LA CONVERSATION SCIENTIFIQUE par Etienne Klein Le K2 est-il un cas ? 18 août 2018
avec François Damilano, alpiniste, écrivain, cinéaste, réalisateur du film « K2, une journée particulière » (Nomade Prdouctions, 52min, 2016).
Daniel Parrochia, philosophe, mathématicien, professeur émérite à la faculté de philosophie de l'université de Lyon 3auteur de Le Cas du K2, Mathématique et alpinisme, Ed. Le corridor bleu, 2013.
François Damilano, K2, une journée particulière (2016)
Du K2 aux K3
Un jour de l'hiver dernier, j'ai reçu une lettre d'un inconnu, qui commençait ainsi : "Je ne suis ni alpiniste ni mathématicien, mais je vous écris parce que je connais une montagne qui porte un nom mathématique, et qui a servi de modèle pour dénommer certaines surfaces qui vous sont probablement familières. Peut-être le cas de cette montagne vous intéressera-t-il ? "
Effectivement, en mathématiques, certaines surfaces complexes, dîtes " compactes simplement connexes " et dont le fibre canonique est trivial (je n'insiste pas, imaginez plutôt un ensemble d'entonnoirs réunis par leurs sommets, comme dans la figure 1.1), ont été appelées " surfaces K3 ". Elles doivent leur nom à André Weil, le frère de Simone, la philosophe mystique, qui était un mathématicien sérieux et un alpiniste amateur. Weil les avait ainsi baptisées, disait-il, " à cause de Kummer, Kähler, Kodaira, et de la belle montagne K2 au Cachemire ".
Daniel Parrochia, Le Cas du K2, Mathématique et alpinisme - Extrait
Andrzej Bargiel, 1e descente à ski du K2 (15 juillet 2018)
Le K2 (aussi connu sous les noms de Qogir Feng, Chogori, Ketu/Kechu et historiquement mont Godwin-Austen) est un sommet du massif du Karakoram (ou Karakorum) situé sur la frontière sino-pakistanaise dans la région autonome du Gilgit-Baltistan (district de Skardu). C'est le deuxième plus haut sommet du monde (après l'Everest) avec une altitude officielle de 8 611 m. Il est surnommé « montagne Sauvage » en raison de la difficulté de son ascension, ou « montagne sans pitié ».
Source (et suite) du texte : wikipedia
Combat entre George Foreman et Muhammad Ali à Kinshasa le 29 octobre 1974
La boxe passionne Joyce Carol Oates depuis son adolescence. Elle a vu son premier combat dans les années 1950, en compagnie de son père. «Cela a touché , dit-elle, quelque chose de très profond en moi. Il y a là un mystère que j'essaie de percer.»
Méditation profonde, nourrie par la vision des combats et les paroles saisissantes des athlètes eux-mêmes - De la Boxe est aussi une évocation historique, depuis les gladiateurs romains jusqu'aux boxeurs actuels : le style de vie monastique de Rocky Marciano avant un match, la grâce d'un Mohammed Ali en pleine gloire, la violence dévastatrice de Myke Tyson, dernier grand champion dans l'histoire de ce sport - et de cet art.
Quatrième de couverture
Oates Joyce Carol, De la boxe, Ed. Tristram , 2012
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Les Nouveaux chemins de la connaissance par Adèle Van Reeth
Le sport, un exercice spirituel ? (17-20 octobre 2016)
1/4 Que fait le sport à l’esprit ?
avec Denis Moreau : professeur de philosophie classique et de philosophie de la religion à l’Université de Nantes, et
Pascal Taranto : professeur à l'Université de Nantes, spécialisé en histoire de la philosophie anglaise.
2/4 La boxe, un dialogue des corps
avec Patrice Lelorain : écrivain
3/4 La philosophie est-elle un sport de montagne ?
avec Michel Malherbe : professeur émérite, a enseigné la philosophie à l'Université de Nantes.
Pour son livre : D'un pas de philosophe, Ed. Vrin, 2013 "Car, je vous assure, on peut percevoir la beauté avec ses pieds. Oui, en gravissant une montagne. C'est comme découvrir la vérité pas à pas ; cela ne demande que de la patience et de l'intelligence".
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4/4 Aux origines du yoga-sûtra
avec Michel Angot : Membre du Centre d'Études de l'Inde et de l'Asie du sud Enseignant à l'EHESS.
A propos de son livre : Le Yoga-Sutra de Patanjali : Suivi du Yoga-Bhashya de Vyasa, Ed. Les Belles lettres, 2008
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La Conversation scientifique par Etienne Klein
Ecrire la montagne (27 février 2016)
La montagne invite à la pensée profonde, non nécessairement savante. Elle accompagne l’existence, lui donne un sens et une intensité supplémentaires.
Chacun sait bien qu’être en montagne, contempler la montagne, dormir sous les étoiles et contre le liseré velouté d’obscur des crêtes, cela dirige vers la pensée profonde, non nécessairement savante, celle qui nous fait examiner la simplicité de nos besoins et de nos bonheurs, ainsi que l’artificialité dont nous encombrons nos vies d’en bas.La pratique de la montagne n’a jamais été une activité anodine. Pour ceux qui s’y adonnent, elle se confond rarement avec un sport ou un hobby : la montagne, quelle que soit la façon qu’on a de la vivre, accompagne l’existence, lui donne un sens et une intensité supplémentaires. Elle offre même une façon assez radicale de mettre sans tricher son petit soi en vis-à-vis des choses. Elle change aussi le rapport à l’autre : dans une cordée, certaines alchimies passent par le silence.
Avec :
François Damilano : alpiniste, écrivain, cinéaste
Fabrice Lardreau : écrivain
Charlie Buffet : journaliste, écrivain, historien de l’alpinisme
Source (et suite) du texte : FC
Ancien massif de corail surgi de la mer, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, les Dolomites abritent une faune riche. Les ours y côtoient chamois, marmottes et lièvres des neiges. Le documentaire s'intéresse aussi aux techniques de chasse de l'aigle royal. Culminant à 3 430 mètres, les sommets blancs ont donné naissance à de nombreuses légendes.
Source : Arte
Kevin Macdonald, La mort suspendue (Angleterre, 2003)
La Mort suspendue (Touching the Void en version originale anglaise) est un livre écrit par l'alpiniste Joe Simpson et publié en 1988. Il relate l'escalade désastreuse qu'il a faite avec Simon Yates du Siula Grande, culminant à 6 344 mètres d'altitude dans les Andes péruviennes.
Source (et suite) du texte : wikipedia
Les sommets valaisans ont brillé de mille feux pour le bicentenaire
le 18 mars 2015 - RTS
La Dent Blanche pouvait être admirée avec son halo de lumière depuis le Val d'Hérens.
Mercredi soir, les Alpes valaisannes se sont illuminées en 13 endroits durant quelques minutes. Ce spectacle éphémère et unique marquait le bicentenaire de l'entrée du Valais dans la Confédération.
A 20h15, treize sommets se sont illuminés simultanément de Saas Fee à Val d'Illiez. Impossible de dire combien de personnes ont admiré la performance, mais elle a potentiellement pu être vue par au moins 100'000 personnes, selon le co-président du comité d'organisation Pierre Mathey.
"Tout a fonctionné comme prévu, la météo était au rendez-vous malgré quelques voiles nuageux", a précisé Pierre Mathey. "Ce fut un grand moment d'émotion, de rêve qui laissera de beaux souvenirs à celles et ceux qui ont pu l'admirer".
Impossible de les voir tous
La date n'a pas été choisie par hasard, mais en fonction de la météo et du crépuscule. Proche d'un jour de lune noire, la soirée de mercredi a été choisie pour une illumination maximum.
Selon leur emplacement, les spectateurs ont pu voir s'éclairer les sommets de la chaîne des Mischabels, des Muverans, des Combins, des Dents du Midi ou encore la Dent Blanche. A moins d'être dans les airs, personne n'a pu voir le spectacle dans son entier.
Source : RTS
Bietschhorn (3994m)
De gauche à droite : Allalinhorn (4327), Alphubel (4226m),
Taschhorn (4490m), Dom (4545m), Lenzspitze (4294m)
L'Amérique latine des paradis naturels
Les Andes (Pays-Bas, 2012)
Les Andes constituent la plus longue chaîne montagneuse du monde. De la forêt équatoriale aux glaciers éternels, elles offrent une formidable diversité climatique, mais aussi une faune et une flore extrêmement variée. Composées de plusieurs chaînes de montagnes parallèles (les cordilleras), elles-mêmes séparées par des vallées où s’est développée l’activité humaine, les Andes sont avant tout la terre des Incas.
Source : Arte
L'Amazonie
La forêt pluviale amazonienne couvre plus de sept millions de kilomètres carrés répartis sur neuf États. Elle est l'un des réservoirs de biodiversité les plus importants de la planète. Certains végétaux ont des vertus médicinales avérées et continuent d’alimenter la recherche pharmacologique. Tout au long de ses 6 500 kilomètres, le fleuve Amazone reçoit les eaux de nombreux affluents. Un peu plus de 500 000 autochtones vivent dans le bassin amazonien.
Source : Arte
Les "tepuis" sont de grandes montagnes plates qui parsèment les paysages de la région de Gran Sabana, au sud du Venezuela. Chacun de ces tepuis a un nom et chaque nom a son histoire. Le "Roraima", par exemple, est "la mère de toutes les eaux", car les rivières qui partent de son sommet finissent par se jeter dans l'Orénoque ou l'Amazone. Les reliefs sauvages de ces contrées auraient inspiré Conan Doyle pour son roman Le monde perdu. Pas de dinosaures géants pourtant, mais une formidable faune qui est restée endémique depuis des millions d’années.
Source : Arte
LES MONTAGNES MYTHIQUES DE CHINE (1/3) Le mont Emei (Allemagne 2013)
Ascension de trois des montagnes sacrées de la Chine, inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco. Première étape : le mont Emei (3099 mètres) qui se trouve sur les premiers contreforts de l’Himalaya, dans la province du Sichuan, non loin de l’immense métropole de Chengdu. C’est sur cette montagne qu’a été érigé le premier temple bouddhiste de Chine.
La Chine compte aujourd'hui cent millions de bouddhistes. Ils vénèrent particulièrement le mont Emei (3 099 mètres) qui se trouve sur les premiers contreforts de l’Himalaya, dans la province du Sichuan, non loin de l’immense métropole de Chengdu. C’est sur cette montagne qu’a été érigé le premier temple bouddhiste de Chine. Des centaines de milliers de pèlerins suivent chaque année le sentier qui grimpe sur cinquante-deux kilomètres. Pour parvenir au sommet, il faut compter deux jours à pied. Ce périple est aussi l’occasion de déco
Source : Arte
LES MONTAGNES MYTHIQUES DE CHINE (2/3) Le massif du Huang Shan (Allemagne 2013)
Le massif du Huang Shan, dans le sud-est du pays, est un symbole national. Il regroupe soixante-douze sommets sur une superficie de 154 km². Pour les Chinois, c’est la reine des montagnes. Ils aiment l’harmonie de ses formations rocheuses en granit, ses sombres pins millénaires et la mer de nuages dans laquelle baigne la chaîne. Ces paysages empreints de mysticisme ont inspiré de tous temps calligraphes, peintres et poètes. C’est aussi dans ces hauts-lieux qu’est née la légende du fameux "Empereur jaune" Hung Di, qui aurait glané ici il y a 5 000 ans les herbes et plantes composant l’élixir de l’immortalité avant de s’envoler vers le ciel. Un détour s’impose par les villages de Xidi et Hongcun qui ont gardé leur authenticité et servent souvent de décors pour des tournages de cinéma.
LES MONTAGNES MYTHIQUES DE CHINE (3/3) Le mont Tai (Allemagne 2013)
Haut-lieu vénéré par les taoïstes, qui le considèrent comme la "première montagne sous le ciel", le Tai Shan (1 500 mètres), ou mont Tai, s’élève entre Pékin et Shanghai. Pour le gravir, il faut monter quelque sept mille marches. Chaque année, plus de six millions de Chinois effectuent le pèlerinage – tout comme les empereurs chinois autrefois, ou Mao plus récemment. Chemin faisant, les fidèles se pressent dans des temples qui reçoivent leurs offrandes. L’occasion d’assister à diverses cérémonies des moines bouddhistes et taoïstes. Récompense ultime pour ceux qui sont parvenus en haut : un son et lumière sur ce site mythique.
Source : Arte
LES ALPES VUES DU CIEL (Arte, France, 2011)
Une échappée belle parmi les cimes et les habitants de la chaîne de montagne la plus longue et la plus haute d'Europe.
DE LA VALLÉE DE L'ISAR À LA VALLÉE DE L'INN
Destination, les Alpes du Tyrol où vivent Martin Eigentler et ses vingt-quatre huskies. L’hiver, il conduit son traîneau sur les pistes du monde entier, défendant son titre de champion d’Europe. Dans le parc national du Hohe Tauern, le géologue Martin Geilhausen étudie les lacs glaciaires. Avec le changement climatique, la fonte des glaciers s’accélère et représente un danger considérable, les millions de litres d’eau ainsi formés emportant avec eux rochers et gravats dans la vallée…
DE L'ENGADINE AU LAC DE ZURICH
Où l'on observe de très près les bouquetins du Parc national suisse, le plus ancien des Alpes, avant de découvrir à Tarasp l’une des dernières écoles à classe unique du pays, où les élèves parlent le vallader, une variante du romanche. Dans un village voisin, Marc-Florian Geyer brasse sa bière de montagne, très prisée à Saint-Moritz. Quant à Dorli Menn, voilà vingt ans qu'elle conduit son bus postal au travers des paysages du canton des Grisons. Sur le lac Majeur, le cuisiner Ivo Adam réinvente les plats traditionnels du Tessin. Puis on survole les sommets imposants de l’Eiger, du Mönch et de la Jungfrau, avant d’atteindre le lac de Zurich.
LA ROUTE DES FLEUVES, DE L'OBERLAND AU LAC LÉMAN
La Suisse est au centre des Alpes. Randonneurs, alpinistes et skieurs raffolent de ses montagnes comme l’Eiger, le mont Rose ou le Cervin. Il faut dire qu’entre l’Oberland bernois et le Valais, les sommets culminant à plus de 4 000 mètres d’altitude sont légion. De plus, la région concentre la majorité des glaciers du pays, notamment l'Aletsch, le plus grand des Alpes, classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Cette étape de notre voyage nous mène vers Grindelwald et jusqu’au massif de la Jungfrau, avant d’arriver aux villages enneigés de Zermatt et de Verbier, puis à Gstaad et à Château d’Oex. L'occasion de rencontrer d’attachantes figures de la région comme Eliana Burki qui revisite le jazz, le blues et le funk avec son cor des Alpes. Mais aussi Heinz Julen, architecte et designer, qui réinterprète l’habitat local à sa façon, et Victoria Jamieson qui est la seule femme pisteur-secouriste de Verbier. Enfin, à quelques encablures du lac Léman, Christian Dupuis emmène les touristes pour un survol en montgolfière.
DU CHABLAIS AU MONT-BLANC
Escale en France, plus précisément en Haute-Savoie. L’occasion de découvrir les alpages de Faucigny et la vallée du Petit-Bornand. Après un détour par Annecy, le voyage se poursuit sur le plateau des Glières, haut lieu de la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, puis dans le massif des Aravis jusqu’à La Clusaz, une des toute premières stations de ski. Après avoir survolé la vallée du Giffre et les escarpements calcaires impressionnants du Cirque du Fer-à-Cheval, cap sur le massif du Mont-Blanc et son point culminant, à 4810 mètres d’altitude. Au fil du voyage, nous croisons de nombreuses figures emblématiques de la région comme Pascal Bricier qui nous révèle les secrets de la plus haute pépinière des Alpes ; Hugo Genand qui accueille les touristes dans des cabanes nichées en plein cœur de la forêt pour un séjour plein de charme ; Émilie Sadoux qui est championne de roller et de hockey sur glace ; Frédéric Ancey, tout à la fois guide de haute montagne et cristallier ; Christine Janin, alpiniste et médecin, qui a fondé un centre pour les enfants malades.
Avec un nouvel exploit, 19 h pour gravir les 2 500 mètres de la face sud de l'Anapurna (8091 m) en solo, sans oxygène, et par la voie directe (28 h aller-retour).
On en sait un peu plus sur l’exploit du Suisse Ueli Steck réalisé la semaine dernière à l’Annapurna (8091m), dixième sommet le plus haut du monde. Le Bernois de 37 ans s’est confié à nos confrères italiens du site Planetmountain.com. Il explique comment, en 28 heures aller-retour, il a gravi en solitaire cette immense sud face sud de 2500m de haut. Parti le 8 octobre à 8h30, Steck était de retour au camp de base avancé le lendemain à 21h30 après une véritable course contre le vent fort, terrible qui a pu atteindre jusqu’à 80 km/h. L’exploit est d’autant plus historique que l’alpiniste a vaincu un vieux démon de cet Annapurna en empruntant la voie directe entamée en 1992 par le Grenoblois Pierre Beghin et le haut-Alpin Jean-Christophe Lafaille, restée inachevé jusque-là. Le duo devait redescendre alors dans la tempête à 7500m. Béghin trouvait la mort dans cette retraite et Lafaille rejoignait le camp de base après cinq jours, miraculé. 21 ans après, Steck a défloré les 600 m qui avaient manqué aux Français pour atteindre la cime. Un authentique exploit salué par le milieu.
Source : Dauphiné
Mais cette visitation du démonique, que les modernes ont dénommés "numineuse", peut bien aussi se glisser dans un épisode ordinaire de notre vie, elle en consacre alors l'expérience en l'illuminant jusqu'au tréfonds de notre être dans un éclair du "numen". Beaucoup de nos contemporains ont connu, durant une simple course en haute montagne, de tels instants où le coeur est ébloui et le monde transfiguré. Rien ne justifie rationnellement la joie exaltante qui les emplit de ses vagues. Serait-ce la matière brute dont est fait le paysage qui les transporte ainsi ? ou le vent des cimes ? ou la vision d'une immense étendue à leurs pieds ? Il serait absurde de vouloir chercher dans les éléments du décor la cause de leur expérience. Par ses racines, elle plonge bien au-delà de toute causalité, dans un sol fécond nourri d'irrationnel. Joignant dans une vigilance soutenue de l'être tout entier - tant physique que psychique - la forme des choses extérieurs avec les mobiles de l'esprit, la percée en flèche du "numen", accomplit ce miracle : la parfaite intégration dans l'unité.
D'un écrivain, grand alpiniste (Georges Sonnier : Où Règne la lumière, Ed. Albin Michel, 1946), est sortie cette assertion profondément méditée : "Il y a dans tout être une vérité qu'il importe de délivrer. Là est la vertu singulière de la montagne : elle délivre la vérité des êtres".
(...)
Dans les passages périlleux il fait connaissance avec un étrange compagnon qui n'est autre que lui-même.
L'immédiate proximité de la mort l'emplit à la fois de terreur, d'amour pour la vie et d'ivresse, elle le paralyse et l'exalte. S'il regarde l’abîme à ses pieds, c'est pour y puiser le dernier élan qui le portera vers la cime. Lui-même est tout élan, rien d'autre qu'ascension patiente, vigilante, méthodique. Un praticien de la montagne écrit (Paul Guitton, Le Livre de la montagne, Ed. Arthaud, 1945) :
"Aussi n'est-ce point un sentiment de crainte, mais d'amour que j'ai envers la montagne. Activement je la connais, je m'en empare prise après prise, un pas après l'autre. Je suis tout à ce que je fais, tout dans le présent. Aucune autre action ne met l'homme en une telle position vis-à-vis de la durée. Dans une grande course, dans une ascension difficile le temps se trouve aboli. On sent bien qu'il continue à couler, mais autre part, pour lui tout seul. On s'en trouve hors. De la base au sommet du pic l'action est une. "
(...)
Matterhorn ou Cervin (hiver 2003)
Et voici le véridique témoignage d'une alpiniste expérimentée à la tête froide (Claire Eliane Engel) : "On sent facilement combien l'esprit de l'alpiniste est ouvert à l'influence de l’inconscient. Dans un monde mystérieux de l'altitude, monde solitaire pendant des millénaires, ou où l'homme ne se risque que depuis un siècle et demi, des présences inconnues existent et agissent et ne se font guère sentir que par de brusques impressions qui naissent dans l'esprit. Chaque alpiniste a eu de pareilles impressions. Il a entendu des messages étranges, presque imperçus, un appel, une menace inexplicable et inexpliquée. Ce sont parfois des présages : tout alpiniste a eu de soudaines illuminations qui lui donnaient la solution d'un problème incompréhensible, la voie à suivre ou à fuir. Parfois ce sont de simples nuages spirituels. Je ne tiens pas à discuter ici le rôle du surnaturel dans la vie et, en montagne, c'est un surnaturel très spécial." Il serait difficile de décrire plus clairement l'expérience du numineux en montagne.
(...)
Peut-être certains sites possèdent-ils plus particulièrement le terrible pouvoir de déchaîner ce tumulte. Le Matterhorn est réputé pour ses réveils de fureur.
(...)
Ce double mouvement d'appel quasi irrésistible et d'horreur répulsive devant la majesté de la montagne, tout alpiniste de grande classe en a savouré l'atroce fascination. Et peut-être est-ce cela, après tout, qu'il cherche au profond de son coeur - une terreur sacrée à résoudre en amour.
(...)
L'arrivée aux cimes défie la description. Georges Sonnier l'a qualifié dans un mot unique : lumière.
(...)
Sur cette pointe de lumière l'aspiration est parvenue à son terme. Les désirs sont retombés avec les nuées grises vers la vallée. L'écrivain alpiniste Frison Roche posant son héroïne au pic de sa course lui prête cette méditation : "Pour la première fois de sa vie Brigitte ne désire plus rien, il lui semble vivre un rêve qu'elle n'aurait jamais osé faire".
Auprès d'elle se hisse tout à coup un "chevronné de la montagne" et il remarque : "Une journée comme celle-ci de temps à autre, et l'on n'a plus grand chose à demander à la vie". Paroles prophétiques et qui pressentent déjà l'éternité. Désormais la plénitude de la vie est perçue et le profane résorbé dans le sacré.
(...)
Extrait de : Essais sur l'expérience libératrice (chap. XII, Le numineux et le profane sur la montagne), rééd. Almora, 2008
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Kílian Jornet Burgada, né le 27 octobre 1987, originaire de Sabadell en Catalogne (Espagne), est un spécialiste en ski-alpinisme, ultra-trail et course à pied en montagne. Il est considéré comme l’un des plus grands coureurs à pied en montagne de tous les temps.
Kílian naît le 27 octobre 1987 à Sabadell en Catalogne. Il est le fils d'Eduard Jornet et de Núria Burgada. Son père est guide de montagne et il a été gardien du refuge de Cap del Rec dans la Cerdagne catalane ; sa mère est directrice d’une école primaire rurale et entraîneur au Centre technique de ski de montagne de Catalogne (Centre de Tecnificació d'Esquí de Muntanya de Catalunya, CTEMC). Kilian a une sœur de deux ans sa cadette, Naila Jornet, qui fera aussi de la compétition de haut niveau en ski de montagne.
Source (et suite) du texte : wikipedia
Bibliographie :
- Courir ou mourir, Le journal d'un sky-runner, Outdoor Editions, 2011
- avec Fabienne Durand, Physiologie des sports d'endurance en montagne, De Boeck, 2012
- Préface du livre de Christopher Mc Dougall, Né pour courir, 2012 (sur les courses pieds-nus de la tribu des Tarahumaras).
Filmographie :
- Summit of my life, en cours (projet de record de 8 sommets mythiques. Réalisés : Mont Olympe, Kilimandjaro, Mont-Blanc. A faire : Elbrouz, Cervin, Aconcagua, Mont Mc Kinley, Everest).
En ligne :
Records et victoires (extrait) :
Trail :
Ultra-Trail du Mont-Blanc 2008, 2009, 2011
Western States 100 Miles 2011
Australia 100 Miles 2011
Grand Raid Réunion 2010, 2012
Ski alpinisme :
Champion du monde individuel 2011
Champion du monde Vertical Race 2010, 2011
Coupe du monde 2009, 2010, 2011
Pierra Menta 2008, 2010, 2011
Records :
GR 20 (200km, 17000 m D+) : 33h 54
Tahoe Rim Trail (280 km, 14000 m D+) : 38h 32
Sommet Kilimanjaro (aller-retour) : 5h22 (7h14)
Ascension du Mont Olympe (51 km, 3466m D+) : 5h 19
Sommet du Mont-Blanc depuis Chamonix (aller-retour) : 4h 57' 44'' (11 juillet 2013)
Autres performances : wikipedia
Gagner, ce n'est pas finir en première position. Ce n'est pas battre les autres. Gagner c'est se vaincre soi-même. Vaincre notre corps, nos limites et nos peurs. Gagner, c'est se dépasser soi-même et transformer les rêves en réalité. (...)
Je sais que j'aurai pu aller plus vite pendant tout le parcours, j'aurai pu aller aussi vite que maintenant. Qu'est-ce qui m'a freiné ? C'est mon mental qui m'a déconcentré et démotivé. Il a mis des obstacles sur la route et a réussi à estomper l'image du but, à me désorienter et à me faire perdre le cap et la décision pour l'atteindre. Il m'a conduit à penser que ce n'était pas possible. Mais je ne suis pas triste. Au contraire, j'ai découvert que les limites n'existent pas pour notre corps. C'est lui seulement qui contrôle la vitesse et la force, mais les vraies limites, celles qui nous conduiront à l'abandon ou à la poursuite de la lutte, celles qui nous permettront d'atteindre nos rêves ne dépendent pas de notre corps, mais de notre mental, de notre motivation, de notre envie de rendre nos rêves bien réels. (...)
Mais, pourquoi je cours ?
Parce que la compétition me rend dépendant ? Je ne sais pas, je pense qu'il n'y a aucune raison. Je pourrais donner l'excuse que je cherche à sentir la montée d'endorphine en me fatiguant, que j'ai besoin de sentir l'émotion en gagnant une course ou de contempler de splendides paysages. Je pourrais dire que je cours pour le bien-être que cela m'apporte, pour la santé ou pour pouvoir déconnecter des problèmes. Cela pourrait être pour supprimer quelques pulsions réprimées pendant mon enfance ou pour appartenir à un groupe, pour sentir que j'ai de la valeur. C'est peut-être pour poursuivre mon destin ou pour échapper à mes peurs. C'est peut-être pour retrouver l'environnement romantique que nous avons perdu dans nos vies actuelles ou nous créer notre histoire dramatique et héroïque, à l'image des légendes médiévales ou de guerre ou nous pouvons être le protagoniste et le héros dans un monde où il devient chaque fois plus difficile d'atteindre ce qui est épique.
Non, je crois simplement que je cours parce que j'aime ça, je profite de chaque instant et je n'ai pas à penser au pourquoi. Je sais qu'en courant et en skiant, tout mon corps et mon esprit entrent en harmonie et me permettent de me sentir libre, pour pouvoir voler et m'exprimer avec toutes mes armes. La montagne est le fond blanc, et moi le pinceau qui dessine sans suivre aucune règle. Courir, c'est laisser mon imagination disposer du moyen pour s'exprimer et explorer mon intérieur. (...)
Je cours peut-être parce que j'ai besoin de me sentir créateur, j'ai besoin de savoir ce qu'il y a en moi et le concrétiser quelque part à l'extérieur. Nous pouvons explorer notre intérieur et savoir de quoi nous sommes capables mais nous avons besoin de l'extérioriser et le voir séparé de nos corps pour le contempler comme des spectateurs, pouvoir l'évaluer et détecter ses défauts pour faire mieux la prochaine fois. C'est le plaisir intrinsèque de créer de la beauté et de voir qu'elle génère une force d'attraction vers les spectateurs.
Une course c'est comme une oeuvre d'art, c'est une création qui, à part la technique et le travail, a besoin d'inspiration pour pouvoir la terminer avec satisfaction. (...)
A chaque pas, je sens l'eau bouger dans mes chaussures mais cela ne me freine pas, maintenant cela me pousse en avant, je cours plus vite, je saute plus haut. Je chante, je crie de toutes mes forces vers le ciel. Je suis heureux, personne ne saurait effacer le sourire sur mon visage. Je monte et je descend sans m'arrêter jusqu'à ce que j'arrive sur un plateau, qui n'est pas protégé par les arbres. J'étends les bras et je lève le visage vers le ciel, les yeux fermés, je laisse la pluie me mouiller le visage et le vent essaie sans y parvenir de sécher les gouttes qui tombent. Il n'existe aucune frontière aucune limite, maintenant, il n'y a rien qui puisse m'arrêter. Je sens le sol, je sens l'herbe mouillée, le printemps, l'odeur forte de la terre, avec le parfum caractéristique de la vie. Je suis heureux. Je m'arrête un moment pour me reposer, les mains posées sur les genoux mais je ne sens pas la fatigue. J'ai découvert que je ne poursuis personne et personne ne me poursuis. Le bonheur n'était pas un destin mais le chemin à suivre et je perds du temps sur ce chemin, faisant passer après sa fin inévitable. La peau froide, le corps chaud et l'effort me rajeunissent. Le corps accélère de nouveau, l'air qui sort de mes poumons transperce de nouveau le froid, et mes empreintes s'éloignent entre les vallées.
Extrait de : Courir ou mourir
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Ascension du Kilimandjaro (record du monde) :
Arrivée à Chamonix, 11 juillet 2013 (record du monde Chamonix - Mont-Blanc, 4h 57' 44'' en short et basket) :
Bande annonce du film Summit of my life (projet de records d'ascension de 8 sommets mythiques) :
Rencontre avec Pablo Vigil (coureur amérindien de la génération précédente) chez lui dans le Colorado (2012 - Sous-titre FR)
Kilian Jornet parle du livre culte Né pour courir :
Avec un documentaire tout chaud, comme pour faire oublier ses mésaventures avec les sherpas de l’Himalaya, voir : migros / le temps
Ueli Steck - Le coureur des sommets (2011, 50')
Le suisse Ueli Steck est l'un des meilleurs alpinistes actuels. Sa spécialité : les records de vitesse, comme son ascension de la face nord de l'Eiger réalisée en moins de trois heures.
Comment expliquer de telles performances ? Comment parvient-il à gérer le danger ? Portrait d'un homme d'exception, qui connaît ses limites, pour mieux réussir ses exploits tout en sachant accepter ses échecs.
Source : RTS (06.05.2013)
SUR LA CHUTE EN MONTAGNE
Par Michel Hulin, Professeur de Philosophie Comparée à Paris IV - Sorbonne
L'expérience intérieure peut revêtir une infinie diversité de formes. L'histoire de la mystique a toujours eu tendance, comme il est naturel, à privilégier celles de ces formes qui s'inscrivent dans une perspective philosophique ou religieuse bien définie. Mais il existe aussi des variantes "sauvages", spontanées ou artificiellement provoquées, qui méritent tout autant d'être prises en considération. Appartiennent à cette catégorie, outre les états de conscience altérés induits par les stupéfiants et les hallucinogènes, certaines réactions paradoxales de la psyché confrontée à des situations d'extrême danger qui seraient, normalement, génératrices d'effroi. L'intérêt de telles expériences, dont la "vision panoramique des noyés" constitue un exemple classique, réside précisément dans leur manière de superposer une certaine transcendance extatique à une profonde détresse existentielle.
Un livre récent (1), encore inédit en langue française, a le mérite d'attirer notre attention sur une variété remarquable de ce type d'expérience-limite, la chute en montagne. Son auteur, Reinhold Messner, est l'un des plus grands alpinistes de notre temps. Il est connu pour avoir été, entre autres exploits, le premier homme à gravir l'Everest sans le secours d'un masque à oxygène. Mais c'est aussi un homme qui s'intéresse aux arrière-plans "spirituels" de l'alpinisme. Son livre se présente sous la forme d'une sorte d'anthologie qui rassemble et commente les témoignages de personnes miraculeusement sorties indemnes (ou presque) de chutes gravissimes en haute montagne. Certains de ces témoignages remontent au XIXème siècle et avaient déjà fait à l'époque l'objet de publications dans diverses revues de Clubs Alpins en Suisse ou en Allemagne, d'autres sont inédits. On se propose ici de traduire quelques passages choisis parmi les plus significatifs, de grouper les plus saillants de leurs traits communs et d'en esquisser une interprétation.
Nous commencerons par le récit du Professeur Albert Heim, un alpiniste suisse du siècle dernier qui est en même temps l'auteur de la première anthologie consacrée à la chute en montagne (2).
En 1871, un matin de printemps, A. Heim dérape dans un couloir d'avalanche : «... Je filai à la vitesse du vent vers une pointe rocheuse à ma gauche, vins rebondir contre elle et basculai par dessus, planai quelque vingt mètres dans les airs pour, finalement, atterrir sur une plaque de neige au pied de la paroi rocheuse [...] Ce que j'ai pensé et ressenti durant ces cinq ou dix secondes, je ne parviendrais pas à l'exprimer en dix fois plus de minutes. Tout d'abord, j'examinai la situation : «La pointe rocheuse par dessus laquelle je vais être précipité se prolonge visiblement vers le bas par une paroi verticale. Toute la question est de savoir s'il y a encore de la neige en bas. Si oui, je pourrai m'en tirer. S'il n'y en a plus, je vais être précipité dans les éboulis tout en bas et alors, avec une telle vitesse de chute, la mort est inévitable. Si, arrivé en bas, je ne suis pas mort ou inconscient, je devrai prendre aussitôt le petit flacon d'éther de vinaigre qui se trouve dans la poche de ma veste et m'en mettre quelques gouttes sur la langue. Je ne dois pas non plus laisser échapper mon bâton d'alpiniste car il peut encore être utile, je dois donc le tenir d'une main ferme. Je pensai aussi à jeter mes lunettes pour éviter que des éclats ne viennent me blesser les yeux mais j'étais à ce point secoué et ballotté par la chute que mes mains n'y parvinrent pas [...] Je songeai aussi à ma leçon inaugurale de «Privat-Dozent» (3) qui devait avoir lieu cinq jours plus tard et que, de toute manière, je ne pourrais pas assurer. J'assistai à la scène où mes proches recevaient la nouvelle de ma mort et je les consolai en pensée. Ensuite, je contemplai à une certaine distance, comme si elle se déroulait sur une scène, l'ensemble de ma vie passée. Tout était transfiguré, dépourvu d'anxiété et de souffrance 1...] Je me sentis de plus en plus entouré par un ciel d'un bleu splendide, parsemé de petits nuages rosés et surtout d'une tendre nuance de violet. Au moment où je pris mon vol dans l'air libre je me sentis glisser en lui d'un mouvement doux et planant, sans aucune souffrance, tandis que je voyais s'approcher le champ de neige sous mes pieds [...] Alors je perçus un choc sourd et ce fut la fin de ma chute. A cet instant, un objet noir passa furtivement devant mes yeux et je criai trois ou quatre fois : Je n'ai absolument rien ! »
En 1887, dans le massif du Cervin, Eugen Guido Lammer, entraîné par une avalanche, fait une chute d'environ deux cents mètres :
« ... Durant ce vol sinistre mes sens restèrent en éveil. Et je puis vous le certifier, amis, c'est une belle mort. On ne souffre pas ! Une piqûre d'épingle fait plus mal qu'une telle chute. Pas d'angoisse de mort non plus, ou seulement au début. Dès que mes ultimes manœuvres de sauvetage se furent avérées vaines ce fut pour moi le grand abandon. Ce personnage chassé à travers l'étroit couloir d'avalanche, projeté par dessus le corps de son compagnon, propulsé dans le vide par la traction de la corde, était un étranger, un quelconque morceau de bois, et mon Moi flottait au-dessus de toute cette scène avec la tranquille curiosité du spectateur au cirque. Une seule chose me gênait : le fait d'être ébloui par le soleil qui, juste en face de moi - il était environ 17h30 - brillait à travers un tourbillon de neige poudreuse. Un raz de marée d'images et de pensées envahit mon cerveau. Beaucoup de souvenirs d'enfance, mon pays natal, ma mère, le choc élastique des boules sur le billard. «Ah ( Ah ! - pensai-je - le Professeur Schulz pourra écrire, triomphant, « voilà ce que c'est ! » [...] Je devrais remplir des centaines de pages pour traduire cette masse d'idées et d'images. Et pendant tout ce temps, le calcul froidement objectif de la distance restant à parcourir avant d'être étendu, mort, en bas. Tout cela, sans cris, sans agitation, sans tristesse ; entièrement délivré de la chaîne du Moi ! Des années, des siècles s'écoulèrent durant cette chute. »
L'alpiniste allemande Charlotte Wolny décroche d'une paroi rocheuse, dans les Alpes bavaroises, en août 1975 : «... A l'instant où je perdis ma prise, je réalisai qu'après tant d'années d'escalade j'étais en train de tomber et que j'allais mourir. Je ne ressentais pas d'angoisse. Je sentis seulement mon corps culbuter vers l'arrière et je m'étonnais même de ne pas en souffrir. La nuit, aussitôt, s'était faite autour de moi. Je pensai que j'allais bientôt revoir mon mari, mort sept mois auparavant jour pour jour, et je m'en réjouissais. Je sais seulement encore que, dans l'obscurité qui m'entourait, mon cœur se mit à battre avec une violence atroce et j'étais persuadée que j'allais mourir mais, derechef, sans angoisse. Je m'émerveillais de constater à quel point cela était facile et je me réjouissais à la pensée que toute souffrance allait bientôt cesser. »
Norbert Baumgartner commence par décrire, en termes hautement techniques, les circonstances de sa chute. Puis il enchaîne : « Voilà ce qu'après coup je suis en mesure de reconstruire. Mais de la chute elle-même je prends conscience sur un tout autre mode, un mode d'une effrayante étrangeté, toute nouvelle pour moi. Ce n'est pas moi qui tombe, qui est précipité vers le bas, qui s'écorche au contact du rocher. Mais j'assiste à la chute de quelqu'un. Ce quelqu'un me ressemble trait pour trait. Je pourrais être lui et pourtant je ne le suis pas, je ne puis pas l'être puisque, justement, je le vois tomber. Celui-là porte ma vieille veste rouge, mes chaussures en triste état, mon pantalon d'un vert sale avec ses éternels accrocs »...] Il est suspendu à une plaque rocheuse qui se détache et roule vers la vallée avec un bruit de tonnerre. Et lui tombe, dérape, s'écorche, s'immobilise et reste là étendu. Curieux ! C'est la première fois que je suis le témoin d'une chute. Lui est-il arrivé quelque chose ? »
Terminons par le récit du Professeur Hias Rebitsch, peut-être le plus étrange de tous. Dans la phase la plus délicate d'une ascension, soudain, une prise cède : « ... Mon buste est repoussé vers l'arrière comme par le poing d'un géant. Je ne dois pas culbuter, surtout ne pas tomber sur le dos, la tête en bas [...] D'une poussée des jambes je me détache de la paroi et me projette dans l'air à la rencontre du sinistre, de l'impitoyable abîme. Commence alors l'insensée, la terrifiante descente aux enfers. Un bref à-coup : le premier piton a cédé ; le second [...] Je glisse le long de la roche, m'y heurte, cherche à m'y cramponner. Mais une force élémentaire, irrésistible, me catapulte vers le bas. Perdu, terminé [...] Et voici que je ne ressens plus d'angoisse. La peur de la mort s'est écartée de moi. Toute espèce d'émotion a disparu de même que toute perception extérieure. En moi il n'y a plus que le vide, un abandon total, et hors de moi il fait nuit. Je ne « tombe » même plus, je flotte doucement dans l'espace, installé sur un nuage, libéré de toute adhérence à la terre. Nirvana ? Ai-je déjà franchi le sombre portail qui mène au royaume des morts ? Voici que soudain lumières et mouvements font irruption au milieu des ténèbres. Des flots mêlés de l'ombre et de la clarté se détachent certaines lignes : d'abord confusément esquissées, elles en viennent à dessiner des silhouettes reconnaissables. Une représentation naturaliste de silhouettes et de visages humains. Sur un écran intérieur un film muet, en noir et blanc, est projeté. Je suis le spectateur et me vois dans le film, âgé de trois ans à peine, trottinant vers la boutique de l'épicier, toute proche. Je serre bien fort dans ma menotte le Kreuzer (4) que m'a donné ma mère pour que je m'achète quelques sucreries. Changement de scène : petit enfant, un empilement de planches s'écroule sur ma jambe droite. Mon vieux grand-père qui clopine, appuyé sur son bâton, s'évertue à soulever les planches. Ma mère rafraîchit et caresse mon pied meurtri. Deux incidents dont je ne me serais jamais souvenu autrement [...1 Le film se poursuit mais les scènes qu'il montre n'appartiennent plus à mon existence actuelle [...] Me voici page portant blason dans une haute salle d'armes : nobles en habits d'apparat, châtelaines avec tous leurs atours, hanaps passant de mains en mains, toute une vie pleine de couleur et de mouvement t...] Ensuite, comme d'une autre couche d'images, se détache un motif plus persistant : je marche dans une vaste plaine, labourant mon champ avec une charrue de bois, tandis qu'une armada de nuages défile dans le ciel. C'est alors qu'un audacieux fonduenchaîné me transporte au cœur d'une mêlée : des cavaliers sauvages, barbares. la chevelure en broussaille, attaquent : des javelots volent ; détresse mortelle ! Le tout silencieux, spectral. Soudain, un appel venant de très loin : « Hias ! » et de nouveau : « Hias, Hias ! » Un appel intérieur ? Celui d'un frère d'armes ? Brusquement il n'y a plus de combats, plus de cavaliers, plus d'angoisse mortelle. Rien que le calme autour de moi et le rocher inondé de soleil devant mes yeux qui se sont ouverts.»
Cherchons maintenant à rassembler les éléments constitutifs de cette expérience tout à fait singulière qu'est la chute en montagne. Première surprise : là où s'attend à rencontrer la panique, l'agitation désordonnée du corps, les hurlements de terreur, règne à l'extérieur un profond silence et à l'intérieur une parfaite sérénité. Les accidentés tombent comme dans un rêve, calmes, recueillis, sans pousser un cri. Il y a toutefois à cela une condition : le déclenchement de la chute doit avoir été brusque, imprévisible, comme dans le cas d'un «dévissage» soudain au milieu d'une paroi verticale. Ou bien une première phase de dérapage ou de glissage - où certaines manœuvres de sauvetage pouvaient encore avoir un sens - doit avoir fait place à une seconde phase de chute libre dans laquelle la vanité de telles manœuvres est devenue évidente. Ce qui confère à la chute en montagne (ou d'un gratte-ciel, etc., à condition d'être accidentelle) son caractère spécifique, parmi bien d'autres situations de danger extrême, c'est précisément l'état d'abandon, de déréliction du «tombant», devenu le jouet passif des forces cosmiques. Cette simplicité tragique ne se retrouve pas au même degré dans des situations comme la noyade, l'incendie, le bombardement, etc., qui toujours laissent au moins entrouverte une porte de salut.
Un autre trait caractéristique est fourni par le dédoublement du sujet. Un Moi spectateur, un Témoin assiste, pour ainsi dire d'en haut, à la chute d'un certain personnage qui, même revêtu des habits du moi (cf. le témoignage de N. Baumgartner). est vu essentiellement comme «il» ou «lui». Il est clair que ce second trait renvoie au premier : l'homme qui tombe demeure vraiment lui-même qui tombe. Il restera cependant à déterminer si ce dédoublement -quel que soit son mécanisme psychologique - est la véritable cause de la sérénité, ou bien son effet (ou l'une de ses expressions privilégiées).
L'expérience de la chute se caractérise encore par l'extraordinaire intensité de l'activité mentale à laquelle elle donne lieu. Tous les témoignages s'accordent à souligner le contraste entre la durée réelle de la chute, toujours très brève (même une chute libre de 200 m ne dure guère plus de six ou sept secondes), et l'incroyable densité de réflexions, d'images et d'événements que la conscience est capable d'y loger. Ce foisonnement des représentations se présente lui-même sous deux formes distinctes, correspondant peut-être à deux niveaux de profondeur de l'expérience.
Tantôt (récit de A. Heim et début du récit de H. Rebitsch), il s'agit d'une anticipation active du choc : à la vitesse inhumaine d'un calculateur électronique le sujet envisage tous les «cas de figure» susceptibles de se produire et élabore une stratégie précise en rapport avec chacun d'eux. L'imagination de ce qui se passera après l'accident (par exemple, le deuil des parents, amis, etc.) est présente aussi mais comme tenue en laisse par la priorité absolue accordée à la stratégie de survie. La perception de l'environnement (pentes, pointes rocheuses, bancs de neige, etc.) subsiste et atteint même un exceptionnel degré d'acuité.
Tantôt, au contraire (récit de Ch. Wolny et corps du récit de H. Rebitsch), dès le début de la chute, la nuit descend sur le monde, enfermant le sujet dans son espace intérieur. Se produit alors la plongée dans les profondeurs de la psyché, l'émergence des scènes d'enfance depuis longtemps oubliées, bref l'ensemble des phénomènes habituellement regroupés sous l'appellation générale de « vision panoramique ». Notons cependant, dès maintenant, que les témoignages présentés ici donnent davantage l'impression d'un film, mais au déroulement saccadé et capricieux, avec des ruptures et des retours en arrière. En somme, plutôt la possibilité, quasi ludique, de voyager à son gré à travers son propre passé que la contemplation de celui-ci dans les facettes d'un cristal figé.
Un dernier trait caractéristique de l'expérience est qu'elle se déroule à l'intérieur d'un monde devenu silencieux et comme statique. Or, le silence qui entoure soudain ces alpinistes n'est pas plus naturel que les ténèbres où d'autres sont brutalement plongés en plein jour : bruits du vent, appels des compagnons, fracas des morceaux de rocher dévalant les pentes, rien de tout cela n'est entendu. De même, il est étrange que revienne dans tous ces récits (et dans bien d'autres non cités ici) le verbe schweben qui signifie « planer » et même, plus littéralement, « flotter immobile dans l'espace » : la formidable traction de la pesanteur, le courant d'air provoqué par la chute, le défilé accéléré des repères spatiaux (arbres, parois rocheuses, etc.) ne semblent pas être perçus.
Que penser de tout cela ? En particulier devra-t-on dire que ce genre d'expérience relève de la pathologie de l'affectivité - au même titre, par exemple, que les hallucinations de certains malades mentaux - ou bien, au contraire, qu'il nous révèle quelque chose d'essentiel sur la condition humaine ? Nous ne pouvons espérer faire la lumière sur ce point que si d'abord nous cherchons à revivre cette expérience de l'intérieur, du point de vue même de ceux qui l'ont connue.
Il est évident, tout d'abord, que cette expérience ne se manifeste qu'au-delà d'un certain seuil. La simple conscience d'un danger, même extrême, ne suffit pas à la déclencher. Elle procure, certes, au sujet une sorte de choc électrique - certains témoignages parlent d'une vague de chaleur montant subitement à la tête - qui l'arrache à la relative somnolence où il pouvait se trouver l'instant d'avant, à un certain relâchement de l'attention qui a pu être précisément à l'origine de sa chute. Ainsi « réveillé », le sujet accède à une acuité de perception et à une agilité de raisonnement exceptionnelles. Mais tout cela se déroule dans une perspective d'adaptation au monde, de « lutte pour la vie » qui ne comporte encore aucune rupture par rapport au passé du sujet et à ses choix existentiels majeurs. Ce qui marque le franchissement du seuil, c'est la prise de conscience d'une détresse et d'une impuissance totales face à l'événement. A travers tous les témoignages ce tournant décisif est signalé par le retour des mêmes expressions ou interjections : « terminé », « fichu », « plus rien à faire », « tout est perdu », etc.
Alors, dans l'homme livré au gouffre, quelque chose d'essentiel « casse » subitement, à savoir le ressort inconscient de son vouloir-vivre. Dans la mesure, en effet, où il perçoit clairement l'inanité de toute tentative de sauvetage il se saisit comme étant, d'une certaine manière, déjà mort. Les quelques secondes qui le séparent de l'écrasement tout en bas sont comme l'intervalle entre sa condamnation à mort et son exécution. Cela signifie qu'une évidence intellectuelle irrésistible lui coupe littéralement le souffle en lui faisant toucher du doigt la contradiction flagrante qu'il y aurait, pour lui qui est virtuellement anéanti, à prétendre encore respirer, espérer, craindre, se projeter vers l'avenir, en un mot vivre. On peut dire, en somme, qu'un premier et involontaire lâcher prise, au sens propre, celui-là même qui a provoqué la chute de l'alpiniste, en entraîne un second, pleinement libre et radical, dans lequel celui-ci, subjugué par l'imminence inéluctable de sa propre fin, s'immole en pensée, se retranche lui-même du monde des vivants. C'est ce sacrifice du moi, sacrifice à la fois spontané et arraché au sujet par les données objectives de la situation, que l'un des survivants (E.G. Lammer) appelle « le grand abandon ».
Pour accéder à ce qui réellement se dévoile dans l'expérience de la chute il est indispensable de bien comprendre le mécanisme d'un tel renoncement. Il ne paraît pas requérir une quelconque prédisposition subjective, une sensibilité particulière de caractère philosophique ou religieux. En tout cas, rien dans les données dont nous disposons n'autorise à l'affirmer. Ce qui paraît décisif, en revanche, c'est l'effet de surprise selon lequel un homme « ordinaire », plus ou moins englué dans les joies et soucis du quotidien, bascule soudain dans l'inimaginable et se trouve confronté sans préparation à la face terrible de l'Etre. Le dépaysement est alors si brutal qu'on n'a même pas le temps d'avoir peur. La suspension du vouloir-vivre qui en résulte n'a donc en elle-même rien d'héroïque, même si elle présente l'apparence d'un sursaut d'héroïsme et produit pour un temps les mêmes effets. Sa nature est bien plutôt celle d'une paralysie de l'imagination désirante là où, en un éclair, le monde s'est révélé si hostile, si impraticable (5) que plus aucun projet, plus aucun geste, plus aucune parole n'y conserve le moindre sens.
On ne s'étonnera jamais assez de ces failles qui peuvent à tout instant s'ouvrir dans le sol réputé ferme de l'expérience ordinaire. Une prise s'effrite, un piton cède à l'improviste et, en l'espace de quelques brévissimes secondes, un homme est arraché à tout ce qui faisait sa vie et plongé dans une solitude et une pauvreté infinies. Lui qui évoluait dans la lumière est précipité d'un seul coup dans l'Hadès. Encore tout ruisselant de vie il lui faut sur le champ abandonner toute espérance, consentir à se laisser effacer à jamais de ce monde.
Mais le miracle est que ce baptême de terreur renaisse un homme nouveau. Celui qui vient de passer par la Grande Capitulation se réveille aussitôt et s'émerveille d'accéder à un plan d'expérience dont, en règle générale, il n'avait jusqu'alors même pas soupçonné l'existence. Par sa soudaineté et son caractère apparemment irrémédiable l'expérience de la chute a décapé dans le sujet tout ce qui était simplement acquis, superficiel, factice. Elle l'a contraint à consentir en pensée à des sacrifices d'une ampleur telle qu'il a maintenant conscience de ne plus rien posséder et de n'être lui-même absolument plus rien. Dépouillé, vidé de sa substance, il se sent déjà mort. Mais, en réalité, la chute n'a fait que dissoudre son individualité affective, mentale et sociale, son ego. Par là même elle a mis à nu, révélé pour la première fois le noyau permanent et indestructible de cette individualité, le principe transcendant de la conscience, le Soi.
Les manifestations psychiques « paranormales » caractéristiques de la chute peuvent alors être comprises comme les signes d'une émergence du Soi à l'intérieur d'un champ de conscience où il n'avait jamais été repéré comme tel. C'est le cas, en particulier, des modifications remarquables qui s'introduisent dans la perception du temps. D'une part, on assiste à une intensification et à une accélération des processus mentaux telles que la chute, en dépit de sa brièveté objective, paraît durer des siècles. D'autre part, la marée montante des souvenirs tend à envahir l'ensemble du champ de conscience, au point même de détourner l'attention de la réalité présente. Il est facile de voir que les deux phénomènes sont liés et qu'ils expriment, chacun à sa manière, la transcendance de la conscience par rapport au temps.
Dans l'attitude naturelle nous admettons tacitement que « penser » est une activité comme une autre, qui procède de certaines causes et aboutit à certains effets, qui s'étale dans la durée, exige du temps pour s'accomplir. L'expérience de la chute, dans la mesure où elle se traduit par une sorte d'emballement de la mécanique mentale, contribue à ébranler ce préjugé. Elle semble tendre vers une limite idéale où un déroulement infiniment accéléré des processus mentaux déboucherait sur un « acte pur », une coprésence parfaite à la conscience de tous ses contenus. De la même manière, il paraît naturel d'admettre que les pensées, conçues comme des séries d'événements psychiques, une fois précisément qu'elles sont « passées », se trouvent détruites, abolies en tant que telles et ne peuvent plus être que reconstruites, à partir des empreintes qu'elles auraient éventuellement laissées (œuvres, traces cérébrales, etc.), par une activité spécifique de remémoration. Le phénomène de la vision panoramique du passé suggère tout autre chose :
Loin de se dissoudre d'instant en instant, la conscience serait installée dans un présent inamovible d'où elle pourrait atteindre à volonté et comme toucher à distance n'importe quel épisode de sa propre histoire. Elle envelopperait en droit la totalité de son passé et ne serait pas tributaire pour cela de l'instrument précaire d'une mémoire, conçue comme une fonction spécialisée (6). Il est significatif à cet égard que les témoignages utilisés ici ne font aucunement mention d'un déroulement continu des souvenirs, dans l'ordre supposé de leur enregistrement depuis l'instant de la naissance jusqu'à celui de la chute. Ils évoquent plutôt un libre vagabondage à travers le passé (et l'avenir), marqué certes par la résurgence de scènes d'enfance significatives mais aussi bien - semble-t-il - par celle, plus fantaisiste et gratuite, d'épisodes futiles, comme si la conscience cherchait ainsi à se prouver à elle-même qu'elle a récupéré l'intégralité de ses pouvoirs.
En d'autres termes, le sujet en vient à se saisir sous la forme d'une essence intemporelle, inaltérable, qui contemple sereinement, comme s'il s'agissait d'un autre absolu, son alter ego de chair et d'os en train de plonger dans l'abîme. Les divers récits rapportés plus haut utilisent tous, sans le savoir, le langage de la philosophie Sâmkhya. Ils posent d'un côté le Témoin, la monade spirituelle (purushà), en dernière analyse étrangère aux vicissitudes de ce monde, et, de l'autre, un fragment de nature soumis aux lois générales de la Nature (prakriti). L'expérience du dédoublement, dont nos auteurs font presque tous état, n'a en soi rien de pathologique. Elle ne fait que retrouver, en empruntant un raccourci dramatique, cette discrimination (yiveka) de l'Esprit et de la Nature à laquelle la philosophie Sâmkhya accède par d'autres voies, infiniment plus complexes et spéculatives. Mais le résultat, au moins pour un instant, est le même. C'est un état de désengagement absolu (kaivalyà), d'indifférence bienheureuse à tout ce qui peut encore vous advenir en ce bas monde, le trépas y compris. La métaphore du vol plané, qui revient d'une manière obsédante à travers la plupart des témoignages, exprime à merveille cette situation de transcendance.
On serait donc tenté de dire que les accidents de montagne - et les autres expériences du même type - réalisent « à chaud », sous la contrainte directe des circonstances, ce même dépouillement libérateur vers lequel convergent les voies spirituelles reconnues dans les grandes religions. Ce que certains obtiennent - et que beaucoup n'obtiennent pas ! - au terme de trente années d'ascèse et de méditation, d'autres y parviendraient, sans l'avoir cherché, en quelques secondes de chute dramatique. Avant d'entériner une conclusion aussi audacieuse nous devons cependant dire quelques mots des tentatives d'explication de ces mêmes phénomènes qui les ramènent à des mécanismes purement psychologiques et, en tout cas, leur refusent une quelconque valeur de révélation.
Les plus caractéristiques de ces schémas explicatifs sont, sans aucun doute, ceux proposés dans le cadre de la psychanalyse freudienne (7). Ils consistent à inclure les phénomènes paranormaux déclenchés par l'imminence de la mort dans le cadre général des « mécanismes de défense du moi ». Pour Freud, tout vivant est nécessairement soumis au « principe de plaisir », c'est-à-dire qu'il tend à abaisser au maximum le niveau de la tension interne (nerveuse et psychique) que représentent ses propres pulsions, aussi longtemps qu'elles n'ont pas trouvé d'exutoire. Normalement, cette recherche du plaisir (ou plus exactement cet évitement du déplaisir) passe par une action exercée sur le monde physique et social. Dans l'hypothèse cependant où toute action de ce genre s'avérerait impossible -et c'est bien le cas ici - la nécessité de satisfaire à tout prix le principe de plaisir imposerait une distorsion de la perception du monde extérieur, une transformation magique, hallucinatoire de celui-ci. On parle ainsi couramment de « déréalisation » : au moment le plus critique de sa chute l'alpiniste cesserait de percevoir le monde objectivement. Fuyant l'insoutenable réalité, il se réfugierait dans une sorte de rêve éveillé où apparaîtraient toutes sortes de fantasmes compensatoires, surgis des couches les plus infantiles et les plus narcissiques de son inconscient. Certains auteurs évoquent même la possibilité d'une régression jusqu'à l'expérience intra-utérine et croient pouvoir ainsi expliquer l'impres-sion de « flottement immobile » (schweben) dont il a déjà été question (8).
Sans vouloir examiner cette thèse dans toutes ses implications, nous nous contenterons de faire observer qu'elle n'est peut-être pas totalement incompatible avec la nôtre. En principe, certes, les deux types d'explications sont diamétralement opposés. Nous faisons du « sacrifice du moi » le pivot de l'expérience, le Sésame qui ouvre la porte de la réalité intérieure, alors que l'explication freudienne voit le moi sacrifier l'objectivité et se réfugier dans les purs fantasmes, à seule fin de préserver sa propre intégrité. Mais, en réalité, il n'est pas possible de s'en tenir à une opposition aussi tranchée. D'une part, en effet, l'auto-immolation accomplie en pensée au cours de la chute a quelque chose d'automatique et de forcé. Elle ne se produit que sous la pression des circonstances. Elle n'intervient pas au terme d'une longue et systématique purification du cœur et de l'esprit. On ne saurait donc l'assimiler à un authentique accès à la délivrance. La preuve en est qu'après le miracle d'un sauvetage intervenu in extremis le « vieil homme » reprend vite le dessus. Certes, de nombreux témoignages insistent sur les répercussions durables d'un tel choc : beaucoup sont devenus plus méditatifs, ont modifié leur échelle de valeurs et même leur conception de la mort. Mais il demeure que ce genre d'expérience, s'il comporte bien la révélation de la réalité intérieure, ne permet pas à lui seul d'entrer de plain-pied dans cette réalité.
D'autre part, nous ne devons pas nous laisser abuser par des expressions comme «déréalisation », « recours aux fantasmes », etc. L'explication freudienne admet bel et bien le caractère rigoureusement « invivable » de certaines situations et donc l'impossibilité de fait, pour le sujet, d'y faire face autrement que par une radicale introversion. Et seul le maintien de certaines préjugés objectivistes l'empêchent alors de donner à une telle conversion toute sa valeur, de sorte qu'elle s'obstine à la qualifier négativement comme« fuite », « évitement », «réaction de défense », etc. L'emploi de ces qualificatifs ne serait justifié que si une autre attitude (« lucide », « adulte », « responsable », etc.) était concevable face à l'expérience de la chute. Or, nous avons vu que c'est précisément la reconnaissance du caractère désespéré de la situation - aux antipodes de toute fuite dans des espoirs de sauvetage miraculeux -qui déclenche le processus dit de déréalisation. On aura d'ailleurs pu le constater, à travers la lecture de certains témoignages, que cette fameuse déréalisation ne se substitue pas nécessairement à l'évaluation froidement objective des circonstances de la chute (évaluation de la distance à parcourir, du point d'impact probable, etc.) mais qu'elle peut, au moins dans certains cas, se superposer à elle.
En guise de conclusion nous proposerons de voir dans cette expérience de la chute ne montagne une illustration particulièrement frappante des ambiguïtés liées à la notion même de renoncement (sannyâsa). Que représente-t-elle, en effet, sinon une forme « chirurgicale » de sannyâsa, un arrachement violent en lieu et place du lent et minutieux détachement dont la tradition hindoue s'est ingéniée à codifier les étapes ? Or cette même tradition n'a cessé de méditer sur les contradictions du sannyâsa. On le voit généralement comme une condition, nécessaire mais non suffisante, de la délivrance. Pourtant, il a toujours été reconnu qu'un renoncement sincère, total, parfait, serait déjà en lui-même l'atteinte de la délivrance. Si, en fait, il n'en est que le moyen cela tient à une certaine impureté qui s'attache à lui : rejet passionné des misères de l'existence sociale et désir non moins passionné de la délivrance envisagée confusément comme une sorte de paradis. D'où le paradoxe selon lequel la délivrance n'est atteinte que moyennant l'extinction du désir même de délivrance. Notre débat avec la thèse psychanalytique relative à la chute en montagne tourne autour de la même situation paradoxale. Cette thèse ne se montre sensible qu'à son aspect négatif de fuite devant une souffrance psychique insupportable. Elle se refuse donc à lui reconnaître une quelconque valeur de salut. Nous avons, au contraire, cherché à souligner le caractère extrême du dépouillement qu'elle entraîne et donc la dimension potentiellement religieuse qu'elle comporte. Mais la prise en compte de la thèse freudienne nous interdira d'aller trop loin dans cette direction en nous rappelant la présence du désir brut, inéduqué, à la racine même du détachement, d'apparence surhumaine, auquel l'expérience de la chute dorme lieu (9).
(1) Reinhold Messner, Grenzbereich Todeszone (« Zone mortelle ; Domaine-limite »), UUstein Bûcher. 1980.
(2) A. Heim, Noiizen iiber den Tod durch Absturz, Jahrbuch des Schweizer Alpenclubs 27, 1892. (Traduction anglaise partielle par R. Noyés et R. Kletti dans la revue américaine Oméga, vol. 3 (1), 1972 : « The Expérience of Dying from Palis ».
(3) Titre porté au XDCème siècle, dans les universités de langue allemande, par certains enseignants non titulaires, directement rémunérés par les étudiants.
(4) Ancienne pièce de monnaie allemande.
(5) Cette fermeture de toutes les issues dans le monde s'exprime symboliquement par le manteau de nuit dont plusieurs des survivants attestent qu'il a enveloppé leur chute.
(6) Notre interprétation se rapproche ici de la thèse bergsonienne classique selon laquelle la mémoire filtre les souvenirs et ne laisse passer que ceux d'entre eux qui sont directement utiles pour l'action présente. Or, précisément, la chute en montagne représente cette situation-limite où plus aucune action n'est envisageable. L'opération de filtrage devient alors sans objet. D'où une double évolution possible. Tantôt l'hébétude, la stupeur complète (certains témoignages vont dans ce sens) ; tantôt, au contraire, le déferlement chaotique des souvenirs, les écluses de la mémoire s'étant ouvertes toutes grandes.
(7) Voir, par exemple, l'article d'O. Pfister :
Schockdenken und Schockphanïasien bel hôchster Todesgefahr (Pensées et fantasmes dans l'état de choc déclenché par un extrême danger de mort), Zeitschrift fur Psychoanalyse XVI, 1930, p. 430-455, qui fait largement référence aux cas présentés par A. Heim.
(8) Chez d'autres auteurs encore ces schèmes se combinent avec diverses hypothèses neurophysiologiques (sécrétion d'endo-morphines, etc.) dont il n'est pas possible de faire état ici.
(9) Ces quelques pages n'ont pas la prétention de résoudre toutes les questions qui pourraient être soulevées à propos de la chute en montagne et des situations de danger extrêmes en général. On n'a même pas épuisé toute la substance des témoignages présentés ici. En particulier, la fin du récit de H. Rebitsch s'avère délicate à interpréter. Il serait certes tentant de voir dans ce récit (unique en son genre à notre connaissance) l'équivalent du « rappel des existences antérieures » dont parlent les anciens traités de Yoga. Mais les choses ne sont pas si simples. Les scènes évoquées ici ne s'enchaînent pas les unes aux autres et ne se présentent pas dans un ordre de succession univoque. Elles ne parlent pas non plus à l'imagination avec la même force. Alors que l'une semble renvoyer à un Moyen Age de convention (pages, hanaps, etc), la deuxième évoque une sorte d'archétype anhistorique ou proto-historique du laboureur et la troisième quelque chose comme les hordes d'Attila ou la cavalerie de Gengis-Khan. Fragments d'une biographie coextensive à l'histoire entière de l'humanité ou simples bribes d'un rêve éveillé induit par la chute ? Le texte est trop allusif et la notion même de « vie antérieure » trop enveloppée d'obscurité pour que nous puissions dès maintenant hasarder une réponse.
Texte paru dans la revue ETRE n°1 (1983) et publié avec son aimable autorisation
(Bulletin Iands 06, Décembre 89)
Source du texte : Iands France
Milarépa fut un des Grands Maîtres spirituels du Tibet, dont le parcours fut atypique. D'abord formé aux pratiques bön pour exercer de la magie noire et venger sa famille à la demande de sa mère, il a recherché l'enseignement bouddhiste auprès d'un très grand maître tibétain, Marpa (1012-1096). Après avoir été mis à l'épreuve par son Maître, ce dernier lui transmit les enseignements, il s'est retiré pour pratiquer la méditation dans la très haute montagne où il a atteint l'Eveil. Il est aussi célèbre pour avoir composé «Les cent mille chants». À la fin de sa vie, il a transmis ses enseignements et eu plusieurs disciples.
Source du texte (et bibliographie détaillée) : wikipedia
Bibliographie :
- Milarépa, Les cent mille chants, 3 tomes, trad. Marie-José Lamothe, Ed. Fayard, 1986
Biographie (voir aussi sous bibliographie) :
Milarepa, ses méfaits, ses épreuves, son illumination, trad. Jacques Bacot, Ed. Fayard, 1971
Vie de Jetsün Milarepa, trad. Lama Kazi Dawa Samdup, Librairie d'Amérique et d'Orient, éditions Adrien-Maisonneuve, Paris, 1955.
Tsang Nyön Heruka, Milarepa, La Vie, trad. Marie-José Lamothe, éditions du Seuil, 1995 Fabrice Midal, la pratique de l'éveil de Tilopa à Trungpa, L'école Kagyu du bouddhisme tibétain, Ed. Points Sagesse, 1997. Philippe Cornu, Dictionnaire encyclopédique du Bouddhisme, Ed. du Seuil, En ligne : des traductions de Janus Vriens sur son site Dans le sillage d'Advayavavra et son blog Hridayavajra :
- Chants de Milarepa, chap.1 : PDF
- Chant de Milarepa, chap. 12, Rencontre entre Milarepa et un berger : PDF
- Chap. 42, Rencontre avec le moine repenti : PDF
- Chant de Milarepa, chap. 44, Rencontre avec des moines : PDF
- Chant des sept choses que l'on oublie : PDF
- Rencontre avec Pa Dampa Sangye : PDF
- Le testament de Milarepa : PDF
Filmographie :
Neten Chokling, Milarepa : tibetan culture
Les sept choses que l'on oublie dans l'égalité foncière (samatā)[1] En atteignant l'égalité foncière (S. samatā) Il est tout naturel d'oublier ses proches et amis Il n'y a pas de mal à ce que soit oublié ce qui est assorti d'attachement En atteignant la connaissance (S. jñāna) suprarationnelle (S. parabuddhi) Il est tout naturel d'oublier les entités (S. bhāva) dualistes Il n'y a pas de mal à ce que soit oublié ce qui est assorti de plaisirs et de peines
En atteignant l'absence de remémoration[2] (S. asmṛti) et la non-perception (S. nirvedanā?) Il est tout naturel d'oublier les expériences spirituelles Il n'y a pas de mal à ce que soit oublié ce qui tantôt croît tantôt décroît
En atteignant les trois corps (S. trikāya) naturellement présents Il est tout naturel d'oublier la phase de création divine Il n'y a pas de mal à ce que soient oubliés des faits (S. dharmā) imaginés
En atteignant le fruit naturellement présent Il est tout naturel d'oublier les fruits de la volonté Il n'y a pas de mal à ce que soient oubliés des faits (dharmā) superficiels
Après avoir cultivé les instructions de la transmission orale Il est tout naturel d'oublier les explications verbales Il n'y a pas de mal à ce que soient oubliés des faits (dharmā) vaniteux
En atteignant le niveau où tout ce qui apparaît se présente comme un livre Il est tout naturel d'oublier les livres imprimés Il n'y a pas de mal à ce que soient oubliés des Dharma encombrants[3]
Après que Milarepa eut dit cela, certains remarquèrent :" Mais jusqu'à ce qu'on atteigne la pleine conscience éveillée, il est quand même déconseillé d'oublier les instructions (S. dharmā) des Entraînements (T. bslab) tant que l'on a des doutes et des égarements (T. gol sa) ? " Milarepa répondit par le chant suivant.
Quand on comprend que la méprise n'est autre que la conscience (S. citta)
Et que l'on est convaincu de l'absence de base (S. āśraya)
Il nous sera désormais impossible de faire des efforts
On est alors très heureux que l'objet ultime (S. pāramārtha) resplendit sans faiblir (T. 'gyur ba med)
Quand on atteint l'objet unique (S. ekārtha) du principe fondamental (S. tathātva) Il nous sera désormais impossible d'adopter ou d'exclure plus aucun fait On est alors très content, l'ignorance métaphysique (S. avidyā) étant éliminée
Quand on atteint le seul objet (S. ekārtha) libre de destruction Il sera désormais impossible qu'espoirs et craintes surgissent dans la conscience On est alors très à l'aise, la méprise s'étant défaite
C'est l'ignorance qui tourne dans les trois univers Avec les instructions orales (S. āmnāya) du guide accompli Les plaisirs sensoriels, quand ils sont libres d'attachement, s'intensifient en beauté (T. rgyan du che)
N'étudiez pas les dénominations fictives (S. prajñapti) des doctes Toutes les théories n'étant que des dharmā rationnels Elles ne sont pas très utiles pour renverser les affections (S. kleśa)
Délaissez (T. skyungs dang) la vanité, grands vénérables La transmission de savoir et la méprise Ont une essence identique au moment de l'atteindre
Ceux qui ont foi, sans abandonner le circuit temporel, Devront rester en l'état naturel sans ne rien créer (T. bcos) à partir des apparences Et ils finiront par atteindre le vaste espace Ils auront alors pour titre (T. bla dwags) "Eveillé"
Toute la congrégation eut foi en ses paroles, ne commit plus l'erreur des vues erronées et développa la vision pure universelle.
Trad. Janus Vriens, source du texte et notes : Hridayavajra / PDF (bilingue)
46.
Sur le mont Bönpo.
Gloire au Maitre !
Tandis que Jetsun Milarepa résidait au Plais du Tulkou, à Tchoubar, l'incomparable Gampopa se préparait à partir pour l'Est après s'être défait de tous ses doute à propos des instructions. C'est alors qu'un déluge se mit à tomber jour et nuit. Le coeur las, quelques disciples s'en trouvèrent affectés. Puis le ciel se dégagea, un chaud soleil réapparut. Aussi, le maître et sept de ses disciples allèrent revivifier leur organisme au sommet du mont Bonpo. Tous en éprouvèrent un grand bonheur. Apercevant les neiges de Tseringma, des Répas qui le la connaissaient pas demandèrent :
- Quelle est cette montagne blanche là-bas ?
Pour leur répondre, Milarepa chanta l'éloge de la Reine du Haut Azur.
A la gorge de la divine Reine du Haut-Azur, Sur la cime rocheuse du mont Bönpo, Huit hommes réunis, à leurs tâches ont renoncé. Vous sentez-vous joyeux mes fils ? Pour votre père, le bonheur est délicieux. En cette communion heureuse de maître et disciples, Le vieil homme que je suis chante une mélodie. Ce vieux chant d'un très vieil homme Symbolise treize vieux signes de bonne fortune. Dewa Kyong et Shiwa Od, mes fils, Venez ici ! Joignez-vous au refrain ! Et vous, Répas, écoutez bien ce chant ! Ou que vous demeuriez ascètes vêtus de coton, Cette montagne enneigée, la connaissez-vous ` Si vous ne la connaissez pas, C'est la déesse de bon augure et de longue vie, Au delà de sa taille, sa haute cime Semble l’offrande d'un coquillage nacré. L'eau à sa gorge forme des collier d'argent. Sur le diadème de ses boucles cristallines, Les rayons du soleil très tôt apparaissent, Et les blanches nuées suspendent leur ornements.
Au dessus de sa taille, sa base Reste toujours ombrée de brumes et de brouillards, Et la bruine sans cesse et doucement tombe. De splendides arcs-en-ciel éclairent les nuages. Là se montrent des signes auspicieux pour les bêtes, Là vagabondent des troupeaux d'antilopes. Sur les pâturages, fleuris de mille essences, Naissent des plantes aux pouvoirs bienfaisants.
Voilà un éloge de la montagne divine. C'est pour moi le meilleur endroit où pratiquer. Vous les anachorètes qui posez des questions, je vous prie de garder ce chant à l'oreille.
Ainsi a-t-il chanté.
Enthousiastes, les Répas demandèrent :
- Quel est le pouvoir de cette divinité du haut de la montagne ? Sa doctrine est-elle noire ou blanche ?
Pour leur répondre, Milarépa chanta :
Avec ses quatre soeurs, la déesse Tséringma Est le premier des douze génies des montagnes, Dakini magicienne de ce monde, Maîtresse de la vallée, de Drin à Tchoubar, Elle parle les langues de Népal et Tibet.
Honorée, la divinité accorde sa protection, Elle assiste les pratiquants de la doctrine, Elle exécute les ordres du yogi que je suis Et agit avant tout pour vous, mes disciples. Par l'alliance profonde du divin et de l'homme, Le Tibet s'engage sur la voie des vertus, Les pouvoirs créateurs naissent pour la lignée de la pratique.
(...)
Extraits de : Milarepa, Les Cent mille chants, tome 3.
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