine de sagesse. Sully Editions. 
- Le Zen et la vie. Sagesse et compassion d'une nonne zen. Sully Editions. 


Interview (2002) menée par Jean Pierre Denis. (...)
Q. Dans l'avion qui me menait vers le Japon, je discutais avec une jeune femme qui allait se marier selon les rites bouddhistes de l'école Sôtô en usage dans sa famille. Mais elle se montra fort surprise que je vienne ici pour étudier le zen. Je me suis donc plongé dans les statistiques: à peine 3 % des Japonais déclarent s'intéresser vraiment aux religions...

R. Cela dépend d'abord de ce que l'on entend par religion. Au Japon, les nouvelles religions ou les simples superstitions prolifèrent. Au sein même du bouddhisme, il existe de très nombreuses écoles. Du coup, les gens sont perdus, et ils ne voient plus que le mauvais côté des traditions religieuses. Il faut s'efforcer de restaurer un bouddhisme authentique.

Q. Un bouddhisme authentique... mais le bouddhisme est pluriel, depuis toujours !

R. Ma conception de la religion, et pas seulement du bouddhisme, repose sur une conviction assez simple il existe une seule vérité originelle. Avant que l'être humain ne la découvre, la vérité est présente. Elle est là. Elle existait des milliards d'années avant la Terre.

Q. Vous avez participé au dialogue intermonastique dès 1979, et accueilli des bénédictines dans ce même temple. Partagez-vous avec elles cette unique vérité?

R. Depuis que l'être humain est apparu, chaque civilisation s'est efforcée de mettre un nom, un nom forcément différent, sur cette vérité unique. L'histoire de la planète court sur 4,5 milliards d'années. L'histoire humaine se résume à quelques centaines de milliers d'années, et la culture proprement dite à quelques milliers d'années, sur lesquels nos trois grandes religions n'occupent qu une assez courte période le bouddhisme n'a que 2 500 ans, le christianisme 2 000, l'islam à peine 1500.

Considérons ces 4,5 milliards d'années comme s'il s'agissait de 365 jours. L'être humain est apparu vers la fin de l'année. Et les trois grandes religions au soir du dernier jour. Cela leur laisse bien peu d'ancienneté Tout ce que nous pouvons dire, modestement, est que la vérité selon le Bouddha Sakyamuni est devenue le bouddhisme, la vérité de Jésus a donné le christianisme, et que l'islam est né de la vérité selon Mahomet. Nous sommes de toutes petites choses, et nous pensons à la grande vérité selon nos minuscules chemins. C'est à partir d'une très modeste perception que nous avons créé nos trois grandes religions.

Le plus important est donc ailleurs, d'abord dans le fait que les gens cherchent la vérité et lui donnent un nom en fonction de leur propre expérience. Ils l'appelleront ainsi « enseignement du Bouddha », «enseignement du Christ » ou « enseignement de Mahomet ». Mais surtout, que nous sachions la découvrir ou pas, la vérité pré-existe. Elle est unique. Tout le monde le pressent d'ailleurs, quoique personne ne voie autre chose qu'un simple aspect de cette vérité unique.

Q. Les nouvelles religions, les sectes qui se développent au Japon depuis l'époque Meiji (XIXe siècle) et surtout depuis la Seconde Guerre mondiale participent-elles à cette vérité?

R. Il est bien naturel qu'au fil de l'histoire humaine de nouvelles formes de vie religieuse se développent. Depuis la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses religions sont en effet apparues au Japon. Mais une grande partie d'entre elles ont déjà disparu. Celles dont les enseignements sont mauvais disparaîtront à leur tour, elles s'effaceront d'elles-mêmes. Le vrai enseignement se mesure à l'échelle du temps. Les enseignements du Bouddha n'ont traversé que deux mille cinq cents ans, mais ils ont déjà traversé deux mille cinq cents ans ; cela souligne la vérité qui leur est inhérente.

Q. Au Japon, sur les 14 000 temples affiliés à l'école Sôtô, 10 % seulement disposeraient d'une salle de méditation digne de ce nom. Chez les hommes, la plus grande partie des moines sont mariés, et gèrent leur temple de père en fils. Le zen n'est-il pas entré en décadence?

R. La pratique s'adapte à son environnement, exactement comme la cuisine s'adapte aux variations climatiques ! La question qui se pose à nous est donc de savoir comment pratiquer la religion ici et maintenant. Au fil des ans, l'énergie originelle des religions s'affaiblit. Il n'est donc pas étonnant que de nombreux fidèles ne voient plus que le mauvais visage des grandes Traditions, et qu'ils le déplorent. Pourtant, cette même recherche de la vérité inhérente à la nature humaine les pousse à trouver de nouvelles formes d'expérience. Ils cherchent la vérité ? A nous de savoir la leur montrer.

Récemment, un taxi me ramenait de la gare de Nagoya au monastère. Le chauffeur était intrigué en me voyant « Etes-vous nonne ?»

Oui, lui ai-je répondu, mais ce n'est pas un métier, un gagne-pain. Chaque être humain recherche un idéal de vie. Moi aussi, je cherche la meilleure manière de vivre. Et c'est pour cela que je suis devenue nonne. » Le chauffeur m'a alors apostrophée « Je ne crois pas dans les inventions du bouddhisme, je déteste cette religion, qui est une simple invention humaine. » Je lui ai simplement répondu que la religion provient de l'effort humain, de cet effort de recherche de la vérité. Le bouddhisme, en effet, provient de l'expérience humaine. « Justement, m'a confié de conducteur du taxi, mon père est chef de temple à Hokkaido, dans le nord du pays. » Mais si les pères ne vivent pas dans la vérité, comment leurs enfants peuvent-ils la découvrir

Enso de Shundo Aoyama Roshi

Q. Faut-il alors réformer le zen, le rajeunir?

R. Avant la mort du Bouddha, un de ses disciples lui a demandé comment seraient les bouddhistes, dans le futur. Bouddha lui a répondu qu'il y aurait quatre sortes de personnes : celles qui sont capables à la fois de pratiquer et d'enseigner, celles qui savent expliquer la voie, celles qui ne peuvent que pratiquer et celles qui obscurciraient la voie. A nous de nous demander et pas de demander aux autres, auquel de ces quatre types de bouddhisme nous nous rattachons. Quand nous regardons le bouddhisme japonais, je préfère ne pas en parler... Beaucoup n'ont recours au bouddhisme que pour satisfaire leurs propres fins. Comme des enfants. Peu de moines vivent vraiment le bouddhisme. Alors, comment le grand public pourrait-il comprendre ce que sont vraiment les enseignements du Bouddha ? Certains moines doivent comprendre qu'en détruisant le bouddhisme authentique ils se détruisent eux-mêmes. Nous devons nous efforcer de faire jaillir le bouddhisme de nous-mêmes, utiliser les outils du bouddhisme pour que la vérité sorte de nous-mêmes.

Q. L'histoire du bouddhisme, et celle du chan, puis du zen, est celle d'un long déplacement vers l'Est. Disparu de l'Inde, il a survécu en Chine. Quasiment effacé en Chine, il s'est transmis au Japon. Depuis une trentaine d'années, il a franchi le Pacifique, et se répand aux Etats-Unis. En Europe même, il prospère. Un grand maître comme Moriyama Roshi a décidé de s'exiler au Brésil. Comment voyez-vous cette nouvelle migration de la méditation ?

R.Que le zen soit pratiqué au Japon ou en Occident m'est parfaitement égal. La vérité ne dépend pas du lieu ou elle est pratiquée. Nous devons apprendre les uns des autres. Cela dit, au Japon aussi, nombreuses sont les personnes qui recherchent la vérité. Hier une soixantaine de laïcs de tout le Japon sont venus ici même, pour participer à une seshin, une session de méditation. Beaucoup cherchent. Mais notre bouddhisme n'est pas capable de leur montrer la voie. Le rejet dont le christianisme fait l'objet en Occident, et la désaffection que subit le bouddhisme au Japon s'explique par la longueur de leur histoire. Nous sommes prisonniers de cette histoire qui ne peut que nous plonger dans la confusion.

Q. De nombreux pays bouddhistes refusent aux femmes l'accès à la vie monastique. Au Japon, les nonnes ont longtemps été reléguées au second plan. Et aujourd'hui?

R. Cette question intéresse beaucoup les Occidentaux, au point que, récemment encore, quelqu'un m'a contactée depuis le Vatican pour avoir des renseignements sur ce point Le Bouddha n'a pas accepté les nonnes toute de suite. Orphelin (sa mère est morte une semaine après sa naissance), il a été élevé par sa tante. Celle-ci était âgée d'environ quatre-vingts ans quand elle lui a demandé d'accepter qu'elle prononce les voeux religieux. Sa femme lui a présenté la même demande, et de nombreux membres féminins de son entourage ont formulé la même requête. Mais le Bouddha avait peur du désordre que cela pourrait provoquer dans le sangha, la communauté. Jusqu'au moment où Ananda, son principal disciple, a pris la parole et rappelé que sans femmes nous n'existerions pas, et que nous ne pourrions donc pas pratiquer et connaître l'Eveil.

Bouddha a alors accepté que les femmes entrent dans la vie monastique comme les hommes. Mais il a posé huit conditions. Celles-ci font que la pratique est plus exigeante pour les femmes que pour les hommes. Du moins nous semblent-elles ainsi aujourd'hui. Peut-être, dans le contexte de l'époque, avaient-elles pour but de protéger les femmes.

Au XIIIème siècle, maître Dôgen a clairement affirmé qu'il n'existe pas de différence entre hommes et femmes du point de vue de la pratique et de l'Eveil. Le problème n'est pas le sexe, mais la compréhension du dharma. En face d'une femme qui a atteint l'Eveil, un homme doit s'incliner. Le plus important est la lutte que nous devons mener pour comprendre la vérité, hommes comme femmes.

Q. Une femme pourrait-elle être chef de l'école Sôtô?

R. La hiérarchie, les positions officielles me paraissent bien peu importantes. Les enseignements de  Dogen concernent le dharma et pas l'organisation de notre école, pas nos institutions. L'inégalité entre hommes et femmes dans le bouddhisme japonais jusque dans les années 70 provient de la culture nationale. Elle n'est pas inhérente au Bouddhisme. Au contraire, elle contredit clairement les enseignements de Dogen.

Quand je suis devenue religieuse, les nonnes ne pouvaient être ni chef de temple, ni avoir des disciples, ni enseigner. Ici même, à Nagoya, le temple était placé sous la responsabilité d'un homme. Mais les femmes se sont battues contre ce poids culturel durant un siècle, depuis l'époque Meiji. Aujourd'hui, les femmes sont les meilleurs moines Car, au fil des siècles, les monastères féminins sont restés à l'écart des vicissitudes politiques et des aléas de l'histoire qui ont fait dévier le bouddhisme japonais. Ce statut à part, moins exposé, nous a permis de rester plus fidèles aux enseignements du zen, tel que le prônait maître Dôgen.

Source du texte : Bouddhisme au féminin





mercredi 23 février 2011

Hakuin Ekaku ou Hakuin Zenji


Autoportrait





Détesté par un millier de Bouddhas dans le royaume des mille Bouddhas,
Haï par les démons parmi les bandes de démons,
Cette tête chauve, aveugle et puante,
Apparaît à nouveau sur une feuille de papier,
Sacrebleu !

(Poème de Hakuin Ekaku accompagnant son autoportrait, dessiné à l'âge de septante et un ans).



Hakuin Ekaku (1686-1769) fut l'une des figures les plus influentes du bouddhisme zen japonais. Il transforma l'école de Rinzai, alors une tradition sur le déclin sans pratique rigoureuse, en une tradition centrée sur une méditation acharnée et la pratique des kōan. Pratiquement tous les pratiquants modernes du Zen Rinzai emploient des pratiques directement dérivées des enseignements prodigués par Hakuin.
Hakuin naquit en 1686 dans le petit village d'Hara, au pied du mont Fuji. Sa mère était une fervente bouddhisme Nichiren, et il est probable que sa piété ait eu une influence majeure sur la décision d'Hakuin de devenir moine bouddhiste. Enfant, Hakuin écouta le discours d'un moine Nichiren sur le sujet des Huit Enfers Brûlants. Ce discours impressionna le jeune Hakuin, qui développa une peur panique de l'enfer et chercha un moyen de l'éviter. Il parvint à la conclusion de la nécessité de devenir moine. (...)

Source du texte : wikipedia


Bibliographie : 
- Entretien dans une barque au crépuscule et Réponse à un proche suivant du Seigneur Nabeshima, trad. F. Ledoux dans Tch'an, zen, racine et floraisons. Ed. Hermès.
Quelques peintures en ligne : terebess





Hakuin Ekaku - Mont Fuji

Pour pratiquer le zen, trois choses sont indispensables : pour commencer, la grande racine de la foi, ensuite une grosse boule de doute, enfin une détermination forte vers le but.



Hakuin Ekaku - Deux aveugles sur un pont


Mais tout ce que j'ai dit ne doit pas vous faire croire qu'il faut trouver mauvaise la discipline de la vie calme et cesser de la mener pour chercher délibérément à ne vivre qu'une vie active. Moins on est informé, moins on a de compréhension de ces deux conditions d'existence - l'activité et la calme -, plus on doit avoir soin de les estimer l'une et l'autre et se rappeler qu'elles ne sont que deux aspects d'une même condition uniforme. C'est ce que l'on entend quand on dit qu'un moine qui pratique réellement la méditation ne sait pas qu'il marche quand il le fait ou qu'il est assis quand il l'est. Lorsque l'on est arrivé à comprendre la nature de la "Réalité du Moi", rien ne vaut la vie active pour atteindre le pouvoir vital utilisable partout et en tout lieu. (...)


Hakuin Ekaku


La véritable discipline de l'introspection nous enseigne à nous rendre compte que "la vérité inexprimable, absolue", dont parlait Jo-shou (778-797), doit être identifiée avec les éléments mêmes que nous voyons dans nos propres personnes, dans nos propres corps. La véritable pratique de l'introspection est - pour ma part - fixée sous le nombril, centre respiratoire de l'abdomen, le bassin et la plante des pieds pris ensemble ou combinés l'un à l'autre. (...)


Hakuin Ekaku - Hotei

Si l'on me demande : "Qu'est le véritable esprit de méditation ?", je répondrai qu'il consiste à maintenir un coeur bienveillant et compatissant, que l'on parle ou que l'on remue son coude en écrivant, que l'on soit en mouvement ou en repos, que la chance soit bonne ou mauvaise, que l'on soit dans l'honneur ou dans la honte, en gain ou en perte, dans le bien ou le mal, ramassant tous ces éléments en une seule strophe, dirigeant et concentrant son énergie avec la force d'un roc de fer sous le nombril et la partie inférieur de l'abdomen. (...)


Hakuin Ekaku - Hotei

Alors, debout ou assis, en mouvement ou au repos, vérifiez de temps à autre si vous avez perdu ou non le juste état d'esprit. C'est le chemin correct de la véritable discipline des sages et des saints du temps passé et du temps présent. 
Le sage a dit à propos de cette méditation ininterrompue dans toutes les activités de l'existence (...) on doit comprendre que cette activité (méthode) porte sur l'état du Moi réel. Il n'est pas du tout aisé d'écarter entièrement les affaires importantes de la vie et de la mort si l'on se préoccupe d'accomplir correctement la discipline pour discerner la réalité finale, laquelle suffit à obnubiler la juste vision, même, de Bouddha. Ce qui est d'une importance absolue, c'est que les deux états - activité et calme, ordre et esprit de contradiction, verticale et horizontale - doivent avoir au premier plan la vérité pure, sans mélange, complète et entière. 
Extrait de Réponse à un proche suivant du seigneur Nabeshima de la province de sesshu sur la pratique de l'introspection, dans Tch'an, zen, racine et floraisons, Ed. Hermès. 


Hakuin Ekaku - Enso

Tous les êtres sont Bouddha depuis l’origine des temps,
Comme l’eau et la glace,
Sans eau ni glace,
hors de nous pas de Bouddhas.
Si proche est la vérité,
bien que nous allions la quérir au loin.
Entourés d’eau, nous crions : “J’ai grand soif !”
Nés riches,
nous errons comme des pauvres,
faisant inlassablement le tour des six mondes.
Notre affliction a pour cause l’ego trompeur.
De sentier en sentier, nous tâtonnons dans le noir.
Comment nous affranchir de la roue du samsara ?
La porte de la liberté est le samadhi procuré par le zazen.
Par-delà l’exaltation, par de-là la louange,
est le pur Mahayana.
Les préceptes, le repentir, le don,
la voie juste d’existence, les innombrables actions méritoires,
tout cela a son origine dans le zazen.
Le samadhi authentique disperse tous les maux ;
il nous purifie du karma, évacue les obstacles.
Où sont désormais les sombres sentiers sur lesquels nous nous égarions ?
Le pays du Lotus Pur est proche.
Entendre cette vérité, le coeur humble et reconnaissant,
chanter ses louanges et l’embrasser, pratiquer sa sagesse,
est source de bienfaits illimités, de montagnes de mérite.
Mais si, retirés en nous-mêmes, nous nous prouvons notre vraie nature -
que l’être véritable est dépourvu d’ego
que notre soi n’est pas un moi -
l’ego est transcendé et les mots habiles sont derrière nous.
Alors la porte de l’unité s’ouvre avec fracas.
Il n’y a plus ni deux ni trois,
en ligne droite court la Voie.
Notre forme étant devenue non-forme,
nous pouvons aller et venir sans jamais sortir de chez nous.
Notre pensée étant devenue non-pensée,
nos danses et nos chants expriment le Dharma.
Immense, infini est le ciel du samadhi !
Éclatant et transparent est le clair de lune de la sagesse !
Là, dans le monde, quelque chose
nous ferait-il défaut ?
L’immensité du nirvana se déploie devant nos yeux.
La terre que nous foulons a pour nom Lotus Pur,
et notre corps est le corps même de Bouddha.
Hymne au zazen (Zazen-Wasan)
Source du texte : Reikido-France
Autre traduction : Zen-Genève


 
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